Albert Blackburn
La conscience du présent

Traduction libre Albert Blackburn (1910-1987) était un ami de J. Krishnamurti. Les enseignements de ce dernier ont produit en lui une transformation intérieure radicale. Il a vécu sa vie avec grande intensité n’ayant pour but que d’être libre de l’égo. Il a exprimé avec une grande clarté le processus intérieur et nombreuses personnes sont venues […]

Traduction libre

Albert Blackburn (1910-1987) était un ami de J. Krishnamurti. Les enseignements de ce dernier ont produit en lui une transformation intérieure radicale. Il a vécu sa vie avec grande intensité n’ayant pour but que d’être libre de l’égo. Il a exprimé avec une grande clarté le processus intérieur et nombreuses personnes sont venues l’écouter ou le consulter.

***

Vivre le moment présent est au-delà de la pensée,

en dehors de la conscience humaine ;

c’est vivre en ordre,

vivre une vie véritablement religieuse,

une vie holistique.

Gabriele Blackburn : Al, comme tu le sais, les gens sont maintenant impliqués dans de nombreux mouvements Nouvel-Âge, les mouvements de croissance personnelle, les mouvements d’amélioration de soi, etc. Il y a toute une variété de magasins disponibles pour les gens ; des nouveaux ateliers et des séminaires sont proposés chaque semaine, tout de A à Z – de l’astrologie au zen. Chacun promet quelque chose aux participants, et beaucoup impliquent que si on passe par cette méthode ou ce système particulier, nous trouverons la réalité, nous deviendrons éveillés, nous élèverons la kundalini, nous serons des Maîtres, et ainsi de suite. Tout cela semble si facile ; si vous faites ceci, vous deviendrez cela. Beaucoup de gens écoutent tout cela. Quel rapport y a-t-il entre tout cela et la conscience du présent ?

Albert Blackburn : Je sens qu’il y a beaucoup de confusion concernant toutes ces choses. Il est évident qu’il doit y avoir de la confusion, parce qu’il y a tellement de personnes et d’organisations qui envoient des publications. Nous recevons chaque jour de nouvelles annonces disant que si vous suivez notre méthode particulière, elle vous mènera à la réalité et à toutes les autres choses qui vont avec. Je pense qu’une partie de la confusion vient du fait que les gens ne savent peut-être pas ce qu’ils attendent de la vie, et je pense que c’est un bon point de départ.

Tous ceux qui cherchent ne devraient-ils pas se demander : « Qu’est-ce que je veux vraiment de la vie ? Est-ce que je veux ce qu’il y a de vrai, et suis-je capable de percevoir la vérité si elle se présente ? Suis-je satisfait de ne vivre que le résultat d’idées que moi-même ou d’autres personnes avons créées ? » En d’autres termes, est-ce que je veux seulement expérimenter les résultats d’un certain système ou d’une certaine méthode, pour atteindre un but prémédité, ou suis-je prêt à voir les faits tels qu’ils sont, et à les accepter tels qu’ils sont ?

G : Je ne pense pas que les gens savent. Je pense que les gens croient simplement qu’ils vont atteindre un bonheur ultime, une illumination ultime, et qu’ils essaieront n’importe quoi pour être heureux. Ils pensent que la vérité est un résultat final, et qu’après avoir fait beaucoup d’autres choses, ils y parviendront.

A : La plupart de ces systèmes ne se divisent-ils pas en deux catégories distinctes ? La première catégorie comprendrait la tradition occulte, tandis que la deuxième catégorie concernerait le mysticisme, qui est l’approche religieuse, l’approche des mystiques et des saints. Je pense que la plupart des choses que nous voyons annoncées, la plupart des méthodes et des pratiques de méditation, entrent dans l’une ou l’autre de ces deux catégories. Ne serait-il pas bon de définir exactement ce que ces deux systèmes signifient réellement, selon la signification des dictionnaires ?

G : Oui.

A : Parce que ton idée de ce qui constitue l’occultisme ou le mysticisme sera probablement différente de la mienne ; chaque personne aura une opinion différente. Donc pour arriver à une définition claire, avec laquelle la plupart des gens peuvent être d’accord, nous devons consulter le dictionnaire.

En cherchant occultisme, je constate que la signification donnée est la suivante : « une croyance en des pouvoirs cachés ou mystérieux et la possibilité de les soumettre au contrôle humain ». Le mysticisme est défini comme « une théorie postulant la possibilité d’une acquisition directe et intuitive de connaissances ou de pouvoirs ineffables ». Je pense que ces deux définitions, ces deux catégories, conviendront à presque tous les mouvements psychiques et de « développement spirituel » puisqu’ils les présentent.

Je pense que l’occultisme et le mysticisme ont tous deux plusieurs choses en commun. Un dénominateur commun est qu’ils sont tous deux de nature dualiste, car pour avoir une croyance, il faut qu’il y ait un croyant, quelqu’un qui croit en un système particulier. Ceci implique le temps et fait appel au passé et au futur en ignorant le présent. Le passé et l’avenir sont concernés par le temps et sont des produits de la pensée, basée sur la mémoire et l’imagination.

G : Les deux approches mettent également l’accent sur l’acquisition de connaissances en vue d’acquérir du pouvoir.

A : L’acquisition de connaissances est liée au temps. En d’autres termes, je n’ai pas de connaissances aujourd’hui, mais grâce à une certaine procédure ou à un certain système de pensée, j’acquerrai des connaissances dans le futur, et qui, je l’espère, me procureront le bonheur ou le plaisir que je recherche. Cela implique donc une approche dualiste, cela implique le temps, cela implique le passé et l’avenir, mais pas le présent.

Ces deux sont les méthodes reconnues que pratiquement tout le monde suit, et tous les mouvements de la Nouvelle Pensée (de mon point de vue), tous les systèmes de méditation, tous les différentes idées et programmes et séminaires qui portent sur la soi-disant modification des états de conscience, vous donnant un état de conscience supérieur, tous concernent l’une ou l’autre de ces deux méthodes.

La conscience du présent (Now-consciousness), telle que j’en parle, équivaut à la conscience (awareness). Si je consulte le dictionnaire, je constate que la conscience n’est pas liée au temps, car la conscience est dans le présent. Les définitions de la conscience telles qu’elles figurent dans le dictionnaire sont les suivantes : « être au fait, être conscient, être sensible, être vivant, être éveillé et être attentif ». Toutes ces définitions sont dans le présent. Elles ne sont pas dualistes car elles ne parlent pas d’un « devenir » d’aucune sorte. Toutes concernent un état d’être, à chaque instant du temps.

Peut-être pouvons-nous continuer à partir de là. Je voudrais que ce soit très clair, parce que je pense que beaucoup de gens passent énormément de temps à penser qu’ils vont obtenir un résultat particulier de ce qu’ils font, et après y avoir passé des années, ils découvrent que c’est une voie sans issue. Dans mon propre cas, par exemple, j’ai passé dix ans à étudier intensivement l’occultisme en collaboration avec une organisation particulière à laquelle j’ai appartenu – et pour moi, c’était une voie sans issue. Je n’ai pas obtenu les résultats que j’espérais obtenir. Je pense que beaucoup de gens se retrouvent dans cette situation.

Si les gens pouvaient savoir à l’avance ce qu’ils recherchent vraiment, ils pourraient s’en contenter. S’ils s’intéressent à l’occultisme, s’ils veulent éveiller la kundalini ou développer des pouvoirs psychiques, « rebondir entre les planètes », avoir une conscience cosmique, etc. alors l’occultisme est la voie à suivre. Ils peuvent alors accomplir toutes sortes d’exploits miraculeux pour les exhiber aux autres, ils pourront faire toutes les choses qui sont censées être possibles en suivant cette procédure. Ils pourraient se contenter de cela et ne pas perdre de temps avec la conscience du présent (now-consciousness) ou avec l’attention (awareness). Ils peuvent étudier l’astrologie et, à partir de là, prédire si c’est un bon jour pour acheter une nouvelle voiture, si c’est un jour propice pour commencer une certaine activité, ou si telle personne va être amoureuse de vous ce jour-là et vous méconnaître un autre jour, etc. Ce sont là quelques-unes des choses qui peuvent supposément être acquises par des méthodes occultes.

Je considère que la plupart des pratiques religieuses, la plupart des cérémonies religieuses, sont de nature occulte, parce que le but de la cérémonie est d’obtenir certains résultats au niveau psychique qui sont censés faire descendre une certaine puissance – la puissance de Dieu, la puissance de Jésus, ou la puissance d’un Maître – dans la pièce, afin que de la ressentir, que d’être aidé et d’être guidé par elle. Je pense que c’est principalement ce que la religion telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui signifie. Je ne parle pas de la vraie religion, parce que de mon point de vue, il y a un vrai sentiment religieux et une vraie vie religieuse qui peut être menée ; cependant, cette vie ne se préoccupe pas de ce qui se passe dans la plupart des églises, ou dans les établissements dits religieux.

Dans la tradition mystique, par exemple, beaucoup de gens ont adoré des saints. Ils ont pensé que vivre une vie sainte conduirait à la paix, à la tranquillité et à l’union avec Dieu. Ils ont cru que grâce à un système de renoncement à soi – en niant les véritables motivations physiques et psychologiques fondamentales de leur nature – leur but serait atteint. Ces idées ont conduit beaucoup d’entre eux à s’isoler dans un monastère ou une retraite religieuse. Ce mode de vie exige évidemment un dévouement extrême et une forte volonté de résister aux tentations du monde. Ceux qui ont réussi dans leur quête ont perpétué la tradition sainte. Cependant, si nous lisons objectivement sur la vie des saints, nous constatons que certains d’entre eux ont vécu des vies assez particulières. Beaucoup se sont littéralement affamés physiquement afin de provoquer des visions, et certains systèmes de méditation ont été utilisés pour provoquer des expériences dites religieuses.

G : Ils se sont torturés de toutes sortes de façons.

A : Surtout en Inde ; cela se fait encore, tout cela pour trouver ce que l’on croit être Dieu et la paix. Je m’interroge si on peut trouver Dieu ou la paix en se torturant ou en menant une vie contre nature. Je crois qu’une personne peut obtenir des résultats de l’une ou l’autre de ces deux méthodes, si elle le souhaite ; elle peut devenir occultiste et être considérée par ses semblables comme magicienne, médium, clairvoyante, etc. ou elle peut devenir mystique et, par abnégation, vivre un style de vie qui peut être étranger à sa nature et dépourvu d’expression créative.

Mais n’y a-t-il pas une autre façon de vivre qui soit plus saine d’esprit, plus logique, plus profitable sur le plan des faits que l’une ou l’autre de ces deux approches ? C’est à cela que je m’adresse en ce moment. Je pense que c’est très important en raison de ce que j’ai découvert dans ma propre vie. Comme je l’ai déjà dit, j’ai passé dix ans à m’occuper d’occultisme, et il fut un temps où je me considérais comme un mystique par nature, et je me souviens même d’avoir fait cette déclaration à une ou deux occasions. Maintenant, je vois que je n’étais pas un occultiste et que je n’étais pas un mystique. Maintenant, je m’intéresse aux simples faits de la vie. Quels sont-ils ? Pouvons-nous explorer cela ensemble ?

G : Oui. Pensez-vous que ce que les gens font aujourd’hui est utile dans le sens d’un travail préparatoire ? Les gens parlent beaucoup de s’améliorer, de se connaître, de savoir qui ils sont ; savoir ce qu’ils veulent, c’est ce que cela signifie généralement. Il est certain que tout le système de la psychologie s’est développé dans ce domaine entre la religion et la psychologie. En fait, les deux domaines ont fusionné. Les gens pensent qu’en passant par la douleur et les particularités de leur comportement névrotique – tout ce dont la psychologie a parlé depuis Freud et Jung – ils découvriront un mode de vie plus facile, et qu’ils pourront lâcher-prise d’une partie de la douleur ou de certains de leurs problèmes en analysant ce qu’ils ont fait toute leur vie.

Ensuite, ils se rendent dans des zones plus occultes et tentent de découvrir leurs vies passées. Ainsi, tout se mélange ; comme tu le dis, tout se confond. Mais je me pose la question suivante : la plupart des gens croient que s’ils font un peu de travail préparatoire, ils vont s’améliorer, se changer, se développer. Est-ce vrai, ou est-ce qu’ils se déplacent juste un peu dans leur propre champ de conscience ?

A : Oui, ils le sont. En outre, nous avons maintenant atteint la capacité de nous détruire nous-mêmes. Une seule personne appuyant sur le mauvais bouton peut détruire le monde ; ce peut être le début de l’holocauste nucléaire. Donc, si c’est ce que nous voulons – si nous sommes satisfaits de la technologie, et si nous sommes satisfaits de ce que les scientifiques ont découvert sur la manipulation des aspects physiques de notre planète, pour faire de plus en plus de choses à partir de certains éléments – alors très bien.

Mais je ne pense pas que les personnes qui s’intéressent aux choses dont toi et moi parlons (c’est-à-dire les personnes qui souscrivent à ces diverses méthodes de méditation ou d’amélioration personnelle, qui vont à des séminaires ou qui dépensent de l’argent pour ce genre de choses) soient principalement intéressées par cela. Au moins, ce n’est qu’une question secondaire.

G : Non, bien sûr que non ; ils parlent de la forme physique ou de leur propre santé. Ils parlent aussi de la paix dans le monde, de la sauvegarde des baleines, de la faune, de la nature, etc. Tout cela fait aussi partie de la conscience du nouvel âge. Très peu de gens sont vraiment heureux dans le monde tel qu’il est, et il y a donc cette énorme recherche en cours.

A : Les gens ont une véritable soif de sens dans leur vie. Ne penses-tu pas que nous en revenons toujours à la question de savoir ce que nous voulons de la vie ? Il est évident que si nous voulons être en bonne santé et en bonne forme physique, alors beaucoup des exercices qui sont enseignés, beaucoup des systèmes d’entraînement corporel qui sont disponibles, sont évidemment une aide pour atteindre ce but. De même, si nous souhaitons modifier le taux de fréquence de notre réponse psychique à la réalité, nous pouvons suivre les méthodes établies par les occultistes traditionnels, et nous pouvons probablement atteindre ce résultat, ou une approximation de celui-ci. Nous pouvons en apprendre suffisamment pour voir que ces techniques aboutissent à ce genre de résultat. Si nous voulons être des mystiques, nous pouvons aller dans un monastère et nous abstenir de relations sexuelles, de nourriture délicieuse, de conversation agréable, nous pouvons nier nos penchants physiques naturels et obtenir un certain résultat. Mais nous parlons maintenant d’autre chose, nous parlons de quelque chose à un niveau plus profond.

G : Ce niveau peut-il être atteint par la méditation ? La méditation est maintenant promue comme étant très prometteuse, et beaucoup de gens méditent. Ils ne savent pas vraiment ce qu’ils font, mais ils prennent du temps, ils s’assoient, et on leur dit (encore et encore par de nombreux groupes de personnes) que la méditation va produire un état de conscience altéré. Cela fait donc à nouveau partie de votre « devenir ». C’est quelque chose que les gens font aussi facilement qu’ils sortent faire du jogging et de l’exercice. C’est tellement répandu, et les gens croient vraiment qu’ils vont gagner en tranquillité d’esprit, avoir une journée plus heureuse ou plus calme, être capables de passer une meilleure journée, ou être davantage capables de gérer leurs problèmes. Tout cela fait partie de ce qui se passe actuellement.

A : Je pense que le champ couvert par le mot « méditation » s’est étendu dans des proportions exagérées, bien au-delà de ce qu’englobent la signification et l’intention initiales du terme. De mon point de vue, quiconque crée quoi que ce soit dans ce monde physique dans lequel nous vivons doit d’abord méditer à ce sujet. Par exemple, prends la chaise sur laquelle je suis assis, la chaise sur laquelle tu es assise ; quelqu’un a « médité » sur cette chaise, a calculé ses proportions, sa taille, sa hauteur et sa largeur, avant que la chaise n’existe réellement. Il fallait que quelqu’un le fasse. Quelqu’un a imaginé les contours de cette chaise dans son esprit ; il a médité à ce sujet, et la méditation a été menée à bien par les personnes qui ont construit et fabriqué la chaise. Tout ce que tu vois dans cette pièce, qui a été fabriquée par l’homme, a été médité et est le résultat de la méditation. Il est évident qu’une telle méditation fonctionne ; et si elle fonctionne avec des choses physiques, alors elle doit certainement fonctionner dans d’autres domaines également.

Je peux m’asseoir et, par la concentration, forcer mon esprit à rejeter toutes les idées étrangères qui lui viennent. Avec un peu de chance, j’arriverai à un état où j’aurai absolument tout sous contrôle, et je pourrai penser à une seule chose avec tant de force que je visualiserai réellement ce à quoi je pense. Je peux le voir comme une visualisation, comme une vision – et puis je dirai que c’est réel parce que je l’ai vu.

Tu peux t’asseoir et visualiser le visage d’un maître, ou le visage d’un enseignant, ou ce que tu veux, et si tu fais cela suffisamment longtemps et de manière très concentrée, tu peux projeter ton image au point de la voir réellement. Mais qu’as-tu réellement fait ? Tu as pris la substance immatérielle du niveau psychique, du niveau de la pensée, et tu as rassemblé tout cela en une image que tu vois intérieurement comme une idée, ou que tu vois projetée comme une vision. Voici ce que je veux dire : Est-ce que cela a un rapport avec l’illumination et la régénération spirituelle ?

Personnellement, j’aimerais approfondir cette question. Je ne me contente plus d’imaginer quelque chose et de faire ensuite l’expérience de ma propre création, parce qu’elle n’a aucune substance, jusqu’à changer ma véritable relation avec ma famille, avec mes amis ou avec l’environnement dans lequel je dois vivre.

G : Donc les expériences euphoriques, les expériences de conscience élargie, les expériences induites par la drogue – dis-tu que tout cela n’est qu’illusion ?

A : Non, je ne dis pas que c’est une illusion, je dis que c’est l’utilisation du matériel dans la conscience humaine.

Je pense qu’à ce stade précis, nous devrions dire ce qu’est la conscience humaine. Pour moi, elle est constituée de tout le matériel qui a été créé et ajouté par les êtres humains à travers d’innombrables âges. C’est la somme totale de ce que nous avons pensé, ressenti et expérimenté ; tout le matériel édité, le matériel répété, le matériel censuré ; toutes les expériences que nous, les humains, avons traversées au cours des âges. C’est la somme totale de la conscience humaine.

J’ai le sentiment que toute méditation ou toute pensée que nous utilisons au niveau conscient (le niveau conscient tel que nous le connaissons) utilise ce matériel. C’est le réarrangement de ce matériel de manière à pouvoir le transmuter dans le monde physique – sous la forme d’une chaise, d’un bateau, d’un avion, d’une automobile, d’une vision du Maître ou d’une idée – qui est accompli par les formes populaires de ce que l’on appelle la méditation.

G : Cela peut aussi être un guide spirituel, un enseignant, quelqu’un de l’autre côté de la mort. Tu dis donc que si tu t’assois délibérément pour méditer, tu vas te brancher sur le vaste réservoir de la conscience humaine, des formes-pensées et de tout ce que l’homme a connu ou rêvé.

A : En d’autres termes, tu réorganises le connu. Le connu est le contenu de la conscience humaine…

G : Et tu ne touches pas à ce qui est au-delà.

A : Non, de mon point de vue, la vertu, l’illumination, la vraie compréhension, l’amour et toutes les autres qualités que nous recherchons par ces diverses méthodes, ne se trouvent pas dans ce domaine de la conscience humaine telle que nous la connaissons, sauf en tant qu’idées.

Nous avons passé beaucoup de temps jusqu’à présent à discuter des méthodes traditionnellement recommandées comme moyens d’approcher la vérité, et je pense que nous devrions peut-être aborder le sujet à un niveau plus profond. Il est évident que nous ne pouvons pas discuter de l’inconnu, mais nous pouvons discuter de certains des obstacles auxquels nous sommes confrontés et examiner les conditions préalables, s’il y en a, nécessaires avant de pouvoir réellement faire l’expérience de quelque chose qui dépasse le contenu de la conscience humaine. Car c’est ce que tous ces systèmes promettent. Ils promettent l’illumination, ou une expérience de conscience unitive ; en fait, ils promettent toutes sortes de choses. Je doute que ces systèmes puissent réellement atteindre leur but. Si l’objectif est connu, ce qui serait nécessaire pour qu’un système ou une méthode soit promulgué pour l’atteindre, il doit déjà être inclus dans la conscience humaine. On ne peut pas promouvoir un système sur quelque chose qui est inconnu ; c’est impossible.

G : Même si tu l’appelles mystique ?

A : Peu importe comment tu l’appelles – une approche mystique, une approche occulte, une approche méditative, ou une approche scientifique – toutes sont dans le domaine du connu. En suivant un système particulier, tu peux atteindre ses objectifs prémédités, mais tu ne peux pas toucher à l’inconnu.

Qu’est-ce qui se trouve en dehors de la conscience humaine ? Tout ce à quoi tu peux penser, tout ce dont tu peux parler, tout ce dont tu peux discuter se trouve dans le champ de la conscience. Toute la philosophie, toute la religion, tout le contenu des livres, tout le savoir des bibliothèques et des universités, tout est dans le domaine du connu. Maintenant, est-il possible d’aller au-delà de cela ? C’est la question qui m’intéresse, car je constate qu’en suivant toutes les méthodes et tous les systèmes de la religion et de la philosophie, nous n’avons pas amélioré notre condition. Les guerres ont pris de l’ampleur et les conflits entre les nations se sont intensifiés. La prolifération des nations n’a cessé de se poursuivre, les grandes nations se divisant en deux ou trois nations plus petites, chacune séparée, chacune pensant qu’elle est unique, qu’elle possède la vérité, et chacune se battant constamment avec les autres. Je vois donc qu’aucune des informations dont je dispose dans la conscience humaine ne va me faire sortir du connu pour me mettre dans l’état de paix, de tranquillité, d’amour et de compréhension qui m’est promis. C’est un faux espoir.

G : Soyons absolument clairs. Tu penses qu’il n’y a aucune valeur à étudier, à poursuivre ou à apprendre sur ces méthodes ?

A : Il y a une valeur si tu te contentes de résultats superficiels. Si tu te contentes de réarranger les pièces dans la conscience humaine pour pouvoir vivre temporairement en harmonie avec une certaine situation, alors je dis qu’elles ont une valeur parce qu’elles peuvent te soulager temporairement. Une guerre, par exemple, soulage temporairement la tension entre deux nations parce que l’une est au-dessus de l’autre et que l’autre ne peut plus bouger. La tension entre deux individus, par exemple un homme et une femme, peut être soulagée s’ils vont voir un conseiller matrimonial ou un psychologue – peut-être que leur tension est entièrement éliminée. Parfois, elle est éliminée par le psychologue qui conseille au couple de se séparer et de trouver d’autres partenaires, ou bien il leur donne de nouveaux accords à appliquer à leur situation, et s’ils sont satisfaits de ces nouveaux accords, la tension est atténuée. Il est évident que l’on peut obtenir des résultats superficiels par tout ce que l’humanité a fait. Si je veux fortifier mon corps, alors je peux faire de l’exercice et obtenir un corps plus fort ; je peux faire toutes ces choses. Mais nous allons au-delà de cela maintenant ; nous essayons de réaliser quelque chose de différent, de trouver une véritable solution à nos problèmes psychologiques.

Les quelques personnes qui s’intéressent à une véritable paix intérieure – une vie sans conflit, un état de bien-être, un état d’amour, un sentiment d’unité, de sacralité et de compréhension à chaque instant, qui ne change pas et n’est pas altérée par les circonstances – ces personnes doivent aborder le problème d’une manière différente.

G : Et il n’y a pas de chemin pour y arriver !

A : Comment peut-il y avoir un chemin ? Les choses qui ont été mentionnées en ce qui concerne la prise de conscience ne peuvent avoir lieu que dans le présent. Tu ne peux pas être consciente dans le futur, tu ne peux pas être consciente, sensible, vivante, éveillée, ou consciente dans le futur ou dans le passé. Tout se passe dans le moment présent. Tu ne peux pas aimer quelqu’un dans le futur ou dans le passé. Tu ne peux pas comprendre quelque chose dans le futur ou dans le passé. Tu ne peux pas avoir un sentiment de sacralité de la vie dans le futur ou dans le passé. Tu ne peux pas avoir un sentiment d’unité entre toi et tout ce qui t’entoure dans le passé ou dans l’avenir. Toutes ces choses se déroulent d’instant en instant et, de mon point de vue, font partie de cette énergie que nous appelons la vie, cette chose que nous appelons l’esprit universel. Tu peux l’appeler Dieu, tu peux l’appeler comme tu veux, mais toutes ces qualités ne se trouvent que dans le moment présent.

Donc le moment présent est en dehors de la conscience humaine, et c’est la seule chose qui est. Il n’est introduit dans le domaine de la conscience humaine que lorsque nous nommons ou évaluons une partie. C’est tellement simple, mais au lieu de le laisser aussi simple, nous en faisons toujours quelque chose. Sur les millions de bits d’information dont nous disposons à chaque instant, nous ne choisissons que des fragments particuliers de la totalité du moment présent. Nous faisons cela parce que cela fait partie de notre conditionnement, c’est notre façon de nous comporter. Les cellules du cerveau qui ont été activées par l’usage, en conséquence du mode de vie que nous menons, nous permettent de ne reconnaître que des fragments de la totalité et du potentiel du présent. Ainsi, au lieu de vivre dans le moment présent et d’assimiler, de percevoir, de comprendre et d’être conscient de cette totalité, dans la mesure où nous en sommes personnellement capables, nous nous identifions à un certain petit bout d’information qui est là, à un certain fragment de celle-ci, et à partir de là, nous sommes complètement inconscients de toute sensation intuitive possible pour la totalité et de ce qu’elle nous réserve.

Le moment présent est holistique, c’est l’état que tout le monde recherche parce que c’est une totalité, c’est un tout. Vivre le moment présent, c’est vraiment vivre une vie holistique dans son vrai sens, parce qu’elle concerne toutes les facettes de la vie, pas seulement une petite partie. Il ne s’agit pas de se lancer dans l’occultisme, ou le mysticisme, ou l’astrologie, ou la science, ou la chimie, ou autre chose. C’est apprendre à vivre de manière factuelle et être capable de répondre de manière factuelle par n’importe quelle action nécessaire.

Si l’on peut vivre de cette façon, on devient un artiste du vivant, un artiste de la vie plutôt qu’un artiste qui peint un tableau, ou qui est musicien, ou même un scientifique nucléaire. En d’autres termes, ne sois pas lié par un certain paradigme qui ne concerne qu’un petit intérêt dans la vie, mais aies un intérêt total pour tout ce qui se présente, et réponds totalement autant que possible à tout ce qui se présente.

G : Tu dis qu’il faut mettre de côté la croyance, l’espoir, la carotte qui te pend au nez, parce que toutes ces autres voies, tous ces chemins, ne mèneront pas à la vérité ; mets-les de côté et examine vraiment ta vie, ton « ce qui est », ton état d’être actuel ?

A : C’est vrai. L’espoir et la croyance n’entrent pas en ligne de compte dans le moment présent. Elles n’existent que lorsque tu t’es identifiée à quelque chose et que tu commences à l’expliquer, ou à le comprendre, en termes de conscience humaine, de ce que les gens savent. Mais ton instant présent est l’inconnu. Toi et moi ne savons pas exactement ce qui va se passer dans l’instant suivant. Le moment présent devient le connu grâce à un processus de pensée qui est déclenché par la mémoire, qui nomme ou évalue immédiatement.

G : La plupart des gens diraient : « Je connais mon moment présent : c’est la douleur, c’est la confusion, c’est un problème, c’est tout ce que je n’aime pas chez moi et tout ce que j’aime chez moi, tout ce que je veux changer ; par conséquent, je vais chercher quelqu’un pour m’aider à changer ».

A : Je pense que la plupart des gens réagiraient de cette façon. Mais dans ce que tu viens de dire, tu ne décris pas le moment présent, et s’ils répondaient de cette façon, ils ne répondraient pas non plus au moment présent, parce que tous ces noms que tu as donnés sont des réponses conditionnées qui ont été programmées dans le contenu de la conscience. Elles font partie de notre conscience personnelle, de la conscience humaine. En ce moment, tu ne peux pas ressentir toutes ces choses que tu viens de mentionner. Tu ne peux pas ressentir de frustration, tu ne peux pas ressentir de colère, parce que toutes ces choses que tu peux ressentir devraient être nommées pour que tu puisses m’en parler. En d’autres termes, au moment où tu me dis que tu es en colère, tu ne peux pas me dire que tu es confuse ; et lorsque tu me dis que tu es confuse, tu ne peux pas me dire que tu es frustrée.

G : Je comprends, mais la plupart des gens diraient : « Ma vie est comme ça ; ma vie est confuse, et je suis frustrée, et que dois-je faire à ce sujet ».

A : Mais ces choses n’ont rien à voir avec le moment présent. J’admets que la vie de quelqu’un a pu être frustrante, confuse, douloureuse ; parfois, la vie d’une personne a pu être ainsi d’une façon linéaire. Mais je nie qu’il soit possible de ressentir toutes ces choses en ce moment présent. Tu ne peux pas le faire, tu ne peux pas le ressentir, parce que si tu abandonnes le nom, alors le sentiment n’est plus là. Le sentiment que tu nommes n’est là qu’au moment où tu le nommes. Tu dis « Je suis en colère », et dès que tu dis « Je suis en colère », le mot « colère » entre dans ton ordinateur et en ressort avec toutes les choses qui te mettaient en colère, et cela provoque un sentiment de colère, que tu me décris ensuite, mais il n’est là que parce que tu l’as nommé. Si tu ne nommes aucune de ces choses, alors tu ne fais appel à aucun de ces éléments de ta banque de mémoire, hors de ta conscience ; tu ne t’en souviens que lorsque tu les nommes. Le nom est le bouton de rappel que tu appuies pour faire sortir cette matière de ta conscience, afin de me décrire le sentiment que tu appelles la colère. L’esprit ne fonctionne que de manière linéaire. Tu ne peux passer que d’un nom à l’autre, tu fais donc entrer le temps. Vivre uniquement dans le moment présent est un état intemporel ; d’un point de vue psychologique, c’est un état intemporel.

G : Quelqu’un qui écoute va dire : « Eh bien, que vais-je faire de ma colère, de ma confusion, de ma douleur, de mon désir de bonheur ou d’illumination ?

A : Si la signification de ce que je viens de dire a été saisie, et que tu es prête à l’expérimenter toi-même, je pense que tu découvriras que ces choses n’existent que lorsque tu les as rappelées à ta conscience en les nommant. Si tu ne les nommes pas, elles ne sont pas là. Le nom correspond au bouton de rappel d’un enregistreur. Ce que tu peux faire, c’est de te réveiller et de te rendre compte que tu viens d’appuyer sur le bouton de rappel de la colère ; tu viens juste de nommer la colère. Dès que tu verras la signification de ce processus et comment il fonctionne réellement sur le plan psychologique, tu réaliseras qu’à la minute où tu nommes quelque chose, tu as établi un lien avec cette partie particulière de ta conscience. Si tu as vraiment vu que c’est vrai, alors chaque fois que tu te surprendras à appuyer sur le bouton, chaque fois que tu te surprendras à dire « Je suis en colère », tu laisseras tomber ; chaque fois que tu te surprendras à dire « Je suis frustré », tu laisseras tomber. Tu devras réaliser que c’est toi qui appuies sur ce bouton en lui donnant un nom. Si tu ne donnes pas de nom au sentiment, si tu restes dans le moment présent, il n’a pas de nom. Le moment présent est inconnu, il est tout neuf, frais, propre, etc. Si tu peux rester avec cela, alors tu es en dehors de cela, tu es spontanément libre.

Ainsi, il n’y a pas une chose telle le karma ; le karma est ton conditionnement. Les gens utilisent le mot karma pour expliquer, ou pour justifier, toutes sortes d’actions. Ils justifient le fait de tuer et d’être tué en utilisant ce mot karma, et c’est un mot exotique. C’est en fait le conditionnement, cette dénomination automatisée que nous insérons dans notre conscience. Mais l’étiquetage s’efface sans effort du moment que tu es consciente de ton action, bien que je pense que tu dois d’abord voir ce qui se passe lorsque tu nommes quelque chose, et réalises que tu crées le lien et que tu es automatiquement coincée par ses conséquences.

G : C’est clair, mais le simple fait de laisser tomber le nom ne suffit pas à se débarrasser de la violence, de la colère ou de la jalousie.

A : Si, car à ce moment-là, tu n’es ni violente, ni jalouse, ni en colère ; tu ne fais qu’expérimenter le résultat du dernier bouton sur lequel tu as appuyé. La plupart des gens essaient d’échapper à leur jalousie en appuyant sur un autre bouton. En d’autres termes, nous changeons constamment l’état de nos sentiments et de notre expérience de la vie au moyen des différents noms que nous utilisons ; il y a tous ces boutons que nous avons appris, les noms de toutes ces choses. Mais si tu ne nommes pas quelque chose, qu’est-ce qui est dans le moment présent ? Tu peux avoir un certain sentiment, mais quand tu découvres la source de ce sentiment, il peut s’avérer être quelque chose de complètement différent de ce que tu pensais, et une véritable transmutation peut avoir lieu.

G : Oui, je vois de quoi tu parles maintenant. Tu n’insinues pas que le simple fait de ne pas nommer quelque chose va immédiatement te transformer en saint parce que tu l’as laissé tomber. Certains problèmes psychologiques ne disparaissent pas aussi facilement.

A : Je pense que nous avons suffisamment discuté de ce sujet ; j’aimerais maintenant examiner la question suivante. Qu’est-ce qu’une vie véritablement religieuse ? Comment puis-je découvrir par moi-même si une vie religieuse existe réellement ou non ? Pour répondre à cette question, je dois écarter toutes mes idées sur le sujet. Si j’applique un nom quelconque – par exemple, si je dis qu’une vie religieuse est la paix, qu’une vie religieuse a des visions, qu’une vie religieuse parle avec Dieu – si je nomme ce qu’est une vie religieuse de quelque façon que ce soit, je suis immédiatement lié à tout ce qui, dans la conscience humaine, est lié à cette idée particulière. Et ce que j’obtiens, ce que je découvre, est le résultat de tout ce que mon prochain a pensé à ce sujet pendant des milliers d’années – et ce n’est pas la réalité. Mais si je suis vraiment sérieux, je dois commencer très, très simplement ; je ne peux pas commencer au sommet de l’échelle.

J’aimerais faire le lien avec une expérience que chacun peut faire lui-même. Je pense que dans des choses très simples, on peut trouver un dénominateur commun applicable à tous. La vérité et la réalité, les choses réelles et vraies de la vie, sont accessibles à tous. L’air que nous respirons est disponible pour tout le monde ; la lumière du soleil est disponible pour tout le monde. Toutes les choses de ce monde qui font partie de l’ordre naturel sont disponibles pour tout le monde. Voici donc ce que je veux savoir : Qu’est-ce qui est absolument vrai pour tout le monde, à quoi tout le monde peut s’identifier, même les personnes qui n’ont pas lu les livres occultes, qui n’ont pas lu Krishnamurti, qui n’ont rien lu de ce genre ? Nous pouvons tous vivre le moment présent, parce que tout le monde y a accès. La possibilité de sortir de la conscience humaine et de participer à la réalité factuelle de la vie, d’instant en instant, est théoriquement ouverte à tous. Mais la plupart des gens ne s’en rendront pas compte parce qu’ils ne sont pas intéressés à sortir, mais à réarranger les éléments déjà présents dans leur conscience. Et c’est dans cette direction particulière, bien sûr, que se situe ce qu’on appelle le progrès ; il consiste à réarranger les morceaux, à leur donner de nouveaux noms, à diviser les gros morceaux en petits morceaux, à nommer chaque morceau individuellement, etc. C’est ce que nous appelons le progrès. Passons à autre chose.

Tout dans cette pièce a été créé par l’homme – tous les objets, les meubles, tout ici. Mais dès que tu sors dans l’ordre naturel, tu es entourée de choses qui n’ont pas été créées par l’homme. Tu pourrais dire que ces choses sont les créations de Dieu, ou les créations de la force de la vie, ou les résultats de l’évolution de la vie.

G : Alors, lorsque quelqu’un s’en rend compte et met de côté toutes ces diverses idées et méthodes, il y a une énorme énergie disponible pour une nouvelle approche.

A : C’est exact. Il est évident que l’énergie d’une personne dépend de sa santé physique. Mais en plus, je pense que l’énergie de la plupart des gens est étendue très, très légèrement sur beaucoup de choses ; la façon dont elle est légère dépend de leur éventail d’intérêts. La plupart des gens sont intéressés par la possibilité d’échapper mentalement aux problèmes qu’ils ont eux-mêmes créés. Nous créons nos propres problèmes, puis nous passons notre temps à essayer de les résoudre ! Je pense que ce qui est nécessaire, c’est de regarder dans toutes les directions, d’être prêt à regarder dans la direction où ton intérêt te mène.

J’ai passé des années, par exemple, à explorer différentes voies lorsque je m’intéressais à la tradition occulte. Je vois maintenant d’autres personnes passer leur vie à chercher, en pensant qu’elles vont trouver des réponses. Je pense que ce qui est nécessaire, c’est peut-être de pouvoir constater qu’il n’y a pas de vraie réponse, qu’il n’y a pas de réponse durable, qu’il n’y a pas de paix intérieure éternelle, ni de sécurité, ni d’amour à trouver dans tout ce qui fait partie de la conscience humaine.

G : Et on commence par s’interroger de cette façon.

A : Tu dois remettre en question toutes les valeurs que tu as acceptées. Tu dois être prête à tout remettre en question. Tu dois remettre en question toutes tes croyances, et tu dois remettre en question les croyances de toutes les autres personnes. Cela inclut tous les savoirs. Techniquement parlant, nous n’avons pas besoin de savoir si la formule qui a permis de fabriquer un certain type d’acier est la bonne ; je ne parle pas de cela. Mais tu dois être prête à examiner si l’une de ces méthodes pour échapper à notre dilemme présente un avantage durable. Une fois que tu l’auras fait, je pense que tu pourras regarder ce que le moment présent a à offrir, sans appuyer sur tous ces boutons de relecture dans ton ordinateur personnel, ton cerveau.

G : Et ensuite, que se passe-t-il ? En quoi cela change-t-il ta vie ? C’est une approche entièrement nouvelle, n’est-ce pas ?

A : Oui, et je pense que cela peut être une approche très simple. Sortons de la conscience humaine, au sens figuré, et ouvrons simplement les yeux pour voir ce qui se passe. Sortons de cette porte, sortons au soleil ; là, nous nous trouvons entourés de choses qui ne sont pas faites par l’homme, comme les arbres, et les oiseaux, et les fleurs, et les animaux, et toutes les choses naturelles. Nous constatons qu’un ordre complet régit toutes ces créations particulières et, pour en faire partie nous-mêmes, nous devons voir comment vivent ces créations. Nous voyons que tout ce qui existe a un but. Tout ce qui n’est pas créé par l’homme, mais par la nature, a un but. Et quand elle cesse de remplir le but pour laquelle elle a été créé, elle disparaît ; elle l’est, elle est détruite, elle est tuée, elle est mangée par un autre animal, et ainsi de suite. La première étape consiste donc à observer réellement. Je dois apporter cette simplicité dans ma vie.

Comment puis-je mettre de l’ordre dans ma vie ? Tout d’abord, je dois découvrir si le type de vie que je mène a une véritable valeur ; a-t-elle un but quelconque ? Est-ce que je m’épanouis dans ma vie quotidienne et dans mes relations, quelle est évidemment ma responsabilité particulière ? Je ne peux pas m’attendre à voir l’ultime, à avoir une conscience cosmique, à avoir l’illumination ou à atteindre l’un des autres soi-disant états ultimes dont les gens ont parlé, et à vivre encore le genre de vie que la plupart des gens mènent.

Il doit y avoir une relation symbiotique avec le reste de l’ordre naturel.

La prise de conscience du désordre est le début du véritable ordre dans ma vie, et un changement radical s’opère. Je dois créer de l’ordre dans ma vie parce que je vois que l’ordre est l’une des lois fondamentales qui régit l’univers tout entier. Il doit y avoir de l’ordre dans ma relation avec la conscience humaine, car si mon esprit est identifié au désordre, il n’y a pas de temps calme pendant lequel on comprend la vie de manière holistique. Par conséquent, ma vie doit être ordonnée. Je vois que l’univers est régi par toutes les choses qui sont réelles et vraies ; toutes les soi-disant vertus sont exprimées dans l’ordre naturel de l’univers.

G : C’est tout ce qui est bien, tout ce qui est beau, tout ce qui est amour.

A : Je vois cela, donc si je veux faire l’expérience de la vérité, l’expérience de la réalité, je dois apporter cette vraie compréhension dans ma vie. Je dois aller dans l’ordre naturel et découvrir où ma vie n’est pas conforme à cet ordre. Je dois laisser tomber les choses que je ne vois pas s’y intégrer ; je dois accorder ma vie à sa fréquence. Elle ne va pas changer sa fréquence et descendre à mon niveau et m’illuminer soudainement, surtout si je vis une vie complètement désordonnée, mauvaise et méchante. Ma vie doit être changée. Il faut changer ma fréquence, pour que ma fréquence corresponde à celle de l’ordre naturel des choses. Et ce changement, je le ressens, est amené par ce que j’appelle la perception pure, en étant conscient des façons dont je ne parviens pas à vivre en harmonie avec l’ordre naturel de la vie.

J’ai le sentiment que tout le monde peut le faire. Ils n’ont pas besoin d’un séminaire, ils n’ont pas besoin d’un atelier ; ils n’ont besoin de rien d’autre que de la capacité de s’observer d’instant en instant, en utilisant la conscience du présent.