Le bonheur ultime. Une conversation avec Robert Adams

Traduction libre Robert Adams : Il y a une chose dont je peux vous assurer. Tout va bien ! Tout se déroule comme il faut ! Je peux vous dire qu’il n’y a vraiment rien qui cloche nulle part. Si vous pensez que vous avez un problème ; l’erreur est là : penser que vous […]

Traduction libre

Robert Adams : Il y a une chose dont je peux vous assurer. Tout va bien ! Tout se déroule comme il faut ! Je peux vous dire qu’il n’y a vraiment rien qui cloche nulle part. Si vous pensez que vous avez un problème ; l’erreur est là : penser que vous avez un problème. Lorsque vous arrêterez de penser, tout ira bien !

Q : Tout ne se passe-t-il pas bien pendant que vous pensez ?

R : Bien sûr, mais vous ne le savez pas. Certains d’entre nous ne le pensent pas et disent : « J’ai un problème », ou « Je suis impliqué dans quelque chose que je ne peux pas gérer et qui est plus grand que moi », ou « Quelque chose me fait mal », ou « Je suis en colère ». Mais je peux vous assurer qu’il n’y a rien de mal à cela ! Tout ce que vous avez à faire c’est de vous observer. Dès que votre esprit commence à penser au-dessus de votre nez, attrapez-le – pas votre nez, mais vos pensées. Vous pouvez aussi saisir votre nez si vous voulez [rires]. Attrapez vos pensées avec votre esprit et arrêtez-les par tous les moyens, soit en les observant, soit en pratiquant l’auto-investigation et en vous demandant pour qui elles se produisent. Quoi que vous fassiez, ne vous permettez pas de penser. Si votre esprit ne pense pas, vous serez extrêmement heureux. Vous vivrez un bonheur incomparable.

Certains me demandent : « Robert, pourquoi ne parlez-vous pas, tout le temps, de la plus haute vérité ? » D’autres me demandent de parler de manière qu’ils comprennent de quoi je parle [rires]. Voilà donc le dilemme. Je fais ce que j’ai à faire. Je ne prévois rien. Tout est improvisé. Je ne fais aucune répétition.

Un homme m’a appelé hier pour me dire qu’il pratiquait depuis deux semaines, qu’il avait suivi un séminaire et payé sept cents dollars, et qu’il n’est toujours pas réalisé. Je reçois des appels comme ça tout le temps. Ce que vous me dites détermine la réponse que je vous donne. Mais il y a une réponse standard. Pensez à la question, « Quand vais-je réaliser le soi ? » Avant de répondre à cette question, je demande : « Dites-moi ce que vous entendez par “je” ». Puis je demande : « Qu’entendez-vous par “réalisation de soi” » ? D’habitude, ils se taisent, alors finalement je les questionne : « Pour vous, qui est ce “Je” ? Qui veut se réaliser ? »

Si vous ne pouvez rien faire d’autre, abandonnez-vous à la conscience. Par abandon, j’entends l’abandon de votre ego, de vos problèmes, de vos émotions, de vos peurs, de vos frustrations et de votre colère. Abandonnez tout ça. Demandez à la Conscience de s’occuper d’eux.

Ne vous laissez pas emporter par vos émotions. Arrêtez-vous en plein milieu et regardez. Observez les émotions qui vous gouvernent. Observez vos peurs qui vous contrôlent. Observez votre colère se lever. N’essayez pas de l’arrêter, regardez et observez. Regardez intelligemment et réalisez qui se met en colère. Ce n’est pas vous. Ce n’est même pas votre ego parce qu’il n’y a pas d’ego. Ce n’est pas votre corps parce qu’il n’y a pas de corps. Ce n’est pas votre esprit parce qu’il n’y a pas d’esprit. Alors, qu’est-ce qui vous met en colère ? Rien !

Je parlais de tous ces appels que je reçois. Les gens me demandent aussi ce que je pense de tel ou tel enseignant, de telle ou telle personne, ou pourquoi ne devraient-ils pas aller voir d’autres enseignants ? Je ne sais vraiment pas quoi répondre. Vous devez faire ce que vous avez à faire ; mais je peux vous dire que plus vous consulterez de gens, plus vous deviendrez confus. Je m’en fiche si vous ne revenez plus jamais ici parce que je ne cherche rien.

Si vous trouvez un enseignant pour qui vous semblez avoir une affinité, vous devriez rester dans les parages pendant un certain temps. Si vous courez d’enseignant en enseignant, vous deviendrez totalement confus. Chaque enseignant a sa place. Vous serez attiré par la personne avec qui vous devez être aussi longtemps que nécessaire. Cela dépend de l’endroit où se trouve votre conscience.

Q: Robert, dans toute la littérature spirituelle, il y a des distinctions entre un cheminement graduel et l’illumination instantanée. Je n’arrive pas à m’y retrouver dans tout ce qu’on raconte sur le cheminement par étapes. Ça n’a aucun sens pour moi.

R: Qu’est-ce qui vous échappe ?

Q: Juste l’idée de passer d’une étape à l’autre.

R: C’est pour la personne qui fait des efforts. La vérité, c’est qu’il n’y a rien à traverser. Il semble que certaines personnes, qui ont besoin de comprendre ces choses et de faire des recherches par elles-mêmes, seront aidées par voir d’où elles viennent. Vous n’en avez peut-être pas besoin.

Q: L’état de bonheur dont vous parlez, je ne l’appellerais pas bonheur. L’état semble bien au-dessus du bonheur. Le bonheur est le contraire de la tristesse.

R: Vous avez raison.

Q: La tristesse pourrait même venir dans cet état où vous êtes et ce ne serait que quelque chose qui se passe sans identification.

R: Vous avez raison. Par exemple, je peux pleurer à un enterrement, mais je vois qui pleure. Je peux avoir de la tristesse si je le veux, mais je ne suis jamais vraiment triste.

Q: L’état d’esprit non-identifié, c’est vraiment ce qui s’en rapproche le plus, n’est-ce pas ?

R: C’est vrai. Je cherche des mots pour décrire les choses. Plus important encore, le bonheur total est toujours là. Ce n’est pas le bonheur humain. Pour que la plupart des gens soient heureux, il faut qu’une personne, un lieu ou une chose soit impliqué dans leur bonheur. Dans le vrai bonheur, il n’y a rien d’impliqué. C’est un état naturel. Vous resterez dans cet état pour toujours.

Q: Du point de vue de la pratique, j’ai remarqué que, quel que soit l’état dans lequel je me trouve, le problème est de savoir si je suis prêt à le laisser tomber. Est-il important pour moi de rester dans mon état émotionnel ? La réponse est qu’il n’y a rien que vous puissiez faire de toute façon comme cela va-et-vient.

R: Agissez comme s’il y avait quelque chose que vous pouvez faire, même si vous ne pouvez rien faire. Si vous passiez devant un homme affamé dans la pièce, ne pensez pas qu’il n’y a rien que vous puissiez faire. Donnez-lui un morceau de pain.

Q: Mais dans cet état d’esprit qui surgit, les émotions qui surgissent, les perceptions qui surgissent, il n’y a rien que vous puissiez faire.

R: Sauf observer. Il suffit de regarder. Il suffit d’observer. Une autre chose à considérer est ceci : si vous étiez ici en tant que visiteur, n’ayant qu’une seule rencontre avec moi, et que vous ne me reverriez plus jamais, je vous exposerais la vérité la plus élevée et je partirais. Vous diriez à quel point c’est génial. Mais quand je vous vois deux fois par semaine ou plus, je commence à bien vous connaître, et tout ce que je dis, c’est pour vous aider à grandir parce que c’est ce qu’il vous faut à ce moment-là, puisque je suis régulièrement près de vous. Ramana Maharshi, n’exposait pas tout le temps la vérité absolue aux dévots qui étaient près de lui. Il leur parlait du quotidien, s’enquérant de leur bien-être, de leur santé, de leurs problèmes et leur donnait des conseils pratiques. Il ne leur disait pas : « Rien n’a d’importance parce que rien n’existe. » Ils avaient des problèmes à gérer, alors il leur parlait d’une manière pratique.

Q: Si nous ne voyons pas de progrès en nous-mêmes et que nous nous trouvions continuellement contrariés, nous ne devrions pas laisser cela nous déranger ?

R: Continuez à observer, continuez à regarder, continuez à vous concentrer sur le Soi, et il n’y aura personne pour demander qui est dérangé ou qui ne l’est pas. Vous ne posez une telle question que lorsque votre attention se porte plus sur le dérangement que sur le Soi. Si vous déplacez votre attention sur le Soi, voyez ce qui se passe.

Q: La question est de savoir si c’est graduel.

R: Pour certaines personnes. Cela dépend du temps que vous lui consacrez.

Q: On ne peut pas éliminer nos émotions. Quand je vais travailler parfois, j’y trouve une telle intensité là-bas, où des gens qui s’engueulent, et je me laisse prendre au piège. Bien sûr, je m’en rends compte, généralement après coup, en me demandant : « Est-ce que ça va disparaître graduellement si je demeure en moi, ou est-ce que je m’éveillerai soudainement un jour ? »

R: Le matin, lorsque vous ouvrez les yeux pour la première fois, c’est le moment de travailler sur vous-même. Posez-vous la question : « Qui suis-je ? Comment suis-je arrivé ici ? » Réconciliez-vous avec vous-même. Si vous faites cela au premier réveil, toute la journée sera bonne, sans ces problèmes. Mais n’allez pas directement au travail. Levez-vous une heure plus tôt s’il le faut. Voyez ce que vous êtes et réalisez la vérité. Concentrez-vous sur vous-même. Demandez-vous : « Qui suis-je ? » et attendez. Concentrez-vous sur la source du « Je Suis », ou dites vous : « Je Suis, Je Suis », puis allez travailler. Ensuite, vous verrez des changements. Vous développerez un pouvoir que vous emporterez avec vous tout au long de la journée.

Q: Suivre ce « Je » jusqu’à sa source, trouver le « Je » par l’auto-investigation et y demeurer semble signifier la non-existence, être de nulle part (statelessness).

R: Ne vous inquiétez pas d’être inexistant. Observez simplement le « Je » et observez-le entrer dans le cœur.

Q: Ce n’est donc pas tant en suivant quelque chose… est-ce que ça arrive tout seul ?

R: Ça arrive tout seul.

Q: Quand je contemple « Je Suis », est-ce que cela signifie que je suis déjà le Soi ?

R: Oui, c’est vrai.

Q: Robert, est-ce parce que nous croyons au concept que nous ne sommes pas le Soi que le fait qu’effectivement nous demeurons dans le Soi tout le temps nous échappe. Comme Ramesh Balsekar l’a dit, nous doutons que nous ne sommes pas le Soi, mais la vérité est que nous l’avons toujours été.

R: Exactement. Quand nous ne voyons pas cela, nous passons par tous ces problèmes et jouons à tous ces jeux, jusqu’à ce que nous réalisions que nous sommes le Soi. Alors, c’est tout.

Q: Si nous n’avons pas réalisé le Soi et que nous répétions : « Je Suis ! Je Suis ! », n’est-ce pas semblable à la répétition d’un perroquet ?

R: Ce n’est pas une répétition de perroquet si vous le répété avec votre respiration. Quand vous inspirez, dites « Je ». Quand vous expirez, dites « Suis ». Un changement subtil d’énergie se produit à l’intérieur de l’Être, et vous devenez plus paisible, plus calme, et bientôt vous perdez toute identification avec votre corps et votre esprit. Vous restez alors en tant que « Je Suis ».

Q: Robert, quand nous pratiquons l’auto-investigation, c’est le premier pas pour trouver le « Je ». Quand nous développons le sentiment de résider dans le « Je », il n’y a plus de grand besoin d’investiguer car nous y résidons directement.

R: L’auto-investigation n’a pas de commencement. Si vous pratiquez « Qui suis-je », cela semble simple, mais c’est très puissant. Dites seulement : « Qui suis-je ? », faites une pause, puis répétez : « Qui suis-je ? » Ne répondez jamais à la question. Il suffit de répéter : « Qui suis-je ? » Quelque chose finira par arriver.

Q: Si vous développez le sentiment de résider en soi, vous pouvez observer les états aller et venir, regarder l’identification de l’ego, et alors l’auto-investigation n’est plus nécessaire.

R: Si vous demeurez dans le Soi, il n’y a pas d’ego à regarder – il n’y a que le Soi. Vous observez l’ego avec l’esprit, pas avec le Soi. Si vous demeurez dans le Soi, il n’y a rien d’autre. C’est fini pour vous. Vous êtes cuits. Tout le reste est de l’esprit. Quand je dis demeurez dans le Soi, je veux dire oubliez tout et soyez vous-même. Il n’y a rien d’autre à savoir à ce stade.

Cet article a été publié dans le numéro d’automne de Inner Directions, 1995.