Dominique Casterman
Le développement naturel de l'être humain

(Chapitre 17 du livre L’envers de la raison 1989) AVERTISSEMENT 1) Notre propos consiste à essayer de discerner dans le présent, et non dans le passé, le processus fondamental et toujours actuel, qui nous fait voir, interpréter et accueillir les événements d’une manière telle que, souvent, ils déclenchent en nous des troubles psychologiques qui, dans […]

(Chapitre 17 du livre L’envers de la raison 1989)

AVERTISSEMENT

1) Notre propos consiste à essayer de discerner dans le présent, et non dans le passé, le processus fondamental et toujours actuel, qui nous fait voir, interpréter et accueillir les événements d’une manière telle que, souvent, ils déclenchent en nous des troubles psychologiques qui, dans certains cas, peuvent se transformer en traumatismes conscients ou inconscients. Nous pensons que ce ne sont pas tellement les événements eux-mêmes qui traumatisent, mais bien la manière dont nous les recevons et sur laquelle se fondent notre interprétation des faits et notre vécu. Nous évoquons ici des événements quotidiens dans la « fourchette » du supportable pour un être humain ; au-delà nul ne peut présumer de ses capacités d’adaptation et d’acceptation face à l’insupportable que l’humain fait parfois subir à ses semblables, ou quelquefois aussi ce que l’on considère comme la fatalité d’une existence insoutenable.

2) L’influence du milieu est évidemment fondamentale et indélébile quant à ses conséquences dès l’instant où ce milieu influence l’individu dans les premières années de sa vie, à une époque où le mental est encore en voie de formation, c’est-à-dire incomplètement achevé dans la création des contacts synaptiques entre les neurones qui constituent le cerveau. Il est évident que nous faisons ici allusion aux influences négatives qui limitent factuellement l’épanouissement de l’individu; l’accomplissement spirituel de l’être humain que nous proposons dans cet essai inclus une compréhension des mécanismes psychologiques et affectifs acquis par apprentissage dans le milieu où nous avons grandi. « À la naissance, le cerveau des mammifères et de l’homme est encore immature. Bien sûr, il a son nombre de neurones et il ne fera plus qu’en perdre au cours de son existence. Mais ces neurones n’ont pas encore établi entre eux tous leurs contacts synaptiques. Ces synapses vont se créer pendant les premières années chez l’homme, en fonction du nombre et de la variété des stimuli qui proviennent de l’environnement. Plus ces synapses nouvellement créées sont nombreuses, plus les possibilités d’associativité d’un cerveau sont grandes et l’on comprend d’autre part que ces synapses soient indélébiles. La trace qui va accompagner leur création et la mémoire qui sera liée à cette création seront elles-mêmes indélébiles. » (Laborit dans « L’esprit et la science », éd. A. Michel).

3) Rappelons encore qu’il s’agit pour nous de mettre en avant le processus fondamental qui déracine spirituellement l’être humain en l’obligeant à un fonctionnement psychologique inadéquat qui est à l’origine de tous ses troubles. Ce processus fondamental est l’identification à l’ego et à ses contenus : les pensées psychologiques d’identification avec leurs désirs et émotions. Ce processus fondamental n’étant rien d’autre que l’intrusion du passé psychologique dans la réalité du présent. Le remède n’étant rien d’autre que la dissolution de l’ego en tant que passé psychologique entretenu par des pensées et des affects non circonstanciels. Il s’agit de voir ce qui est dans le présent afin d’être libre des réactions du mental égotiste. Face à un système éducatif inadéquat, mais conventionnellement et implicitement admis par tous, nos besoins fondamentaux et nos sentiments essentiels sont trop souvent brimés ou, au contraire, surinvestis ; par réaction le mental développe une stratégie de pensées, de désirs et d’émotions qu’il nous faut satisfaire pour surmonter, autant que possible, l’angoisse face à l’existence.

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Dans le tout premier temps de son existence le nouveau-né n’a évidemment aucune forme d’intelligence abstraite, il est « seulement » capable de perceptions concrètes et purement végétatives comme la faim, la soif, le besoin de chaleur et d’attention… Perceptions qui le font réagir par ses cris et ses pleurs, mais aussi des moments de tranquillité et d’apaisement.

Avec le concours du temps qui passe, l’enfant poursuit son évolution, à ses perceptions essentiellement orientées vers des sensations intérieures se superposent des perceptions tournées vers l’extérieur. Il se perçoit lui-même, il observe son corps, il se voit bouger et, progressivement, l’enfant, qui « croyait » (sentiment inconscient) être le principe moteur de l’univers, être seul à exister au monde, remarque maintenant qu’il y a des choses qui existent en dehors de lui. Selon les circonstances, il prend conscience positivement de l’autre pour autant que celui-ci représente une « rencontre heureuse », et négativement si l’autre est un « contact douloureux » vécu comme un obstacle qu’il va commencer à reconnaître et à s’y opposer vigoureusement.

En fait, le tout jeune enfant refuse systématiquement tout ce qui ne lui est pas directement bénéfique. Il a pris conscience de l’autre, mais simultanément il reste plus ou moins dépendant de l’impression première, bien qu’inconsciente intellectuellement, qu’il avait d’être le « principe moteur » de tout l’univers. De cette dépendance relative résulte l’intolérance excessive de la plupart des enfants et aussi des adultes qui sont parfois incapables de relativiser leur égocentrisme, c’est-à-dire la perception qu’ils ont du monde en fonction du conditionnement de leur structure personnelle incluant l’ego avec ses maints préjugés et une partialité affective souvent idéalisée. À ce stade de développement, l’enfant n’a évidemment encore aucune trace d’intelligence que l’on pourrait qualifier d’impartiale. Il perçoit l’autre, mais il refuse sa différence si celle-ci n’est pas conforme à son « moule » personnel et affectif.

C’est seulement quelques années plus tard qu’une certaine forme d’intelligence impartiale fera son apparition. L’enfant qui a maintenant plus ou moins sept ou huit ans peut donc concevoir, pour employer une formule de Benoit, « un bien différent que celui qu’il conçoit pour lui-même dans sa relation avec le non-moi ». Mais lorsque cette forme d’intelligence apparaît, la perception partiale du moi est déjà fortement établie et alors, inévitablement, les deux systèmes de pensée se contrarient mutuellement. Nous constatons, en effet, qu’il y a des individus chez qui les perceptions de l’abstrait et du général sont très faibles, ces sujets vivent et pensent dans un cadre de vie solidement établi sur des plans matériels et particuliers. Ils ramènent tout à eux-mêmes, à leur partialité égocentrique manifestant prioritairement une volonté de pouvoir temporel. Ce sont finalement et généralement des égoïstes matérialistes.

D’autre part, il y a les individus chez qui les perceptions de l’abstrait et du général sont plus évidentes. Ces sujets, même si leurs pensées prennent parfois des orientations universelles en fonction de l’éternité (une éternité pensée et non vécue), n’en restent pas moins prisonniers du processus du moi dans la durée. Dans une certaine mesure, ils souhaiteraient que leur moi s’universalise, ils voudraient créer un moi universellement reconnu qui, paradoxalement, resterait conscient de lui en tant que distinct. C’est évidemment impossible, comment le moi qui s’affirme dans la durée pourrait s’universaliser dans l’éternité, et qui plus est, dans une conscience distincte de soi.

Nous comprenons donc que la victoire du moi sur le non-moi, absolument et immédiatement, est impossible, alors ces types d’individus, chez qui les perceptions de l’abstrait et du général sont très fortes, essaient de devenir « raisonnables », d’être « bons philosophes », de se plier (sans jamais réellement accepter) aux conditions limitantes de l’existence. Dans cette situation caractéristique, la partie animale et partiale de l’être humain ne peut, consciemment ou non, accepter les conditions limitantes de l’existence, et cela même si la partie abstraite cherche à se l’expliquer raisonnablement. Parfois, chez les êtres dont le moi concret est faible, j’entends par l’expression « moi concret » un moi dont le mode de vie partial et particulier est fortement établi, l’étouffement est mené à bonne fin par l’autre partie, par le moi abstrait qui se veut universel, philosophe et raisonnable. Cet homme parvient à vivre de cette façon parce qu’il recrée mentalement un monde à lui et pour lui au sein duquel il est cette fois l’unique principe moteur. Cet homme refuse l’échec devant le non-moi, et compense ce refus en s’enfonçant de plus en plus dans son monde illusoire soutenu par un ego idéalisé pouvant aller jusqu’à « tirer profit » de sa propre négation intellectuelle en édifiant une fausse humilité.

En d’autres termes, les individus chez qui les perceptions de l’abstrait et du général sont fortes ou prédominantes « possèdent » un moi qui exige une victoire immédiate et absolue sur le non-moi. Cette victoire étant impossible, la partie intellectuelle qui refuse d’envisager l’échec et donc de combattre face contre face avec le non-moi s’oblige à fuir dans un monde fait d’illusions. Pendant un certain temps, notre partie « animale », qui veut combattre le non-moi, peut supporter que le mental agisse de cette façon parce que, provisoirement, il y a dans cette situation une forme de profit affectif qui peut la satisfaire. La partie « animale », dans cette situation précise, se nourrit donc des états affectifs que lui procure l’idéalisation de l’image du moi, et cela, paradoxalement, au détriment de son affirmation sur le plan du concret.

Mais souvent, pour des motifs divers (une grande déception par exemple), la partie « animale » veut reprendre le combat contre le non-moi, l’individu ressent alors une angoisse profonde, en réalité il tremble devant la mort par manque d’unité intérieure. La raison qui est incapable d’aimer justement la partie « animale », de descendre vers elle, l’insécurise dans son existence propre et cela par un abandon au profit d’une image intérieure qui constitue la structure essentielle de l’illusion et la force mentale de l’ego emporté par ses pensées, ses désirs et ses émotions.

Écoutons le docteur H. Benoit dans un extrait de son étude magistrale sur la pensée Zen.

« L’angoisse est donc un phénomène en deux temps, et il est capital de voir ces deux temps en lesquels elle se décompose. C’est la « tête » la « raison », l’« ange », qui commence; la tête feint d’ignorer l’existence du dangereux non-moi et s’évade dans ses rêves; agissant ainsi elle affirme implicitement le non-moi dans la réalité pratique, c’est-à-dire qu’elle passe en fait au camp de l’ennemi. Puis la partie animale, la « bête », s’affole de peur, non d’une peur relative devant l’échec relatif qui se propose, mais d’une peur totale devant le danger total de mort que représente le non-moi pour un moi que la défection de la tête rend impuissant. Dans ce qu’on appelle incorrectement « peur de l’échec », il y a donc deux éléments distincts: un refus intellectuel de l’échec, et une angoisse affective non pas de l’échec mais de la mort. »

« La croyance erronée impliquée dans la « peur de l’échec » explique comment se boucle le cercle vicieux de l’angoisse. Notre sujet ne se rend pas compte qu’il tremble devant la mort et qu’il le fait parce que sa tête abandonne son organisme devant le menaçant non-moi général. Il croit qu’il tremble devant tel aspect négatif concret du monde extérieur (qui peut être très peu de chose en fait, la mauvaise opinion de Mr. X … par exemple). Voyant cet aspect concret du monde comme un spectre de mort, de destruction totale (puisque c’est la mort qui est en réalité redoutée), il voit cet aspect du monde comme une totale « réalité » négative, comme un « absolu négatif », et par conséquent comme indestructible. Et cette vision de l’obstacle du monde comme indestructible et absolu renforce évidemment, dans la partie abstraite, son refus d’envisager la lutte. Le cercle vicieux se boucle ainsi. » (H. Benoit)

Notons que toutes ces séparations entre « partie animale », « moi abstrait » et « homme réalisé » n’ont pas d’existence en soi, elles n’existent que relativement à un essai théorique d’explication de la condition humaine. La seule chose que nous puissions dire c’est que, d’un certain point de vue psychologique, les individus qui possèdent une « partie animale » forte et aussi une « partie abstraite » forte vivent explicitement, dans leur quotidien et leur conscience, la dualité corps-esprit. Cette prise de conscience fondamentale peut être pour certains d’entre nous, l’éveil à une nouvelle réalité, à la conscience diffuse de la complémentarité entre le corps et l’esprit, la raison et l’affectivité. C’est en fait le commencement de l’aventure intérieure à la recherche de l’unité humaine, au-delà de toutes les conceptions mentales.

Donnons une fois encore la parole à H. Benoit.

« … L’angoisse est le lot fatal des êtres qui sont, en un sens, les meilleurs, les plus riches, chez qui la partie abstraite impartiale est très forte et la partie animale partiale est très forte aussi. Ne connaîtront pas l’angoisse au contraire : d’une part les êtres dont la partie abstraite est faible et qui vivront dans un confortable égoïsme (« matérialiste »); d’autre part les êtres dont la partie animale est faible et qui vivront dans un confortable renoncement altruiste (« spiritualiste »).

« Chez les premiers, le « non » l’emporte en fait, chez les seconds le « oui » l’emporte en fait; dans les deux cas, la balance a oscillé d’un côté ou de l’autre et s’est immobilisée. Mais le malheureux homme dont les deux parties sont fortes, est déchiré intimement par les tiraillements d’un « oui » ou d’un « non » non conciliés. Cet homme est malheureux et en même temps il est appelé à la réalisation totale que représente la conciliation du « oui » et du « non »; les autres sont confortables mais ne sont pas appelés à cette réalisation. » (H. Benoit)

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Certains scientifiques émettent l’hypothèse que l’évolution des organismes vivants serait liée à une sorte de retour en arrière de la vie qui veut partir dans une nouvelle direction pour aboutir à des changements radicaux. C’est ce qu’ils appellent le phénomène de la paedomorphose par opposition à la gérontomorphose qui est la modification d’organismes adultes, modification toujours orientée dans la même direction spécialisée et qui aboutit généralement à une impasse.

« La principale cause de stagnation et d’extinction est l’ultra spécialisation. Prenons l’exemple de cette charmante et pathétique créature que l’on nomme Koala dont la spécialité est de se nourrir des feuilles d’une certaine variété d’eucalyptus et rien d’autre, et qui, en guise de doigts, a des crochets admirablement faits pour s’agripper à l’écorce et à rien d’autre… »

« … Toutes les lignées des reptiles ont abouti à des impasses, sauf deux: l’une qui s’est transformée en oiseaux, l’autre qui est devenue mammifères. Du tronc des oiseaux, toutes les lignées ont fini en cul-de-sac, et tous les mammifères aussi, sauf un, celui qui est devenu l’homme… »

« … En gros, le phénomène de paedomorphose indique qu’en certaines circonstances, l’évolution peut revenir en arrière, pour ainsi dire, refaire le chemin qui l’avait conduite à une impasse et repartir dans une direction plus prometteuse. Ce qui est capital ici c’est l’apparition, au stade larvaire ou embryonnaire de l’ancêtre, d’une nouveauté évolutionnaire utile, nouveauté qui peut disparaître avant que l’ancêtre devienne adulte mais qui reparaît et se conserve au stade adulte du descendant… »

« … Une race peut rajeunir en expulsant de la fin de leur ontogenèse le stade adulte de ses individus, et elle peut alors rayonner dans tous les sens …, jusqu’au retour de la sénescence raciale due à la gérontomorphose (pour ces quatre dernières lignes, Gavin de Beer cité par Koestler). Le « rajeunissement » de la race donne aux changements d’évolution l’occasion d’opérer sur les phases enfantines et malléables de l’ontogenèse… Par contraste, la « gérontomorphose », selon le mot de de Beer, est la modification de structures adultes déjà hautement spécialisées. La distinction est capitale, car la gérontomorphose ne peut aboutir à des changements radicaux ni à de nouveaux départs; elle ne peut que faire avancer dans la même direction une lignée déjà spécialisée généralement pour l’amener à une impasse … »

« … Il semble que ce retour en arrière de la vie qui veut fuir les impasses du labyrinthe se soit répété à chaque tournant décisif de l’évolution … Le cas le plus fréquent de paedomorphose est l’évolution de notre espèce. On reconnaît généralement aujourd’hui que l’homme adulte ressemble plus à un embryon de singe qu’à un singe adulte… L’essence du processus est une retraite qui part de formes adultes spécialisées de structure et de comportement, pour aller vers un stade plus ancien ou plus primitif mais plus malléable aussi et moins engagé – retraite suivie d’une avance soudaine dans une nouvelle direction. C’est comme si momentanément le flot de la vie remontait son cours, puis s’ouvrait un nouveau lit. » (A. Koestler)

L’évolution spirituelle de l’être humain est selon nous liée à un processus analogue qui seul peut nous faire prendre un nouveau départ; nous devons passer par une sorte de « paedomorphose mentale », de retour en arrière pour défaire nos constructions illusoires qui nous ont conduits à une impasse sans issue; c’est le « lâcher prise », le moi en tant que distinct s’estompe pour que puisse s’actualiser en nous un changement radical qui nous fait prendre un nouveau départ dans une direction complètement inattendue. C’est un retour à nos besoins fondamentaux et à nos sentiments essentiels stimulés par la vision de ce qui est dans l’instant présent. En attendant, nous subissons très souvent l’équivalent d’une « gérontomorphose mentale » qui ne peut aboutir ni à des changements radicaux ni à des nouveaux départs; toujours et inexorablement nous avançons dans la même direction, nous sommes l’esclave de l’habitude dont la pensée et le comportement suivent d’immuables ornières; nous ne sommes pas « celui qui est », mais nous sommes « celui qui devient » dans la rigidité ultraspécialisée du processus égotiste de l’ego qui s’approprie (par la pensée psychologique d’identification, avec ses désirs et émotions) nos besoins et nos sentiments fondamentaux (brimés ou surinvestis par une éducation conformiste) formant les caractères spécifiques de l’unicité humaine. La stagnation et l’habitude sont les ennemis du renouveau, donc de la vie elle-même, c’est contre elles que nous devons nous « battre » si nous désirons réellement évoluer dans une direction nouvelle. Sans quoi nous restons prisonniers de l’habitude de considérer la réalité uniquement selon nos préjugés, nos désirs et nos émotions ; et il devient alors impossible de tourner notre attention vers l’intérieur, vers l’Esprit universel d’où émane, en premier, nos besoins essentiels et nos sentiments les plus profonds en vue d’agir selon notre unicité individuelle au-delà de l’illusion d’être un moi séparé ; et de faire battre retraite à cette habitude de nous laisser emporter par nos pensées superficielles, par nos désirs dissociés de nos besoins fondamentaux et par nos émotions détachées de nos sentiments essentiels. L’être humain à ceci de particulier, il a une raison virtuellement douée pour fonctionner indépendamment du « confortable égoïsme du matérialiste », du « confortable renoncement altruiste du spiritualiste » et du « confortable conformisme social », c’est le discernement philosophique, ou aussi l’intelligence indépendante. Cette « raison indépendante » ouvre notre intelligence à la « vision de ce qui est » en nous et tout autour de nous. Par-là, nous sommes conformes à nos besoins tout en étant attentif à notre ressenti ainsi qu’à la présence de la réalité telle qu’elle est dans sa relative dualité. Graduellement nous « consommons » la dualité moi/non-moi et nous progressons vers l’Unité sans jamais l’atteindre véritablement, car celle-ci est un état intégral que nous pouvons seulement « intuitionner » en permettant à notre « moi » de parcourir, sans à-coups, le « non-moi ». D’instant en instant, je ne peux pas être un autre que moi, mais je peux, par l’exercice de l’intelligence indépendante, dépassionner mes besoins et mes sentiments en voyant que les nécessités qui m’habitent ne s’harmonisent pas avec les nécessités de la réalité relative qui m’entoure à une période donnée. Ce n’est pas une attitude défaitiste ! Il s’agit d’utiliser, par le discernement, la dualité pour ressentir l’Unité car, à vrai dire, il n’y a pas d’autres moyens puisque exister implique la dualité, donc « moi » et « non-moi » différents, mais non séparés dans la vision de ce qui est.