Pierre D’Angkor
Poèmes: La grâce, la joie divine & Communion directe

Une joie ineffable, une douceur extrême

Jugée inaccessible est pourtant près de moi.

Lointaine, elle est en moi l’essence de moi-même

Ma demeure vivante et ma suprême loi.

Les passions du moi l’obnubilent d’un voile :

Tel le brouillard épais nous cachant le soleil.

L’égoïsme entrave notre marche à l’étoile

Nous recouvrant de l’UN le visage vermeil.

(Revue Spiritualité. No 6. 15 Mai 1945)

La grâce

De tes traits acérés, o doux archer divin,

Tu transmutas ma chair et tu la remplis d’âme,

Sublimant mon amour en une ardente flamme

Qui consume à jamais l’âpre désir humain.

Sous tes coups insistants, j’ai renié ma foi,

Une foi en la lettre et que la raison nie ;

Mais tu me l’as rendue, intacte, rajeunie,

Sa valeur, son esprit, interprétés par Toi !

Les hommes ont voulu me couvrir d’anathèmes,

Visages irrités que l’horreur faisait blêmes ;

Mais Toi tu m’as comblé de douceurs de ta Grâce.

D’épines et de fleurs, dessous mes pas tremblants

Tu jonchas sans répit, o maître de l’extase

Le dur chemin qui monte aux sommets exaltants.

Pierre D’ANGKOR

(Revue Spiritualité. No 71-72-73. Février-Avril 1951)

La joie divine

Une joie ineffable, une douceur extrême

Jugée inaccessible est pourtant près de moi.

Lointaine, elle est en moi l’essence de moi-même

Ma demeure vivante et ma suprême loi.

Les passions du moi l’obnubilent d’un voile :

Tel le brouillard épais nous cachant le soleil.

L’égoïsme entrave notre marche à l’étoile

Nous recouvrant de l’UN le visage vermeil.

L’Être est béatitude, allégresse éternelle;

Mais le moi projeté, minuscule avorton

Se prenant sottement pour une âme immortelle

Exhale son lyrisme en vers de mirliton.

Prenant pour l’Astre-Roi son obscur lumignon

Et pour le vrai bonheur l’ivresse frelatée,

Il tourne le dos au divin compagnon,

Prend goût à sa misère, à sa vie gâtée.

Parfois sous le coup dur d’une détresse amère,

Ambition déçue, deuils, amour trahi,

Par la brèche du cœur il entrevoit son Père

Sous l’amas écroulé d’un monde aimé, haï !

D’autres fois, sans raison, une lueur brillante

Perce-t-elle un instant son ciel tout obscurci;

La joie en lui jaillit, douce, extasiante

Laquelle étonne et transporte son cœur durci.

Mais très bientôt ses sens, sa pensée flottante,

Le reprennent captif en leurs voiles épais ?

Ramenant à nouveau l’atmosphère étouffante

Annihilant l’extase et sa divine Paix.

En tout être est l’Amour, l’Infini, l’Éternel,

C’est là sa vraie essence et sa face ignorée

Qui projette ici bas sa vaine ombre éplorée

Puis rêve d’unité pour rejoindre son ciel.

Émanés de l’UN pour en prendre conscience

Seuls pourront récolter la joie du retour

Qui acquirent ici la sagesse et l’Amour

Après avoir souffert les affres de l’absence.

Pierre D’ANGKOR

Communion directe

Homme, cesse d’interroger

Tous ces dévots auxiliaires,

Menaçant d’un mortel danger

Qui se refuse à leurs lumières.

Prêches ni moyens étrangers

Ne peuvent guère nous changer;

Béquilles ni vaines prières

Ne nous apprendront à marcher.

Sur l’étroit chemin solitaire

C’est tout seul qu’il nous faut chercher.

Toutes pratiques routinières

Nous remplissent d’illusions

Et font nos âmes prisonnières

D’apaisantes séductions.

Elles aident notre faiblesse;

Nous offrent consolation;

Mais la force exclut la mollesse

Requiert l’effort et l’action,

Nous obtenant de notre foi

L’immanente grâce du Soi.

Qui croit les rites nécessaires,

Se contente de somnifères.

Le rite devient une chaîne,

Et Jésus de sa voix humaine,

Doucement nous persuada

De trouver au fond de nous-mêmes

Le Père, le Dieu de Juda.

Tel est, pour nous, le grand problème.

Pierre D’ANGKOR