David Moody
Que signifie « vivre les enseignements » ?

Nous devons d’abord savoir ce que nous entendons par « les enseignements ». Ce n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît à première vue, car les enseignements sont immenses. Ils sont semblables à l’énergie qui traversait le corps de Krishnamurti, représentant une expression monumentale de cette énergie. Notre première tâche aujourd’hui est donc de formuler un modèle des enseignements, quelque chose qui suggère leur nature et leur complexité. J’utiliserai la métaphore d’un bâtiment, un bâtiment de quatre étages, pour décrire certains des thèmes majeurs présents dans l’œuvre de Krishnamurti. Veuillez garder à l’esprit qu’il ne s’agit que d’une approximation grossière.

Extrait de Foundation-Focus de la Krishnamurti Foundation of America, numéro d’été-automne 2025

Chaque printemps, la Rencontre de mai réunit des personnes venues du monde entier pour participer à une réflexion commune sur les enseignements. Cet événement attire généralement à la fois des adeptes de longue date et des nouveaux venus intéressés par l’œuvre de Krishnamurti.

Parmi les intervenants de cette année figurait David Edmund Moody, PhD, qui a travaillé en étroite collaboration avec Krishnamurti pendant les années de formation de l’école Oak Grove, où il a occupé les fonctions d’enseignant, de directeur pédagogique et de directeur de 1975 à 1987. Il a ensuite obtenu un doctorat en psychologie de l’éducation à l’UCLA, avec une spécialisation sur le rôle de l’intuition dans l’apprentissage.

David est l’auteur de trois livres sur Krishnamurti, dont le plus récent est Krishnamurti in America: New Perspectives on the Man and His Message (Krishnamurti en Amérique : nouvelles perspectives sur l’homme et son message).

Lors de sa conférence au rassemblement de mai, David a posé une question au cœur du travail de Krishnamurti : que signifie vivre les enseignements ? Voici un extrait de sa présentation :

Pour comprendre cela, nous devons d’abord savoir ce que nous entendons par « les enseignements ». Ce n’est pas aussi évident qu’il n’y paraît à première vue, car les enseignements sont immenses. Ils sont semblables à l’énergie qui traversait le corps de Krishnamurti, représentant une expression monumentale de cette énergie. Notre première tâche aujourd’hui est donc de formuler un modèle des enseignements, quelque chose qui suggère leur nature et leur complexité. J’utiliserai la métaphore d’un bâtiment, un bâtiment de quatre étages, pour décrire certains des thèmes majeurs présents dans l’œuvre de Krishnamurti. Veuillez garder à l’esprit qu’il ne s’agit que d’une approximation grossière.

Ce bâtiment de quatre étages, ce modèle pour les enseignements, ressemble à ceci :

Au niveau le plus élémentaire, même en dessous des quatre étages, ce bâtiment a des fondations. Les fondations consistent en un ensemble de principes sur lesquels repose toute la structure. Ces principes décrivent la nature essentielle de la pensée et de l’observation. Rappelons-nous certains de ces principes de base : Krishnamurti dit : « La pensée est la réponse de la mémoire ». La pensée est fragmentaire. Elle est mécanique. Il conseille : « Observez sans nommer la chose que vous observez ». Et encore : « L’observateur est l’observé ». Ce ne sont là que quelques-uns des nombreux aperçus sur la pensée et l’observation qui constituent les fondations de cet édifice. Leur influence est présente dans le reste de la structure.

Passons maintenant au premier étage de ce bâtiment. Cet étage correspond à la vie intérieure de chaque individu. C’est là que Krishnamurti examine la nature de la peur, du désir, de l’envie, de la tristesse, du plaisir, de la violence, etc. Nous pouvons considérer chacun de ces problèmes comme une pièce de cet étage. Krishnamurti entre dans chaque pièce et explore ce qu’est réellement le problème, comment il fonctionne et comment il affecte notre vie quotidienne. Le premier étage correspond donc à vous en tant qu’individu et aux phénomènes psychologiques auxquels chacun d’entre nous est confronté presque tous les jours de sa vie.

Le deuxième étage concerne les relations : nos relations personnelles avec les gens, avec les biens matériels et avec les idées. Krishnamurti dit que la vie est relation : être, c’est être en relation. Cet étage correspond donc à des questions, telles que l’attachement aux personnes ou à nos possessions, ou ce que signifie vraiment aimer quelqu’un. Cet étage est très important, car la qualité de nos relations personnelles a tendance à dominer notre vie mentale. Nous sommes souvent préoccupés par le dernier épisode avec notre patron, nos parents ou nos enfants, notre conjoint ou notre partenaire. C’est le genre de sujet qui remplit les cabinets des psychothérapeutes. Les insights de Krishnamurti sur la pensée et l’observation restent très pertinents. Il montre, par exemple, comment nos relations sont teintées par les souvenirs de ce que quelqu’un a dit ou fait dans le passé, et comment cela nous empêche de voir la personne telle qu’elle est réellement dans le moment présent.

Le troisième étage correspond à notre relation avec l’humanité tout entière. Krishnamurti répète souvent : « Vous êtes le monde », et il entend par là quelque chose de précis.

Ce n’est pas une déclaration idéaliste, ni un objectif à atteindre, ni une sorte de vision mystique. Quand il dit « vous êtes le monde », il veut dire que, fondamentalement, les êtres humains se ressemblent beaucoup plus qu’ils ne diffèrent. Lorsque nous pensons à des personnes qui parlent une autre langue, ont une autre religion ou un autre mode de vie, nous avons souvent l’impression que ces différences sont très importantes. Krishnamurti dit que cette insistance est superficielle et qu’elle occulte un fait beaucoup plus important, une réalité. Sous ces différences, nous sommes tous très semblables. Nous souffrons tous, non seulement physiquement, mais aussi psychologiquement. Nous avons tous peur de quelqu’un, de quelque chose ou d’un événement futur. Nous voulons tous devenir davantage ou meilleurs que ce que nous sommes. Les dynamiques fondamentales de la psychologie humaine sont communes à tous les peuples, toutes cultures et tous modes de vie confondus. C’est un fait, dit-il, mais nous ne le voyons pas, car nous sommes absorbés par les différences superficielles.

Enfin, nous arrivons au quatrième étage, au sommet de ce bâtiment. Cet étage est très différent des autres, car il n’a pas de plafond. Il peut y avoir des chaises et d’autres meubles, mais le dessus est ouvert sur le ciel. C’est l’étage qui correspond à ce que Krishnamurti appelle l’illimité, ou l’incommensurable. C’est là qu’il parle de l’esprit silencieux, ou de la liberté par rapport au connu. C’est à cet étage qu’il parle de méditation.

Mais ce qu’il entend par là est toutefois très différent de la conception conventionnelle. Il affirme que la méditation délibérée n’est pas du tout de la méditation. Il dit : « Là où il y a un méditant, psychologiquement, il n’y a pas de méditation ». Et pourtant, il considère qu’il est très important d’apprendre la véritable méditation et d’atteindre cet état d’esprit.

La métaphore du bâtiment à quatre étages vise à donner un aperçu rapide de l’énorme portée des enseignements de Krishnamurti. Nous avons omis beaucoup de choses, telles que l’autorité psychologique, sa philosophie de l’éducation ou ce qu’il avait à dire sur la nature. Mais j’espère que cette métaphore suffit à montrer à quel point l’œuvre de Krishnamurti est vaste et englobante. Elle couvre tout le domaine de la vie et de la conscience. Il est important de garder cela à l’esprit lorsque nous nous posons la question suivante : « Que signifie vivre les enseignements ? » Que pourrait bien signifier « vivre » quelque chose d’aussi énorme ? Pas étonnant qu’il ait dit que « personne ne l’a fait, personne ».

Examinons maintenant certains des états d’esprit qui pourraient être inclus dans la mise en pratique des enseignements ou qui y correspondent. L’un des problèmes que Krishnamurti aborde le plus fréquemment dans ses conférences publiques, tout au long de sa carrière, est le problème de la peur. Sa préoccupation n’est pas avec un contenu particulier, tel que la perte de son emploi, l’opinion publique ou la peur de la mort. Il s’intéresse plutôt à ce qu’il appelle la racine de la peur, c’est-à-dire les éléments psychologiques fondamentaux communs à toutes les formes de peur. Il affirme que, si nous comprenons cela à un niveau profond, il est alors possible de vivre sans aucune peur. Cela doit donc faire partie de ce que signifie vivre les enseignements.

Une autre question qui revient tout au long des enseignements est ce que Krishnamurti appelle « devenir ». Cela fait référence à la pulsion en chacun de nous de devenir quelqu’un, psychologiquement, de plus, de différent ou de meilleur que ce que nous sommes. Krishnamurti considère cette pulsion comme erronée et comme la source d’une grande partie des méfaits et de la misère. Par conséquent, vivre les enseignements doit inclure une compréhension du processus de devenir et apprendre à vivre sans cette pulsion ou ce besoin chronique.

« Il est certain que la question de savoir comment se libérer de la peur est l’un de nos principaux problèmes, n’est-ce pas ? C’est peut-être le seul problème, car c’est la peur, qui se cache au plus profond de notre esprit et de notre cœur, qui paralyse notre pensée, notre être, notre vie. Il me semble donc que ce dont nous avons besoin maintenant… ce sont de véritables individus qui soient totalement libres de la peur ». — Krishnamurti

Pour visionner l’intégralité de la conférence, rendez-vous sur https://www.kfa.org/.