Miléna Salvini
Le kalarippayat art noble venu de l’inde

Toujours d’après les experts, le Karatédo, Judo et autres « arts » japonais auraient pour origine le grand art du Kalarippayat. Celui-ci aurait été introduit par les moines bouddhistes dans les autres parties de l’Asie où il aurait, par la suite, évolué vers les techniques que nous connaissons.

(Revue Énergie Vitale. No 9. Janvier-Février 1982)

A l’occasion d’un voyage d’étude dans le Kérala (Inde du Sud), nous avons pu, pour la première fois, visiter un centre de Kalarippayat, discipline à laquelle mon étude du Kathakali [1] m’avait conduite à m’intéresser tout particulièrement.

Cet art, autrefois l’apanage de la caste guerrière des Nayars n’est plus guère pratiqué aujourd’hui que dans le Nord du Malabar par quelques jeunes gens rassemblés autour d’un Maître encore soucieux de préserver cette Tradition.

Son origine remonte au Dieu Parashurama, le légendaire fondateur de la région du Kérala. D’après l’histoire, il est évident que le Kalarippayat, tel qu’il est pratiqué aujourd’hui fit son apparition entre le XIIe et le XIVe siècle et qu’il atteignit le sommet de sa gloire entre le XVe et le XVIIe siècle. Des recherches récentes ont révélé que ce grand art martial eut une profonde influence sur la forme et l’évolution de presque tous les arts du Kérala dont le Kathakali.

Créé seulement il y a quelques années, le Centre que nous avons visité est situé à Trivandrum (capitale du Kérala). Il est dirigé par un Gurukal (Maître) assisté de son meilleur et plus ancien disciple. Un groupe d’une dizaine de jeunes garçons s’y entraîne quotidiennement. Le gymnase traditionnel est, en comparaison de nos gymnases occidentaux, un espace de dimensions réduites creusé directement dans le sol argileux. Les élèves travaillent pieds nus à même la terre.

Les démonstrations qui nous furent présentées par le Maître, son assistant et leurs disciples nous ont vivement impressionnés. La technique du Kalarippayat est un chemin vers une connaissance profonde du corps humain et de l’utilisation de l’énergie. Elle est aussi un témoignage encore vivant des codes de vie et d’honneur des guerriers Nayars.

Le Maippayat, ou exercice de contrôle du corps, est la première étape de l’enseignement. Il débute par des exercices de jambes, les pas, les attitudes, les sauts, les bonds, les rotations et torsions du corps de différentes manières, et se termine par une combinaison de tous ces éléments en une séquence bien structurée constituant un Maippayat. Il y a douze séquences de ce type, chacune augmentant en complexité et en difficulté. La pratique journalière de ces exercices assure le maintien d’une bonne condition physique indispensable dans cet art du « guerrier ».

L’Uzhichill, ou massage, fait partie de cet art. Il est habituellement utilisé en tant que moyen d’obtenir un maximum de souplesse du corps. Habituellement le massage est exécuté par le Gurukal lui-même. En effet, seuls ceux qui possèdent une connaissance parfaite du corps humain, de son système nerveux et articulaire, des muscles et des points vitaux, peuvent pratiquer l’Uzhichill. Par sa technique et la somme de connaissances qu’il sous-entend, l’Uzhichill est également prescrit comme traitement de certains maux physiques.

Son effet régénérescent est remarquable. Le « Marma Chikilsa » est une branche spécialisée de la médecine Ayurvédique du Kérala et a toujours été partie intégrante du Kalarippayat [2].

Le Kalarippayat utilise ensuite différentes armes dont certaines n’existent que dans la province du Kérala, telles l’urumi et l’otta.

L’urumi est une sorte de lanière longue et flexible pouvant être portée autour de la taille comme une ceinture. Une grande promptitude de mouvements est nécessaire pour son maniement. Son efficacité est redoutable en cas d’attaque en nombre.

L’otta est une arme de bois d’une courbe très spéciale. C’est l’instrument des Maîtres, réservé aux plus hauts degrés de l’entraînement du Kalarippayat.

Les techniques d’entraînement corporel et martial ont tenu une très grande place dans les coutumes sociales et culturelles du Kérala jusqu’au moment de l’apogée de l’histoire de cette région. On en retrouve la marque évidente dans un grand nombre de danses rituelles et folkloriques, de même que dans les différentes formes de théâtre populaires qui ont survécu.

Dans le théâtre dansé Kathakali, le système d’éducation du Kalarippayat a trouvé un prolongement esthétique et artistique. Ce système qui, selon les experts, fut à l’origine même du langage corporel du Kathakali, constitue aujourd’hui encore l’entraînement de base des danseurs.

Toujours d’après les experts, le Karatédo, Judo et autres « arts » japonais auraient pour origine le grand art du Kalarippayat. Celui-ci aurait été introduit par les moines bouddhistes dans les autres parties de l’Asie où il aurait, par la suite, évolué vers les techniques que nous connaissons.


[1] Kathakali : théâtre dansé à la fois sacré et populaire, considéré comme le théâtre classique du Kérala.

[2] Il est dans les traditions de l’Inde que la pratique d’une discipline physique soit toujours accompagnée d’un massage approprié.