Marie-Magdeleine Davy
Le face à face avec la mort, avec dieu

La grâce de l’Inde sera pour Henri Le Saux de pouvoir accomplir une descente dans le soi au sortir d’un long et douloureux cheminement. Le péril qu’il devra traverser — tel le rapide d’un torrent — consistera à remettre en question son adhésion au christianisme. La séduction de l’Inde fera trembler sa foi. Epreuves qui lui permettront d’acquérir une nouvelle structure tout en demeurant chrétien. Il ira se recueillir aux sources du Gange avant de pouvoir plonger dans les eaux vives du dedans. Il cherchera autour de lui et demandera des conseils — par exemple au sage Gnânânanda— jusqu’au jour où il deviendra capable de percevoir en lui-même, dans son propre mystère, la voix qui désormais guidera ses pas.

(Revue Aurores. No 41. Mars 1984)

Il faut risquer mainte aventure,

avant d’atteindre…

la pure essence de l’Amour.

Hadewijch (Poèmes)

D’origine bretonne moine bénédictin à l’abbaye de Kergonan, Henri Le Saux (1910-1973) débarqua en Inde en 1948. Ayant retrouvé le père Monchanin, il fonda avec lui l’ashram du Shantivanam dont il se dégagera peu à peu. Venu en Inde pour faire connaître le christianisme, il comprendra très vite que la grâce de l’Inde allait remettre en question tout ce qu’il avait pu précédemment apprendre et retenir. Ses options elles-mêmes furent ébranlées. Ainsi il subira une mutation totale. Véritable séisme qui l’obligera —non sans souffrance—à vaincre maints obstacles dont il n’avait pas su discerner auparavant le caractère illusoire. Son long séjour en Inde apparaît comparable à un voyage qu’il dût accomplir non seulement dans des lieux extérieurs mais en lui-même. Les endroits qu’il visita et que parfois il choisit pour de brefs ou longs séjours s’avérèrent des symboles de ce qui s’accomplissait au-dedans de lui-même. A l’égard de ce moine chrétien ayant revêtu la robe du sannyâsî, on peut parler d’exode, d’une traversée du désert intérieur.

LE ROLE DE L’EXODE

Dans l’Ancien Testament, l’exode remplit un rôle essentiel avec Abraham et le peuple d’Israël traversant le désert en s’orientant vers la Terre Promise. L’incarnation du Christ dans le Nouveau Testament est aussi un exil comportant une venue dans le monde et un retour vers le Père. Quant au monachisme, il a toujours été considéré comme une forme d’exode, de pérégrination en dehors de sa famille, de sa patrie et de soi-même. Le moine est un nomade, un «nomade de Dieu». Il dresse sa tente durant son parcours terrestre, mais sa véritable demeure est ailleurs. Tout chercheur d’Absolu est un homo viator. En effet, s’orienter vers la vie céleste, tout en poursuivant une existence terrestre, désigne le voyage conduisant du vieil homme à l’homme nouveau. Ainsi la pérégrination allant de l’extériorité à l’intériorité constitue une périlleuse aventure. Celle-ci apparaît semblable à un pèlerinage concernant des lieux saints. Toutefois le mouvement de l’âme l’emporte sur celui du corps. Les péripéties liées aux traversées des lieux géographiques se révèlent moins difficiles que l’itinéraire poursuivi par l’âme afin de pouvoir trouver le trésor intérieur. Le royaume est au-dedans, enseigne le Christ, et la découverte du «fond» —suivant l’expression de Maître Eckhart — présente au cours de sa démarche de très nombreux pièges.

La grâce de l’Inde sera pour Henri Le Saux de pouvoir accomplir une descente dans le soi au sortir d’un long et douloureux cheminement. Le péril qu’il devra traverser — tel le rapide d’un torrent — consistera à remettre en question son adhésion au christianisme. La séduction de l’Inde fera trembler sa foi. Epreuves qui lui permettront d’acquérir une nouvelle structure tout en demeurant chrétien. Il ira se recueillir aux sources du Gange avant de pouvoir plonger dans les eaux vives du dedans. Il cherchera autour de lui et demandera des conseils — par exemple au sage Gnânânanda— jusqu’au jour où il deviendra capable de percevoir en lui-même, dans son propre mystère, la voix qui désormais guidera ses pas.

UN AMANT DE LA SOLITUDE

Au cours de son exode, Henri Le Saux ne portera pas seulement la robe du sannyâsî, il pourra en acquérir l’esprit. Les incidents de son parcours — auxquels il a pu donner de l’importance — s’effacent. Les voix de la création et de l’histoire se taisent tandis que les illusions qui se tissaient comme autant de voiles disparaissent lentement devant son regard ébloui. Durant son périple, Henri Le Saux a chanté la montagne d’Arunâchala, il a loué la solitude et le silence. Fidèle au christianisme, il a célébré quotidiennement le mystère du Christ. Séduit par la découverte de l’Inde et de ses Ecritures sacrées, il témoignera de l’approfondissement d’une connaissance qui se fait révélante. Peu à peu une décantation va s’opérer dans tout son être. En découvrant le Soi véritable, il comprend que peu importe le lieu et le mode d’existence dans lesquels la vie du moine se déroule. Le voici capable de saisir la transcendance de l’état des sannyâsa. «Pour le sage… qui sait «qui» il est — il n’y a plus finalement ni ville ni forêt, ni vêtement ni non-vêtement, ni faire ni non-faire. Il vit dans la liberté de l’Esprit».

Cette liberté, Henri Le Saux l’aura conquise peu à peu en parcourant une partie de l’Inde ou en devenant solitaire et muet, recherchant les conditions favorables à l’éclosion du Soi. Il les pense non seulement nécessaires, mais indispensables pour le développement de sa vocation propre. Il séjournera à Arunâchala et aux pieds des Himâlayas. Dans cette démarche, accomplie en terre indienne, il est parfaitement fidèle à la double tradition à laquelle il appartient. Le sannyâsî renonce au monde, il s’éloigne des hommes et de leur bavardage tout en sachant que le déroulement des pensées qui envahit le mental est plus pernicieux que la communication extérieure. Le monde étant dans l’homme, les combats livrés à l’intérieur apparaissent d’une violence extrême. Luttes subtiles que décrivent les Sentences des Pères du Désert et qu’ignorent ceux qui n’ont pas fait l’expérience du profond silence. Par ailleurs, l’érémitisme a toujours fait partie de la tradition bénédictine. Le passage du coenobiurn à l’existence solitaire est le plus souvent présenté comme le résultat d’une démarche progressive. Par prudence, le moine doit s’exercer à vivre avec ses frères, avant d’affronter la solitude. Ainsi le séjour d’Henri Le Saux à Kergonan a pu le préparer à l’érémitisme. Celui-ci sera réalisé de temps à autre et pas nécessairement d’une façon continue.

Tout en étant un véritable amant de la solitude, Henri Le Saux éprouve la nécessité de s’exprimer par la parole et plus encore par l’écriture. Il dira: «Nul n’a reçu que pour en faire part à ses frères». Dans «le grand sacrement de l’Univers et de l’Humanité, chaque homme qu’il croise et chaque être qu’il frôle» devient «son Passeur», celui qui permet d’aller d’une rive à l’autre, du dehors au dedans, du terrestre au céleste. Cependant, faute de pouvoir communiquer les secrets qu’il découvre au sein de la dimension de profondeur dans laquelle il se meut, il se confie à son «Journal». La lecture de ce texte est significative. L’auteur expose sa souffrance, son déchirement, on pourrait même dire sa tragédie.

En Inde, le moine bénédictin devenu sannyâsî a pu rencontrer deux sages, Ramana Maharshi et Gnânânanda, il a vu vivre des solitaires. Lecteur assidu des textes sacrés de l’Inde et en particulier des Upanishads, il a été conquis par une spiritualité qui remet tout d’abord en question son adhésion au christianisme avant de l’entraîner dans un au-delà des formes.

Les voies —qu’elles soient chrétienne ou indienne— appartiennent à la manifestation. Il est normal qu’elles soient vécues d’une façon plus ou moins caricaturale. Il ne s’agit pas de les rejeter mais de les situer à travers l’histoire et les déformations provoquées par les hommes qui tentent de les réaliser. La parfaite metanoïa (conversion) exigerait non plus de s’embourber mais de prendre sa sève dans le céleste en transfigurant le monde de la manifestation. Un tel mouvement ne peut s’accomplir qu’en solitude.

«Mais l’autre rive, il faut l’atteindre seul,

nu de la nudité de la pierre,

nu de la nudité du verre,

nu de la nudité de soi».

Initiation à la spiritualité des Upanishads.

LA RECOUVERTE DU GRAAL

Avec son disciple Marc Chaduc, Henri Le Saux visite un temple dédié à Shiva et s’y recueille. Le gardien étant absent les deux moines y prolongent leur séjour. Leur attention est retenue par la présence d’une «linga» (symbole de Shiva créateur et destructeur). Animé par l’Esprit Saint, le guru reçoit une grâce de lumière qui devient visible pour celui qui l’accompagne. Grégoire Palamas a fait allusion à la nature divine qui est à la fois imparticipable et participable. «L’illumination … déifiante n’est pas l’essence, mais l’énergie de Dieu». Dans cette lumière éblouissante, Henri Le Saux et Marc Chaduc vont pouvoir atteindre un sommet dont il est difficile de revenir sans dommage. C’est au lendemain de cette expérience abyssale qu’Henri Le Saux aura un incident cardiaque accompagné d’une extraordinaire félicité. Sorte de ravissement mystique qui lui permettra de s’écrier: «J’ai découvert le Graal ! Et le Graal n’est ni loin ni près, il est hors de tous lieux… l’envol, l’Eveil… et la quête est consommée».

Que signifie le Graal ? Dans «La quête du Graal» la réponse apparaît formulée par un prud’homme rapportant au roi et aux chevaliers de la Table Ronde les propos de l’ermite Nascien: «Cette quête n’est point quête de choses terrestres, mais doit être la recherche des grands secrets de Notre Seigneur et des mystères dont le Haut Maître… découvrira les merveilles… et fera voir ce que cœur mortel ne pourrait penser, ni langue d’homme terrestre prononcer»;édition établie par Albert Béguin et Yves Bonnefoy, Seuil 1965.

Concernant le dévoilement des secrets, le Graal unit les deux voies de la connaissance et de l’amour. Et devant le festin les chemins d’accès s’effacent. C’est ainsi que la démarche d’Henri Le Saux rejoint celle exposée par une béguine du XIIIe siècle nommée Hadewijch. Entre ces deux démarches des correspondances écrira:

«Qui veut goûter cet Amour véritable, dans la quête ou la découverte

ne doit suivre ni voie ni sentier.

Errant … au-delà

des vaines consolations, des peines, des tourments,

hors des chemins de la pensée humaine. … Lorsque l’âme arrive à cette liberté… elle n’épargne ni vie ni mort.»

J.B.M.P. Hadewijch,

Lettres spirituelles, Genève 1972

«C’EST LA JOIE QUI M’A TUÉ»

La quête de l’Absolu donne accès à la suprême liberté. Mais comment maintenir son existence dans la plénitude d’une connaissance jumelée à l’Amour?

Auparavant le moine bénédictin devenu sannyâsî avait éprouvé des orages, des déluges. Il était passé par le creuset des doutes, des angoisses, de l’inquiétude. Autant de tempêtes qui l’avaient secoué aussi bien à l’extérieur qu’au-dedans. Ascèse purificatrice dont les effets s’avérèrent plus denses que les mortifications en usages dans les monastères.

Sa quête de l’advaïta (non-dualité) est maintenant consommée. Unifié, ayant fait l’extérieur comme l’intérieur, souverainement libre de la liberté des enfants de Dieu, il lui devient impossible de supporter la joie qui l’étreint, la jubilation qui fait éclater d’allégresse son cœur. Et cela d’autant plus que son disciple Marc Chaduc devenu aussi doublement moine (moine occidental et sannyâsî) a pu recevoir son enseignement. Henri Le Saux lui a transmis son expérience… et maintenant il s’efface. Il quittera le monde des formes le 7 décembre 1973 à Indore.

Auparavant il avait pu écrire: «C’est la joie qui m’a tué». «Je le connais ce grand Purusha couleur de soleil, l’au-delà de la ténèbre. Quiconque le connaît va au-delà de la mort. Il n’y a pas d’autre chemin que celui-là.»

La mort physique ne saurait clore la vie du sage, «du chevelu qui — selon les Upanishads — chevauche le vent.» Dans le temple, avant de quitter son disciple pour aller passer quelques heures à Rishikesh, Henri Le Saux lui avait murmuré: «Je m’en vais, mais je demeure ici, je ne te quitte pas.»

De telles paroles s’adressent à tous ceux qui, sans éprouver le moindre désir d’imiter Henri Le Saux, savent que la voie du renonçant, du véritable muni, se situe au-delà des sentiers tracés. Il n’est pas nécessaire d’aller en Inde pour découvrir le Graal. L’homme porte en lui tout l’univers. Et le véritable voyage s’accomplit dans le dépaysement lorsque l’homme s’éveille au-dedans, en consentant aux bouleversements qu’entraîne une telle aventure.

Le suprême éveil est d’ordre universel. C’est pourquoi l’éveil d’Henri Le Saux s’accomplit au-delà «du mythe indien et du mythe chrétien». «Réveillé, je me trouve en Toi», écrira-t-il en citant l’Introït de Pâques.

«Je n’ai qu’un message —avait déclaré Henri Le Saux — celui que Jésus et tous les voyants ont enseigné: le face à face avec la mort, avec Dieu.» On pourrait préciser avec Eckhart: «le face à face avec la Déité.»

Une telle expérience coïncide avec une totale solitude; c’est ainsi qu’Henri Le Saux pourra dire:

«Laissé des hommes et laissé de Dieu

seul avec soi,

Seul, infiniment seul.

Là il découvrit la solitude du Seul, et la solitude de l’Erre,

et la joie d’être, et la paix…

et la liberté.

Il s’éveilla: il n’était plus d’abîme … Il n’était plus de rives».

Henri Le Saux se situe dans la ligne d’Eckhart. L’un et l’autre ont eu l’audace —chacun à sa manière— de quitter la conscience commune. En lisant l’œuvre de ce moine contemporain, certains le diront bouddhiste, d’autres comprendront qu’il est demeuré chrétien. En fait il apparaît comparable à celui qui, ayant atteint le sommet d’une montagne, peut en contempler librement les deux versants. Peut-être celui qui en a fait l’ascension n’est-il pas tenté de voir ces versants car il est retenu par une autre vision issue d’un parfait abandon de lui-même. Un tel renoncement fait rouler sur ses gonds la porte de l’éternité et donne accès à un monde auparavant invisible.

Marie-Madeleine Davy

BIBLIOGRAPHIE

Parmi les nombreux ouvrages d’Henri Le Saux:

Gnânânanda, Un maître spirituel du pays Tamoul, Présence 1970;

Eveil à soi, Eveil à Dieu Centurion 1971;

Souvenirs d’Arunâchala, Epi 1978;

Initiation à la spiritualité des Upanishads «Vers l’Autre Rive», Présence 1979;

Intériorité et Révélation, essais théologiques, Présence 1981.

Sur Henri Le Saux :

«Les Yeux de Lumière, écrits spirituels rassemblés par les pères Lemariée et Gozier, Centurion 1979;

M.-M. Davy, Henri Le Saux, Le Passeur entre deux rives», Cerf 1981;

Un film consacré à Henri Le Saux (swami Abhishiktananda), par Patrice Chagnard et son équipe: est un enchantement tant par la qualité des images, que par le choix des textes retenus à travers l’œuvre d’Henri Le Saux. Tout se déroulait dans un souci d’exactitude retraçant avec respect et discrétion les étapes d’un homme séduit par l’Absolu.

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Initiation à la spiritualité des Upanishads. Vers l’autre rive Henri Le Saux (Swami Abhishiktananda) Edition Présence, coll. Le Soleil dans le cœur », Paris, 1979, 252 pages.

(Revue Question De. No 29. Mars-Avril 1979)

Henri Le Saux (mort en 1973), d’origine bretonne, moine bénédictin à l’abbaye de Kergonan, ami de Jules Monchanin, a passé quatorze ans en Inde où il a vécu comme un sannyâsi hindou, c’est-à-dire en moine errant. Sa rencontre avec Ramana Maharshi qui vivait au pied de la montagne d’Arunâchala, la montagne elle-même qu’Henri Le Saux considérait comme un haut lieu, déterminèrent la vocation de ce moine chrétien qui tout- en demeurant fidèle au christianisme devint moine hindou. Il dira : « Arunâchala est pour moi un lieu de naissance ». Après avoir fait un pèlerinage aux sources du Gange, il écrit : « Les Himalayas m’ont conquis. »

Ayant étudié le sanscrit avant de quitter la France, Henri Le Saux possède une parfaite connaissance de cette langue, et les Upanishads deviennent sa lecture quotidienne comme la Bible. C’est à travers elles qu’ayant fait l’expérience de la non-dualité il peut parler de son « engouffrement en l’expérience upanishadique ».

Henri Le Saux va passer par une sorte de Nuit initiatrice durant laquelle il souffrira une véritable agonie. Son intelligence « moulée en scolastique », par sa formation religieuse, va éprouver une profonde angoisse devant le problème que pose l’expérience hindoue à la théologie chrétienne. Il n’échappera à ce pénible malaise que par une parfaite purification qui lui donnera accès à une connaissance du Soi rarement atteinte dans une telle plénitude de profondeur. Pour lui, l’homme ne se réalise qu’en se « perdant » et ne se libère que dans la mesure d’un constant dépassement. D’où la nécessité de vivre dans l’instant sans pour autant s’accrocher à ce qu’il comporte de fugitif.

Le dépouillement se présente comme l’unique voie conduisant à l’unité située au-delà des oppositions et contradictions qui emprisonnent et voilent. La discipline spirituelle, l’ascèse, la pratique de la méditation, de la concentration, de la répétition déterminent peu à peu une disponibilité à l’Esprit. Il s’agit ici d’une préparation et non d’un but. Celui-ci ne peut s’atteindre que par une constante purification des pensées, de l’attachement aux signes et aux concepts qui forment autant de barrages difficiles à franchir. Les différentes techniques constituent des aides temporaires, elles symbolisent le « radeau » qu’il convient d’abandonner dès que « l’autre rive » a été atteinte. « Mantras et japa lentement se simplifient et finissent même par disparaître. Il ne reste que le OM… et le OM prononcé s’immerge dans le OM qui est pur silence. »

Quand l’homme à la recherche de la libération est en capacité de saisir l’importance du silence intérieur, peu importe le mode des choix antérieurs à son éveil. Moine ou laïc, marié ou célibataire, chargé de responsabilité ou oisif il peut se fixer dans son fond secret, libre des divers attachements qui auparavant l’engluaient. Les « nœuds du cœur » déliés, son amour devient universel et la béatitude éprouvée naît de son expérience de l’Unité : « Qui est sans « mien » ni « moi » arrive au repos », affirme la Bhagavad Gîta. L’homme libéré « chevauche le vent » ; vêtu d’espace il est comparable à l’oiseau qui ne se soucie pas d’engranger. Dans son ouvrage consacré aux Upanishads, à l’intériorité, au sannyâsa donnant accès à « l’autre rive », Dom Le Saux décrit sa propre expérience. Celle-ci lui a permis d’atteindre l’illumination. C’est à elle qu’un tel récit convie chaque lecteur.

M.-M. Davy