(Revue Epignôsis. No I, 2ème cahier. Juin 1983)
« Au bout de sept cents ans reverdira le laurier ». Ainsi prophétisait, en 1322, Guillaume Bélibaste, avant de monter sur le dernier bûcher de l’Inquisition et de rejoindre par la Porte du Feu ses frères en la Foi Cathare.
Il est de fait que, depuis quelques décennies, nombre de travaux sont publiés qui ramènent dans le présent de notre siècle le souvenir de la Gnose chrétienne médiévale.
Même nuancée de telle ou telle sensibilité, l’Histoire ne prête guère à de profondes controverses. Elle nous montre l’accueil fait par les Languedociens du XIIe siècle à l’enseignement d’un Christianisme demeuré pur et riche de son contenu ésotérique, enseignement apporté par des missionnaires Bogomiles, eux-mêmes héritiers des Manichéens et, avant même la venue de Jésus, du Mazdéisme et de l’Orphisme.
L’Histoire nous montre que Rome, en ces temps comme en d’autres, accepta peu le dialogue et encore moins le partage. Elle nous rappelle que les rois savent trouver, pour envoyer leurs vassaux en conquête, de pieux prétextes. Et l’Histoire nous montre enfin comment, en quarante années de guerre et un siècle d’Inquisition, fut immolé le Christianisme Cathare sur l’autel de la puissance temporelle de Rome, et fut réuni à la Couronne — c’est-à-dire colonisé — le Languedoc, support de l »‘Hérésie ».
La philosophie du Catharisme donne lieu à bien des exégèses, oubliant pour la plupart l’essentiel, c’est-à-dire l’objet et les modalités de la « Quête », pour retenir les arguments d’une raison pure bien incapable de tout saisir en son jeu dialectique.
L’accent est mis sur la filiation avec tel ou tel courant de pensée, par quoi Orient et Occident tendent l’un vers l’autre un pont édifié par le Christ lors de son incarnation en l’Homme Jésus. Grand, intérêt est pris pour le « dualisme » innocentant Dieu du mal, mais limitant sa toute-puissance; dualisme que professaient les Revêtus Cathares avec des différences valant plus que nuances. Et, dans ce domaine de la philosophie, peu de nos penseurs actuels semblent capables de comprendre que des centaines d’hommes, ayant suivi le cheminement d’initiations affinées par une ascèse sans faille, parviennent, avant de choisir la Porte du Feu, à un niveau de conscience éveillée laissant loin derrière la philosophie intellectuelle.
Ainsi, sur ce sujet, sommes-nous invités à méditer par nous-mêmes. Ce qui est un bien.
Mais le Catharisme nous revient par d’autres voies encore: les chants des troubadours, messages codés où transparait la « Quête »; des contes et légendes qui, pour nous entrebâiller les portes secrètes du Catharisme, valent bien les traités officiels, ceux de Bartholomé ou de Jean de Lugio.
Parmi ces traditions, mythes dérobant aux intellects non encore suffisamment éveillés certaines vérités essentielles, il en est une qui, plus que toute autre, fascine nombre de chercheurs et possède l’étrange pouvoir de les guider bien au-delà de l’objectif premier de leur enquête.
Cette tradition appartient à l’héritage de la Chrétienté dans son ensemble, mais son rameau occitan la rattache tout particulièrement au Catharisme médiéval. C’est la tradition de la Quête spirituelle rendue possible par la médiation d’un bien terrestre sanctissime, investi de pouvoirs royaux apportés par le Christ. A la fois racine et surgeon, porte vers l’Au-delà pour qui s’en est rendu digne, ce bien suprême en ce monde est paré d’un nom mystérieux autant que prestigieux: le Saint Graal.
C’est au Moyen Age que revient en force la légende issue — pour le moins — du temps de l’Incarnation christique. L’on en trouve l’origine — ou l’une des origines — dans L’Évangile de Nicodème. Il s’agit bien entendu d’un apocryphe, mais le considérer comme tel n’enlève rien à son intérêt.
Que nous dit Nicodème. Que le Christ, lorsqu’il célébra la Cène, se servit d’une Coupe qui, au moment de la Crucifixion, fut en possession de Joseph d’Arimathie, et en laquelle celui-ci recueillit quelques gouttes du Précieux Sang. Sang du sacrifice divin par lequel l’Homme est appelé à participer au sacrifice, devenant ainsi lui-même Dieu Fils.
Au Moyen Age, sur les lisières du Christianisme, les chrétiens sont en quête du sanctissime objet. Chrétien de Troyes et Robert de Boron, notamment, donnent des ouvrages codés où, sous couvert d’exploits rattachés à la notion de Chevalerie, sont partiellement dévoilées les étapes de la Quête. Et Wolfram von Eschenbach, un Minnesänger allemand, donne un Parzival qu’il dit tenir du Maitre provençal Kyot, et en lequel le héros, en quête de l’initiation qui lui vaudra la royauté du Graal, rencontre des événements et des personnages susceptibles d’être rapprochés de certains événements et personnages marquant le début de la Croisade contre les Cathares.
Le 16 mars 1244, Montségur, Haut-Lieu du Catharisme, se rend après neuf mois de siège. Plus de deux cents Cathares choisissent la mort dans les flammes plutôt que l’abjuration. Pas un seul des « Purs » ne renonce à sa Foi, mais quatre d’entre eux s’échappent sur ordre, au prix d’une descente vertigineuse sur un à pic réputé inaccessible. Cela, des témoignages viendront très vite l’attester, et naîtra alors l’idée que le bien, précieux entre tous, qu’ils sauvent ainsi de la profanation des vainqueurs, n’est autre que le Saint Graal que les Cathares auraient détenu à Montségur. Ce Saint Graal par lequel ils seraient parvenus à l’Initiation. Par lequel ils auraient trouvé la force de consentir à l’ultime sacrifice ouvrant sur le monde divin.
Le périple des quatre chargés de mission est retrouvé: la « Voie sacrée » par les gorges de la Frau et le Basqui, et, plus loin, les grottes du Comté de Foix, notamment Bouan. En cette région, l’on trouve un « Refuge du Graal », une « Forêt du Graal », et, au plus profond de la grotte de Montréal de Sos, des fresques rupestres évoquant le Graal: la Coupe, la Lance, les gouttes de sang.
Voilà donc, très brièvement exposé, ce que tout le monde sait du Graal des Cathares. Bien entendu, il convient de rechercher ce qui peut se dissimuler sous les récits naïfs et les traces un peu trop évidentes laissées ici et là par des hommes chargés d’une mission d’une importance extrême, et dont on aime à croire qu’ils avaient été, pourtant, triés sur le volet.
Des questions se posent:
— Les Cathares ont-ils, à Montségur, détenu le Saint Graal?
— Le Saint Graal a-t-il été mis à l’abri, le dernier jour, par quatre Revêtus échappés de Montségur?
— Pourquoi les Cathares ont-ils éprouvé l’impérieuse nécessité de le conserver jusqu’au bout à Montségur?
— Qu’est, concrètement, l »‘objet Graal »?
— Où se trouve, actuellement, le sanctissime objet?
— Faut-il le chercher? Faut-il le trouver?
— Les Cathares ont-ils détenu à Montségur le Saint Graal?
Les Cathares ont été dépositaires d’une Tradition hautement ésotérique grâce à laquelle les meilleurs d’entre eux ont atteint à une dimension de la « Quête » telle que leur compréhension des vérités essentielles était éclairée par la Connaissance éveillée, transcendant ce qui n’est qu’intellect, jusqu’à la communion vécue en « la » Vérité. Si l’on veut bien considérer le Graal comme le symbole de la Quête, alors oui, Montségur fut un temple du Graal. Pas « le » temple, « un » temple. Dès lors, si quelque chose a été sauvé le dernier jour, il s’agit d’un support matériel permettant — de quelque manière que ce soit — de gravir tel sentier appartenant au Sentier.
— Le Graal a-t-il été mis à l’abri le dernier jour?
Il est constant que quatre Revêtus ont quitté Montségur le dernier jour. Pour sauver le Graal? Pour donner à entendre que le Graal avait quitté Montségur? En effet, les « maladresses » répétées des quatre Revêtus, se faisant voir ici et là, pouvaient tendre, certes, à faire croire que le Graal avait été transporté dans le Comté de Foix, et non en un « ailleurs » géographiquement très différent (première hypothèse), mais encore, et tout simplement, que le Graal avait quitté Montségur, et donc ne devait plus y être recherché (deuxième hypothèse).
Néanmoins, il est probable que « quelque chose » a été sauvé. Par quatre Revêtus. Mais pourquoi quatre? L’un des engagements pris lors de l’administration du Consolamentum faisait obligation aux Revêtus « de ne jamais voyager sans compagnon », et l’on sait bien qu’ils allaient toujours par deux. Quatre, c’est deux Fois deux. S’agissait-il de sauver deux trésors différents confiés chacun à un groupe de deux hommes?
— Pourquoi les Cathares ont-ils éprouvé la nécessité de conserver le Graal à Montségur jusqu’au dernier jour de leur vie terrestre?
Ici, il faut remonter un peu aux sources, et essayer de comprendre ce qui, de nos jours, s’oublie au profit des dogmes et des systèmes intellectuels: le rôle éminent de la LUMIÈRE dans les religions.
Les primitifs « adoraient le Soleil ». Au commencement était la Lumière. Ormuzd, principe du Bien chez les Mazdéens, était le Seigneur de la Lumière, opposé à Ahriman, le prince des Ténèbres. Les Manichéens adoraient ce qui, dans le Soleil, revenait à l’Esprit. La fête de Noël, pour les chrétiens, est bien plus celle du Néo-Hélios que celle de la naissance d’un Homme, fût-il investi de la puissance christique. Et Pâques est célébré le dimanche après la pleine Lune succédant à l’équinoxe de Printemps. En fait, les religions — et d’abord le Christianisme — sont des cultes solaires. Certes, il convient d’entendre cela dans un sens très spiritualiste (le Soleil porteur des forces spirituelles données à l’Humanité), mais absolument pas dans un sens uniquement « symbolique ».
Les Cathares savaient quelles forces portait sur le plan de l’Esprit le corps flamboyant du Soleil. Et la partie « opérative » de leur culte était fonction de l’Astre investi actuellement de la puissance de Lumière. S’ils ont voulu conserver le « Graal » jusqu’à l’accomplissement de leur sacrifice, c’est que leur Fête de Printemps — l’équinoxe — tombait, en 1244, le 14 mars. Et qu’ils avaient besoin du support matériel « Graal » pour obtenir la quintessence de la Lumière au jour où elle vient très exactement de l’Orient. Coïncidence de dates, pure fantaisie? Mais, en ce cas, pourquoi les défenseurs de Montségur, qui avaient signé leur renoncement le 1er mars, auraient-ils demandé, et obtenu, un délai de grâce les amenant jusqu’à la Fête de Printemps — ceci dans des conditions climatiques, alimentaires, sanitaires, etc., épouvantables, pour un même aboutissement?
— Qu’est, concrètement, le Graal, le Graal des Cathares?
Pas la Coupe de Joseph d’Arimathie. Mais retenons la notion de « sang divin », et traduisons: force et amour divins.
Pas la Pierre tombée du front de Lucifer à l’instant de la chute. Mais retenons la notion de pierre.
Et sachons bien que le Graal est en rapport étroit avec le Soleil, car, dans le cas contraire, pourquoi l’avoir conservé jusqu’au jour de la Fête Solaire de Printemps? Evidemment, nous entendons ici le « Graal-objet », lui-même au service de la Royauté du Saint Graal, qui reste spirituelle.
Peut-être est-il permis de rappeler ici que les Catholiques célèbrent la Pâque le dimanche qui suit immédiatement la pleine Lune succédant à l’équinoxe de printemps. S’agit-il là d’un rite « gratuit », ou bien ne peut-on postuler que le rôle de la Lune, polarisant le rayonnement solaire et le répandant sur la Terre entière en une forme « utile » à ce moment précis, ait été pris en compte par les initiés ayant procédé à ce choix de date?
Dès lors, si l’on veut bien remarquer que les Manichéens et les Cathares célébraient le « Bêma » pour les premiers, la Fête de Printemps pour les seconds au jour même de l’équinoxe, c’est qu’ils avaient réussi à utiliser ou à construire une géographie sacrée par l’usage de laquelle était remplacé le miroir polarisant de la Lune.
Si l’on veut bien souscrire à cette hypothèse, la réponse à la question: « Pourquoi le Languedoc? », à propos du foyer ardent du Catharisme, trouve une solution différant de celles habituellement proposées (niveau culturel en harmonie avec le dogme, générosité des Languedociens en rapport avec la pureté de la morale offerte, etc.). Ne peut-on poser ceci, en complément des explications classiques: le Languedoc a servi de support, de « couronne » à la Foi Cathare, parce qu’il possède en sa terre les attributs d’une géographie sacrée qui en font une patrie d’élection pour l’Esprit dans son œuvre de rédemption ou de conquête?
Regardons à présent le plan de Montségur, tel que les travaux de M. Fernand Niel en ont révélé les particularités solaires. A chaque entrée dans un signe du Zodiaque correspond un alignement précis, ainsi que le montre le plan ci-dessous. Mais essayons de voir l’ensemble au-delà du détail. Et, pour actualiser un peu l’observation, adoptons un langage moderne.
NOTE pour la lecture du plan Les points A, B, C, D, E, F, G, H marquent des angles de la construction (ils sont évidents, sauf pour G qui, cependant, marque une légère déviation de F — H). h est à mi-distance de A — H. a’ est à mi-distance de A — B. a » est aux 2/3 de la distance A— B. b est à mi-distance de B — C. f est à mi-distance de C — F. Le prolongement des lignes F — E et C — D pointe exactement sur le château de Roquefixade. Le Pic de Bugarach est dans le prolongement de b — H (levers d’équinoxes), à 1 degré d’angle près. |
Temple solaire, Montségur? Antenne réceptrice « des énergies solaires », avec le mur H —A face à l’Est, donnant une « réception » parfaite aux équinoxes, meilleur compromis possible pour toute l’année.
Mais ce n’est pas tout: les murs F — H, A — B, et surtout C — B, ce dernier offert aux rayons ardents de l’ensoleillement maximum, ne présentent-ils pas de sérieuses analogies avec…les réflecteurs d’un fantastique édifice solaire?
Avons-nous trouvé le maitre-mot? Non, car il faut encore considérer les murs C — D et F — E du donjon canalisant « l’énergie » jusqu’à l »‘antenne réémettrice » D — E, elle-même parfaitement à la perpendiculaire d’un lieu bien précis — d’un château que la construction de Montségur avait fait passer au second plan des préoccupations « impies »: Roquefixade…
Maintenant l’auteur, ayant mis l’accent sur certaines particularités de Montségur, va prendre un peu de recul en énonçant simplement des questions qu’il appartiendra au lecteur de traiter comme bon lui semblera.
— Le Graal des Cathares est-il Montségur lui-même, protégé par le secret de sa construction, protégé par le faux sauvetage des quatre Revêtus?
— Bugarach (site fort mystérieux et paré de légendes étranges, situé très exactement à l’Est de Montségur), Montségur lui-même et Roquefixade sont-ils trois points remarquables d’une géographie sacrée constituant ensemble le « Graal » de l’ère christique — celle des Poissons —, en lequel se déverse une énergie spirituelle transmise par le Soleil, énergie qui s’abandonne à qui mérite de la recevoir et a su apprendre à se placer sous son faisceau?
Avant d’aller plus loin, nous devons ouvrir une parenthèse en forme de point d’interrogation: là aussi, les signes de piste nous entrainant à la recherche d’une lumière spirituelle confiée au « Véhicule-Soleil » ne seraient-ils qu’apparence destinée à dissimuler l’objet véritable de la Recherche? Le Graal des Cathares était-il le « cratère », réceptacle d’une force solaire, ou bien faut-il chercher ailleurs et plus loin?
Certains auteurs contemporains se font les échos de réponses proposées depuis des siècles à cette question.
Gérard de Sède (Le Secret des Cathares) situe le Graal céleste dans une constellation australe, celle de la Coupe, au-dessus de celle de l’Hydre. Cet auteur, qui mena une enquête très diversifiée avant d’en exprimer la synthèse, a-t-il et ainsi aiguillé par les tenants d’une école rosicrucienne…, ou par Deodat Roché qu’il rencontra au début des années 70? Parions pour une troisième hypothèse… que nous n’avons pas le droit d’exposer ici!
Madame Renée-Paule Guillot (Le Défi Cathare) va moins loin dans l’espace stellaire et reste fidèle à l’hémisphère boréal. Elle note que la splendide étoile Sirius, notre proche voisine à huit années-lumière, était, à la date du 16 mars 1244, en une position spéciale coïncidant avec un thème astral des planètes de notre système solaire évoquant la dispersion et la mort collective.
Madame Siegrid Reznikov, fondatrice de l’Association des Amis de Montségur et, en outre, passionnée d’astronomie et d’astrologie — domaines où elle est extraordinairement érudite —, voit, elle aussi, que le répondant du Graal terrestre (ou bien plutôt sa source) doit être cherché au Ciel. Elle s’appuie sur la tradition médiévale du Graal pour se tourner vers la constellation des Pléiades, comme le suggère le nom de Pelles donné parfois au Roi du Graal.
Quant au poète André Maynard qui — au pied de la Montagne sacrée — « a vu distinctement des spectres par milliers dans l’âpre firmament enserrer Montségur d’une étreinte sanglante » (Florilège), il est bien persuadé qu’existe au ciel une Étoile faite d’un or très pur et que l’objet-Graal servait à en percevoir le rayonnement. Mais André Maynard pense et s’exprime en poète…
La connaissance d’une géographie sacrée est un art fort problématique et aléatoire. Elle se divulgue d’autant moins qu’il appartient à chacun d’en faire sa propre conquête.
Toutefois, et peut-être à titre de jeu de l’esprit, nous voudrions proposer au lecteur une tentative de superposition avec un symbole cher aux adeptes de la Kabbale: l’Arbre des Sephiroth. Tentative hardie, bien sûr! Cependant, une recherche de synthèses de plus en plus vastes conduit à dépasser telle ou telle connaissance cloisonnée en ses strictes limites. Il est une « géométrie de la Connaissance », laquelle, probablement, intègre les aspects essentiels de la Recherche, à condition toutefois que l’on en poursuive sérieusement la permanence dans les différentes expressions de la Quête.
Dans quel « sens » peut-on essayer de faire coïncider la géographie sacrée dont nous entrevoyons le rôle chez les Cathares et, d’autre part, le symbolisme apporté par la Kabbale? Devons-nous suivre la course du Soleil investissant la Matière et, ainsi, aller d’un Bugarach-Malkhuth à un Montségur-Tiphereth, pour, ensuite, rechercher Kether à Roquefixade ou bien au-delà de Roquefixade?
Devons-nous, à l’inverse, situer Malkhuth, porte de la Mort vers la Vie, au plus profond des grottes initiatiques de l’Ariège, et d’abord de la mystérieuse Bethléem? Dans ce cas, Yesod ne serait-il pas à rechercher à Roquefixade, cette « roche qui fixe », et qui fixe Montségur? Que nous allions vers la Matière ou que nous remontions vers le Soleil, la Lumière, la « plaque tournante », la Porte de la Vision, reste Montségur, montagne et château magiques polarisant la Force de Lumière, et permettant le recours aux énergies cosmiques à qui a su apprendre à les maîtriser pour, ensuite, les dépasser. Et, si nous remontons vers la Lumière, il faut alors chercher à Bugarach Kether, la Couronne donnant accès, toutes purifications et conquêtes accomplies, au Monde promis à l’âme à l’issue de sa victoire sur le monde sensible.
Nous laisserons au lecteur qui accepterait d’entrer avec nous dans cette enquête en forme de jeu le soin de situer telle et telle Sephirah sur une carte géographique. L’on y parvient assez facilement, et avec quelque vraisemblance, … à condition de ne point se laisser captiver par les charmes de Hesed — Puivert où l’amour, même célébré par les gentils troubadours, constituait tout autant un piège qu’une nécessaire étape!
Apprenant à retrouver la géographie sacrée du Languedoc Cathare, le lecteur se prendra à penser que, peut-être, les rois wisigoths qui firent de Rennes-le-Château (Reddae) leur capitale en connaissaient les lignes de force. Peut-être comprendra-t-il pourquoi Alet-les-Bains fut un évêché catholique; mais c’est à proximité d’Alet qu’il faut chercher, et pas du tout sur l’emplacement de l’ancienne cathédrale.
Pour peu que le lecteur visite Quillan, peut-être éprouvera-t-il l’envie de grimper sur le Pic de Bitrague — exactement sur la ligne Bugarach — Montségur, et au tiers de la distance entre « Malkhuth/Kether » et « Tiphereth ». De là, peut-être, retrouvera-t-il sur une autre colline en contrebas de possibles traces d’un oppidum romain… Mais, dans ce dernier cas, il ne s’agit vraisemblablement pas d’un point essentiel dans la géographie du Catharisme.
Dans ce qui précède, quelle peut être la part du réel et celle du rêve? René Nelli eût répondu que nul rêve n’a d’autre source que le réel; idée qu’il développe magistralement dans Le Journal spirituel d’un Cathare d’aujourd’hui. Le Catharisme eut-il besoin de magie en plus de la ferveur? Mais la ferveur sert et porte la magie blanche par laquelle s’entrouvrent les portes des mystérieux jardins de l’Esprit.
Peut-être un trésor fut-il sauvé, avant la fin terrestre des martyrs de Montségur. Et peut-être — quatre étant deux fois deux — y avait-il deux trésors. Dans ce cas, se pourrait-il que les deux éléments aient été: d’une part la Pierre rare (l’émeraude?) capable de potentialiser à Montségur l’énergie solaire (ou venue de bien plus loin?), attouchée auparavant par Bugarach, et de la diriger par Roquefixade interposée vers les grottes de l’Ariège où l’Esprit renait en la matière, — et, second élément du trésor, tel texte porteur de puissance incantatoire donnant l’usage de la Pierre? Fournissant aussi la clef du retour par laquelle Malkhuth et Kether se rejoignent à Bugarach…
Quoi qu’il en soit, la vérité à propos du Graal des Cathares ne serait pas complètement donnée par la compréhension intellectuelle de ce que furent les supports terrestres de leur recherche. Parce que l’intellect n’est que le serviteur du Maître qu’il s’agit justement d’éveiller en soi.
Et aussi parce que « le Ciel a changé » depuis sept siècles. Et que Malkhuth/Kether doit maintenant faire l’objet d’une recherche différente, si l’on veut la rapprocher d’une géographie sacrée.
Les Cathares ont usé de leur secret. Il leur appartint. Aux cœurs purs le droit de chercher à comprendre comment ils s’appuyèrent sur la Matière pour accéder à l’Esprit.
Mais que les curieux s’épargnent la peine d’une visite à l’un ou l’autre des hauts lieux à telle date privilégiée. Il leur manquerait peut-être l’humilité, sans laquelle se refusent les miracles, … et que le ciel soit le ciel du XIIe et du XIIIe siècle.
N.d.l.r. Concernant les énergies cosmiques et les moyens de les capter, voir Jean-Louis BERNARD, Aux origines de l’Égypte (Robert Laffont, 1976), pp.126 sq. Consulter également Louis-Claude VINCENT, Le Paradis perdu de Mu, tome II (Éditions « La Source d’Or » 1971), pp.19 sq. (sur l’émeraude, pp. 114 sq.).
Gérard DE SEDE , Le Secret des Cathares (Editions . « J’ai Lu », 1974).
A lire, de Jean BLUM, Le Message des Cathares & Les Cathares ont écrit (Éditions Frèrerie de Ferriéres).