S. Devoldre
Le cerveau et nous

Selon notre expérience, la structure du cerveau peut changer considérablement… Le cerveau peut être altéré par la manière dont nous nous en servons. Alors comment apprendre à s’en servir correctement pour pénétrer plus profondément dans cet ordre impliqué ?

(Revue Être Libre. No 291. Avril-Juin 1982)

Lors d’une émission télévisée, nous avons pu avoir le privilège de bénéficier des dernières découvertes en matière de conception du fonctionnement du cerveau : En effet les invités étaient K. Pribam et D. Bohm, P. Pietch ainsi que les moines de Safuramotobo.

K. Pribam a étudié d’abord le système endocrinien et puis le cerveau et en particulier la localisation de la mémoire dans le cerveau. K. Pribam explique que les cellules du cerveau sont des modules à l’intérieur d’une matrice. Grâce à nos sens on capte une tranche d’univers, une tranche visuelle, auditive…, et ce de façon holographique.

L’holographie est un processus mathématique que l’on pourrait expliquer comme suit : Si l’on se base sur la transformée de Fourier, (mathématicien français) selon laquelle toute structure peut être décomposée en ondes simples de fréquences et d’amplitudes différentes on peut réciproquement reconstruire la structure initiale à partir des différentes ondes simples. De même, en holographie chaque image ou modèle est analysé en ses composantes de fréquences et amplitudes définies sinusoïdalement, captées sur une plaque photographique, éclairée convenablement celle-ci reconstitue le modèle ou la structure initiale.

Et de même, c’est ainsi que fonctionne notre cerveau : pour chaque cellule sensible il y a un « champ réceptif », qui transmet l’analyse en fréquence à notre cortex cérébral et celui-ci reconstruit le modèle initial, selon ce procédé holographique. Il s’agit de se rendre compte que ceci est vraiment un pas historique dans la connaissance de nos processus perceptifs.

Paul Pietch a procédé à des expériences sur le cerveau des salamandres : il a changé l’ordonnance de différentes parties du cerveau et a constaté que cela n’avait aucune importance. Il a dû reconnaître à la suite de cela que la théorie de Pribam était exacte.

En effet, la propriété la plus remarquable du processus holographique est la suivante : Chaque partie de l’hologramme conserve la propriété de reconstruire l’image du tout.

Certains ont pu suggérer un parallèle entre le fonctionnement du cerveau et un computer, puisque l’on stocke les mémoires et que l’on peut ensuite les extraire… mais l’analogie s’arrête là, car dans un computer les informations sont stockées en un lieu bien précis, tandis que dans le cerveau les informations sont holographiques : chaque partie comprend l’information du tout.

Mais c’est à l’attention que K. PRIBAM porte l’essentiel de la recherche à présent (nous y reviendrons).

En ce qui concerne les informations qui sont holographiquement dans le cerveau, il est très important de noter qu’il s’agit d’un ordre bien particulier : un ordre replié : En effet dans le domaine des fréquences, il n’y a ni temps ni espace; ces notions sont incluses, repliées… Lors d’un stimulus, il y a alors déploiement…

Dans l’ordre holographique tout est globalement dans toutes les parties. Pour David Bohm, l’ordre véritable de la réalité est un ordre replié. Replié ou impliqué… et l’ordre peut se déplier, en ce qui par exemple est notre réalité sensorielle de tous les jours.

Bien des gens ont été en contact avec la réalité impliquée et celle-ci ne peut se décrire avec les mots du langage ordinaire !

En illustration de ces propos, Maître Akira Yoshisawa, grand maître de l’Origami, a montré des pliages en papier exécutés après de longues années de patient apprentissage, et combien il est délicat de créer par pliage… il pense que Dieu a créé à partir d’un « pliage ».

D’ailleurs combien de cosmogonies avec leurs rituels, symboles et images ne constituent pas des outils nécessaires au progrès de la pensée !

Si l’on parle avec l’ancienne conception de l’ordre explicite, on dira : Nous sommes des individus avec des cerveaux qui fonctionnent tous différemment.

Si l’on parle avec la conception de l’ordre implicite, on dira : les structures se déplient physiquement et mentalement depuis une matrice commune dans laquelle il n’existe aucune séparation; ainsi, la perception, pour D. Bohm, n’est pas un processus individuel.

La perception est une réponse à une certaine structure d’activité du système nerveux qui en retour répond lui-même au monde extérieur.

Selon notre expérience, la structure du cerveau peut changer considérablement… Le cerveau peut être altéré par la manière dont nous nous en servons. Alors comment apprendre à s’en servir correctement pour pénétrer plus profondément dans cet ordre impliqué ?

C’est là LA SEULE QUESTON DONT LE SORT DE L’HUMANITÉ TOUT ENTIERS DÉPEND, répond D. Bohm. Il note que pour la première fois, une découverte scientifique à la fois en physique quantique, en biologie, en physiologie aussi, admet qu’il existe un ordre qui ressemble à l’ordre spirituel.

Il est bon de rappeler ici que D. Bohm, alors qu’il relatait sa rencontre avec Krishnamurti souligna que ses entretiens avec Krishnamurti lui avaient permis non seulement d’étudier la nature de l’espace et du temps et de l’universel, mais aussi d’examiner le désordre général cause de tant de souffrance. Ce désordre qui est causé parce que nous ignorons la nature du processus même de la pensée.

Pour être conscient de ce processus il nous faut être attentif au courant de la pensée, et méditer, donc mettre de l’ordre, alors le « bruit de fond » disparaît, et dans ce silence nouveau l’extraordinaire se produit : nous percevons l’ordre impliqué, où la vie est considérée comme une tout.

Alors résumons :

1. Pribam prouve que les processus de perception du cerveau sont des processus holographiques

2. Bohm conçoit la totalité de l’univers comme perceptible globalement, pour autant que l’on ait accès à l’ordre impliqué

3. L’holographie est un ordre « impliqué », que nos sens déplient en un ordre « expliqué »

4. Nous pouvons avoir chacun accès à l’ordre impliqué en exerçant nos facultés d’attention et en méditant.

Concluons :

1. Si nous voulons pénétrer dans cet ordre impliqué, ce qui est la seule condition pour que le sort de l’humanité change, il faut commencer par changer nous-mêmes !

2. C’est seulement lorsque nous aurons changé nous-mêmes que les « choses » pourront changer. C’est seulement lorsque nous aurons réalisé le changement en nous, et que par la méditation et par l’attention juste nous aurons réalisé la « mutation » que la civilisation sera mutante;

3. Une civilisation mutante, celle d’un nouvel âge qui se caractérisera par une éducation harmonieuse et équilibrée de nos enfants à qui de vieilles structures mentales ne seront plus transmises, mais qui bénéficieront d’un contexte harmonisant les facultés du cerveau gauche et droit.

Ceci par l’exercice des arts, que ce soit du yoga, de la peinture, et l’attention pour une pleine connaissance de soi.

Une civilisation mutante qui aura dominé ignorance et agressivité et dont la vue juste aura éliminé les causes psychologiques et économiques sous-jacentes aux conflits mondiaux, reflets de nos propres insuffisances personnelles actuelles. Une civilisation où les « choses » seront très différentes, où la médecine redeviendra un art, et où l’art sera la meilleure médecine. Et où tout ne sera possible, que, parce que l’homme se connaîtra lui-même.