Une observation impartiale de nos sociétés montre qu’il est impossible d’engager un changement fondateur si nos décisions et nos actions restent dépendantes des niveaux d’organisations sociétales qui, à charge d’inventaire, ont montré leur inefficacité. Les résultats obtenus sont parfois spectaculaires, mais généralement il ne s’agit nullement de véritables changements (si ce n’est quelques améliorations) dignes d’une humanité acceptant son interdépendance, non seulement avec ses pairs, mais aussi avec l’ensemble du Vivant, et s’alignant sur l’unité du Monde. Il n’y a pas de transformations authentiques sous l’impulsion de la peur, seule la compréhension et la connaissance de soi est révolutionnaire au sens où l’entendait Krishnamurti ; c’est-à-dire une re-naissance à l’essentiel qui passe par une prise de conscience des facteurs de dégradation, d’égocentrisme et d’irrationalité emprisonnant la totalité de l’être psychosomatique que nous sommes dans des postures intellectuelles, affectives et comportementales qui compromettent toute aptitude de vision holistique. Ces postures ont le caractère d’une rigidité ré-active, c’est-à-dire totalement conditionnée par le « moi » limité ; celui-ci est une déviation mentale étendue à la quasi-totalité du genre humain car il exclut de la sphère existentielle le « Moi » véritable, conscient de sa formation holistique et de l’unité conciliatrice de la Conscience.
Seul l’avènement du « Moi » véritable en l’humain peut amener à une transformation efficiente de nos systèmes d’organisation politique, économique, éducationnelle, culturelle, etc., à l’image du « Moi » présent à sa nature essentielle. Au même titre que le monde actuel est à l’image du « moi » ignorant de sa nature profonde, et écarté du sens de la Totalité, ou de l’Unicité, ou de la Conscience, qui sont des synonymes de « ce qui est » dans l’éternel Présent. En conséquence, une transformation radicale, ou un changement de cap innovateur et salutaire en vue de surmonter les maux manifestes de nos sociétés, doit s’aligner sur une mutation psychologique au sein de notre mentalité dégradée. Nous le savons, et nous le répétons, aucun des mécanismes politiques, économiques, scientifiques, religieux, intellectuelles, etc., bien que ces dispositifs aient une utilité relative, ne pourront résoudre l’insatisfaction fondamentale et la peur de l’inconnu qui imprègnent nos esprits agités et abasourdis, c’est le lègue de la prison de l’ignorance.
L’être humain doit impérativement cesser d’être instrumentalisé par ses propres créations dont le « moi » limité est un des produits prioritaires ; pour cela, un changement intérieur, fondé sur la connaissance de soi, est nécessaire ; c’est la seule issue vers une humanité durable, accomplie tant sur les plans matériels que spirituels, élargie à l’unité relationnelle cosmique, planétaire et humaine. La compréhension alignée sur l’intelligence de soi met en avant que le caractère fragmentaire, ou partiel, du « moi » limité au seul versant individualiste de sa constitution psychosomatique est la source et la condition d’entretien des conflits individuels et collectifs. Mais cette connaissance de soi, personne ne peut la faire à notre place, elle s’éveille dès l’instant où nous ressentons douloureusement l’inertie psychologique d’une identité imaginaire bouclée sur elle-même, ignorante du Tout planétaire et cosmique et de la Source primordiale. « Se connaître soi-même » ne fait partie d’aucun enseignement officiel, c’est dommage, notre monde est construit sur base de cette ignorance et selon le modèle de cet « espace clos », ou « moi » limité. De la personne individuelle à la nation, aussi grande ou petite soit-elle, l’idée de repliement sur soi-même persiste. « On » parle d’une économie mondiale, rien n’est plus faux, puisqu’elle ne profite qu’à une minorité ; c’est le partage intelligent des ressources planétaires qui pourrait s’affubler du qualificatif « mondial », c’est-à-dire accessible à tous. Partage intelligent des ressources, disons-nous, eh bien oui : équitable, utile, écoresponsable, proportionnel à notre besoin de bien-être psychosomatique ; communion spontanée des ressources économiques, des ressources naturelles, des ressources du savoir, des ressources des sentiments et des ententes, des ressources des participations constructives, etc.
L’esprit en éveil, la lucidité plénière, le dépassement du « moi » égotiste, procèdent de la connaissance de soi qui pénètre, dans les profondeurs de l’être, jusqu’à l’ultime Volonté conciliatrice. Cette Présence en chacun de nous augure la possibilité du seul changement qui mérite le qualificatif de « Novateur » ; c’est un monde nouveau grâce à la naissance de l’Humain véritable dont l’intelligence holistique s’approprie les niveaux d’organisations sociétales pour le service de la Terre vivante et de tous ses Habitants. Cela ne procède pas d’une vision farfelue à propos d’une possibilité qui ne serait que chimère, c’est raisonnablement possible! Pour autant que nous acceptons de voir que la nature de la Réalité en nous coïncide avec la nature de la Réalité en toutes choses. L’Intelligence du « Moi » véritable utilise le mental et ses produits matériels (les objets) et immatériels (les niveaux d’organisations sociétales) pour servir l’Unité dans la Diversité : un Monde meilleur. Les « diversités », procédant de la Diversité, n’ont pas de prix économique car elles nourrissent, par l’action intelligente, une filiation commune entre toutes les créatures ; la Diversité aime l’Unité et réciproquement : c’est l’Intelligence-Amour. Paracelse dit : « L’univers est un, et son origine ne peut être que l’éternelle unité. C’est un vaste organisme dans lequel les choses s’harmonisent et sympathisent réciproquement.
On n’en croit pas ses yeux de voir comme notre monde a tourné à un échec insupportable ; demain c’est l’apocalypse climatique et tout le monde continue comme si de rien n’était. Ou avons-nous la tête, ou plutôt l’intelligence de ne pas voir que nous passons à côté d’une possibilité unique dans l’histoire humaine : nous avons le choix entre périr dans les valeurs étroites et embrouillées d’un consumérisme irrationnel qui, sachons-le, renforce le pouvoir matériel d’une minorité ; ou bien nous commençons la reconstruction du monde, non plus selon les tyrannies de l’avoir, mais selon les valeurs essentielles de l’être. Il nous faut envisager la possibilité d’une « révolution » spirituelle. Nous n’allons pas descendre dans les rues, mais l’intelligence holistique va descendre dans la rigidité de nos dictatures matérialistes dont nous croyons faussement être les bénéficiaires, puisque nous semblons ignorés que nous courons à notre perte totale et irréversible. Nous nous devons d’entreprendre une connaissance de soi positivement constructive ; une consommation positivement modérée ; une attention à l’autre, à soi et à l’environnement positivement attentionnée ; l’alimentation végétarienne n’est plus une option, mais une nécessité. Pour notre malheur nous pensons que tout est loin : Dieu est loin, très loin ; la nourriture est loin (elle vient par avions, par bateaux !) ; les loisirs sont loin ; bien entendu, le bonheur est loin. Donc, d’une façon ou d’une autre, il nous faut aller loin d’ici et de maintenant, et nous finissons par nous égarer au point d’en « perdre la boule » jusqu’à la folie dévastatrice. Nous allons trop loin…