(Revue Itinérance. No 1. Mai 1986)
Vers la fin de VIème siècle avant l’ère chrétienne, le prince d’un petit royaume indien proche de l’actuelle frontière népalaise, Gautama Siddharta, décida de fuir les vanités de la vie mondaine et de devenir moine. Il reçut le nom de Cakyamuni. Après quelques tentatives infructueuses, il renonça à chercher la vérité dans l’enseignement des Maîtres de la religion brahmanique et, finalement, s’asseyant sous l’arbre de la Bodhi, résolut de ne pas quitter la place avant d’avoir trouvé la vérité quant à la vie, la mort, l’universelle douleur et le moyen d’y échapper.
Par une ascèse inlassable et malgré les obstacles tendus par Mara, le démon, il parvint à l’illumination et devint ainsi le Bouddha ; l’Éveillé. Il fut considéré comme un homme ayant atteint la perfection divine ou comme une incarnation (Nirmana?kaya) en notre monde du principe divin, Mais si le bouddhisme Mahayana envisage sa personne comme ‘Dieu et homme’, il ne reconnaît cependant pas d’entité absolue : la nature divine du Bouddha est comprise comme le pur esprit dont l’expérience transcendante est à jamais inexprimable dans les termes de la connaissance humaine.
C’est après son Éveil que le Bouddha, sollicité par les plus grands Dieux, décida avec miséricorde de prêcher la Doctrine, de mettre en mouvement la roue de la Loi, la roue du Dharma. Cet enseignement (Dharma), dans son essence originelle, vise à libérer tous les êtres des illusions et de la douleur inhérente à toute existence. Sa pratique, fondée sur la purification de l’esprit grâce à des exercices spirituels que l’on nomme méditation, ne dissocie jamais les deux pôles que sont l’Amour et la Connaissance.
Notion-clé du Mahayana, le bodhisattva est celui qui a pris la résolution de consacrer son Éveil à la libération de tous les êtres. Le texte de cette résolution est donné dans le Vajradhvaja-sutra : « J’assume le fardeau de toutes les souffrances. J’y suis résolu, je l’endurerai. Je ne m’y déroberai pas ni ne m’enfuirai… (car mon vœu est de sauver tous les êtres…)
Je me livrerai en otage pour racheter le monde entier. Puissé-je éprouver en mon propre corps la multitude de toutes les douleurs pour le bien de tous les êtres… »
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Deux moines voyageaient en bateau quand surgit une forte tempête. Le bateau fit naufrage. Le plus jeune des moines put s’agripper à une planche tandis que son aîné, sur le point de se noyer, lui demanda : « as-tu compris l’essence du Zen ? ». Alors le jeune moine, sans réfléchir lui lança sa planche. Il avait vraiment réalisé inconsciemment le non profit, le non égoïsme, essence du Zen Le conte dit que le Dieu de la mer, impressionné suscita une grande vague qui ramena les deux moines aux rivages.
Certaines personnes se font parfois du Zen une image sévère et y voient une forme d’ascèse dans laquelle chacun, seulement concentré sur sa propre pratique, rechercherait une forme de sagesse pour lui?même, égoïste. Si cette erreur est parfois commise, ce n’est pas le véritable enseignement transmis.
Dans la véritable pratique du Zen, le corps, l’esprit, le cœur ne sont pas séparés. Soi?même et les autres ne sommes pas séparés. Cette pratique remonte à l’expérience de l’Éveil réalisé par Shakyamuni Bouddha assis en zazen sous l’arbre de la Bodhi.
Lorsqu’il quitta son palais pour rechercher la Voie, il voulait résoudre le problème de la souffrance, de la vie et de la mort, pas seulement pour lui-même mais aussi pour tous les êtres.
Au moment de son satori, il déclara « j’ai réalisé l’éveil en même temps que toutes les existences. » Il consacra ensuite sa vie à aider les autres en leur enseignant la pratique de la concentration, zazen, comme le fit Maître Deshimaru qui introduisit cette pratique en Europe en 1967.
Zazen consiste à s’asseoir sur un coussin, tourné face au mur, les jambes croisées, pied droit sur cuisse gauche, pied gauche sur cuisse droite, ou bien seulement pied droit t sur cuisse gauche, l’important étant de bien presser les genoux sur le sol et de basculer naturellement le bassin en avant, tout en tendant la colonne vertébrale et la nuque vers le haut et en rentrant le menton. Dans cette posture, on pousse le ciel avec la tête et la terre avec les genoux. Les épaules et le ventre sont détendus. La main gauche est posée sur la main droite, les pouces horizontaux se touchent et forment avec les index un bel ovale. Le tranchant des mains est en contact avec le bas ventre. Le regard est posé à un mètre devant soi sur le sol.