Annik de Souzenelle
L’arbre de Vie 3: La première porte

Quels sont les rapports entre le coursier et l’homme ? Quand l’homme, dans la fougue de la jeunesse, dans ses forces les plus primaires n’est pas capable de monter son cheval, c’est lui qui emmène l’homme où bon lui semble, l’homme n’est pas encore devenu homme. Et tout le symbole de la Chevalerie sera d’apprendre à l’homme de monter son cheval et non pas de le tuer. Car celui qui tue ces forces là, ces forces animales qui sont en tout homme et qu’il doit accepter et assumer, les verra se retourner contre lui.

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(Revue Panharmonie. No 168. Septembre 1977)

Le titre est de 3e Millénaire

Compte rendu de la réunion du 26.4.1977

A. de Souzenelle revient aux « trois portes » qui sont à franchir au cours de la vie, celle de l’Avoir, la première, au niveau du pied dont la forme ressemble à un germe, la deuxième, celle des Hommes, au niveau des reins qui ont également la forme d’un germe, et la troisième celle des Dieux, au niveau de l’oreille qui a encore la forme d’un germe. Ces trois germes dessinés à chacun des étages signifient bien la totalité des énergies dont nous aurons besoin pour franchir un nouvel étage de l’Arbre. Malheureusement nous avons vu que bien peu de forces montent hélas même jusqu’aux reins à cause de cette « blessure du pied » dont parlent toutes les traditions et qui représente une sorte de perte d’énergie au départ. Les différents mythes, déjà étudiés, nous montrent qu’une guérison est possible. Dans le mythe de Chiron, dans celui d’Œdipe et dans les Évangiles où nous voyons le Christ laver les pieds de ses Apôtres, afin qu’ils puissent prendre part au festin, car « il suffit que les pieds soient purs pour que l’être entier soit pur ! » Nous pouvons faire là le rapprochement avec le fait de se déchausser pour entrer dans un lieu saint.

Aujourd’hui nous parlerons du genou, parce que nous sommes toujours encore dans la séphira Malkuth qui semble-t-il, rassemble pieds et genoux parce que liée à toute l’expérience de l’incarnation qui, elle, est liée à un symbole de terre.

Dans ses recherches sur la signification de Malkuth et celle des genoux, A. de Souzenelle fait la proposition suivante : Malkuth est à la fois les pieds situés astrologiquement dans le signe d’eau des Poissons, et les genoux situés dans le signe de terre du Capricorne. Les pieds sont tout l’Arbre résumé en Malkuth, puisqu’ils sont le germe, la promesse et les genoux sont symboles d’incarnation, de prise de contact avec la terre. Ni les contes, ni les mythes, ni les légendes mettent les genoux en image. A. de Souzenelle s’est donc appuyée sur des gestes rituels ayant trait aux genoux ; s’agenouiller, l’adoubement dans la Chevalerie, dans lequel il y a une prise de terre avec le genou. Dans l’iconographie on voit des sortes de spirales autour des genoux et, en particulier chez le Christ en Gloire de Vezelay, comme si les genoux étaient liés à une sorte de couronne. Lorsqu’un enfant se blesse aux genoux, on dit qu’il est « couronné » et cette expression s’emploie surtout dans le langage hippologique. D’autre part, le genou est constitué par devant par une « rota » la rotule qui est bien une petite roue. On pourrait conclure que dans les genoux, nous voyons un peu la même promesse de couronne au niveau de l’incarnation, dans la dualité, que pour la Couronne située en-haut de la dernière séphira, celle à laquelle l’homme est destiné et qui va couronner ses épousailles avec le Divin. Le genou serait notre point de départ à partir du moment où nous naissons.

Dans la Bible une traduction erronée dit que l’homme est né de la poussière de la terre, tandis que la vraie traduction, c’est « l’homme est né poussière de la terre, ce qui est différent, le mot poussière qualifiant l’homme et non la terre. En hébreu le mot poussière se dit APHAR qui est constitué de PHAR = taureau, symbole de fécondité et qui préside à toutes les croissances de l’être. Lorsqu’au début de la Genèse Dieu dit : « Croissez et multipliez », c’est PHAR qui signifie croître, grandir. Il ne s’agit pas de multiplication selon le nombre, mais comme nous le verrons lorsque nous étudierons la séphira Yesod, de monter notre Arbre et de nous multiplier selon nos puissances essentielles. Les genoux sont donc liés à cette promesse de croissance, de fécondité, symbolisée par le taureau et il est dit que le Pharaon (même mot PHAR), quarante jours après sa mort, doit se mesurer à un taureau avant de devenir dieu. Nous ne pouvons prendre contact avec le Ciel qu’en prenant aussi contact avec la Terre, parce que ce sont deux pôles de « l’aimant cosmique ».

Pour revenir au mot APHAR il est intéressant de noter que le mot PHARA signifie chevelure, c’est le haut de la tête qui est conquis. Les Hébreux jouent avec les lettres qui sont toutes des énergies et qui rendent compte beaucoup plus qu’un mot. Ce sont des jeux divins.

Il est dit dans le Zohar : « Au commencement, le Saint, béni soit-Il, jouait avec les vingt-deux lettres de l’alphabet et en faisait ses délices ».

Toute la force est dans la chevelure, tandis que le fait de se raser la tête, peut parfaitement signifier l’expression la plus haute, la plus noble, un renoncement total à toutes les forces, à toute sexualité.

Revenons aux genoux, en hébreu BELEN. C’est le même mot qui, prononcé BERUK, veut dire bénédiction, bénédiction dans la fécondité de la Terre. Baraka vient de là, et si on lit BEKER en retournant le mot, c’est la nouvelle naissance. BOKER est le premier-né des animaux, chez les hommes on dira que ce sont les aînés. Mais nous savons, nous, qu’il s’agit de notre première naissance à nous-mêmes et non selon le nombre, alors que nous allons vivre au niveau des reins une deuxième naissance et au passage de la gorge une troisième. Et cette première naissance, le mot l’indique bien, se fait au niveau des genoux.

Un autre retournement du mot est KERUB, les Chérubins avec lesquels nous retrouvons la notion de roue, parce que dans beaucoup d’iconographies, particulièrement la Judéo-chrétienne et la Persane, ceux-ci sont décrits par de grandes roues avec des yeux tout autour, tel le char vivant dans le premier chapitre d’Ézéchiel.

Saturne aussi a son anneau, sa roue. Or, il est lié sur le plan des métaux au plomb et le mot PHAR, poussière, avec une lettre de plus, le Tav, la dernière lettre de l’alphabet, est comme l’énergie la plus lourde, la plus condensée. L’homme qui arrive au monde est plomb et toute l’alchimie va se servir de cette image pour que le plomb devienne or.

Le genou est donc lié dès le départ à la Terre extérieure. Mais la Terre est aussi symbole de notre Terre intérieure. Dans tous les mythes, lorsqu’il est question de terre, il s’agit de notre terre intérieure, c’est-à-dire de notre plan de conscience. Car nous ne voyons le cosmos qu’au niveau de notre plan de conscience. Nous la voyons différente selon le niveau auquel nous sommes. Dans l’Apocalypse le fils de l’Homme va dire : « Voici les Cieux nouveaux et la Terre nouvelle ». Il ne s’agit pas de planètes, mais d’une terre intérieure nouvelle qui va amener une nouvelle conscience. Et chaque fois que nous avons un personnage biblique important, le nom de la terre à laquelle il appartient, va toujours être signifié.

Le seul enseignement sur les genoux en hébreu et que connaisse A. de Souzenelle est celui où Elie, pour prier, monte au Carmel et « met ses genoux en terre et sa tête entre les genoux ». Autrement dit les genoux, revenant dans la poussière, prennent leur capacité de fécondité et la tête vient rejoindre les genoux. C’est le cycle total qui est accompli.

Nous abordons maintenant les jambes, les cuisses et les membres inférieurs en général. Les jambes, dans toutes les traditions, sont symbole de nos activités primaires, de nos énergies les plus archaïques. Elles sont particulièrement symbolisées par le cheval qui est entièrement dans ses jambes et qui, lorsqu’il a une jambe abîmée, est abattu parce qu’il est avant tout coursier.

Quels sont les rapports entre le coursier et l’homme ? Quand l’homme, dans la fougue de la jeunesse, dans ses forces les plus primaires n’est pas capable de monter son cheval, c’est lui qui emmène l’homme où bon lui semble, l’homme n’est pas encore devenu homme. Et tout le symbole de la Chevalerie sera d’apprendre à l’homme de monter son cheval et non pas de le tuer. Car celui qui tue ces forces là, ces forces animales qui sont en tout homme et qu’il doit accepter et assumer, les verra se retourner contre lui.

Les articulations sont extrêmement importantes, tout est encore à découvrir à ce sujet. Avec la cuisse nous sommes en liaison avec les hanches, parce que en hébreu, c’est le même mot, si ce n’est que la cuisse fait fonction d’organe mâle et la hanche d’organe féminin. La hanche est la coupelle de la cuisse.

«Naître de la cuisse de Jupiter » signifie nettement notre seconde naissance au niveau de la Porte des Hommes. Il y a des rites très curieux au sujet de la cuisse : lorsque Abraham envoie son serviteur à la recherche d’une femme pour Isaac, il lui dit : « Mets ta main sous ma cuisse, et jure-moi… ».

La main, c’est la connaissance. Il y a là comme une information qui va être liée à ce contact entre la main du serviteur et la cuisse du maître, comme si la transmission passait à travers elle. La cuisse est aussi liée à la sexualité, mais aussi à toutes les énergies qui vont être investies à un passage à un autre plan.

Dans le mythe d’Hercule, la déesse Héra qui est la force germinatrice, introduit deux serpents dans le berceau de l’enfant afin de le faire mourir. Les deux serpents sont les forces de la kundalini qui doivent le faire mourir, parce qu’il faut qu’il vive une mort et ensuite une résurrection. Ce n’est que par les morts et résurrections successives que nous pourront affronter les Gardiens du Seuil de différentes Portes.

En hébreu le genou c’est BEREK et la cuisse YAREK avec un Yod à la place d’un Beith. Les lettres du genou ont respectivement pour valeur Reich, 200 et le Kaf, 20, ce qui fait 222, rien que des 2. Voilà le rapport avec la Terre, le genou reçoit toutes les informations de la Terre et le Yod, l’organe mâle, apporte une force divine. Le Yod = 10, est l’unité. C’est le Divin qui va percuter le haut de la cuisse. A chaque rencontre avec l’Unité, se trouve le Divin.

Compte rendu de la réunion du 12.5.1977

Nous allons parler de Yesod situé à la base du triangle inférieur renversé et qui correspond à l’énergie, appelée « fondement ».

C’est ce personnage mystérieux dont on ne sait pas d’où il vient et où il va, Melchitsedek, qui a illustré le nom de Tsedek, qui veut dire justice. Non pas celle qui récompense le bien et punit le mal, notion due à une erreur de traduction et qui a déformé notre conception, mais la rigueur qui n’a rien à voir avec récompense ou châtiment. Cette justice qui occupe l’axe du milieu correspond au niveau du corps à notre colonne vertébrale qui ponctue toujours le troisième terme des deux pôles de la dualité que nous essayons d’intégrer. Notion d’équilibre et d’harmonie, elle est justesse, juste rapport entre la lumière et les ténèbres, entre le sec et l’humide, entre tous les pôles opposés de la dualité qui font nos contradictions si douloureuses, alors que si nous les vivons en harmonie, nous passons à des plans supérieurs qui nous valorisent.

La séphira Yesod, la base, le fondement, correspond au pouvoir créateur divin. Elle précède en partant du haut, Malkuth, le Royaume qui est le même mot que Malekoth, l’Œuvre divine toute entière. Yesod est la séphira de l’Acte Créateur dans laquelle Malkuth va exprimer cette diversité extraordinaire de la Création. Au niveau du corps elle représente la base de la colonne vertébrale et le sexe. Située à la base du second triangle renversé par rapport au triangle archétype, elle est un premier miroir de Kether qui est en-haut et qui est la Couronne. Nous avons dans ce triangle toute une matrice qui va assurer la maturation du germe. Et, de même qu’en-haut l’homme est appelé à assumer sa dernière naissance, nous allons en-bas avoir la naissance de l’enfant. Ce triangle inférieur va assurer la procréation selon le nombre, la perpétuation de l’humanité, tant que celle-ci n’aura pas pris conscience d’une autre croissance et d’une autre création. L’humanité va se mettre au monde et toutes les naissances successives qu’elle a à accomplir prendront ici leur départ.

Nous avons l’impression actuellement de vivre une fin des Temps. Il semblerait que l’humanité doive passer très vite une nouvelle étape très importante, sans quoi elle va y rester. Les événements extérieurs nous forcent à franchir cette Porte et ceux qui ne l’auront pas passée seront ratissés dans des épreuves terribles. Chaque fois que dans les Écritures il est question de « femmes enceintes », c’est de cette procréation qu’il s’agit, car l’humanité est faite pour la procréation selon le Verbe. Il y a une dialectique très importante entre le triangle supérieur et ce triangle inférieur. Or l’homme s’est coupé de cette information essentielle depuis ce qui est censé être appelé la chute, il a oublié ce qu’il était, il ne se multiplie plus selon le Verbe.

C’est là tout le drame du Déluge où seul Noé semble avoir pris conscience. Et Dieu lui dit: « Construis ton Arche », c’est-à-dire son quadrilatère qui se trouve au-dessus des eaux. Le Déluge est une anarchie des eaux, une matrice qui ne sait plus comment assumer sa gestation. Noé, en construisant son Arche, construira son triangle supérieur. Yesod est à la base de cela. Sod en hébreu signifie le secret et le Yod qui précède, c’est le Divin. On peut donc traduire Yesod par Secret Divin.

A partir de la séphira Yesod, l’adolescent se sent relié à ses véritables structures et veut envoyer promener ses béquilles, toutes les dualités qui l’empêchaient de vivre sa vie.

C’est à partir de ce moment là qu’on peut vivre une sexualité qui va s’exprimer par le mariage de deux pôles, de nos déchirantes dualités intérieures. C’est aussi symbole du mariage de l’homme avec la femme, qui seul à ce niveau là se fait de façon « juste », lorsque les deux pôles auront trouvé leur troisième terme qui n’a rien à faire avec l’enfant qui n’en est que le symbole. L’archétype du mariage est de mettre au monde ce troisième terme. Car au fur et à mesure des différents mariages que nous aurons à faire à l’intérieur de nous et qui seront de plus en plus précis, nous aurons à mettre au monde l’enfant divin. Il ne faut pas confondre l’enfant qui assure la continuité de l’espèce avec l’enfant divin.

Tout un courant religieux occidental a proposé la procréation comme but du mariage, ce qui a donné lieu à des situations morales dramatiques. Il faut dénoncer l’erreur néfaste d’avoir déclaré tabou tout ce qui touche à la sexualité, alors que le secret est tout à fait autre chose. Or la sexualité fait partie de notre être et nous avons à l’assumer. Et parce que cela a été vécu jusqu’à présent dans le mauvais sens du terme, nous vivons actuellement ce déferlement qui désacralise tout.

Reparlons de la signification de « justesse ». Une partie seulement des énergies doivent être vécues au niveau de Yesod, afin qu’il y en ait encore de disponibles pour construire l’Arche. Elles doivent donc être vécues avec « justesse », d’où ce nom de Tsedek.

Melchitsedek est le premier dans l’ordre des sacrificateurs, le sacrifice, faire le sacré, qui n’a rien à voir avec le sens qu’on lui donne communément. On ne sait rien de Melchitsedek sinon qu’Abraham lui donnait la dîme, c’est-à-dire qu’il devait lui consacrer un dixième de ses énergies. Les neuf-dixièmes pouvaient être vécus, mais un dixième devait être consacré pour monter l’Arbre. Le 9 est la perfection féminine, un accomplissement de la Création, avant qu’elle ne rencontre le 10 divin.

Il est intéressant, dans cette perspective de voir la signification chez les Juifs de la circoncision. Elle ne fait pas partie de la Loi mosaïque comme il en est de tous les rites auxquels obéissent les Hébreux. Elle leur est bien antérieure. Elle est demandée à Abraham dans le pacte de la « Nouvelle Alliance ». Il y a toujours de nouvelles alliances entre Dieu et l’homme. Parce que Dieu propose, mais l’homme s’obstine à suivre des chemins différents. Alors Dieu va le rechercher là ou il est et lui offre une nouvelle alliance, parce qu’il y a mariage entre Dieu et sa Création. L’épouse s’enfuit. Tous les textes parlent de cette prostituée qui va avec de faux amants. Mais Dieu aime toujours son épouse et lui propose chaque fois un nouveau mariage. Dieu promet à Abraham de devenir père d’une grande nation s’il s’engage à circoncire tous les mâles qui naîtront de lui. Or qu’est-ce que c’est que la circoncision ? C’est la taille du sexe de l’homme au moment où la fécondité lui est promise. Abraham et Sarah étaient stériles avant ce pacte, stériles dans le sens de la stérilité essentielle de l’humanité qui, depuis sa chute est incapable de monter l’Arbre et de donner des fruits. A travers Abraham naîtront les douze tribus d’Israël qui donneront naissance à celui qui va devenir le Messie, le Christ pour les Chrétiens et le Messie encore attendu pour les Juifs. La fécondité promise mettra au monde le Verbe créateur.

La circoncision, ainsi comprise, n’est autre que la loi à laquelle obéit toute la création : pour mettre l’arbre à fruit, il faut tailler.

Ismaël à ce moment a 12 ans, il est le fils de la servante qui procrée, tandis que Sarah est l’humanité, fille de Dieu. En réalité il n’y a qu’une humanité, mais symboliquement elle est représentée dans ses deux dimensions. Ismaël sera circoncis à 12 ans et toute sa lignée, en particulier le monde arabe va être circoncis au moment de la puberté. L’effet en est extrêmement différent. Celle pratiquée à la naissance par les Juifs, semblerait rassembler toutes les énergies de l’enfant et permettrait de les faire monter, comme la sève monte dans l’arbre lorsqu’il est taillé. Les lettres de la circoncision sont le M et le L et tout ce qui a trait en hébreu à la fécondité contient ces deux lettres.

Au premier Concile tenu par les Chrétiens, saint Pierre voulait continuer cette pratique, mais saint Paul pensant que le Messie étant venu et ayant donné à l’homme sa dimension de créateur, la circoncision devenait inutile.

Un autre problème se pose : pourquoi la femme est-elle dite impure au moment de ses règles et après qu’elle ait mis au monde un enfant ? Dans toutes les traditions il y a à ces moments-là, nécessité de Purification. Là encore il ne faut pas prendre pureté dans son sens moral. La pureté ou l’impureté sont liées aux normes d’Adam avant la chute et à ce qu’il est devenu après. Dieu a demandé à Noé d’introduire dans l’Arche « les animaux purs et impurs ». Il semblerait que l’humanité dans son rythme de sexualité est liée à la Lune, comme les règles de la femme le sont au cycle lunaire et que cette sexualité vécue en tant que procréation, en tant que nécessité dans le temps, soit formulée comme impure au sens étymologique du mot et non au sens moral. Adam n’avait pas besoin de procréer. C’est difficile pour nous de le comprendre, d’avoir accès à cette réalité, mais il importe qu’au lieu de ramener la Réalité essentielle à nos petites catégories, nous contemplions quelque chose qui nous dépasse. C’est la femme qui assume cette notion de procréation, mais elle est aussi l’humanité toute entière qui sera impure tant que la femme le sera. L’humanité dans son principe ontologique n’a pas à procréer, mais à réintégrer son humanité, son éternité. C’est la sortie du temps.

Depuis cette notion de chute nous avons vers la mort une pulsion qui est terrible. Nous assurons notre descendance au lieu d’assurer notre ascendance. La vraie procréation c’est celle où nous nous mettons au monde nous-mêmes et cela se fera par des épreuves — surtout dans les premiers triangles. Après nous pourrons-nous libérer peu à peu, parce que nous serons dans une harmonie et dans des plans de conscience dans lesquels nous continuerons nous-mêmes ces enfantements.

Une autre façon de comprendre le mot Yesod d’après les lettres qui le forment et en ne considérant comme cela se fait en hébreu que les trois consonnes, nous avons la lettre Samech qui forme le milieu et deux lettres, Daleth et Yod qui l’encadrent. Il semblerait que ces trois lettres soient la base, l’appui de toute la conscience divine de l’homme. Cela est confirmé par ce que rapportent toutes les traditions, à savoir que l’homme aurait à la base de la colonne vertébrale une toute petite partie infinitésimale de son squelette, qui serait imputrescible. Même à l’incinération cette partie ne serait pas consumée. Elle est cette partie sacrée de l’être qui va monter peu à peu tout le long de la colonne vertébrale. Chez les Hébreux elle est appelée LUS qui signifie l’amande. Le mot lux en latin en découle probablement. On retrouve ce mot LUS au moment où Jacob a sa vision de l’échelle qui n’est autre que la colonne vertébrale au niveau de chacun de nous. Et la vie de Jacob ne sera que montée de l’échelle. A travers lui l’humanité va devenir lumière. Et cette lumière sera symbolisée par la Mandorle qui n’est autre que cette amande qui était intérieure et qui devient extérieure par un retournement de toutes les énergies. La notion de l’amande se retrouve aussi dans tout le symbolisme de l’Émeraude qui va devenir la Coupe du Graal.

En réponse à une question : Le Daleth, le 4, ce sont les structures. Il n’y a pas de mise au monde sans matrice pour la recevoir. On verra toujours les justes rapports entre le 3 qui est la vie et le 4. Dieu dit au 3 et au 4 : « Ne vous séparez jamais, car vous êtes indispensables l’un à l’autre. » Car que serait le 3, la vie sans les structures, le 4, et que seraient les structures sans la vie ?

Nous passons maintenant au mythe du Déluge qui est l’anarchie des eaux, auxquelles manque le juste rapport entre les eaux du haut et les eaux du bas, c’est-à-dire que les énergies de la création ne sont plus à l’image des énergies divines. Lorsqu’il y a « injustesse » intérieure, cela se traduit par des troubles extérieurs. Nous le vivons actuellement.

L’homme, donc, se multipliait sur la terre avant d’avoir cru et Dieu dit à Noé qui est juste, qui est tsedek : « Construis l’Arche », en lui donnant toutes les proportions qui se rapprochent de celles de l’Arche d’Alliance, du Temple de Salomon et de la Jérusalem Céleste. Il est intéressant de les étudier et de les comparer. Que sont tous les hommes de la Création qui y seront rassemblés ? Ce sont les vivants, ce sont toutes les énergies. Une chose intéressante, c’est que Noé entre dans l’Arche avec ses fils et sa femme avec ses filles. Mais lorsqu’ils en sortent, Noé sera avec sa femme et ses fils avec leurs femmes. Le mariage s’est accompli dans l’Arche.

Nous retrouvons la même chose dans le mythe babylonien, dans l’histoire de Gilgamesh. Parti à la conquête de l’immortalité, il va retrouver dans l’Au-delà son ancêtre Out-Naphishta. Sous beaucoup d’aspects l’histoire d’Out-Naphishta est celle du Déluge de Noé. Lui aussi, reçoit de Dieu l’ordre de construire non une Arche, mais un bateau. Comme Noé, il entre seul dans le bateau et en ressort avec sa femme et il est dit : « Jusque là Out-Naphishta n’était qu’un homme, dorénavant Out-Naphishta et sa femme seront comme les dieux, pareils à nous. Qu’ils aillent habiter l’embouchure des fleuves. » L’un et l’autre sont entrés par la Porte des Hommes et ressortis par la Porte des Dieux.

En hébreu le mot Arche symbolise tout mariage, c’est le mot Teba qui reprend les deux lettres de Tohu-va-Bohu de la Genèse qui signifie chaos primordial. Teba va assurer le mariage de toutes les énergies qui sont entrées en elle et cela va être signifié par toute une symbolique alchimiste, par le vol des oiseaux, celui du corbeau et de la colombe qui représentent ce que les alchimistes appellent : l’Œuvre au noir et l’Œuvre au blanc. C’est la séparation du subtil de l’épais.

Noé se sépare du reste de la population parce qu’il est devenu le « Juste », ayant vaincu les dualités que chacun de nous a en soi et qui créent nos conflits intérieurs, jusqu’à ce qu’il y ait irruption hors de l’Arche qui n’est autre à ce moment là que l’homme, appelé Œuvre rouge par les alchimistes, et qui va être symbolisée par l’ivresse de Noé, celle que les Chrétiens appellent ivresse de l’Esprit Saint, au cours de laquelle il découvre la nudité d’Adam avant la chute. L’Œuvre Rouge se retrouve à la Pentecôte avec l’éclatement des langues de feu. Et, avec les trois fils de Noé, nous verrons la démarche des descendants de Noé, celle de l’humanité. Sem, c’est tous les Sémites et en particulier le peuple juif. Sem et Japhet vont recouvrir la nudité de leur père en marchant à reculons c’est-à-dire qu’ils revoilent la Lumière divine qu’ils n’ont pas la force de regarder et Cham qui aura jeté sur elle un regard impur, sera « brulé » et maudit. De lui descendent les Chamites, le peuple noir et en particulier les Éthiopiens.

L’Arche va se poser sur le Mont Ararat, mot formé en hébreu de Aror, malédiction, qui est l’injuste rapport établi entre l’homme et la Terre, entre Adam et Adama. Dieu ne dit pas, comme cela a été traduit : « La Terre est maudite à cause de toi », mais : « La Terre est maudite dans sa relation à toi », parce que tu n’es plus juste intérieurement. Ce n’est pas la punition de Dieu, mais c’est ce que l’homme a fait de sa relation avec la Création. Alors avec la dernière lettre ajoutée à Aror, c’est-à-dire Ararat, c’est la malédiction retournée, c’est la bénédiction, la malédiction vaincue.

Dans Ma-Boul, Ma est la matrice et Boul, le fruit. C’est ce dont l’humanité aura à prendre conscience par le Déluge qui remettra toutes les énergies à leur place. Et, en même temps, nous retrouvons le mot MOL = circoncision, le Déluge est une circoncision cosmique pour mettre l’Arbre à fruit. Les 40 jours du Déluge nous donnent le nombre 4, la matrice. Il en contient encore d’autres, tous symboliques.

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