Joan Tollifson
Conscience, Awareness, Présence, Ici-Maintenant, Attention

Traduction libre Ces mots désignent-ils tous la même chose ? [1] Tout d’abord, il est important de noter qu’il ne s’agit que de mots. Il n’existe pas vraiment de « chose » telle que la conscience, l’awareness, la présence, l’ici-maintenant ou l’attention. Les référents sont introuvables en tant qu’objet(s) saisissable(s), et pourtant, ces mots désignent des réalités incontestables. […]

Traduction libre

Ces mots désignent-ils tous la même chose ? [1]

Tout d’abord, il est important de noter qu’il ne s’agit que de mots. Il n’existe pas vraiment de « chose » telle que la conscience, l’awareness, la présence, l’ici-maintenant ou l’attention. Les référents sont introuvables en tant qu’objet(s) saisissable(s), et pourtant, ces mots désignent des réalités incontestables. Les mots conscience, awareness, présence et ici-maintenant sont souvent utilisés comme synonymes ou interchangeables, mais pas toujours. Parfois, ces mots sont utilisés pour distinguer et souligner différents aspects de cette réalité vivante, indivisible et fluide, qui n’a pas de frontières ou de limites réelles.

Ces mots sont utilisés de différentes manières par différents enseignants, et même par une même personne à des moments différents, ce qui peut entraîner une grande confusion. Il se peut que nous parlions de la même chose en utilisant des mots différents, ou que nous voyions les choses différemment. Il est toujours utile de clarifier la façon dont les termes sont utilisés si cela n’est pas évident. Et je nous encourage tous à écouter ouvertement et à essayer de comprendre comment les mots sont utilisés par un orateur ou un auteur particulier dans leur contexte, plutôt que de nous accrocher dogmatiquement à une seule définition ou à une seule façon d’exprimer des idées profondes. Sinon, nous devenons fermés, rigides et incapables d’entendre quelqu’un qui exprime différemment les mêmes idées essentielles. Ce qui suit est ce que j’entends par ces mots, mais je les ai parfois utilisés d’une autre manière, parfois de manière interchangeable, et je les utiliserai peut-être différemment demain. Ne considérez donc pas ce qui suit comme des définitions immuables, mais plutôt comme des possibilités. Ce qui compte, ce ne sont pas les mots ou la carte particulière utilisée par un écrivain ou un orateur, mais plutôt le fait de s’éveiller à la réalité vivante elle-même, qu’aucun mot ne peut capturer.

Je dirais que les mots conscience, awareness, présence et ici-maintenant pointent tous, d’une manière ou d’une autre, vers le facteur commun à toutes les expériences différentes. La première expérience (racine) est ce que l’on appelle souvent le JE SUIS, la certitude indéniable d’être ici maintenant. Nous n’avons pas besoin de nous regarder dans un miroir, de lire à ce sujet dans un livre ou de demander à quelqu’un d’autre de nous le dire — nous savons sans le moindre doute que nous (en tant que présence consciente) sommes ici et que quelque chose est en train d’apparaître ici. Nous ne faisons jamais l’expérience de quoi que ce soit en dehors de la conscience — ou, pourrions-nous dire, en dehors de l’Ici-Maintenant, cet espace conscient intemporel, non localisable et ouvert dans lequel tout apparaît et disparaît. Dans le sommeil profond, même le premier sentiment d’être présent disparaît, ainsi que tout ce qui est perceptible et concevable. Ce qui reste est souvent appelé l’awareness primordiale, mais on pourrait aussi l’appeler Conscience, selon l’usage que l’on fait de ce mot. Ce que nous sommes fondamentalement (le fondement primordial sans fond) ne peut pas être objectivé — il ne peut pas être vu.

La conscience, comme j’ai tendance à utiliser le mot, est ce que j’appelle le film de la vie éveillée ou de l’expérience présente. Elle comprend la sensation, la perception, la pensée, la conceptualisation, le souvenir et l’imagination. Ses créations ne sont pas sans rappeler les rêves qui surviennent pendant le sommeil. C’est l’effondrement, la division et la solidification apparents de l’unicité indivisible et de l’énergie en constante évolution en une multiplicité apparente, la création de formes apparemment substantielles à partir de ce qui est en fait un néant ou non-choséité sans forme. La conscience est le monde de la dualité et de la séparation apparente, y compris plus fondamentalement la pensée-sentiment du sujet et de l’objet, du soi et du non-soi. La conscience est également l’apparence du temps et de l’espace dans ce qui est en réalité l’ici-maintenant intemporel, sans dimension, sans lieu, toujours présent et totalement immédiat. Sans l’apparition du temps et de l’espace, et sans l’apparition de la dualité, il n’y aurait pas d’expérience cohérente ni de capacité à fonctionner. La conscience trace des frontières autour des « choses » et réifie ou fige ce qui est en réalité un flux continu en entités apparemment substantielles, séparées et persistantes : chaises, tables, nations, planètes, atomes, molécules, personnes, émotions, événements historiques, situations de vie, présidents, etc. Elle raconte des histoires de causes et d’effets, de succès et d’échecs, de gains et de pertes.

Pourtant, plus nous étudions cette apparente dualité, plus nous découvrons qu’elle n’existe pas en réalité. Dans notre expérience directe, tout apparaît juste ici, à une distance nulle, même le sens fonctionnel de la distance, de même que tout n’arrive que maintenant, même le déroulement apparent du temps. Expérimentalement, la sensation visuelle n’est pas divisée en voyant-vision-vu. La division est conceptuelle. Expérimentalement, le bip-bip-bip de l’oiseau est juste là, tout à fait immédiat, sans espace, sans séparation. Les dix mille choses semblent être séparées et indépendantes les unes des autres, mais seulement si nous n’y regardons pas de trop près. Rien ne peut être retiré du tout, et jamais rien n’apparaît en dehors de la conscience.

L’awareness est en amont de la conscience. Alors que la conscience semble diviser l’unité en une multiplicité et une dualité apparentes, l’awareness est non duelle. Elle est l’unicité, la totalité illimitée, la fluidité. L’awareness n’a ni début, ni fin, ni intérieur, ni extérieur, ni opposé. Elle est l’ici-maintenant omniprésent, intemporel, immédiat, infini et éternel. C’est l’intelligence elle-même, ce qui est conscient de penser, ce qui voit les pensées comme des pensées, ce qui reconnaît le faux comme faux, ce qui est conscient d’être conscient. C’est ce qui reste dans le sommeil profond, avant le JE SUIS, avant toute expérience.

L’awareness n’est pas séparée du film de la vie éveillée, mais elle n’est pas empêtrée dans le film ou piégée dans le drame. La conscience, en revanche, se laisse facilement hypnotiser par ses propres créations, aspirée par ses propres drames imaginaires, identifiée aux personnages qu’elle a créés, perdue dans les histoires qu’elle raconte. L’awareness est celle qui observe le jeu de la conscience sans se laisser prendre par lui. L’awareness voit les pensées comme des pensées, elle voit le drame et le reconnaît comme un spectacle passager. L’awareness est la lumière derrière l’attention qui illumine et dissout tous les problèmes imaginaires et les fausses identités. Dans ce sens, nous pouvons parfois parler de « ne pas être aware » de quelque chose, ou d’être « plus ou moins aware ». En réalité, ce que nous voulons dire c’est être plus ou moins attentif à quelque chose. Car la lumière elle-même n’est jamais vraiment absente, mais seulement apparemment voilée, tout comme les nuages peuvent apparemment bloquer la lumière du soleil.

L’awareness est ce qui est aware que la conscience disparaît au fur et à mesure lorsque nous sommes anesthésiés ou que nous nous endormons. C’est en elle que nous nous dissolvons. L’awareness est comme l’écran de cinéma ou le miroir dans lequel tous les films et reflets vont et viennent. L’awareness pourrait être décrite comme l’amour inconditionnel qui permet à toute chose d’être telle qu’elle est.

Voici comment Nisargadatta Maharaj présente les choses : « La pure Conscience (awareness) est primordiale c’est l’état originel, sans commencement ni fin, sans cause, sans support, sans parties, sans changement. La conscience est en contact, une réflexion sur une surface, un état de dualité. Il ne peut pas y avoir de conscience sans Conscience (arwareness), mais il peut y avoir pure Conscience sans la conscience, comme dans le sommeil profond. La pure Conscience est absolue, la conscience est relative à son contenu, est toujours conscience de quelque chose ».

J’utilise le mot « présence » de deux façons — parfois je l’utilise pour désigner le fait d’« être ici maintenant », d’être sciemment présent et non « perdu dans ses pensées ». Il s’agit d’une qualité d’attention ouverte, spacieuse, détendue, alerte et éveillée à l’actualité sensorielle et énergétique et à la présence de ce moment, plutôt que d’être engagé dans des pensées ou des fantasmes. Il s’agit d’un sentiment impersonnel illimité plutôt que d’un « moi » encapsulé et séparé. En ce sens, nous pourrions parler d’« être en présence » ou d’« avoir le sens de la présence ». C’est une qualité particulière d’attention qui va et vient. À d’autres moments, j’utilise le mot « présence » pour désigner l’intégralité vivante, l’êtreté, l’immédiateté ou la présence de toute chose, y compris les pensées et les fantasmes — le facteur commun à toute expérience différente, quelle que soit la forme qu’elle prend. En ce sens, tout est présence. C’est la seule constante qui ne va ni ne vient et qui ne s’éloigne jamais d’elle-même.

Par ici-maintenant, j’entends ce moment unique et sans fond qui est intemporel et non localisable, l’immédiateté ou le fait d’être présent dont nous ne pouvons jamais nous éloigner et dans lequel toute expérience se produit. L’instant présent est la seule véritable éternité. Et, quelle que soit la distance que nous parcourons, nous sommes toujours ici, dans cette présence consciente et immuable.

L’attention est la capacité de focaliser la lumière de l’awareness sur des objets particuliers (vues, sons, sensations, idées, souvenirs, parties du corps, etc.) Nous pouvons prêter attention à notre respiration, au sentiment de présence, au picotement de nos pieds, aux nuages dans le ciel, au chant des oiseaux, aux bruits de la circulation ou à la douleur de notre dent. L’attention se déplace d’un endroit à l’autre, sans jamais quitter le moment présent. L’attention peut être étroitement focalisée ou très ouverte et globale.

On parle souvent de l’awareness comme d’un changement d’attention et d’identité, de la personne à la présence, de l’encapsulation et de la séparation à l’illimité. Mais l’attention est toujours en mouvement et, comme un zoom, elle peut être agrandie ou réduite, sur le personnel ou l’impersonnel, le limité ou l’illimité. Personne ne contrôle ce zoom avant ou arrière. Ainsi, plus profondément, être éveillé, c’est ne pas avoir besoin de l’objectif à un endroit particulier, ou essayer de toujours faire un zoom arrière, s’identifier en tant qu’awareness et non en tant que personne. L’awareness contemple et permet tout. Elle est tout. Rien n’est exclu ! La non-dualité inclut (et transcende) la dualité, mais elle n’est pas contre la dualité.

N’oubliez pas — et c’est essentiel — qu’il n’existe pas de « chose » telle que l’awareness ou la conscience, la présence, l’attention ou l’ici-maintenant. Ce ne sont que des mots, des étiquettes, des abstractions conceptuelles que nous utilisons pour souligner certains aspects de la réalité vivante (en fait indivisible, fluide). Ce que ces mots désignent n’est pas un concept, mais une fois que nous commençons à parler de cette réalité vivante et à utiliser des mots, il est important de ne pas confondre les pointeurs (les mots ou les cartes) avec le territoire et les différents aspects du territoire qu’ils nous permettent de distinguer. Il n’y a pas de frontière réelle entre la conscience et l’awareness, ou entre le soi et le non-soi, entre l’intérieur et l’extérieur. De telles « choses » n’existent pas en réalité.

Chacun voit un film tout à fait unique de sa vie éveillée. Dans ce film, la présence consciente est confondue avec un objet qui apparaît dans le film. Nous croyons être un personnage dans une histoire. Nous perdons de vue l’awareness qui contemple l’ensemble du spectacle et l’être indivis de vision et d’écoute (seeing-listening-being) qui n’a pas de frontières ni de limites. Nous nous identifions comme un fragment dans un monde apparemment fragmenté. Nous pensons que « le monde » est en fait une réalité objective, indépendante de l’observateur, qui se trouve quelque part, en dehors de la conscience, et nous croyons que nous sommes nés dans ce monde et qu’un jour nous mourrons.

Mais le moi apparemment séparé, si on l’examine de près, n’est que pensées, sensations, souvenirs, images mentales et histoires en constante évolution apparaissant dans la conscience. Il ne s’agit pas d’une entité substantielle ou persistante.

Si vous essayez de vous accrocher à une pensée, vous n’y parviendrez pas ! C’est une explosion d’énergie qui disparaît en un instant. Vous pouvez en garder le souvenir, mais la pensée originale a disparu. Le « corps » est en fait un flux en constante évolution, inséparable de ce que l’on appelle « l’environnement » qui l’entoure. Il est impossible de trouver un lieu ou un moment dans le temps où ce corps a commencé ou s’est terminé. Nous pouvons penser qu’il a commencé à la conception ou à la naissance, mais où ont commencé le spermatozoïde et l’ovule ? Dans la nature, tout est recyclé — les corps morts deviennent de l’engrais pour le sol et de la nourriture pour d’autres formes de vie, et tout est composé de ce qu’il n’est pas. Le corps ne pourrait pas exister sans l’air, la lumière du soleil, l’eau, les parents, les grands-parents, la nourriture et tout ce qui rend la nourriture possible — en bref, sans l’univers entier tel qu’il est, le corps ne serait pas là.

Êtes-vous limité au corps, encapsulé à l’intérieur de celui-ci et regardant à l’extérieur ? Nous avons appris à croire que c’est vrai, et nous y croyons si fort que cela semble être notre expérience. Nous confondons la carte avec le territoire sans nous en rendre compte. Mais si vous considérez votre expérience directe, n’est-il pas tout aussi vrai que le corps apparaît en vous, en tant qu’awareness illimitée ? De nombreux enseignements spirituels s’appuient sur l’idée que nous sommes exclusivement une awareness illimitée et non le corps, tout comme les matérialistes scientifiques ont tendance à s’appuyer sur l’idée opposée selon laquelle nous ne sommes que le corps et que la conscience est une activité cérébrale. En réalité, nous ne savons pas exactement comment le cerveau joue un rôle dans tout cela, ni même ce qu’est le cerveau ! Si l’on s’intéresse de près à ce que l’on appelle le « cerveau », il se dissout lui aussi dans une danse subatomique indéterminée qui n’est pour l’essentiel que de l’espace vide. Les idées scientifiques et métaphysiques sont toutes deux superposées à la vie elle-même par la pensée. Peut-être n’avons-nous pas besoin de nous situer d’un côté ou de l’autre de ces divisions conceptuelles. Peut-être pouvons-nous vivre dans l’absence de fondement du non-savoir.

Si vous y regardez de près, vous ne trouverez pas de frontière réelle entre l’intérieur et l’extérieur de vous, entre le soi et le non-soi, ou entre l’awareness et le contenu de l’awareness. Il peut y avoir un profond sentiment d’être fluide, une awareness impersonnelle, l’ici et maintenant omniprésent, mais un certain degré d’identité en tant que personne particulière se manifestera encore de manière intermittente, selon les besoins. Elle peut disparaître complètement dans de nombreux moments ordinaires où elle n’est pas nécessaire sur le plan fonctionnel et où l’on ne pense pas à « moi », mais à moins d’une lésion cérébrale, elle ne sera jamais totalement absente tout le temps. Nous ne pouvons pas nier le corps et la personne, mais en même temps, nous ne pouvons pas nier la conscience spacieuse, ouverte et illimitée.

La libération est le fait de voir à travers et de se débarrasser de problèmes imaginaires (problèmes de terre plate, fondés sur une fausse compréhension de la réalité). La libération est un relâchement de l’esprit de saisie, un lâcher-prise des croyances, une ouverture sur l’absence de fondement et, par-dessus tout, le fait d’être simplement ce que l’on a toujours été et que l’on ne peut pas ne pas être : Ici-Maintenant, présence ouverte, libre et consciente, être et contempler l’expérience présente, exactement telle qu’elle est. Si vous recherchez cet éveil (awakeness), vous croyez à la pensée que « ce n’est pas cela », que « vous » existez en dehors de cette unicité indivise et qu’il vous faut d’une manière ou d’une autre « comprendre », et que « cela » est une chose ou une expérience particulière autre que l’expérience présente, qui a déjà disparu aussi vite qu’elle est arrivée. La réalité n’est ni une chose ni une manière en particulier. Elle est tout entière. Elle est juste là, se présentant comme le goût du thé, le bruit de la circulation, la connaissance d’être présent et conscient (aware) — juste cela !

Ne vous laissez pas déconcerter ou mystifier par les mots et les idées. Soyez simplement ce que vous ne pouvez pas ne pas être, ce qui est là avant toutes les explications et formulations, et qui demeure même dans le sommeil profond et lorsque l’univers entier est détruit. Et si vous cherchez cela, détendez-vous ! Vous êtes cela ! Nous négligeons la simplicité absolue de cette démarche en essayant d’atteindre un état de présence particulier, ou en essayant d’avoir une expérience d’illumination tape-à-l’œil, ou en essayant de nous débarrasser du moi, ou en essayant de nous identifier à la conscience pure, illimitée et non à un corps ou à une personne. Mais tout cela provient du sentiment d’être un moi séparé, déficient, qui a besoin que quelque chose de meilleur ou de différent se produise. Il suffit d’être ici et maintenant — entendre la circulation, sentir l’odeur du café, respirer, penser, sentir, prendre conscience — simple, simple, simple. Et nous n’avons pas besoin de l’appeler par un nom. Tous les mots peuvent disparaître. Ils remplissent leur fonction, puis nous les laissons partir.

Texte original : https://www.joantollifson.com/writing29.html

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1 NDT le mot Awareness est laissé en anglais dans le texte, car sa traduction française est souvent l’un des autres mots se trouvant dans le titre de cet article. Tollifson explique, dans la suite, du texte ce qu’elle entend par ce mot : Le fond sous-jacent à tout ce qui existe, ou pure Conscience.