Vimala Thakar
L’illumination et la libération

Traduction libre Le terme « illumination » utilisé dans les religions traditionnelles a-t-il un sens dans une approche scientifique de la spiritualité ? « L’illumination et la libération sont des termes utilisés dans la littérature ancienne. De la langue hébraïque à l’ancienne langue sanskrite, la cosmogenèse nous ramène à la sensation omniprésente de l’ÊTRE ; comme si le cosmos tout […]

Traduction libre

Le terme « illumination » utilisé dans les religions traditionnelles a-t-il un sens dans une approche scientifique de la spiritualité ?

« L’illumination et la libération sont des termes utilisés dans la littérature ancienne. De la langue hébraïque à l’ancienne langue sanskrite, la cosmogenèse nous ramène à la sensation omniprésente de l’ÊTRE ; comme si le cosmos tout entier résonnait de la sensation de l’ÊTRE, comme si le cosmos tout entier était un son homogène et entier de HUM ou AUM, comme s’il proclamait la vérité : JE SUIS, JE SUIS, JE SUIS ».

Lorsque ce sentiment du « JE SUIS », lorsque ce sentiment de l’« ÊTRE » se réduit à la forme d’un corps humain, qu’il est emprisonné dans le corps humain, qu’il est limité et lié, lorsqu’il est limité au petit corps humain et que le mot « JE SUIS » ou le mot « ÊTRE » commence à signifier pour nous ce petit corps — homme ou femme, russe ou indien, hindou ou musulman — les anciens l’appelaient « ténèbre ». Selon les Védas, l’ignorance primordiale est AHMKAR, cette réduction du sentiment d’identification du « JE SUIS » ou de l’« ÊTRE » au corps. C’est pourquoi on l’appelle « ténèbres ». Il est emprisonné et les murs sont construits brique par brique par le sens du « Mien ». Ma maison, ma famille, mes parents, mon mari, ma femme, mes enfants, mes connaissances, mes croyances, mon expérience, mes préférences, mes préjugés — les murs sont si épais qu’aucune lumière ne peut pénétrer ces murs du « Mien » et que l’être humain passe toute sa vie à dire « Je » et « Mien ». Rendre les murs plus épais et plus solides, de sorte que rien ne puisse pénétrer ces murs et les briser.

Comme le sentiment du « JE SUIS » emprisonné dans le corps est entouré par les murs invisibles du « Mien », il y a isolement, emprisonnement, ténèbres, il n’y a pas de liberté. C’est ainsi que le mot « servitude » a dû être créé. Lorsqu’une personne est libérée du sentiment du « mien » et du « je », lorsque, brique par brique, les murs de la prison s’effondrent et que l’on comprend que je ne suis pas le corps, que je ne suis pas seulement les organes des sens, que je ne suis pas la maison, la propriété, que je ne suis pas les valeurs, les préférences, les préjugés qui sont des modes de comportement cérébraux et émotionnels standardisés (j’utilise maintenant le langage moderne pour décrire quelque chose d’ancien), alors on dit qu’elle a été libérée. Ainsi, lorsque l’on brise les murs et que l’on voit que le « JE SUIS » imprègne tout l’univers, qu’il ne peut être identifié, qu’il ne peut être assimilé à un corps minuscule, le « JE SUIS » est présent dans tout l’univers. Le « JE SUIS » est là, mais le « JE » n’est pas le petit corps — l’homme, la femme, etc. ; ce n’est pas la petite connaissance humaine globale, tout en est imprégné ; alors on est libéré de la prison de ce sens étroit de la limitation, de l’attachement.

« JE SUIS » est la lumière primordiale. Selon la cosmogenèse, l’univers entier peut être réduit à la lumière. Certains parlent de son et d’autres de lumière. Ce sont les deux énergies primaires auxquelles l’univers entier se réduit, d’où le mot « illumination ». Celui qui a compris la source première du cosmos, la source première de la lumière, est considéré comme « éveillé ». Et celui qui s’est libéré des murs autocréés de la connaissance, de l’expérience, des valeurs et du « mien » était considéré comme « libéré ». Éveillé et libéré ou « Mukti », qui signifie être libéré, étaient les termes utilisés dans l’ancien langage. Et le terme « gourou » désigne la personne dont la conscience s’est complètement libérée des ténèbres de l’ignorance. Guru est celui qui vit dans la lumière de cette énergie primordiale, qui vit à la source du Cosmos.

Je ne pense pas que la science moderne différerait beaucoup dans l’expression de la chose, seul le langage serait différent. Par exemple, la science de la physique décrirait une personne éveillée comme quelqu’un qui a analysé la réalité, en partant de la matière, en allant jusqu’à l’énergie, en allant jusqu’au vide au-delà de l’énergie et aussi au-delà du vide jusqu’au silence — en voyant, en percevant le fondement absolu de l’existence. Pour la science moderne, le langage serait peut-être celui de la perception. Avant, le langage était celui de la libération, de l’illumination, des ténèbres à la lumière, de l’ignorance à la compréhension, de la mort à l’immortalité. C’est le langage des Upanishads, des Vedas, et les scientifiques le nommeraient celui qui est parvenu à une théorie unifiée de l’existence cosmique, celui qui a vu le principe unificateur, ce fondement absolu de l’existence imprégnant le cosmos — reliant, joignant la variété apparente dans l’existence unifiée. Pour la science moderne, l’illumination serait donc la perception et la compréhension.

La perception ne peut avoir lieu à travers l’activité répétitive et mécaniste de l’esprit humain global, du cerveau humain entraîné. Le cerveau qui a été conditionné par la connaissance et l’expérience ne peut pas percevoir l’énergie primordiale, il ne peut pas percevoir la Réalité, il ne peut pas percevoir indépendamment des mots. La perception du cerveau est limitée par les mots, par la connaissance, par l’expérience.

Un visionnaire, un sage, une personne libérée, une personne éveillée est une personne chez qui le mouvement des conditionnements humains globaux est interrompu. Il n’y a pas d’esprit individuel en ce qui nous concerne, vous et moi. En ce vingtième siècle, nous avons vu qu’il n’y a pas un esprit humain, pas un esprit individuel. Il y a un esprit humain global dont les personnes sont des expressions particulières. Votre cerveau et le mien ont été limités. Tout comme le sens restreint et limité du « Je », il y a ici le sens limité et borné de la perception. Le cerveau sent qu’il sait, qu’il voit, mais tout cela est enfermé dans la prison des mots, de la verbalisation. Enlevez le cerveau de l’orbite de la verbalisation et il ne peut rien voir parce qu’il a besoin du temps, de mesurer l’espace et des mots pour voir. Sans mot, le cerveau ne voit rien.

Une personne éveillée, une personne libérée est une personne chez qui ce mouvement conditionné répétitif et mécaniste a cessé et à la place une énergie non conditionnée perçoit. Il s’agit donc d’une perception incluant la compréhension — et non pas deux choses, comme voir et ensuite avoir la connaissance. La perception est la compréhension et aussi l’illumination. Ici, il s’agit d’une perception, là d’une « libération » du sens du « Je », d’une libération du mouvement mental global conditionné et des conditionnements humains globaux. Ce ne sont que de différentes façons de voir la même chose tant que les anciens et les modernes s’accordent sur le fait que l’énergie primordiale derrière la création est la Lumière ou le Son. Et je ne pense pas qu’ils en doutent aujourd’hui.

La perception est donc le mouvement de votre totalité. Votre être entier, du sommet de votre tête à votre gros orteil, l’énergie centrée dans l’être total, participe à l’acte de perception, au mouvement de la perception, et la sensibilité qui vibre dans chaque centre nerveux provoque ce que vous appelez la compréhension. L’éradication totale du sentiment étroit du « je » et l’effondrement des murs du « mien » aboutissent au sentiment d’unité de la vie et donc à l’amour et à la compassion. En langage moderne, lorsqu’il y a un mouvement de la totalité de votre être en relation avec le mouvement de la totalité à l’extérieur de vous, le mouvement résulte en ce que vous appelez l’amour et la compassion.

Une fois que l’on voit qu’une seule énergie de base imprègne tout le cosmos, le sentiment de l’altérité, du « MOI » et de l’« AUTRE » disparaît. Non en tant qu’une théorie de la non-dualité, mais comme un fait de la vie. Ce sentiment de dualité, la tension de la dualité tombe simplement comme les feuilles d’automne des arbres sans donner aucun trouble à votre esprit. Vous ne renoncez pas. Le « Je » ne renonce pas à son sentiment de « Je », il se brise simplement, se démolit et ce qui reste est la conscience vibrante de l’unité de la Vie et de l’unicité de cette Intelligence qui imprègne tout. La mort est ressentie comme la chute des feuilles d’automne et la naissance est ressentie comme un petit bourgeon qui apparaît sur une plante ou un arbre — un mouvement dans l’énergie vitale illimitée.