Dominique Schmidt
Message collectif en ce temps de crise

Aujourd’hui notre mode de vie a changé. L’homme est touché à la racine de son être. Les récents cataclysmes dont il est en grande partie la cause menacent son confort, le fondement de son existence. Il est le plus grand prédateur non seulement de son environnement mais de son prochain qu’il est prêt à exploiter pour […]

Aujourd’hui notre mode de vie a changé. L’homme est touché à la racine de son être. Les récents cataclysmes dont il est en grande partie la cause menacent son confort, le fondement de son existence. Il est le plus grand prédateur non seulement de son environnement mais de son prochain qu’il est prêt à exploiter pour arriver à ses fins, à ses propres ambitions. C’est là, dans la détresse des événements, que la plupart d’entre nous nous écrions qu’il faut changer les choses, mais ce que nous entendons par changement, c’est prendre des mesures extérieures, écologiques ou politiques, pour protéger ou améliorer notre environnement. On fait appel à la coopération lorsque ses propres intérêts sont en péril. Quelques nobles que soient nos intentions, nous ne nous apercevons pas que c’est l’homme lui-même, dans son ego, qui doit changer radicalement. Ce n’est pas qu’il ne faille pas agir et améliorer notre environnement, mais la modification de l’extérieur sans remédier à la cause intérieure, l’ego, ne peut être que de courte durée, sinon les problèmes ressurgissent toujours sous de nouvelles formes. L’urgence du changement de notre mode de vie destructeur de la planète est évidente, mais cette prise de conscience est-elle suffisante sans aller encore plus profondément en nous-mêmes dans une connaissance de soi qui révèle les vrais mobiles de nos actions ?

 

Aujourd’hui l’homme fait face à une situation encore plus critique avec le virus Covid-19, la disparition d’une partie de l’humanité, c’est-à-dire potentiellement chacun de nous et nos proches. 

 

« L’Ego était une aide, l’Ego est l’entrave ». 

 

Ces mots de Sri Aurobindo devraient plus que jamais résonner dans notre être et éveiller en nous une révolte intérieure envers nous-mêmes, notre propre ego. Depuis l’apparition du coronavirus on reçoit des mails faisant état d’une prise de conscience collective de l’abus de notre mode de vie tout superficiel, qui n’est pas plus élevé que la recherche animale de confort et de bien-être routinier engourdi dans la matière, ne vivant que pour les objets de commodité et les plaisirs ou sensations éphémères. Ces mails disent ‘Arrêtons cette existence futile, sans sens, qui construit un avenir avec les matériaux de l’avidité, de la cupidité dans un présent où personne n’est vraiment satisfait, éveillons-nous à des valeurs de solidarité, d’amour, d’amitié.’ Mais l’ego en est-il capable ? et ses idéaux ne sont-ils pas des idées réactionnelles témoignant de ce qu’il est vraiment : un être craintif, ambitieux, imbu de lui-même, qui, lorsqu’il est menacé, dans sa vie toute superficielle, change de camp, écologique ou spirituel, critiquant ses prochains de ce qui en fait, inconsciemment, le ronge lui-même ?

 

Ce mouvement de peur viscérale et de révolte collective qui demande à chacun de prier (et non d’incriminer les autres en les montrant du doigt), de méditer collectivement, sera-t-il suffisant pour changer la face du monde ? Demain, quand la guérison sera assurée, la plupart d’entre nous ne retomberons-nous pas dans le même train-train quotidien d’inertie dans une vie routinière toute subconsciente bercée au rythme de sensations sans âme, gouvernée par la sécurité stupide donnée par quelques biens matériels, comme l’âne avec sa carotte, dans la réduction totale de notre potentiel infini ? Est-ce cela vivre ? mourir pour quelques plaisirs qui finissent toujours en poison ? La sécurité tant prônée par la société qui conditionne nos actes pour un futur de la terre promise où chacun sacrifie son existence et son présent, existe-t-elle vraiment ? Le futur n’est-il pas plutôt dans le maintenant ? Vivre pleinement dans le présent n’est-ce pas la garantie de demain ? Mais le problème, c’est que l’ego est incapable de vivre pleinement car il est programmé par le temps ; son présent, produit du passé, est tout tendu vers l’avenir ou bien il n’est que relâchement de tensions par le sexe, l’alcool, la cigarette, causées par le stress d’une existence insensée ; son bonheur est toujours dans l’anticipation d’un demain : quand il obtiendra cette maison, cette voiture, ce mari, ce titre, cette richesse, puis finalement la retraite. Son présent réel est inexistant, tout abruti qu’il est dans sa marche vers le devenir, vers ce qu’il va obtenir ou une fuite utopique. Le futur n’est en fait qu’une idée qui se passe toujours dans le présent. Vivre vraiment, c’est vivre dans l’épanouissement de notre potentiel qui ne réside pas dans l’ego mais dans notre être spirituel qu’il nous faut urgemment découvrir au tréfonds de nous-même dès aujourd’hui. Lui seul est capable d’une vraie vie car il est en consonance avec la vie du tout auquel il se sent intimement uni, en symbiose avec la fleur, l’arbre, l’enfant, le vieillard, avec tout ce qui existe. Cette coexistence de la vie et de ses expressions resplendit dans le seul présent que les sages appellent le présent éternel car il est tissé des fibres des vraies valeurs d’amour universel, de bonté et de beauté qu’il nous est urgent d’incarner.

 

Ce retrait imposé par le virus porteur de mort doit être vu comme un divin message qui, pour arrêter la folie par laquelle chacun de nous se détruit et la planète avec, nous oblige à poser un regard sur nous-mêmes et notre existence. Profitons de ce confinement, de cette solitude imposée par les événements et transformons cette situation négative en une opportunité et au lieu de subir les circonstances mettons-les à notre faveur et faisons ainsi de ce confinement une retraite spirituelle afin de trouver notre être vrai, s’il existe en nous quelle que chose qui n’est pas l’ego. Les aspirants à la sagesse quittaient le monde pour un temps, l’agitation et la vanité des hommes, pour se recueillir dans une grotte, un ashram, un monastère et ainsi s’adonnaient cœur et âme à la recherche de leur être profond et de la réalité ultime. En effet, l’ego est avant tout agité par ses peurs conscientes et inconscientes, par son besoin de sécurité, ses désirs inassouvis, ses impulsions, sa soif de sensations et de plaisirs. Il ne peut dans la vie courante rester en place, toujours affairé pour une chose ou une autre. La danse collective devant les fenêtres et la musique à haut-parleur, certes dissipent la solitude, mais en même temps gardent notre ego dans l’agitation. Vu comme un lieu de recueillement, un lieu sacré, le chez soi du confinement devient un centre de vraie méditation et non un lieu de sociabilité ou de distraction. Pour l’ego cette contrainte de ne pas bouger est une véritable torture. Pourtant, si nous prenons conscience que tous les conflits du monde, au sein de la société, de la famille et du couple sont provoqués collectivement et individuellement par l’ego, et sont, inconsciemment, dus au conditionnement et à notre ignorance atavique, alors nous pouvons percevoir que mettre ce drogué, cet intoxiqué du matérialisme, possédé par ses possessions, envoûté par ses désirs, en quarantaine pour le désintoxiquer de ses avidités insatiables, où les choses, l’argent, sont plus importants que les êtres, est une nécessité bienveillante. 

 

Si vous n’opposez pas de résistance à l’adversité présente, vous verrez qu’un calme surprenant va advenir en vous, précurseur d’une nouvelle conscience de nature universelle et d’amour. L’ego est dépassé et perçu maintenant comme un usurpateur de son vrai moi qui est solidaire de tout ce qui existe : le mal causé à un tiers est une souffrance ressentie en soi.

 

 Soyons unis et créons ensemble dans le dépassement de notre ego un nouveau monde dont l’amour et la créativité seront les matériaux naturels. Dès que la crise sera finie ne retournons pas dans nos vieux chemins, nos vieux schémas : ils sont périmés et ont causé assez de tort. 

 

‘’L’ego était une aide’’ car pendant longtemps la conscience a évolué dans l’inconscience, la subconscience et l’ignorance. Il était donc nécessaire de développer et d’affirmer son ego pour sortir du troupeau, qui étouffe toute expression personnelle. ‘’L’ego est maintenant l’entrave’’ car de nos jours, son affirmation est complète. Chacun, en voulant être quelqu’un et réussir, a marché sur les pieds des autres, tout en se détruisant lui-même et détruisant son environnement, même dans sa réussite. L’ego est donc une entrave pour l’avènement d’une nouvelle conscience pleinement éveillée. Il doit, en conséquence, être dépassé. C’est ce que Krishnamurti appelle la mort psychologique, la fin de l’ego.

 

Aujourd’hui, c’est l’heure de le dépasser, non en se conformant à une idée, ou en créant une idéologie de l’au-delà de l’ego, mais par sa propre compréhension de la nécessité de le faire, car c’est aller vers la vérité, là où il n’y a plus de faux problèmes mais seulement l’aventure vers l’infini qui est une action à la fois individuelle et universelle. L’homme, la femme, nouveaux ne vivent plus pour eux-mêmes ou leur famille ou pour une secte ou un parti politique, mais pour l’humanité entière sans les frontières imposées par l’ego qui, par peur et avarice, divisent le monde.

 

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Dominique Schmidt, auteur des livres Le Nouvel Home selon Sri Aurobindo et Krishnamurti, La Révolution de la Conscience, Dialogue sur les Écrits Inédits de Krishnamurti, Le Mystère Autour de Krishnamurti, Siddhârtha Aujourd’hui – La Grande Aventure Initiatique, Krishnamurti- Sexe, Ombre et Vérité et de nombreux articles publiés dans la Revue du 3ème millénaire

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