Robert Linssen
Part d’effort, de détente et de spontanéité dans le yoga et la méditation

La tradition nous rapporte que les yoguis méditant au bord des torrents descendant des neiges himalayennes observaient attentivement les mouvements continuels d’avance et de recul des jeunes poissons dans l’eau. Les alevins remontaient constamment le courant rapide du torrent. Toute leur vie durant ils nageaient à contre-courant du sens de la descente des eaux. Les yogins ont transposé cette image dans l’enseignement de la pratique du yoga et de la méditation.

(Revue Être Libre, Numéro 311, Juillet-Septembre 1987)

Selon la tradition, le mot « Yoga » comporte deux significations.

1) Yoga évoque d’abord « union ». Cette union présente deux aspects : un aspect intérieur et un aspect extérieur.

a) Un aspect intérieur. Celui-ci est lié à l’existence, en l’être humains de différents éléments à réunir et à harmoniser. Ces éléments sont formés par les multiples niveaux d’énergie auxquels participent la structure totale de l’Univers et de l’homme. Les traditions de l’antique sagesse indienne présentaient un univers formé de plusieurs niveaux d’énergie et dimensions dont les correspondances existaient en chaque être humain. Il n’est pas inutile de rappeler qu’en cette fin du XXe siècle, les sciences nouvelles postulent l’existence d’un univers multidimensionnel. Celui-ci comporterait, suivant le Prix Nobel de Physique, Abdous Salam, sept ou onze dimensions différentes. Selon la tradition yoguique, l’univers et l’être humain sont formés de sept ou huit plans pouvant être considérés comme des dimensions ou niveaux d’énergie différents.

1) Brahman. Niveau suprême, non-manifesté, intemporel correspondant au champ de création pure des physiciens. David Bohm le désigne par la « source » ou le « fondement » ou encore le « super-ordre-impliqué ». Krishnamurti le désigne par l’Inconnu, le Suprême, l’Intemporel.
2) Atma. Symbolise l’étincelle divine ou monade dans la « caverne du cœur » (Hridaya Guhayam des Upanishads). Ceci n’existe pas dans le Bouddhisme.
3) Buddhi. Niveau spirituel.
4) Arupa Manas. Mental abstrait, sans forme.
5) Rupa Manas. Mental concret, avec forme.
6) Kama Maya kosha. Niveau émotionnel.
7) Prâna Maya kosha. Niveau vital, prâna.
8) Anamayakosha, corps physique, niveau physique.

L’aspect d’union intérieure évoqué dans le mot Yoga implique un fonctionnement harmonieux et une union parfaite entre ces différents niveaux d’énergie ainsi que l’absence de contradictions ou fragmentations intérieures.

b) Un aspect extérieur. Cet aspect implique une harmonie dans nos relations avec les êtres et les choses. La pratique équilibrée du Yoga doit se traduire par un enrichissement de notre capacité relationnelle. Elle doit nous conduire à une ouverture et une présence à l’autre ainsi qu’à une attitude naturelle d’accueil, de bienveillance, de coopération et d’affection.

2) La deuxième signification du mot Yoga est relative à la discipline et à l’effort. Elle s’apparente au mot « joug ». Ceci implique qu’en plus de l’union harmonieuse entre les multiples niveaux d’énergie, il existe entre ceux-ci une hiérarchie de valeurs. Dans son ouvrage fondamental, « La conscience-énergie », la doctoresse Thérèse Brosse en expose clairement les processus dans ce qu’elle appelle la « loi de subordination ». Les niveaux inférieurs, tels le corps physique, les émotions, les pensées doivent être finalement utilisés à titre de simples instruments par les niveaux spirituels supérieurs, tels la Buddhi et surtout le Brahman ou champ de conscience cosmique. La situation inverse, actuellement prédominante, est génératrice de tous les conflits, de toutes les souffrances, tant individuelles que collectives. L’immense majorité de l’espèce humaine est dans un état d’infantilisme tel qu’elle ignore même l’existence de niveaux supérieurs d’énergie autres que le corps physique.

III. Signification moins connue du mot yoga.

En plus des deux significations du mot yoga, que nous venons de commenter; il en existe une troisième. Elle est certainement la plus fondamentale et la moins connue. Elle résulte cependant de la pratique des deux premières. L’origine de cette troisième interprétation du mot yoga est très simple.

La tradition nous rapporte que les yoguis méditant au bord des torrents descendant des neiges himalayennes observaient attentivement les mouvements continuels d’avance et de recul des jeunes poissons dans l’eau. Les alevins remontaient constamment le courant rapide du torrent. Toute leur vie durant ils nageaient à contre-courant du sens de la descente des eaux.

Les yogins ont transposé cette image dans l’enseignement de la pratique du yoga et de la méditation.

Il y a incontestablement dans la pratique du yoga et de la méditation une nécessité d’aller à contre-courant des forces d’inertie de l’égo, des niveaux matériels inférieurs de l’énergie. Ceci implique la nécessité d’aller à contre-courant des sollicitations excessives du corps, paresse, gourmandise, recherches exagérées de plaisirs, dépendance d’habitudes auto-destructrices telles la fumée, l’alcool, les drogues, recherches morbides de l’étourdissement total dans le vacarme, etc.

Aux niveaux plus profonds et subtils, l’exigence d’aller à contre-courant est plus importante quoique moins apparente.

La pratique de la méditation véritable implique une présence complète de la conscience dans le moment présent. Ceci requiert l’obligation d’aller à contre-courant de la force d’inertie des habitudes du passé. Celles-ci englobent la mémoire de nos échecs, de nos frustrations, de nos plaisirs, de nos actes incomplets. La puissance de la force d’inertie des mémoires du passé est énorme. Nous ne nous en rendons pas compte. Un travail considérable de déblaiement des résidus accumulés du passé s’impose. En fait, aux niveaux d’énergie périphérique de sa structure (physique, émotionnelle, mentale), l’être humain n’est que du passé condensé, cristallisé.

Le présent suprême intemporel réside profondément enfoui, englouti sous les couches de mémoires accumulées contre l’action desquelles le yogui doit aller à contre-courant.

Le yoga de Patanjali constitue un appel constant à la pleine présence au Présent. « Chitta niroda para vritti » sont les termes sanscrits évoquant cet appel au Présent et au silence intérieur.

Les huit étapes classiques sont une véritable ascension de la présence, ainsi que l’écrit François Roux (Carnet du Yoga, n° 91, p. 28).

1e étape Yama — présence à l’autre.
2e étape Niyama — présence à soi.
3e étape Asana — présence au corps.
4e étape Prânayama — présence au souffle.
5e étape Pratyhara — présence aux sens.
6e étape Dharana — présence aux événements de l’instant.
7e étape Dyana — présence unitive (perception de l’unité).
8e étape Samadhi — présence pure totale.

Les implications de la présence totale au Présent sont immenses. Elles comprennent en ordre principal l’exercice d’une attention parfaite dans la momentanéité de chaque instant vécu.

Aucune distraction n’est tolérée.

Ceci entraîne la nécessité absolue et constante d’aller à contre-courant de l’agitation mentale permanente et des distractions.

* * *

Comment passer de la phase initiale de réajustement et de tension à la phase de détente et de spontanéité finale, naturelle, permanente ?

Comment expliquer la contradiction entre des phases de tension, d’efforts et de détente, de spontanéité ?

Ici la contradiction est plus apparente que réelle : les phases de tension et de détente ne sont évidemment pas simultanées. Elles se succèdent en alternance dans le temps. Dans la pratique du yoga, par exemple, toute pose est suivie d’une contre-pose. Nous sommes ici en présence d’un des processus fondamentaux de la nature. Successions de périodes d’activité et de repos dans l’alternance des jours et des nuits, des étés et des hivers.

Il n’est pas inutile de souligner ici que dans l’évolution naturelle les étapes réalisées ne sont que provisoires. Rien n’est définitif. Toute phase qui est atteinte prépare la réalisation d’une phase ultérieure où sont reprises les caractéristiques de la phase précédente. Toutefois celles-ci peuvent s’exprimer sous une forme entièrement nouvelle. Des processus différents et des lois jusqu’alors inconnues ou imprévisibles peuvent se présenter.

Ainsi que l’exprimait Shri Aurobindo :
« La pensée fut une aide — La pensée est l’entrave.
L’animalité fut une aide — L’animalité est l’entrave.
L’égoïsme fut une aide. L’égoïsme est l’entrave
».

Dans le même sens, nous pouvons ajouter :
« Les efforts et les tensions furent une aide.
Les efforts et les tensions sont l’entrave.
La mémoire fut une aide. La mémoire est l’entrave.
L’instinct de conservation fut une aide.
L’instinct de conservation est l’entrave
».

L’application de cette alternance pourrait être illustrée par mille exemples. L’évolution récente des sciences révèle l’inexactitude de l’ancien principe de légalité universelle. Lorsqu’on envisage une extension infinie dans le temps et dans l’espace, les lois ne restent plus absolument les mêmes. Le Prix Nobel Ilya Prigogine nous montre que l’Univers n’est pas une immense mécanique dont les rouages innombrables tournent indéfiniment de la même façon. Il y a dans l’Univers une prédominance de processus irréversibles et l’évolution manifeste des processus de création, d’invention, d’imprévisibilité déjouant la rigidité d’un strict déterminisme.

Ainsi que l’exprime Hubert Reeves : « La musique de l’Univers s’improvise au fur et à mesure ».

C’est donc dans cette souplesse et cette liberté d’esprit que doivent être pratiqués le yoga et la méditation.

* * *

Nous avons suggéré la nécessité d’aller à « contre-courant » de l’agitation mentale permanente. Ceci entraîne la nécessité d’aller à contre-courant du surgissement constant des pensées sous forme de mots, d’images mentales défilant constamment dans le cerveau. Il est bon de rappeler qu’il n’y a pas de pensée sans mots, sans images, conscientes ou inconscientes. L’énergie qui les font apparaître semble irrésistible.

Il faut découvrir sa source et aller à contre-courant de son  surgissement. Mais ici l’antique sagesse nous pose la même question que nous poserait actuellement Krishnamurti : « Qui va à contre-courant ? » Est-ce un acte de volonté de l’égo ? Le « moi » qui n’est que pensée et mémoire peut-il se libérer par la pensée qui n’est elle-même que mémoire ? L’ego qui est entièrement résiduel, cristallisation du passé et du temps peut-il par un acte de volonté se libérer du passé, du temps ? Le « résiduel » peut-il se libérer du « résiduel » ou bien ne doit-il pas mourir à lui-même pour laisser œuvrer le Grand-Vivant, la « Vie qui est au-delà de la vie et la mort biologique ? »

La réponse est claire et confirme une fois de plus le bien-fondé de la loi de dépassement des niveaux acquis et du caractère provisoire des étapes réalisées. L’ego fut une aide. L’ego est l’entrave. Le passé fut une aide, le passé est l’entrave.

* * *

Les images, les mots ne sont que l’écho d’un passé lointain ou proche.

Ce ne sont que des mémoires résiduelles. Elles surgissent constamment des profondeurs d’un passé mort. La force d’inertie de ces mémoires, les pensées ne sont ni l’intelligence ni la conscience dans sa plénitude. Les mémoires et les pensées ne sont que de la conscience et de l’intelligence dégradées. Ce ne sont que des déchets résiduels d’une plénitude de vie créatrice dont la lumière n’est accessible que dans le présent.

La méditation véritable implique donc la nécessité d’aller intelligemment à contre-courant de la force colossale d’inertie des habitudes de la mémoire qui se sont cristallisées et accumulées depuis des millions d’années.

Ainsi que l’enseignent les sciences nouvelles, nous sommes tous des milliardaires de la mémoire et du temps. Les maîtres de l’Eveil intérieur l’enseignent depuis des millénaires dans les yogas, le Bouddhisme, l’Advaita Védanta. Telle est aussi la signification du « Vieil Homme » dans le symbolisme chrétien. Le yoga enseigne la nécessité d’aller à contre-courant de la force d’inertie du « Vieil Homme ».

N’est-il pas enseigné qu’il est nécessaire de se « dépouiller » du « Vieil Homme » et de mourir (psychologiquement) à soi-même pour renaître ?

* * *

La pratique la plus essentielle du yoga consiste en l’exercice d’une attention de plus en plus vigilante dans le présent, allant à contre-courant de la force d’inertie des mémoires résiduelles du passé.

Ceci assure le triomphe du « Grand Vivant », symbolisé par « Brahman » — (correspondant au champ de conscience pure des physiciens) — sur le passé, le résiduel, l’inerte, le mécanique. C’est aller à contre-courant en nous, de tout ce qui est figé et statique.

Les Maîtres chinois enseignaient que « l’Infini se trouve dans le fini de chaque instant présent ».

L’instant présent est la clé de la mutation spirituelle, nous dit François Roux qui nous rappelle que les Soufis s’appellent « fils de l’Instant » (Carnets de Yoga n° 91).

Creuser le Présent pour trouver l’Eternel, nous dit Krishnamurti.

* * *

Nous comprenons facilement ces vérités essentielles.

Elles ont été énoncées de tous les temps. La seule chose nouvelle consiste dans leur raccord et leur confirmation par les sciences nouvelles, telles la nouvelle physique quantique, la biologie systémique, les nouvelles astrophysiques. Mais cette constatation est insuffisante si nous ne nous transformons pas nous-mêmes complètement en devenant le laboratoire vivant du processus de vie intégrale. C’est en cela, comme le souligne le Docteur Renée Weber (1) que l’expérience mystique du yoga intégral possède un caractère hautement scientifique. Elle est même, à certains égards supérieure aux expériences traditionnellement considérées comme scientifiques réalisées en laboratoire. Au cours de celles-ci, le chercheur reste toujours extérieur au processus expérimental quoique l’on vienne de démontrer que l’expérimentateur, l’expérience et les objets expérimentés sont englobés dans un seul processus d’interdépendances mutuelles.

Ainsi que le déclare le physicien John A. Wheeler, l’observateur d’un phénomène ne peut plus être considéré dans l’optique d’un isolement ou d’une séparation : il est un « participant ». Toujours est-il que le savant travaillant dans son laboratoire se veut distinct et entièrement extérieur ou indépendant de ce qui se produit dans ses tubes à essais ou et de ce qu’il observe dans ses microscopes ou télescopes.

Le processus expérimental du yoga intégral est infiniment plus complet. Il ne laisse absolument rien en dehors du domaine expérimental et ce, à tous les niveaux de l’énergie et dans toutes les dimensions auxquelles participe sa constitution : physiques, psychiques, spirituelles.

L’argument aux termes duquel les sceptiques dénoncent les caractères subjectifs et fragiles de l’expérience mystique résultant de phantasmes imaginatifs n’a aucune valeur.

C’est en effet ignorer la rigueur et la sévérité des exigences de dépouillement, de non-préfiguration, de silence mental, d’ordre et de clarté constituant les conditions « sine qua non » de l’expérience mystique authentique.

Ceci est confirmé par l’exigence constamment formulée d’une vigilance totale et d’une qualité d’attention parfaite que l’on trouve dans les textes classiques du bouddhisme, des Prajnaparamita Sûtras, du Chan, du Zen, de Patanjali et, actuellement, de Krishnamurti.

Un verset du Dhamapada bouddhique, peu connu et souvent cité par notre grande amie que fut A. David-Neel, déclare :
« La vigilance est la voie de l’immortalité. La négligence est la « voie de la mort ». Les négligents sont déjà comme s’ils étaient morts. Les vigilants ne meurent pas ! »

Qu’est-ce que la vigilance totale ? Nous ne soupçonnons pas l’ampleur de ses exigences et de ses implications. La sagesse nous enseigne cependant que sa réalisation nous permet de résoudre le problème de la mort en nous ouvrant à la bénédiction de l’instant présent.

La tradition chinoise utilise une image fort simple : celle du miroir. Le maître taoïste Tchouang-Tse déclarait que : « Le parfait miroir voit tout, mais il ne prend rien. Il ne juge rien, ne compare rien. Il ne repousse rien et ne s’approprie rien. Il ne nomme rien ».

Et cependant il voit. A certains égards, il voit mille fois mieux que tous les êtres humains, qui, au contraire, sont incapables de voir le paysage tel qu’il est parce que leur vision est déformée et colorée par l’écran opaque des mémoires à travers laquelle elle passe.

Les implications d’une transposition de la vision du parfait miroir au niveau de l’attention et de la vigilance humaines sont immenses. Il ne suffit évidemment pas d’en comprendre la portée au niveau intellectuel et verbal. Ne rien juger, ne rien prendre, ne rien comparer, ne rien repousser, c’est aller à « contre-courant» de la force d’inertie de nos habitudes mentales, de nos habitudes de tous les niveaux, de nos mémoires, de nos préjugés, de nos peurs, de nos attachements, de nos dépendances, de nos tendances innées à conjuguer les verbes « avoir », « avoir-plus ». L’Univers entier s’est bâti par une conjugaison constante des verbes « avoir », « avoir-plus », grandir depuis vingt milliards d’années.

Ceci est un fait et non une théorie. Entre l’unité initiale du point de son origine lointaine et le moment présent, l’univers s’est formé, complexifié à l’infini grâce à l’action constante d’une force axiale d’association, de complexification. Il s’agit d’une habitude associative que l’on peut comparer à la conjugaison des verbes « avoir » et « avoir-plus ». Les atomes simples s’associent à des couches électroniques de plus en plus complexes tandis que leurs noyaux passent de 2 à plus de 150 particules. Les atomes s’associent ensuite pour former des molécules simples comme la molécule H2O l’eau. Les molécules s’associent entre elles pour former les molécules géantes formées de plusieurs centaines de milliers d’atomes. Ces grandes molécules deviendront les éléments de base des premières cellules. Les êtres monocellulaires se complexifient ensuite pour aboutir aux pluri-cellulaires, tel l’être humain avec ses quelque 150 milliards de cellules.

Cette habitude associative se poursuit enfin au niveau psychologique. L’être humain s’associe à son milieu, à ses possessions, à ses idéaux, à ses mémoires personnelles et aux mémoires collectives anciennes résultant de ses associations antérieures. Mais les processus de la nature ne se poursuivent pas indéfiniment.

Pour reprendre la pensée de Sri Aurobindo, disons que si l’habitude associative fut une aide par sa structuration d’un égo, elle peut, à un certain moment, devenir une entrave contre laquelle se présente la nécessité d’aller à « contre-courant ».

A certains égards, la tâche est immense. Pourquoi ? Parce que tous les événements résultant d’une habitude associative ont été enregistrés, mémorisés et l’être humain en est l’aboutissement, l’incarnation. Il est à la fois l’incarnation et la cristallisation de milliards de mémoires et d’automatismes.

Aller à « contre-courant » de la force d’inertie considérable résultant d’un processus de mémorisation long de milliards d’années semble une aventure fantastique et insensée. Il n’y a là rien de fantastique ni d’insensé mais simple respect d’une loi supérieure de la dynamique naturelle du dépassement des niveaux acquis. Ceci révèle la part de grandeur, de créativité et de beauté de l’aventure spirituelle. Ces niveaux anciens sont résiduels, provisoires. Ils ne sont pas la plénitude de Vie mais ses manifestations évanescentes. Ils émanent à titre second et dérivé du centre, de la « Source », du fondement suprême et toujours renouvelé que les yoguins appellent « Brahman » (terme provenant de la racine sanscrite Brih = créer). Les physiciens d’avant-garde, tels D. Bohm et Fr. Capra évoquent semblablement l’existence prioritaire d’un champ de conscience en perpétuelle recréation.

(1) R. Weber, « Dialogues with Sages and Scientists », Ed. Kegan, London