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Le titre est de 3e Millénaire
(Revue Panharmonie. No 182. Mai 1980)
Compte rendu de la rencontre du 5.2.1980
Nous parlons aujourd’hui de la lettre REICH qui a pour valeur numérique 200 et qui est l’initiale du mot REICH qui veut dire « la tête », quoiqu’il y ait dans sa signification beaucoup de subtilité, car il s’agit surtout d’une notion de principe, de princeps, de tête essentielle. Une fois de plus il est question d’une partie du corps.
Au début le graphisme de la lettre était une tête d’un petit bonhomme barbu qui s’est stylisé par la suite à plusieurs reprises. Puis elle s’est retournée et a donné l’ancêtre de la lettre grecque RO et celle de notre R.
Le premier mot de la Bible est « Berechit » qui a donné son nom au Livre que nous appelons la Genèse. Les Hébreux disent que le mot Béréchit contient tout l’enseignement de la Thora et que même sa première lettre contient tout le premier mot.
Le centre du mot Béréchit que nous étudierons avec le Shin et le Tav, est REICH. Pourquoi le traduisons-nous par « principe », plutôt que par la formule de la Bible, au commencement ? Parce que dans ce dernier cas nous introduisons une notion de temps, de temps historique et nous sommes alors en plein contre-sens qui nous fait ouvrir le Béréchit sur une notion d’histoire temporelle, alors que les premiers chapitres de la Bible sont à-temporels. Nous sommes dans le monde des principes, au-delà du passé, du présent et de l’avenir, Il Est. C’est une histoire qui rend compte d’une Réalité qui échappe à notre conscience immédiate. Nous sommes davantage dans une notion de principe que de commencement, principalement en ce qui concerne l’homme. Et c’est ce que ne vont pas faire les scolastiques en disant que l’homme a un commencement. Or l’homme n’a pas de commencement, il est créé de toute éternité, sa dimension est éternelle. Notre existence, entre la naissance et la mort n’est qu’une toute petite partie de nos avatars. Cette notion, nous l’avons complètement perdue. Dieu à un certain moment dit à Job : « Où étais-tu lorsque je mettais une racine aux montagnes, où étais-tu lorsque je formais la terre ? Tu étais là, car le nombre de tes jours est incomptable, est infini. » L’homme et la création sont créés de toute éternité, nous plongeons là dans un non-temps. Ce ne sont que nos avatars, à travers nos différents plans de conscience qui sont liés à un temps, à un espace-temps, à un espace intérieur. Mais le jour où nous aurons fait toute l’évolution que nous avons à faire dans les profondeurs de notre être, nous retournerons à ce non-temps. Nous sommes appelés à entrer dans cette dimension d’éternité, dans cette vraie tête.
Pour le moment nous avons une tête très limitée sur nos épaules, qui est enfermée dans la petite prison du plan de conscience auquel nous participons. Le travail que nous avons à faire, c’est de mettre successivement de nouvelles têtes sur nos épaules, c’est-à-dire d’acquérir une intelligence qui pénètre de plus en plus le sens du divin et qui va donner un sens à la vie. C’est le symbole de tous les mythes de décapitation, et même d’événements historiques dans leur dimension mythique, comme par exemple Saint Jean-Baptiste. Il est vraiment le vieil homme par rapport à Saint Jean l’Évangéliste, celui qui mettra sa dernière tête sur ses épaules et qui ne doit plus mourir.
Le mot REICH est formé de trois lettres comme la plupart des mots hébreux qui, en général, sont trinitaires : le Reich, l’Aleph et le Shin. La lettre Reich signifie donc principe, mais principe de quoi ? ECH veut dire « feu ». Dans l’Arbre des Séphiroth nous étions au niveau des pieds dans toute la symbolique de la terre, au niveau des reins dans la symbolique de l’eau, au niveau des oreilles dans la symbolique de l’air et au niveau de la tête toute entière, nous sommes dans le feu. Mais, à vrai dire, c’est tout le corps qui est saisi dans cette réalité feu, c’est toute la montée de la sève dans l’Arbre que nous sommes et qui s’épanouit au niveau de la tête. Le niveau feu est aussi dans les talons, voyez l’histoire de la naissance de Jacob qui tient dans sa main le talon de son frère. Le feu est aussi le principe de l’intelligence, non pas de l’intelligence intellectuelle, mais celle qui pénètre par la contemplation, la méditation, la prière, par une ouverture à la vision intérieure dans les mystères divins qui ne sont qu’une autre facette des mystères de l’homme, les deux pôles d’une même réalité.
Si l’on supprime le Aleph, les deux lettres qui restent, Reich et Shin indiquent la notion de pauvreté. L’Aleph, les cornes qui captent l’information, se fait pauvre. Pour que l’homme accède à sa dernière réalisation, il faut que lui-même fasse sa dernière circoncision qui est celle de tous les encombrements intellectuels, psychiques, de tous ces plans de référence encore sécurisants, jusqu’à arriver à la non-connaissance absolue. Voilà la pauvreté, c’est la dernière naissance.
Une participante fait le parallèle avec la plénitude du vide bouddhiste ou encore avec la Nuit obscure de Saint-Jean de la Croix.
Le Roch, le pauvre, retourné donne le mot SAR, la principauté. Les mêmes mots sont donc, selon le rapport des lettres entre elles, soit la pauvreté, soit la principauté, totale réalité, deux pôles en apparence contradictoires, mais qui sont la même réalité. Voilà la beauté de l’hébreu.
Dans le mot Or, se rencontrent l’Aleph et le Reich unis par Vav. Nous en avons déjà parlé avec la lettre Ayin, en montrant que Or, écrit avec un Ayin à la place de l’Aleph, signifie la tunique de peau qui est celle revêtue par l’homme après la chute et qui ne fait que cacher la lumière que nous sommes et que nous recouvrerons lorsque nous aurons mis la dernière tête sur nos épaules. Si nous regardons ce mot Or de plus près nous voyons qu’il est fait de la rencontre au niveau du Vav qui est la conjonction et aussi l’homme, avec le Aleph, la puissance divine créatrice et la réceptivité. Dans le Reich, la tête, nous avons la réceptivité de la Création et même la résistance, car il ne peut y avoir de lumière s’il n’y a pas de résistance pour la recevoir. Cela est vécu sur tous les plans et particulièrement au niveau de l’affrontement. On n’avance qu’à travers la contradiction. C’est ainsi que devraient vivre les couples. Ils sont formés d’êtres différents ayant des vues différentes. Si ces couples étaient adultes, au lieu de bagarres qui souvent se terminent par des divorces, les avis contradictoires seraient générateurs d’une évolution, parce que la vérité est toujours au-delà de la contradiction.
Dans le mot AROR qui s’écrit avec deux Reich, nous sommes devant le mot qui veut dire malédiction, en particulier la malédiction après la chute. Elle est dans le redoublement de la résistance. Il n’y a lumière que quand il y a un juste rapport entre l’émicivité et la réceptivité.
Nous avons là une ouverture extrêmement importante sur ce qu’il est convenu d’appeler la malédiction après la chute. C’est notre attitude intérieure qui n’est pas juste et non une punition d’un Dieu extérieur. En réalité il s’agit de la résistance opposée à la lumière qui provoque une rupture d’équilibre. Nous entrons dans la ténèbre. Nous avons aujourd’hui encore à revoir notre attitude intérieure. C’est toute la signification et le but de notre vie terrestre de retrouver le rapport juste.
Le mot BERERAH veut dire l’élection. Il n’est pas le seul à avoir cette signification, mais il est le plus courant. Le Beith, c’est la Création toute entière, c’est un peu l’image de ces têtes successives que nous mettons sur nos épaules. Dans cette image je vois le signe de l’élection, à savoir : celui qui se met en marche. Que signifie la notion de « peuple élu » ? Il est convenu de penser qu’il y a une élection par Dieu du peuple. Mais ce n’est pas à sens unique, chacun de nous participe de ce peuple et nous aussi nous entrons dans l’élection si nous choisissons les épousailles avec Dieu. Dieu épouse sa Création, c’est le rapport entre le Aleph et le Beith. Et celui qui se met en marche, (BO le mot pénétrer), c’est celui qui choisit l’Aleph final, le couronnement, le mariage de l’incréé et du créé. Et dans ce cas il participe du peuple élu. Le peuple hébreu est le peuple choisi comme prototype de toute l’évolution de l’humanité. Ce qui arrive aux Hébreux est vraiment ce qui arrive à toute l’humanité successive. Nous sommes tous dans la profondeur, des Hébreux et si nous entrons dans ce choix, car l’élection est un choix, nous commençons à mettre sur nos épaules ces têtes successives, jusqu’à celle qui est totalement informée. Nous sommes celui qui passe, EDER, celui qui va traverser son désert jusqu’à passer sa dernière porte qui est le QOF (le chas de l’aiguille) qui correspond à l’intégration à la Sagesse divine, à la déification.
Le très beau mort BAR veut dire d’une part « le grain de blé » et d’autre part « la pureté » et encore « le fils ». Quand un Hébreu fait sa « Barmitzva » il entre dans cette dimension de fils qui est encore grain de blé. Il faut qu’il devienne BEN, le vrai mot pour fils. Ce grain de blé va mûrir en terre pour renaître et ceci plusieurs fois, jusqu’à ce qu’il entre dans la dimension de l’homme qui est Fils de Dieu. BAR est un des plus beaux mots, ce sont les deux premières lettres du Béréchit que nous verrons plus tard. Ils ont pour valeur 2 et 200 qui sont justement ce « toi » par rapport à « moi » et c’est aussi toute la notion de purification, non sur le plan de la morale, mais sur le plan de nos têtes successives. Et dans cette perspective il est intéressant d’étudier le nom de BARABBAS qui fut libéré à la place du Christ.
C’est le nom qui veut dire : « Fils du Père » (Bar : fils, Abas : mot du vieil hébreu qui veut dire le Père). Il y a là un jeu de balance le Fils du Père doit mourir pour que le fils du père — le malfaiteur qui est Barabbas — soit libéré. Que signifie symboliquement le malfaiteur ? C’est l’humanité qui entre dans la chute. Nous sommes tous prisonniers de nous-mêmes prisonniers de tout. Et puis, au fur et à mesure que nous allons mourir pour ressusciter, nous allons libérer ce grain de blé. Le Christ en effet doit passer par cette crucifixion, par cette mort et résurrection.
Nous allons retrouver cette racine BAR dans un autre mot essentiel de la Genèse, BARA. C’est le verbe qui veut dire « créer ». Nous entrons en plein dans notre Création. Ce BEITH, l’altérité, c’est toute la Création symboliquement qui entre dans la lumière, dans la lumière qui sort de la ténèbre. Et c’est aussi, en même temps cette tête, ce principe, qui va vers l’Aleph final, vers la Terre Promise.
Le mot GUER veut dire « l’étranger ». Qu’est-ce que la Création, si ce n’est « de faire autrement », « faire différence ». Et apparemment contradictoirement, c’est aussi le mot qui veut dire : « habiter », le verbe LAGOUR. Au fond nous n’habitons qu’une terre étrangère. Ainsi il n’a jamais été dit que Job habitait la terre de Uts mais il est de la terre d’Uts. Alors qu’est-ce que la Création sinon l’habitation divine ? Dieu par l’altérité pose l’autre, et l’habite. Toute la Création est une séparation jusqu’au dernier jour de la Création où nous avons la séparation de l’homme et de la femme, du féminin et du masculin plus exactement. Et lorsque Abram va être invité à aller vers la Terre Promise — début du départ d’Israël — l’ordre divin sera : « Va, quitte ton pays ! » C’est le commencement de la création de l’homme retournant à Dieu.
Il y a un autre mot dans lequel nous retrouvons BAR, c’est le mot DABAR, le verbe. DAVER, c’est le verbe « parler ». Comment est formé le mot DABAR ? BAR, le grain de blé, retourné forme RAV, la multiplication. C’est la racine du mot RABBI, le maître, le supérieur, c’est-à-dire celui qui est entré dans cette multiplication après avoir assumé la croissance, et le RABBIN est celui qui est censé avoir atteint cette multiplication, non pas seulement la connaissance de la Thora, mais par l’intégration dans sa vie personnelle de tout le mystère que contient la Thora.
Alors dans le mot DABAR nous retrouvons la racine BAR ou RAB si nous le prenons dans l’autre sens et nous voyons que la lettre centrale est BEITH. Il s’agit toujours de la Création puisque Beith a été la première lettre qui ait reçu du Saint-Béni-Soit-Il, la grâce de présider à la Création. Et cette Création est aussi la racine DOR (Daleith-Reich), c’est la racine qui va exprimer le cycle : la Création est prise dans les cycles.
C’est par le Verbe que la Création est faite toute entière. Qu’est-ce que le Verbe créateur ? C’est le son primordial, la vibration sur laquelle tout va être moulé. Chacun de nous aussi est modulé sur un son qui lui est propre et qui est participation au Verbe Divin. Toute notre recherche est la recherche du Nom, c’est-à-dire de cette origine que Job va aller chercher dans les profondeurs des racines de la terre.
C’est le Beith qui est posé dans ce mouvement vibratoire qui est le cycle, DOR, qui va faire le mot DOROT, exprimant la notion de « génération » et qui, extrapolé à l’extérieur, signifiera le temps. Chaque élément de notre corps est en même temps sur le plan physique et sur des plans subtils, ce sont des agencements vibratoires. La nature est vibratoire, la lumière aussi en partie.
Nous retrouvons là aussi le mot DAR, l’épine, qui est aussi la notion du temps. Des poètes ont parlé de « l’épine du temps », car le temps est une souffrance, il est dur pour nous. Nous courons toujours après le bonheur, inconsciemment, croyant que l’instant d’après va nous l’apporter. Au lieu d’entrer dans le DOR intérieur, nous sommes dans le DOR extérieur.
Le mot « ronce » c’est DAREDAR, c’est l’entrée dans le monde de la répétition absolument contraire à DOR, la spire divine qui nous fait entrer dans le non-temps où nous retrouvons notre nom et où nous entrons dans la déification.
La même racine (Daleith-Reich) se trouve dans le mot RADO, dominer sur… C’est l’ordre qui est donné à l’homme « Tu domineras sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel… » C’est-à-dire « tu intégreras toutes ces énergies, tous ces plans de conscience qui sont le substratum même de nos champs de conscience différents. C’est le verbe RADO qui implique d’entrer dans ces cycles, d’assumer les spires successives, de les intégrer.
Par dominer sur les poissons de la mer, etc., dans cet impératif, Yiredou nous entrons dans une autre réalité qui est le mot YARED, descendre, de telle sorte que « dominer sur » c’est aussi « descendre dans, aimer, épouser ». Le verbe YARED, ce sont les deux premières lettres de « Jourdain ». Ce n’est pas par hasard, puisque le Jourdain est ce fleuve qui descend implacablement du nord au sud. En descendant dans le Jourdain, le Christ assume ce retournement des énergies qui allaient vers la mort et qui remontent maintenant vers la vie. Pour dominer sur…, il faut descendre dans… Nous ne pouvons dominer que les énergies qui forment nos différents plans de conscience. C’est cela le retournement des énergies.
« Quel est Celui-ci qui est monté, si ce n’est Celui qui est descendu » vont dire les Apôtres le soir de l’Ascension.
Revenons au mot DABAR, Verbe, au niveau duquel il peut y avoir tant de contradictions. Si vous prononcez DAVAR il voudra dire « la chose ». Or, actuellement le Verbe est « chosifié », on n’entre plus dans sa profondeur, mais on choisit le message. Or la chose, c’est précisément le Verbe qui est le seul objet absolu. En objectivant le Verbe nous le tuons. Mais si nous vivons le Verbe de façon à entrer dans l’archétype même de ce qu’il est, c’est le seul objet, la seule réalité objective. Tout le reste est subjectif.
Avec ce même mot DABAR nous avons encore « la parole », DAVAR, « la chose » et DEVER, « la peste ». Ce mot DEVER est employé pour les plaies d’Égypte, mais il ne s’agit pas d’une peste importante, il s’agit de la parole divine qui nous est révélée dans ces plaies. Ce sont bien sûr des épreuves, des fléaux, mais si nous entrons dans l’intelligence de l’événement, c’est la Parole à l’envers, c’est-à-dire que c’est l’homme qui est passé à côté d’elle et que, par conséquence, il va vivre le contraire, la maladie, c’est-à-dire l’épreuve. Donc, avec ces trois mots nous trouvons à chaque fois des retournements d’énergies. DAVAR est la charnière avec d’un côté la Parole et de l’autre la peste. C’est l’épée à deux tranchants qui est vie ou mort selon que nous la vivions ou que nous la refusions.
Encore un dernier mot : REGUEL, le pied. Nous retrouvons la racine GAL, la libération. Le pied c’est la libération de la tête. Cela a l’air contradictoire, mais si vous avez étudié le symbolisme du corps, vous vous souviendrez que Jacob, à leur naissance, tenait en main le talon de son frère, c’est-à-dire qu’il va prendre ses énergies pour un jour poser la vraie tête. L’homme totalement réalisé, c’est celui qui a fait monter toutes ses énergies symboliquement des pieds jusqu’à la tête. C’est l’orobouros des Mexicains, c’est l’homme du tympan de Vézelay dont la tête rejoint les talons, c’est le cercle totalement accompli.
Le mot pied veut aussi dire « la fête », parce qu’il contient en potentiel toutes les énergies que nous avons à amener en haut. Et alors, ce sera la fête. Le mot pied est un mot très important, très fondamental. Il signifie beaucoup plus que la simple partie du corps. Dans la description du Char d’Ézéchiel, les Ayoths ont des pieds de veaux. Le veau, c’est ce petit taureau en puissance, le taureau, ce sont les cornes, c’est l’Aleph final. C’est la couronne, le commencement et la fin, l’Alpha et l’Oméga.
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