Jean Biès
Mystères du cerveau, splendeurs de l’esprit

Le fait est que, de plus en plus, de nombreux scientifiques ne se contentent plus de l’approche déductive du rationalisme, ni de la démarche inductive de l’empirisme, mais tendent vers une certaine «imagination créatrice» qui les rend fraternels à des poètes comme Blake, Héraclite, Rûmi. On ne peut plus nier que si la volupté est l’extase du corps, et le satori, celle de l’esprit, il est d’autres extases, mentales celles-là, qui surgissent on ne sait d’où, brisent les conditionnements, telles de brusques incursions de printemps dans la grisaille des automatismes, de soudaines descentes d’une grâce singulière, des visitations exquises, imprévues, incandescentes, les épanchements d’une autre conscience: ce sont les sourires du cerveau.

(Revue 3e Millénaire. No 5 ancienne série. Novembre-Décembre 1982)

De nombreux scientifiques tendent vers une imagination créatrice qui les rends fraternels aux poètes

« Ton Verbe est le séjour de nos intelligences »

A. de Vigny

La stupéfiante découverte des neurones qui font le cerveau humain multiplie par dix milliards notre émerveillement, mais aussi nos difficultés à voir clair dans tant de lumière. «Toute notre dignité   consiste dans la pensée »; mais qui dira la vraie nature, l’essence de cette pensée?… Il y eut au début du XIXe siècle la mode de la pesée des encéphales — pesée égale pensée —, comme le juge des morts égyptien pratiquait celle des âmes. On découvrit ensuite la dissymétrie fonctionnelle des hémisphères (déjà pressentie par Pascal: «l’esprit de géométrie» et «l’esprit de finesse»), le jeu des programmations hiérarchisées, la coordination des informations reçues par le cerveau; l’on vient même de lui découvrir un sexe. L’intérêt va croissant pour l’étude des rêves, des drogues, de l’hypnose, des états altérés de la conscience, des techniques de méditation, des phénomènes télépathiques, des pouvoirs inconnus de la pensée [1]. Tout cela explique-t-il les réponses des calculateurs prodiges, Euler, Gauss, Hamilton, les Motets de Palestrina ou la Trinité de Roublev; rend-il compte des fulgurants investissements du Pneuma, dont sont favorisés moins de dix génies ou prophètes par siècle?… Du fond des jungles dendritiques nous parviennent d’étranges messages, nous interpellent des miracles qui tantôt se veulent rares par cette espèce de coquetterie qui signe les autochtones de l’ailleurs, tantôt s’abattent sur nous avec une insistance de coléoptères mal élevés.

Le fait est que, de plus en plus, de nombreux scientifiques ne se contentent plus de l’approche déductive du rationalisme, ni de la démarche inductive de l’empirisme, mais tendent vers une certaine «imagination créatrice» qui les rend fraternels à des poètes comme Blake, Héraclite, Rûmi. On ne peut plus nier que si la volupté est l’extase du corps, et le satori, celle de l’esprit, il est d’autres extases, mentales celles-là, qui surgissent on ne sait d’où, brisent les conditionnements, telles de brusques incursions de printemps dans la grisaille des automatismes, de soudaines descentes d’une grâce singulière, des visitations exquises, imprévues, incandescentes, les épanchements d’une autre conscience: ce sont les sourires du cerveau.

La science occidentale est en voie de redécouvrir ce que les enseignements traditionnels ont toujours su: que le monde conscient se double d’un monde subtil, que ce dernier détient des facultés correspondant analogiquement à celles qui perçoivent le monde sensible, ou qui sont ces mêmes facultés, prises dans un autre mode d’existence, à un autre degré de développement. Il existe une logique mentale selon laquelle «deux et deux font quatre», mais il existe aussi une logique subtile où les incompatibles deviennent complémentaires: «Agni est le père des dieux, et il est leur fils.» Il existe une mémoire mentale: «je me souviens des jours anciens», mais aussi, une mémoire subtile: «je fus arbre, oiseau, poisson». Il existe une imagination mentale: «le Musée de l’Imaginaire», mais aussi, une imagination subtile: «L’Imaginal». Débrouiller l’imbroglio des faisceaux de la pensée relève d’une gageure à peine soutenable; mais pareille tentative peut rectifier des confusions, confirmer que l’esprit dépasse, déborde de toutes parts le cerveau. Elle montre que la correspondance entre les aspects physiques de la fonction pensante et certains états de conscience n’est que partielle; et que, comme, au niveau de la matière, règne l’espace vide sur lequel l’univers physique n’est guère plus qu’une «ride», de même, la conscience explicite se trouve involuée dans un monde beaucoup plus vaste et implicite, celui que certains, comme Jung, appellent l’«Inconscient», d’autres, comme Aurobindo, le «Subliminal». C’est de ce territoire que viennent tant d’impulsions, inspirations et intuitions, reçues dans le rêve ou la veille, dans la concentration, dans l’instase. S’il ne fournit pas la connaissance totale, il octroie une connaissance beaucoup plus large que le mental de surface; il voit des réalités intérieures, des expériences supraphysiques; il est le lieu où sont entreposés toutes sortes de savoirs inemployés, d’oisives solutions en quête de nos problèmes, des dons parapsychologiques attendant notre bon vouloir de les embaucher; d’où la boutade de la Mère, qui pourrait être celle de tant de savants et de créateurs: «J’ai des connaissances que je n’ai pas!…»

Scènes d’orage sous un crâne

Shrî Aurobindo, qui sera notre guide dans ce voyage, est de ceux qui ont le mieux contribué à la mise en ordre des différents niveaux mentaux, saisis dans leur complexe diversité; (car non seulement ces plans se révèlent multiples, mais ils se compénètrent, chevauchent à plaisir). Il serait curieux, mais non impossible, d’établir à ce sujet tout un ensemble d’équivalences entre les différentes variétés d’éclairs répertoriés par les météorologues et les différents plans éclairés du mental, tels que les énumère le maître de Pondichéry. Cette tentative, de prime abord assez baroque, le paraîtra moins si l’on se souvient que le microcosme n’est que la réplique du macrocosme: analogiquement, la voûte crânienne correspond à la voûte céleste, et les éclairs sont bien, après tout, le système nerveux du cosmos. Le terme même d’«éclairs», employé à propos d’idées jaillies des profondeurs, est parfaitement adéquat dans sa banalité: l’activité des cellules cérébrales est bien une activité électrique.

Les «éclairs sinueux», que distinguent d’abord les observateurs, vont dans le ciel en zigzag tranchant dans le vif de l’espace, le fragmentant, le dissociant. On représentera aisément, et de la même façon, par des lignes brisées, hachurées, l’activité du Mental subconscient qu’Aurobindo décrit comme un champ d’idées avortées, incohérentes, d’enquêtes interrompues, un mélange d’erreurs et de vérités partielles, de dualités contradictoires, d’impulsions opposées, qui vont à l’aveuglette, comme en état d’ébriété dans une conscience somnambulique. — Les «éclairs en chapelet» jettent des tracés de grains brillants, discontinus. Ceux-là concrétisent bien les mille idées du Mental pensant, dont le processus est fait d’une succession de petites vérités ponctuelles, séparées par des trous d’ignorance ou d’oubli: un pointillisme de la pensée, où le doute succède à la certitude, où la construction logique analyse, discrimine, fait et défait, où de longues théories de «théories» s’acheminent sans fin dans l’espace intérieur. Les «éclairs arborescents» se propagent en d’instantanées ramifications qui ne sont pas sans rappeler les anastomoses des fibres nerveuses. Ils correspondraient ici aux élaborations grandioses du Mental supérieur: la composition dialectique de systèmes d’ensembles ordonnés, symétriques, qui se prolongent en d’ultimes annexes, selon une esthétique capricieuse. — Les «éclairs diffus» ou «en nappes» s’épandent largement, embrassent une vaste étendue. Ils feront penser à cette «invasion lumineuse» qu’évoque Aurobindo à propos du Mental illuminé, semblable à une implosion des capacités créatrices, à des fontes de lumière vibrante charriant des images et des rythmes, des efflorescences de synthèses luxuriantes. — Les «éclairs en sillons», dits «fulminants», jaillissent en flèches acérées, labourant les ténèbres d’une ligne déconcertante de rapidité. Ainsi, des vérités irréfutables, péremptoires, qu’émet le Mental intuitif: tout s’est joué solitairement en un instant décisif, comme une évidence foudroyante qui donne plus et plus vite dans ce kaïros que des heures de recherches tâtonnantes et stériles. — Les «éclairs en boule», qui se déplacent en roulant, rappellent par la forme géométrique qui est la leur l’image de l’achèvement dans une uniformité de lumière. Ce serait assez dire qu’ils symbolisent les sphères des dieux, le Supraconscient, royaume des pensées sans angles ni aspérités, car déjà totalisantes, quoique encore limitées à elles-mêmes en tant que «points de vue» exclusifs: chacun d’entre eux sera vrai, authentique, parfait en soi (donc, rond); mais ce ne sera toujours qu’un point de vue parmi d’autres. — Telle est bien la nature du Surmental, qui donne une vision continue, unitive, où les contradictions internes se résolvent dans une première plénitude. — Enfin, les «éclairs de chaleur», provenant d’orages lointains que la rotondité de la terre empêche de voir, mais que l’atmosphère réfléchit, qui se fondent les uns dans les autres comme des draperies d’aurores boréales ou de grandes déflagrations tranquilles et silencieuses, (le bruit du tonnerre ne parvenant pas jusqu’à nous). Rien n’évoque mieux les manifestations du Supramental, où se retrouvent à la fois la chaleur: le Supramental aussi s’accompagne d’un feu subtil; la lumière: il est «océan d’éclairs stables»; l’ampleur: il est vision indivise, extension de la conscience, conciliation des opposés, paix et silence, «Conscience-de-vérité».

Tel pourrait se présenter, en corrélation avec le septénaire des éclairs, (ces emblèmes de la pensée), celui des plans mentaux, lequel mériterait à son tour d’être mis en rapport avec les autres septénaires de la Création, en commençant par la semaine. Il va de soi que le dimanche désigne par excellence le jour du Supramental, et non celui de la rêverie, malgré un mot célèbre [2]. La suite des équivalences remonterait d’elle-même jusqu’au lundi, le jour du Mental subconscient: c’est à l’un comme à l’autre qu’est consacrée la lune.

OU toute une nuée de hasards inspirés s’égaie dans les espaces du Mental spirituel

Ni le Mental subconscient, ni le Mental conscient ne peuvent requérir l’attention, dans la perspective d’ensemble que nous nous sommes fixée. Par-delà ces plans, et directement reliés à tout ce qui se trouve dans les coulisses de la conscience, enrichis et vivifiés par l’entité psychique intérieure, se situent les pouvoirs délégués par le Surmental: d’une part, — pour garder la terminologie d’Aurobindo —, le Mental spirituel, comprenant le Mental supérieur et le Mental illuminé, d’autre part, et plus haut, le Mental intuitif. Il paraît difficile de dresser l’état d’exactes correspondances entre ces plans et les phénomènes que nous allons mentionner. Nous ne ferons que proposer quelques classements provisoires, discutables dans la mesure où ils ressortissent à un univers mouvant, insaisissable, échappant comme Protée aux mailles de la raison catégorielle.

C’est sous l’influence du Mental spirituel qu’on situera certaines inspirations qui sont le résultat d’obscurs et lents cheminements, à l’issue imprévisible: émergences d’une pensée qui a mûri sans éclats, au fond des labyrinthes. Ainsi, la rédaction, d’abord sans ligne directrice, des romans de Balzac, préparait en secret, à l’insu de l’auteur, l’idée d’un regroupement par thèmes, qui devait aboutir à la fresque de la Comédie humaine. A l’inverse de l’œuvre en prose d’Aurobindo, les premières ébauches de Savitri, poème souvent différé, apparaîtront cinquante années avant que soit écrit le vingt-trois mille huit cent treizième et dernier vers [3]. Il suffit généralement d’un simple déclic pour qu’un problème porté en soi depuis longtemps trouve comme par hasard sa solution. Le calcul différentiel absolu naît d’un phantasme de Riemann, avant de devenir la formulation mathématique de la relativité. A travers un demi-rêve, Kekulé discerne six serpents dont chacun mord la queue de l’autre, et dont l’ensemble forme un anneau: à partir de cette figure, la structure chimique de la molécule du benzène est trouvée. Poincaré débusque préconsciemment, avec le sentiment d’une totale évidence, la dérivation des fonctions thêta-fuchsiennes. Non seulement le mathématicien laissa s’élaborer, se découvrir elle-même en lui la découverte, mais il assista marginalement à la naissance de celle-ci, un peu comme le yogi discriminant le champ et le connaisseur du champ.

Un autre ensemble de phénomènes appartient à ce que nous appellerons des prévisions. Tout se passe alors comme si tel événement préexistait quelque part en nous, avant d’éclater au dehors; ou comme si quelqu’un en nous le connaissait par avance. L’Antiquité se plaisait à collectionner ces performances irrationnelles, dont les rêves prémonitoires analysés en plein Sénat ou les rêves incubatoires d’Epidaure, porteurs d’une sagesse thérapeutique. On y adjoindrait sans peine tels rêves ou états de demi-veille véhiculant conseils individuels ou collectifs, avertissements, annonces de l’avenir. Trois jours avant son assassinat, Abraham Lincoln rêve à un catafalque gardé par des sentinelles, apprend qu’on a tué le président des Etats-Unis. — Dans le train qui le mène de Zurich à Schaffouse, Jung voit l’Europe recouverte d’une marée de sang; il n’en comprend le sens qu’un an après, en août 1914… Admettons au rang des simples coïncidences le fait que, dans son livre De la Terre à la Lune, Verne eut l’idée de lancer de Floride son wagon aérien, à peu près de l’endroit d’où s’envolerait Apollo II, un siècle plus tard… Mais que dire du Titan de Robertson, imaginé quinze ans avant la mise en chantier du Titanic? Le paquebot de ce roman offre de troublants points de ressemblance avec l’autre: tous deux comptent le même nombre de passagers et de chaloupes de sauvetage; tous deux feront naufrage en avril, pour avoir heurté un iceberg.

Il n’est pas sans intérêt d’ajouter que Robertson écrivit son œuvre dans un état second: quelqu’un d’autre semblait l’écrire à sa place, qui fût informé de l’avenir, ou quelque force mystérieuse l’utiliser comme simple instrument scripteur. Cette transe poétique, reprise moderne de la furor des Sibylles, est ce qui permet de «passer à travers» (transire) la conscience. Les esprits sujets à de telles expériences sont apparemment semblables aux esprits agis ou pensés de l’humanité moyenne; mais ils le sont, peut-on dire, à l’envers: sans doute sont-ils passifs et victimes consentantes; mais d’une passivité active, taoïsante, — «l’art sans art» du Zen —, par là-même, supérieure aux illusoires initiatives d’une activité personnelle; une passivité qui est ouverture à autre-que-soi… C’est la même sorte d’impérieuse inspiration que connaîtront Rudolf Steiner, écrivant l’essentiel de son œuvre dans ce même état médiumnique, et Jung — lui encore —, rédigeant en quelques jours, au comble de la fébrilité, les Septem Sermones ad mortuos. Comme aussi Jeanne Guyon, composant (est-ce le mot?), les Torrents sous une poussée irrésistible, ne corrigeant rien des images qui s’y bousculent, avouant à son directeur: «Je n’ai rien distingué dans l’état où je suis, ce qui est naturel ou divin, ce qui est Dieu et ce qui est mien…» Sous le même souffle d’outre-monde, menant de front six ouvrages, Shrî Aurobindo dactylographiera en six ans quelque six mille pages: «Tout ce qui devait être écrit descendait, tout prêt»… Et Rainer Maria Rilke transcrira directement dans son carnet les vers qu’une voix lui dicte au milieu de la tempête: les Elégies de Duino seront écrites en trois jours, durant lesquels le poète ne mange ni ne dort, sa plume pouvant à peine suivre la pensée. — Plus vigile qu’onirique, la transe peut cependant faire du sommeil sa demeure. On citerait ici l’aventure de Tartini qui ayant, de son propre aveu, lié un pacte avec le diable, lui fit don de son violon. Il l’entendit en rêve jouer une sonate d’une si singulière beauté qu’il s’éveilla pour la transcrire. Il n’en put retrouver qu’un passage, le trille exécuté par l’inimitable virtuose.

Mais qui prouve après tout que le démon de Tartini, (comme celui de Paganini, plus tard), n’était pas un ange déguisé en diable?… Car il se pourrait fort que de telles manifestations émanent du Mental illuminé, du plan le plus élevé où puissent atteindre les créateurs, — ce qui n’exclut pas quelques pointes vers le Surmental. — Qu’on n’aille pas confondre cependant ce genre d’inspiration sauvage avec l’«écriture automatique» des surréalistes, procédant beaucoup plus du «Subliminal» inférieur, et faisant passer pour messages du Supraconscient ce qui n’était qu’heureux hasards… Méritent en revanche une place privilégiée ces vers que «les dieux, dit Valéry, gracieusement nous donnent pour rien»: authentiques fils du Mental illuminé, diamants natifs, irréprochables, tels que les plus grands poètes n’en reçoivent que quelques-uns, comme une charité de ces dieux. Il est instructif de voir le plus farouche ennemi du flou et de l’improvisé reconnaître pourtant l’existence d’un niveau transpersonnel et transconscient, et la validité de l’accidentel, cet inconnu.

D’autres hasards inspirés en provenance du Mental intuitif

C’est sous l’influence du Mental intuitif qu’il conviendra de placer d’autres phénomènes plus surprenants.

Les illuminations sont ces réponses indépendantes d’une volonté consciente, jetées comme un éclat de rire à la face de toutes les constructions et combinaisons vainement essayées jusque-là par la raison raisonnante. Dans l’apparent oubli du problème, le saut qualitatif brusque se produit, la réponse surgit dans sa virginité casquée; elle ne sera vérifiée qu’ensuite par l’expérimentation. Maintes inventions sont nées de ces décharges d’illuminations-miniatures, dans l’enthousiasme d’une évidence qui fait dire que «le dieu est là». Dans le domaine musical, la célèbre phrase de l’Ode à la joie, d’allure si naturelle, «la plus simple des phrases», écrit Romain Rolland, est en fait, si l’on en croit les cahiers d’esquisses de la neuvième Symphonie, le résultat de plusieurs années de ratures, jusqu’au jour où Beethoven, en présence de Schindler, s’écriera: «Je l’ai, je l’ai !» (Ich hab’s, ich hab’s !). Dans le domaine scientifique, relève d’une même parenté l’exclamation d’Archimède, Eurêka, («j’ai trouvé»), quand l’illustre inventeur, dans sa baignoire, découvrit le principe d’hydrostatique qui porte son nom. Sous l’effet de l’émotion, Archimède quitta précipitamment son bain et s’élança dans les rues de Syracuse en oubliant de se vêtir… Dans son jardin de Woolsthorpe, Newton, en 1666, découvrira spontanément le principe de l’attraction universelle en voyant la chute fortuite d’une pomme…

L’un et l’autre cas s’accompagnent d’un fait synchronistique créant la simultanéité d’un état psychique et d’un phénomène physique, et laissant supposer un arrière-plan transcendant la conscience, une unité entre des réalités dépourvues de lien causal.

L’expérience de Descartes en est proche, lequel, âgé de vingt-trois ans, eut soudain, comme il le raconte, «le feu qui lui prit au cerveau»: il venait de découvrir, ce 10 novembre 1619, l’unité de toutes les sciences, l’accord fondamental entre les lois de la nature et les lois mathématiques, et par là, le processus de pensée d’ordre archétypique où les nombres ont le premier rôle [4]. On regrettera que Descartes ait refoulé le «sentiment» au profit de la seule «raison», ne tenant pas compte des messages oniriques qui suivirent l’illumination de Francfort. Ceux-ci l’invitaient pourtant à réparer le caractère dissocié de sa personnalité, en équilibrant sa fonction pensée par la vie instinctive (le melon), affective (le livre de poèmes), et spirituelle (l’église), et lui proposaient la voie des images comme compensation aux abstractions mathématiques.

Les réminiscences, quant à elles, tendent à montrer que savoir est non pas apprendre pour la première fois, mais se ressouvenir de ce que l’on sait, l’«inventer» (dans le sens de l’«invention de la Croix»). L’éducation véritable consisterait en fait en une anamnèse permettant de faire affleurer au conscient des données enfouies et oblitérées. Elle serait non point acquisition et assimilation de connaissances inédites, mais recouvrement d’une partie de l’omniscience latente dont nous sommes les dépositaires négligents, tel ce roi qui dormait à son insu sur un trésor. Cette théorie de la réminiscence a été défendue par Platon qui, dans le Ménon, met en scène Socrate et un esclave ignorant tout de la géométrie. Bien guidé, (un peu trop sans doute), l’esclave retrouvera en lui le procédé démonstratif qui indique la duplication du carré. Ce que Socrate (alias Platon) explique par la conception pythagoricienne des existences antérieures, dont les apports successifs sont emmagasinés par la mémoire psychique [5].

Parler de Socrate, c’est parler de son daïmôn; et il n’est pas de différence inconciliable entre réminiscences et intuitions. Le daïmôn socratique était cette voix intérieure, «luminosité» de la conscience, qui se manifestait en chaque situation grave, à chaque heure d’un choix important. Il ressemble étrangement au Moi archétypique, transcendant, relié à ce que la philosophie alexandrine nommera le «corps astral». — Il est loisible d’en rapprocher la projection visuelle de cette divinité à la fois transpersonnelle et personnalisée que fut le vieillard ailé Philémon, rencontré par Jung dans un songe, et qui devint son interlocuteur familier, jouant auprès de lui le rôle d’un gourou. Et encore, le kheyâla de Mâ Ananda Moyî, suggestion intime dictant d’une façon inopinée la parole ou l’action juste, reçue dans un total abandon à la Providence et dans l’absence de tout plan pré-établi par la volonté de l’égo.

Du roseau pensant au buisson ardent

De degré en degré, la montée vers l’esprit mène au Supraconscient, où règnent Surmental et Supramental. La diversité des vocabulaires employés par les auteurs n’est point faite pour simplifier un domaine dont les registres échappent aux limitations du langage. Mais il est possible d’établir entre eux, mutatis mutandis, certaines équivalences. C’est ainsi que ce qu’Aurobindo nomme le Surmental offre plus d’une analogie avec l’«Imaginal», découvert par Corbin chez les gnostiques iraniens. Ceux-ci sont probablement allés le plus avant dans la description de la «Terre céleste des visions théophaniques», — Hûrqalyâ, — intermédiaire entre le monde sensible des corps matériels et des éléments, et le monde purement spirituel des Essences intelligibles. Cet intermonde, le Malakût, est le séjour des Images et de Formes subtiles, où se produisent les «événements de l’âme». Il est le «monde des analogies» (‘âlam al-mithal), le mundus imaginales où esprit et corps ne font qu’un, et dont les réalités sont perçues par les sens du corps subtil et par l’«Imagination active» que symbolise le Buisson ardent émergeant du Sinaï, c’est-à-dire de l’horizon des pures Intelligences [6].

C’est de ce monde que l’âme purifiée reçoit des connaissances secrètes, la vision de figures et de scènes merveilleuses (ou terrifiantes), les révélations et messages dont mystiques et prophètes sont les réceptacles. Il est capital d’ajouter que cet «Imaginal», d’ordre cosmique et transpersonnel, est sans aucun rapport avec l’«Imaginaire», règne de l’illusion subjective et des improvisations de la simple fantaisie. Comme l’Imaginal des mystiques de l’Islam, le Surmental d’Aurobindo permet une vision continue, sans intermittences lumineuses, qui englobe et dépasse les opposés. Il est cette faculté transcendante qui permet d’atteindre à la connaissance des principes universels, où sujet et objet sont identifiés l’un à l’autre. Il révèle l’existence d’un outre-monde peuplé des mêmes Images et Formes en «suspens». — Imaginal et Surmental coïncident à leur tour avec l’Unus Mundus médiéval, retrouvé par Jung, le «psychoïde» qui désigne l’au-delà de la matière et de la psyché, et qui est, lui aussi, un «isthme» entre le sensible et l’intelligible, en rapport avec les «archétypes» qui se manifestent au seuil de la conscience sous forme de pensées, images, intuitions directes; «monde impliqué», diraient certains modernes; «plan structural» des choses créées, préexistant potentiellement dans l’Esprit divin.

Les manifestations venues de la terre d’Hûrqalyâ rehaussent d’inouïes richesses la panoplie des faits mentionnés jusqu’ici. Elles se produisent lors de la libération des attaches avec le moi et les facultés organiques du corps: l’âme reçoit en elle les empreintes des «Anges», à la façon, explique Sohravardî, dont un miroir où il n’y avait aucune image reçoit les images d’un miroir placé vis-à-vis; et cela, tantôt à travers des songes (qu’on aura grand soin de distinguer des rêves de surface ordinaires), tantôt à l’état de veille, tantôt dans cet état d’«attention flottante» qui semble bien confirmer que nous rêvons aussi dans l’état vigile. — Les grands songes scripturaires s’inscrivent naturellement dans ces visions imaginales: dans la Bible, l’échelle de Jacob, la résurrection des morts à laquelle assiste Ezéchiel, la statue et l’arbre de Nabuchodonosor; ou, dans le Koran, l’assomption nocturne de Mohammed à travers les sept cieux. Leur sont apparentés les «rêves archétypiques» d’hommes en apparence plus banals, tels ceux de Zosime de Panopolis, «envoyés par Dieu», et correspondant à une dramatisation du processus alchimique de transformation [7]. — Les extases, rapts divins, qui parsèment la vie des mystiques, relèvent, elles aussi, du mundus imaginalis. Il serait long d’en dresser une liste exhaustive en dehors même des rajouts et embellissements légendaires. Mais il semble évident, par exemple, que l’expérience de Pascal en procède. Le Mémorial relate en termes énigmatiques mais frappés du sceau de l’authenticité non point ce qui se passa dans la fameuse nuit du 24 novembre 1654, mais l’efflorescence d’une ultime métanoïa: «Certitude. Certitude. Sentiment. Joie. Paix… Joie, joie, joie, pleurs de joie» [8].

C’est cette même faculté surmentale qui révéla aux rishi les visages et les «grands gestes» des dieux, mis en forme dans les mythes ultérieurs, ainsi que les paroles des Véda et des Upanishad, produits d’une inspiration directe, perception de la transcendance sous forme auditive; elle encore qui leur dicta les mantra, ces «charmes» d’une poésie agente, fondée sur la science des vibrations. — Plus généralement, c’est dans ces chambres hautes qu’ont été puisés les ordres de mission ou de fondation divines, les paraboles christiques, les paroles fulgurantes des initiateurs de religions, les paradoxes métaphysiques. Les icônes, les mandala, les «musiques de paradis» comme la mélodie des sphères captée par Pythagore, les gestes rituels créateurs de liturgie, — telle la liturgie orthodoxe, dont le but est de «faire descendre le ciel sur la terre», — les prières sacerdotales, les charismes glissent de ces plans supérieurs pour s’incarner ici-bas dans l’enseignement des maîtres et dans les arts sacrés, comme autant de reproductions photographiques et d’enregistrement sonore du Malakût.

Vers les galaxies du Supramental

Le départ entre Surmental et Supramental n’est pas toujours aisé: aux vastitudes du premier se mêlent et succèdent les galaxies du second. Ici se confirme, s’accomplit le recouvrement du regard initial, après la chute des écailles conceptuelles. Un tel regard n’était autre que celui porté par Adam sur toutes choses, dans la transparence d’origine. Il fut celui des disciples assistant à la Transfiguration du Christ sur le Thabor. Ce n’est point tant d’ailleurs le Christ qui se révéla différent de ce qu’il était ; c’est eux qui, dessillés, retrouvant une vue normale, purent, quelques instants, voir le Christ tel qu’il n’avait jamais cessé d’être. (On soutiendrait de même que ce ne sont pas les «idées supérieures» qui visitent l’esprit humain, mais que c’est l’esprit humain qui, dans certaines heures de grâce, redevient ce qu’il était dans sa forme originelle et rejoint de lui-même la «cote» de ces idées. Ces moments surnaturels de la pensée sont en réalité son état naturel.)

Ce qui spécifie au mieux le monde supramental, c’est, d’une part, sa lumière, faite d’intenses vibrations, d’autre part, la conjonction de l’esprit et de la matière.

Le feu majeur dont il se compose est, dans le christianisme, ce «Verbe artiste» dont le Christ est venu incendier la terre; il est «l’aveuglante clarté» qui se répand autour de saint Séraphim de Sarov dans la clairière enneigée, la manifestation des énergies divines et incréées qui s’épanchent éternellement de l’essence de la Trinité, les «rayons de divinité» qu’évoque Denys l’Aéropagite, qui dorent le fond des icônes byzantines, la grâce toute pénétrante qui déifie l’univers. Il est, dans d’autres contextes, le buisson ardent, résidence de l’Archange Gabriel; l’Agni des voyants védiques, retrouvé de nos jours par ce témoin exceptionnel que fut la Mère, décrivant avec force détails ce «poudroiement d’or chaud», cette «multitude de petits points d’or» vivants, annonces du monde à venir. Ces mosaïques de lumière ressemblent d’étrange façon aux particules élémentaires du cerveau: il semble que l’être qui les a décrites a vu à l’œil nu des particules qui échappent aux appareils les plus perfectionnés. Ces lumières sont les photismes d’un Sohravardî et les «scintillations» de l’Ame universelle, — graines projetées dans le chaos de la matière première, «semences du monde futur» de Khunrath, «luminosités germinales» qui font le «firmament intérieur» de Paracelse. La lumière supramentale est encore le Xvarnah des anciens Perses, cette «lumière-de-gloire» qui transfigure les paysages des miniatures issus d’une géographie imaginale, en sacralise et qualifie l’espace.

Au vu de cette Lumière, la Mère a pu parler de la révélation d’un champ vibratoire qui rejoint de nouveau la vision de la science moderne faisant de l’univers un milieu constitué d’ondes électromagnétiques de très haute fréquence. Se rapprocher de la vitesse de la lumière, c’est ralentir le temps; c’est aussi rejoindre la «voyance» au sens où l’entendait Novalis, y lisant l’attribut de la pleine conscience de l’homme, élargie dans le «présent spirituel», — comprenons l’éternel Présent. — Ces vibrations, constate la Mère, sont en même temps capables de mouvement absolu, d’absolue immobilité : d’une rapidité tellement foudroyante qu’elles sont comme immobiles [9]. D’où une autre variété de temps, dans laquelle sont simultanés passé, présent, futur: le Supramental relie, enveloppe les trois temps. D’où encore la suppression des catégories spatiales. Le détenteur de la vision supramentale est en mesure de voir à distance et de remonter la durée. Un exemple en est, au XIXe siècle, Anne-Catherine Emmerich suivant le Christ en Judée parmi ses contemporains et entendant ses enseignements, dont certains, inédits.

Cette «vibration éternelle», semblable à de l’or fondu, où la Mère surprend des «mouvements de conscience», témoigne de l’unité de l’esprit et de la matière, de la présence de l’esprit dans la matière la plus inconsciente: la substance supramentale est à la fois immatérielle et parfaitement concrète [10]. De ses promenades dans cet outre-monde, la Mère a transmis des souvenirs circonstanciés, dont la vision de cet immense navire, — steamer métaphysique, un autre Titanic, cette fois insubmersible, — abordant au rivage du Supramental et chargé d’étranges passagers, vrais bourlingueurs de l’Absolu. La scène se déroule dans un univers où «la vie créait ses propres formes», où, dans une atmosphère de calme, de douce chaleur et de joie, — les termes mêmes de Motovilov en présence de Père Séraphim, — la substance se révèle d’une étonnante plasticité. Une autre expérience significative est celle où la Mère, descendant par une faille rocheuse, découvre au fond de la nuit, — au cœur de la matière, — la même Lumière divine que celle qui brille dans les hauteurs, et par là, explicite certaines allusions védiques au «trésor dans le roc infini», au «puits de miel couvert par le roc» [11]. — Ce n’est pas autrement que l’Opus alchimique transmue les éléments grossiers en éléments subtils, spiritualisant les corps et corporalisant les esprits, que l’Or philosophique peut traîner dans la boue, que la Pierre est un minéral, mais un minéral vivant.

«Rien de plus admirable que l’homme !», s’exclamait Sophocle, qui savait que la supériorité humaine réside dans la pensée. Mais le plus admirable en elle est qu’on n’en vient jamais à bout, qu’elle réserve toujours de nouvelles surprises, se dérobe finalement à toute tentative de classement rationnel parce qu’elle se situe au-delà du rationnel. Tout au plus peut-on discerner des différences de qualités, de niveaux, d’intensités. Mais elle cache bien son jeu: les ressources de l’esprit sont mystérieuses, imprévisibles et insondables. Shrî Aurobindo ne disait-il pas qu’au-delà même du Supramental, (dont il prévoyait l’avènement pour le milieu du troisième millénaire), d’autres étages se profilaient, qu’il suffirait de conquérir?…

Ce qui n’est pas moins admirable est que, par-delà les chatoiements de la diversité, cette pensée reste toujours une. Etudiant la structure cérébrale, Karl Pribram a montré que l’information n’est pas stockée dans une cellule particulière ou une zone localisée du cerveau, mais que c’est dans la globalité de celui-ci que s’inscrit toute information, et que chaque information particulière se trouve combinée à toutes les autres, donnant ainsi un vaste ensemble de «réverbérations» simultanées au sein d’une totalité continue, impliquée. Combien ce qui est vrai du cerveau l’est, plus encore, de l’esprit! … Quand Tchouang-Tseu rêve qu’il est papillon, il faut en conclure que le papillon et lui sont deux modifications également réelles, (également illusoires), de l’unité dont Tchouang-Tseu est constitué; et aussi, de l’unité de l’Etre dans laquelle tous les êtres sont un. Car cette unité fondamentale de chaque esprit s’immensifie encore dans celle de tous les esprits, ou se réduit, si l’on préfère, à un substrat premier, à un facteur commun des processus de connaissance. C’est peut-être ce que pressentait Lautréamont déclarant que «la poésie doit être faite par tous». Jung constatait de même l’existence d’un «inconscient collectif», d’un continuum unitaire embrassant les réalités premières. Et le Véda, bien avant eux, évoquait ces «dix mille rayons (des intuitions humaines), qui se réunissent dans cet Un, tad ekam».

Aux neurophysiologues et aux psychologues, aux poètes et aux spirituels, à tous ceux qui ont résolu de prendre langue avec Dieu, la seule tâche qui incombe est de continuer l’exploration, à peine commencée, de l’ordinateur le plus complexe de l’univers. A nous, derviches de l’infinitésimal, d’entrer à notre tour dans l’étourdissant tourbillon des cellules cérébrales, dans cette «fabuleuse danse électronique», comme l’appelait Alan Watts, pour en découvrir le centre immuable et toujours fuyant, et de pénétrer émerveillés, dans ces continents inconnus «aux splendeurs infinies, aux cités innombrables», peuplées de milliers de créatures, et où les profondeurs ont le visage des altitudes ! …


[1] Toutes questions traitées dans le remarquable ouvrage de Marilyn Ferguson, La Révolution du cerveau (Calmann-Lévy, Paris, 1980).

[2] «La rêverie est le dimanche de la pensée», écrivait joliment Amiel dans ses Fragments d’un journal intime.

[3] L’œuvre ne sera pas totalement achevée, pas plus d’ailleurs que la Synthèse des Yoga. Ainsi de l’Enéide de Virgile; ainsi de la trilogie épique projetée par Hugo: La Fin de Satan et Dieu, faisant suite à La Légende des Siècles. On dirait que les plus grands génies doivent, tel l’océan, ne pas dépasser certaines limites. Wagner sera plus heureux avec le Ring, au prix de quelques somnolences et en s’y consacrant plus de vingt années.

[4] Il appartiendra de même à Wolfgang Pauli d’étudier «l’influence des représentations archétypiques sur la formation des théories scientifiques chez Kepler», in Naturerklärung und Psyche, en collaboration avec C.G. Jung (Rascher, Zurich, 1952).

[5] Ménon, 81-84. — C’est ce qu’enseignent aussi les Upanishad. Voir A. Cosmaraswany, Recollection, Indian and Platonic, in Journal of the American Oriental Society, 1945.

[6] C’est l’«arbre béni» du Koran, XXIV, 35, qui n’est «ni d’Orient, ni d’Occident», car ni totalement intellectif, ni totalement matériel.

[7] Ces rêves initiatiques ont été longuement étudiés par Jung dans les Racines de la Conscience, IV, (Buchet-Chastel, Paris, 1971).

[8] L’exemple récent d’une «communication» de même nature, mais étendue dans le temps, a été donné par G. Mallasz dans Dialogues avec l’Ange (Aubier-Montaigne, Paris, 1976).

[9] On pense au Tao-tö-king, LXII: «Mieux vaut celui qui, assis à sa place, avance dans le Tao». — C’est de ces vibrations que sont tissés les personnages des icônes, d’une «immobilité dynamique», selon l’expression de P. Evdokimov.

[10] Nous rejoignons ici la caro spiritualis étudiée par Henri Corbin; voir Corps spirituel et Terre céleste (Buchet-Chastel, Paris, 1979).

[11] Agenda, I, 3 février et 8 novembre 1958, (Institut de Recherches Evolutives, Paris, 1978).