Suzanne Devoldre
L'incroyable apparence des choses

Et nous voici amenés humblement à prendre conscience de ce que le monde « vu » par nos yeux, n’est qu’une cristallisation d’existence double, double afin de se manifester ici, mais qui peut à tout instant, s’évanouir à nos yeux, pour autant qu’une consistance quelconque se « dédualise », ou pour autant que nos yeux sortent un instant du globe de perception de la densité duelle pour laquelle ils sont faits, au départ tout au moins.

(Revue Être Libre. No 289. Octobre-Décembre 1981)

Le monde est tellement incroyable, dans ses aspects duels que le frisson m’en saisit, et que l’œil étonné, je fixe le vague dans le refus d’une quelconque attente. Quelle terrible chose cependant : de ne pas savoir et pressentir.

Le grandiose et sans limite, transcendantal, irrationnel, qui est et se joue double face, triples et jusqu’à la parfaite décade, et jusque dans ce monde, et dans tous les autres.

Où la force d’amour se manifeste dans les descentes successives de densités, par la présence renouvelée de la vie, en ses saisons apparentes de vie et de mort; Et où la vie n’est que par la mort, et où tout n’est d’apparente consistance que par la négation de cette consistance même…où tout n’est définissable que par son contraire, et où les relations mêmes entre ces « définissables » n’ont pas plus de consistance que les inconsistances qu’ils évoquent.

Et nous voici amenés humblement à prendre conscience de ce que le monde « vu » par nos yeux, n’est qu’une cristallisation d’existence double, double afin de se manifester ici, mais qui peut à tout instant, s’évanouir à nos yeux, pour autant qu’une consistance quelconque se « dédualise », ou pour autant que nos yeux sortent un instant du globe de perception de la densité duelle pour laquelle ils sont faits, au départ tout au moins.

Mais ce que j’essaie de toucher du doigt, c’est l’étrange inconsistance d’une dualité identique, du monde qui nous est relié (et prenons ici relié dans le sens indiqué plus haut), et d’une densité plus subtile : ce monde qui est perceptible à certains dont les sens sont plus affinés, n’existe aussi que parce que baignant dans un tissu duel analogue au précédent, il peut aussi s’évanouir aux yeux de ceux qui le perçoivent, lorsqu’il se dédualise.

Cette dédualisation peut se faire d’un monde à l’autre par interférence en quelque sorte, mais c’est encore à ce moment un jeu d’actions duelles même si elles ne s’appliquent pas à la même densité de dualité.

On pourrait dire à ce moment, qu’un niveau dense est blanc et qu’un moins dense est noir, car encore et toujours les « définitions » ne s’expriment que par les relations entre les différentes consistances, qui rappelons-le sont chacune à leur densité respective, des apparences de consistances donc des inconsistances dans un même jeu duel.

(Revue Être Libre. No 290. Janvier-Mars 1982)

(Suite)

Ce qui vient d’être dit à propos de deux densités différentes peut être dit à propos de toutes les densités de tous les mondes; c’est le même schéma d’illusions qui se reproduit comme en miroirs parallèles et perspectives fuyantes.

Chaque monde a ainsi à son niveau, sa dualité existentielle qui lui confère la vie dans l’illusion. Illusion qui dans un réseau de vibrations dominantes (perçues) consistera en ce que chaque monde nommera : « sa réalité ».

L’aspect « en escalier » de ce qui vient d’être exposé, n’est cependant qu’une petite parcelle du jeu des intrications vibratoires, ce n’est qu’un tout petit aspect au niveau de l’exposé, car les différents niveaux vibratoires sont tous intimement reliés.

Les intimes connexions entre « mondes », confèrent étrangement dans le jeu des résonnances un écho véritable de l’un dans l’autre. Résonnance tout à la fois sélective selon la note initiale où toutes les harmoniques vibrent de même, mais également de façon globale, car toute modification dans le tissu vibratoire, fera sentir son frémissement dans la totalité de la gamme.

Que l’on perçoive ici le fantastique, l’inimaginable, qui se joue en nous et par nous, et que la pensée, un instant le souffle court, arrête les échos dans l’illusoire réalité, et soupèse en une vue claire que les mondes structurés et fragiles, complexes et mutants, élaborés et distincts (d’apparence) sont seulement des échos.

Quel que soit le mot employé, l’image décrite, la photo prise, la pierre touchée, tout est écho.

Quelle que soit l’apparition, la projection, le voyage féérique, l’elfe ou le gnome, tout cela est écho.

Quelle que soit la théorie, l’expérience, le développement mathématique, l’étude génétique, tout cela est écho.

Quelle que soit la ferveur, la tendresse, et le cœur, tout cela encore est écho.

J’avouerai ma grande ignorance, et vous dirai que dans l’inconsistance duelle, dans les interconnexions innombrables à tous les niveaux, le voyageur de l’imaginaire, pourrait se perdre au lieu de se trouver.

J’ajouterai que selon les niveaux en ces mondes, les dimensions changent et que de proche en proche les notions anciennement valables, deviennent caduques, ou plus exactement les anciennes dimensions sont englobées et reprises selon une  optique différente.

Ainsi nos densités, le monde à trois dimensions parait valable, mais passant à une dimension supérieure les trois dimensions sans être déniées dans leur réalité se trouvent vues d’une perspective différente et englobée…

Et ainsi de suite de mondes en mondes, de l’espace-temps au non espace-temps du temps- condensé au temps expansé, nous revoici toujours bien qu’avec un langage un peu différent de tout à l’heure, dans une dualité qui est manifestation de la vie-mort et de ses phases indispensablement évolutives.

D’autres mots, d’autres phrases, ont situé d’un point de vue ou d’un autre, notre perception de nos réalités.

Mais quel que soit le niveau de perception, la vue et la réalité qui en découlent s’il est un monde à ne pas ignorer, c’est celui de notre CORPS, ce monde qui à lui seul est astre et univers, infime et ultime. Corps qui par l’instrument qu’il représente, nous donne le privilège par le fait qu’il est là, d’en faire un outil grossier ou délicat.

Et selon que nous en ferons du grossier ou du délicat, nous percevrons sans doute du plus dense au moins dense, du plus rationnel au moins rationnel.

Ainsi les couleurs, les sons et les mots prendront un écho différent selon la sensibilité de l’instrument. Et, la taille de matière sera forte ou légère, selon la pensée qui s’y attachera.

Mais tout cela ne sera rien, rien que l’illusoire jeu des apparences.

En toutes ces facettes miroitera de loin ou de près, l’écho, le reflet de ce que nous sommes.

Rien n’existera, en ces inconsistances qui ne soit image de l’instrument.

Et, à pas de nain ou à pas de géant, ce ne sont que des pas dans la forêt enchantée, où le sujet et l’objet se regardent et se félicitent, et où la conversation s’engage comme s’ils s’étaient séparés.

Il s’agit de, pressentir ici, qu’au travers de l’illusoire de nos réalités partielles, en tout moment et en tout point, parce que présent en toutes dimensions (et fatalement en celles-ci qui sont les plus grossières) se trouve (car c’est trouvable) et se cache (parce que pour beaucoup c’est caché), la Force Vive.

Force, parce qu’elle est l’énergie, l’aimant, le berceau, dont émane en dernier ressort notre dualité existentielle. Vive, parce qu’elle est l’origine de la vie-mort qui donne aspect et consistance apparente à nos mondes.

Ainsi au-delà des apparences, se trouve cachée, mais peut être perceptible, l’énergie première de toutes choses en nos mondes…

Mais ne nous trompons pas encore une fois nous-mêmes, cela nous est donné pour autant que nous ne cherchions plus à percevoir l’écho de nos propres cris, et à croire qu’il s’agit là de réalités, cela nous est donné pour autant qu’ayant cessé de vouloir apparaître en de fallacieux miroirs, nous fassions silence et écoutions : …alors, si notre cœur est pur, sans dualité, sans « autre » et « moi », sans ici et là de l’espace, sans maintenant et plus tard du temps, dans une dédualisation totale et parfaite, alors le temps d’un éclair ou d’une éternité, mais sans éclair et sans éternité, tout l’illusoire s’efface, d’un seul coup, abruptement et il se relève enfin qu’en l’absence de « nous », nous n’étions que CELA, ineffable, grandiose, transcendantal et que cela ne porte à nos lèvres qu’un seul mot : AMOUR.

Car tout ce qui est, est AMOUR, JOIE en un jeu cosmique incroyable, au-delà et dans l’apparence même des choses.