Vimala Thakar
Questions et réponses sur l'art de mourir tout en vivant

Question : Voyons si nous avons bien compris correctement la question (reformulation). Bien que nous sachions que le corps physique doit cesser de fonctionner un jour ou l’autre, un certain jour, d’une certaine façon, nous ne pouvons l’accepter et donc le mot « mourir » ou « mort » génère une sorte de crainte. Il y a aussi une […]

Question : Voyons si nous avons bien compris correctement la question (reformulation).

Bien que nous sachions que le corps physique doit cesser de fonctionner un jour ou l’autre, un certain jour, d’une certaine façon, nous ne pouvons l’accepter et donc le mot « mourir » ou « mort » génère une sorte de crainte. Il y a aussi une autre variété de crainte et c’est au sujet de la possibilité de perdre son identité. La Méditation ou la mutation pourrait causer une complète liquidation sans conditions de l’identité. Ainsi la mutation et la méditation sont des mots agréables d’une certaine façon, très attrayant d’un coté, mais d’un autre coté l’idée même de la perte de son identité produit un genre de crainte. Comment faire pour être libres de cette crainte ? Est-ce bien cela ? (oui).

Vimalaji : Dans notre communication de ce matin nous avons vu que accepter ou rejeter n’est pas très compatible avec l’acte de vivre. Non seulement nous savons mais nous voyons autour de nous chaque jour des créatures qui sont nées dans le temps et l’espace avec une structure biologique, un certain jour ces personnes entrent dans un état de discontinuité totale, les mouvements prennent fin ainsi que toutes les autres fonctions, alors nous appelons cela la mort, nous appelons cela mourir.

Ce n’est pas une question de savoir intellectuel ou théorique. Nous sommes témoins de cela. Ainsi il n’est pas question d’accepter ou de ne pas accepter la mort. C’est une question de réconciliation au fait que la mort fait partie de la vie. Et nous sommes peu disposés à nous réconcilier avec ce fait. Voyez bien. Il n’est pas question d’accepter la mort ou de rejeter la mort. C’est une phrase sans signification. Mais nous résistons, nous sommes peu disposés à nous réconcilier avec elle. Qu’implique la réconciliation ? Elle implique, n’est-ce pas, qu’on ne devrait pas être émotionnellement attaché, dépendant des choses qu’on emploie chaque jour, des personnes avec qui on vit dans la famille ou avec qui on fonctionne au bureau. On devrait être prêt intellectuellement et émotionnellement à relever le défi de la séparation irréversible : avec les objets, avec les personnes, avec les circonstances. C’est l’attachement qui provoque l’illusion du caractère indispensable. Vous croyez qu’une personne vous est indispensable ou que vous êtes indispensable à votre famille, à votre société, aux affaires dans lesquelles vous travaillez, à l’usine que vous possédez et ainsi de suite. Ainsi, l’attachement provoque l’idée du caractère indispensable. Je me demande si vous avez noté que personne n’est indispensable à n’importe qui d’autre. La séparation peut causer la souffrance ou le malheur, à court terme ou à long terme. Mais c’est une question différente, personne n’est indispensable, rien n’est indispensable. C’est l’attachement qui provoque l’idée du caractère indispensable.

Donc, j’aimerais aborder la crainte de la mort qui, en d’autres termes, est une résistance émotive au fait et une réticence à rencontrer le fait tel qu’il vous apparaît. Afin de pouvoir rencontrer le fait ou pour se réconcilier avec lui, il est peut-être souhaitable que nous apprenions à vivre avec nos corps, avec les membres de notre famille, avec les objets que nous employons, sans nous attacher ou devenir dépendants d’eux. Avez-vous vu comment la vie est un flux continuel de changement ? Tout change. Un enfant naît. Voyez l’enfant d’un jour et voyez l’enfant après un mois ou une année. Voyez les changements qui ont eu lieu. Avez-vous noté les changements qui ont lieu dans votre propre corps ? Ne vous êtes-vous pas vu en tant qu’enfant, comme un jeune homme ou une jeune fille, votre belle jeunesse, puis en tant qu’adulte mûr allant vers la belle consommation de la maturité qui est la vieillesse ? Avez-vous vu les changements physiques, les changements métaboliques, les changements de vos attitudes psychologiques, même de la terminologie que vous utilisez, changements dans vos goûts, votre nourriture, votre habillement, votre environnement ? Pendant que les choses changent dans votre corps, les changements ont lieu également autour de vous. Nous sommes au beau milieu du changement. Il n’y aura ni dépendance ni attachement si nous n’accueillons pas l’idée de la permanence, si nous ne sommes pas dans cette attente que nos relations devraient être permanentes, qu’elles devraient avoir une continuité, une continuité inéluctable. N’est-ce pas la signification de la permanence ? Ainsi cette idée de permanence vous mène vers l’attachement aux objets et aux personnes.

Ceux d’entre vous qui ont voyagé à l’étranger, pourraient avoir remarqué que les personnes en Occident, les hommes et les femmes, ont peur de la vieillesse. Ils aiment croire que leur corps reste jeune. Ils ne voudraient montrer aux autres aucun signe de maturité. La vieillesse les dérange émotionnellement et il y a des crises à l’âge de 40 ou de 60 ans et ainsi de suite. Les gens ont peur du changement. S’il vous plaît, voyez avec moi. Y aura-t-il encore une crainte si nous comprenons la beauté du changement ? Et vous m’excuserez, si je parle de la beauté de la mort naturelle, la fin naturelle de ce qui avait commencé en un temps donné. Pas la fin par vos accidents dans les cités et les villes, par la vitesse inhumaine de la vie, l’effort inhumain et les contraintes par lesquelles le corps et le cerveau doivent passer, ni le corps surmené par la fatigue et l’épuisement chroniques. Les décès provoqués par les efforts et les contraintes, par les accidents ou la pure fatigue, par le sur-épuisement de tout l’organisme psychophysique, ont une laideur en eux. Mais si une personne vit naturellement, spontanément, en relevant les défis lorsqu’ils viennent, ne créant pas d’attentes qui n’est qu’une attente psychique. Comme il y a des attentes physiologiques, nous créons des attentes psychiques. Le corps physique a des besoins. L’esprit crée les désirs et la conscience sophistiquée crée les attentes de quelque chose qui se produirait après la mort, des attentes au sujet d’un autre monde. On fabrique alors l’idée d’une immortalité, d’une permanence, d’une éternité et ainsi de suite.

Ainsi il me semble qu’il doit y avoir une totale négation sans condition des théories au sujet de la mort, théories au sujet de ce qui se produit après la mort, la négation totale des définitions de l’éternité et l’immortalité. Si le cerveau est chargé de ces mots et des émotions attachées à ces mots, alors évidemment il va créer une perturbation chimique. L’émotion est une perturbation dans l’équilibre chimique du corps. Une pensée est une perturbation dans l’équilibre chimique du corps. Une pensée est une perturbation dans le système neurologique. C’est une perturbation de l’équilibre. Elle crée une tension. Ainsi, on pourrait éliminer la crainte en tant que perturbation chimique réveillée par les mots et les associations traditionnelles accompagnant ces mots, si la conscience est libérée de l’autorité de ces mots. Les mots se situent dans notre corps. Les mots sont imprimés en lui. Ce matin nous l’avons vu assez clairement : la substance contenue dans les cellules du cerveau, dans les cellules du corps, c’est la mémoire. La connaissance, l’expérience de toute la race humaine, est condensée en chaque corps humain en tant que mémoire, et elle continue à se projeter toutes les fois que le corps entre en contact sensoriel avec un objet ou avec un mot et ainsi de suite.

Ainsi, les mots se trouvent à l’intérieur de l’empreinte, jusqu’à la moelle des os, ils ne peuvent pas être détruits. C’est seulement leur autorité, l’autorité qu’on leur accorde qui peut se terminer. La compréhension élimine l’autorité que nous accordons aux mots et aux idées. Elle ne peut pas détruire le passé. La chair, l’os, le plasma, ils contiennent le passé. Donc, la cessation de l’autorité des mots, des idées et des concepts qu’ils représentent, pourrait être une façon d’obtenir la fin de cette résistance ou réticence à ce qu’on appelle la mort physique. Évidemment, ce n’est pas une idée agréable. Mais le plaisir ou la douleur, agréable ou désagréable, ce sont des réactions sensorielles, rien de plus que cela. Ainsi, cela peut ne pas être une idée agréable. Pourquoi devrions-nous toujours avoir des idées agréables ? L’idée peut avoir une certaine amertume. Elle peut avoir une certaine pertinence. La Vie comprend l’acuité, la pénétration, la douceur, la tendresse, la rudesse. C’est un tout organique qui contient tout ceci. Ainsi vous ne pouvez pas gérer vos peurs et cultiver la bravoure comme l’opposé de la crainte. La bravoure est une attitude. Si vous voulez remplacer une attitude ou une inhibition par une attitude ou une inhibition différente, cela peut également devenir un problème. Donc pour éliminer la peur, il n’est pas question de la détruire, de la remplacer, de la contrecarrer. Mais il est question de rencontrer la vie telle qu’elle est.

Il est inutile de souhaiter qu’il n’y ait aucun changement. Il est inutile de vouloir une continuité, parce que le temps n’a aucune réalité. La continuité, les séquences d’événements, tout cela, ce ne sont que des idées utiles pour agir dans les structures socio-économiques, et traiter les questions au niveau physique. Mais réellement le temps n’existe pas. Le temps est une mesure inventée par l’humanité. Elle est très utile comme mesure mentale et mérite d’être employée. La mesure a une pertinence. Mais la mesure ne signifie pas que la vie est conditionnée par cette mesure. A moins que vous présumiez que le temps psychologique ait une réalité, vous ne pouvez pas imposer ou superposer la continuité, l’ordre et la permanence à la Vie. Ainsi, rencontrant la réalité du sans temps, rencontrant cette réalité qu’il n’y a aucune continuité ou ordre, on doit alors vivre dans le sans temps et vivre avec les changements qui ont lieu. Peut-être que cette compréhension éliminera l’inhibition et nous permettra de nous réconcilier avec la fin de la vie physique un jour, quelque part, d’une certaine façon.

Maintenant le deuxième aspect de la question était perte d’identité, la mort de l’amour-propre causant la perte de l’identité. Que voulons-nous dire par identité ? Nous référons-nous à l’image d’une personnalité que l’on doit développer pour vivre dans la société ? Vous acquérez une connaissance verbale, vous transférez les mots imprimés sur le papier au cerveau au nom de l’éducation. Vous introduisez l’information organisée dans le cerveau de sorte que vous puissiez agir dans les structures socio-économique, politiques et gagner un moyen de subsistance. Cela développe une personnalité, la personnalité d’un docteur, d’un ingénieur, d’un homme d’affaires, d’un industriel, d’un professeur, et ainsi de suite. Ainsi vous référez-vous à cette personnalité, les talents que cette personnalité a développés ? Ces talents, cette « éducation » ne seront pas détruits par la mutation ou la méditation. La personnalité systématiquement cultivée, développée, utilisée, reste là, parce que c’est un instrument pour interagir avec la société dans laquelle nous vivons. La seule chose qui peut-être a lieu, c’est la disparition de l’illusion qu’il y a dans le corps une entité subtile. Le corps a un nom, le corps a des qualités, y compris le cerveau. Les conditionnements introduits dans le cerveau ont une qualité, une sophistication culturelle. Cela ne signifie pas qu’il y ait une entité ayant une identité. Je, l’individu, l’ego, tous ces mots n’indiquent pas l’existence d’une entité intérieure subtile dans le corps. Mais on nous a dit siècle après siècle qu’il y a un « Jivatma », qu’il y a un super individu, qu’il y a un « Atma » et qu’il y a un « Jivatma » et ainsi de suite. C’est ce qu’on nous a dit. C’est ce qu’on a lu. C’est ce qu’on a entendu. Ainsi, nous sommes convaincus, sans aucun doute que « je » est une entité dans le corps.

J’espère que nous tous qui sommes ici, nous rendons compte que ce que nous appelons l’esprit n’est rien d’autre qu’un conditionnement construit, organisé, normalisé. C’est l’activité humaine globale qui continue depuis d’innombrables siècles. Les conditionnements ont leur propre énergie. Mais il n’y a rien comme un esprit individuel ayant sa propre identité ou entité. Il y a une expression individuelle, l’expression du global et du collectif par une personne particulière, avec ses propres habitudes, ses caprices, sa constitution. Ainsi, les expressions peuvent différer entre cinq personnes nées et élevées dans une même famille. Il peut y avoir des différences. Les expressions ont des variétés innombrables. Mais ce qui est entré dans la conscience humaine est quelque chose du collectif, quelque chose de global. L’énergie sonore est convertie en mots. Les mots sont organisés grammaticalement, linguistiquement, sémantiquement. Il y a la formation des idées, en dérivent des conclusions, elles s’organisent en théorie et ainsi de suite. C’est une construction collective, organisée et normalisée. Alors, où est le problème d’une perte d’identité quand il n’y a aucun esprit ou ego individuel ? L’ego est un mot. C’est un concept. C’est une agence de contrôle, une agence de contrôle verbal. Le cerveau est le contrôleur du système nerveux dans le corps. De la même façon, au niveau verbal, le mot « je », le mot « moi », le mot « vous », conduisent et coordonnent la communication verbale. Donc, il n’y a aucune perte de personnalité. Peut être, seulement l’odeur de la vanité ou de la fierté disparaîtraient et il y aurait une tendresse radicalement nouvelle et de l’humilité qui émaneraient de la personne. En plus des qualités, des talents, des capacités, il peut y avoir en plus la saveur de l’humilité. Car s’il n’y a aucune entité, il n’y a aucune raison de perdre une identité.

Est-ce que je peux ajouter un mot de plus avant que nous procédions à la deuxième question ?

Quand l’autorité du passé est totalement niée, comme j’ai pu le voir dans ma vie, cette action de négation, est l’une des actions les plus créatives dont un être humain soit capable. Elle semble être la fin de l’autorité du passé, mais en fait, par l’action de nier cette autorité, le nouveau vient à la vie. Une nouvelle énergie, qui n’est pas une partie de l’héritage, qui n’est pas une partie de notre acquisition, l’acquisition consciente ou la culture consciente, un genre d’énergie inconditionnelle, une énergie vierge vient à la vie. La fin de l’autorité du passé et l’émergence du nouveau ne sont pas deux événements différents. Si la fin est le bouton, alors l’émergence du nouveau est la floraison de la fleur de la négation. Ce ne sont pas deux événements différents, distincts, l’un contient l’autre. Donc, dans le fait de nier l’autorité de tout le passé humain, l’énergie créative mobilisée dans cette négation produit d’elle même une nouvelle dimension. Ainsi on n’est pas rendu impuissant. On peut être vulnérable mais pas impuissant. On n’est pas laissé pour compte dans le fossé de l’isolement. Il y a la sérénité de la solitude mais il n’y a pas d’abandon dans l’isolement.

Chaque pore de l’être, chaque fibre de la texture de votre personnalité se trouve remplie d’une nouvelle clarté, d’une nouvelle lumière, d’une nouvelle perception et de compréhension. Donc il ne semble pas y avoir là, possibilité de perte, d’aucune façon.

L’esprit conditionné est employé au calcul, il est employé à préparer le croquis de mise au point, il est employé à avoir un horaire. Il calcule : ceci est la cause, ceci est l’effet, ceci est le temps qui sépare la cause de l’effet. Donc il prépare la méthodologie, la durée, l’horaire. Nous faisons cela. Ainsi, l’esprit conditionné veut avoir un projet : c’est d’abord la négation, c’est la mort de l’ego et alors immédiatement, instantanément ou après quelques minutes ou peu de jours, il y a l’attente de ce qui se produira. Il veut une assurance, sinon une garantie. Il veut une assurance à l’avance. Alors, à cette condition, il veut bien nier l’autorité. L’autorité c’est la sécurité. Nous avons associé la sensation de sécurité à cette autorité.

Donc la manipulation de la peur est liée à la manipulation du passé. L’absence de crainte, l’absence de résistance intérieure et de réticence est liée à l’autorité qui nous fait vivre. On ne veut pas être seul face à la Vie cosmique. On veut avoir des sécurités. On veut avoir quelqu’un pour nous tenir par la main et pour nous emmener étape par étape. Puis-je dire, on veut être avec le connu, dans le connu, avec les assurances du connaissable. Mais mes amis, la vie et vivre sont un mystère. C’est une histoire d’amour avec l’inconnaissable, l’incalculable, l’innommable. Le connu et le connaissable ne sont qu’une toute petite partie de l’intégralité organique de la Vie.

Question : Tout d’abord, Didi, je voudrais clarifier que les deux groupes n’étaient pas des jeunes et des vieux. C’étaient les nouveaux venus et les récidivistes. Ainsi, dans le deuxième groupe il y eu des discussions intéressantes et il y a deux questions. Une question a quelques sous-questions et l’autre question est indépendant de la première.

Dans l’entretien de ce matin, deux observations ont été faites : La Liberté naît dans le cœur, la Vérité pénètre le cerveau. Ainsi, dans ce contexte, la Liberté et la Vérité sont-elles synonymes ? Sinon, les événements ont-ils lieu simultanément ou séquentiellement ? Une autre sous question est : Nous vous saurions gré d’expliquer ce que vous entendez par « cœur ».

Et la deuxième question est : que signifie « énergie sensibilisée », parce que vous avez mentionné que le thème a été suggéré par l’énergie sensibilisée du groupe de Bombay. Ainsi nous voudrions comprendre ce qu’est l’énergie sensibilisée.

Vimalaji : La Liberté est le parfum de la Vérité. Ainsi, d’une certaine façon on pourrait les considérer comme synonymes. La communion avec la Vérité survient en comprenant ce que les mots indiquent. Les mots sont comme des enseignes. Donc, la Vérité indiquée par les mots, contenue dedans ou cachée derrière les mots, est de façon tangible perçue par la compréhension. L’acte de la compréhension est un acte de perception. C’est une sensibilité clairvoyante qui voit la Vérité indiquée par le mot. Elle voit très clairement que le mot n’est pas la chose. Ainsi grâce à cette sensibilité clairvoyante émerge une communion avec la Vérité inhérente au fait. Un fait est quelque chose qui survient par le contact sensoriel, il en résulte une sensation, celle-ci est convertie en impulsion électromagnétique dans le corps. Ceci s’applique à la totalité de la race humaine, c’est vérifiable par tous. Quand nous disons que le soleil est un fait, que la lune est un fait, nous parlons de la relation que nous avons avec eux. C’est vérifiable. Ainsi, les faits sont vérifiables au niveau sensoriel, tandis que la Vérité résultant de la perception de ce qui est indiqué par le mot dépend du récepteur. Dix personnes peuvent s’asseoir dans une pièce où un mot ou une phrase est prononcé; la signification du dictionnaire peut-être sue de tous, seule l’énergie sensibilisée, la sensibilité, vous pouvez l’appeler l’Intelligence si vous voulez, voit la Vérité. C’est pourquoi j’ai dit que la Vérité pénètre le cerveau. La Liberté est ressentie, la Vérité est perçue. La part sensible est reliée au système chimique. Votre ami(e) ou votre aimé(e) ou votre mère vous touche, c’est le contact d’une main humaine à un autre corps humain qui est le fait. Mais la sensibilité apprécie le contact de l’aimé(e), de la mère, de l’ami(e), du fils. C’est ressenti. C’est un genre de sentiment et ce sentiment est expérimenté au niveau chimique. Le cœur est symboliquement le centre du système chimique, et le cerveau est le centre du système neurologique. Ainsi, je peux avoir dit que la Liberté naît dans le cœur. On le sent mais quand vous vivez cette Liberté intérieure, vous pouvez ne pas en être conscient. Mais la Liberté intérieure provoque un changement dans la texture de vos relations avec vos proches ou avec les autres, certains notent un changement dans vos regards, dans vos mots, dans vos actes. Ils se rendent compte que les inhibitions sont abandonnées. Un parfum, une tendresse, qu’on appelle l’amour, est là. Ainsi, je peux avoir dit ce matin que la Vérité pénètre le cerveau et la Liberté se manifeste dans le cœur. Ceci peut aussi être exprimé en d’autres termes, mais ce matin, ce sont ces mots qui sont venus à moi. Ce n’est pas une théorie, juste un partage. C’est comme cela que ça s’est exprimé.

Chronologie de la Liberté et de la Vérité : c’est très difficile de généraliser à ce sujet. Les êtres humains ont différents tempéraments. Pour certains, la raison et la rationalité sont prédominantes. Il y a également différents principes de tempéraments comme Sattva, Rajas, Tamas ou Vata, Pitta, Kapha. Des principes tellement différents dominent dans différentes personnes et ils sont accentués par leur personnage. Ainsi, pour ceux qui sont principalement rationnels, la raison prédomine leur être, la perception de la Vérité précède le sentiment de la Liberté. Mais il y en a également d’autres pour qui le cœur est dominant, particulièrement dans ce sous-continent indien, cette terre de saints, où certains ont chanté et apporté la Vérité aux personnes, même les personnes illettrées, par leurs chants et leurs danses de dévotion. Dans cette terre, je me suis aperçue qu’il y a les gens qui sont dominés par le cœur. Ils ont un système chimique très raffiné. L’homme de connaissance peut ne pas avoir un système chimique très raffiné et peut ne pas avoir la chaleur des sentiments en lui. Et une personne qui a une richesse émotive, un certain raffinement, peut ne pas avoir un cerveau très sophistiqué ou un cerveau très brillant. C’est une question de prédominance. Ainsi, dans des tempéraments dominés par l’émotion, la Liberté est sentie comme première et, comme corollaire à ce sentiment intérieur de Liberté, la Vérité est comprise. Alors ça dépend de la personne en qui l’événement sacré se produit : la pénétration de la Vérité ou l’avènement de la Liberté. Ils peuvent être séquentiels, mais chacun d’eux est la cause de l’autre et chacun d’eux peut être considéré comme l’effet de l’autre.

Question : Que voulez-vous dire par énergie sensibilisée ?

Vimalaji : J’espère que ma perception est correcte. Pendant le 20ème siècle une personne remarquablement unique, appelée J. Krishnamurti, a visité toute la planète. Il a labouré la conscience humaine sur la plupart des continents, par ses discours, ses dialogues, ses discussions, ses réunions de groupes, et ses établissements d’enseignement. Ce travail s’est poursuivi pendant plus d’un demi-siècle. Ceux qui ont été favorisés, ceux qui sont entrés en contact avec cette conscience, avec cette présence, avec cette personnalité, ont entendu la voix d’un esprit sain et clair, au sujet d’une approche non autoritaire de la recherche spirituelle, au sujet de l’élimination de la crédulité et des croyances du champ de la recherche, et au sujet de l’exploration et de l’éducation comme façon de provoquer la mutation psychique et ainsi de suite. Il a éclairé la conscience humaine au sujet de ce qu’est l’esprit, ce que la Liberté implique, ce que n’est pas l’amour et ainsi de suite. Donc, j’ai pensé et je pense encore que les personnes que j’appelle affectueusement le groupe de Bombay, semblent s’être exposées aux livres de Krishnamurti et à ses enseignements pendant un temps considérable. Ainsi, quand vous frottez votre conscience à cette voix émanant d’un esprit si clair et sain, vous frottez votre fierté, votre vanité à cette communication claire comme de l’eau de roche dans la logique impeccable et la diction poétique, alors quelque chose a lieu. Vous pouvez venir avec une motivation telle que réaliser le Nirvana ou la libération ou tout ce que vous voulez, mais toutes ces motivations deviennent inutiles à l’acte d’écouter. Donc, en raison d’une telle friction entre la confusion et la clarté, entre l’indécision et la certitude, entre la dureté, l’opportunisme et l’exactitude et la précision de l’amour et de la compassion, ces énergies non conditionnées sont sensibilisées chez la personne. Les questions et le thème que vous avez choisi et que nous discutons, comme nous avions discuté l’année dernière, l’année encore avant, si d’autres personnes en Inde, qui ne sont pas exposées aux enseignements ou aux communications de Krishnamurti, entendent ce thème, je suppose que cela n’aurait aucun sens pour elles. C’est donc l’énergie sensibilisée, que l’on pourrait appeler flashs d’Intelligence, qui est active. L’énergie de l’Intelligence est touchée et elle formule la question, l’exprime grâce à l’esprit conditionné. Déjà, elle a été en contact avec cette Intelligence qui est l’énergie sensibilisée et sans conditions contenue dans nous tous. Ainsi, bénis sont ils ceux qui ont été exposés aux enseignements de Krishnamurti. Si la sensibilité n’avait pas été activée, si la sensibilité n’était pas devenue éloquente, si l’éclair de l’Intelligence n’avait pas touché l’esprit conditionné, comment poseriez-vous ce thème de la mort tandis que vous vivez ? Pour permettre à l’événement de la mort psychologique de se produire, alors que vous êtes tout à fait en bonne santé, équilibrés physiquement et également psychologiquement, sans que ce soit une aberration. Je faisais référence aux amis venant de Bombay, mais c’est également ce que j’ai perçu en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon, en Amérique du Sud, en Amérique du Nord, en Europe. Peut être ne sont-ils que quelques milliers, mais ils ont pris les enseignements au sérieux et ils font l’effort de les comprendre. Ils travaillent dur sur eux-mêmes. Ils ont le privilège d’avoir cette énergie sensibilisée, illuminant leurs esprits conditionnés de temps en temps ou fréquemment.

C’était peut-être en 1868 ou 1870 que Madame Blavatsky avait parlé de l’émergence d’une nouvelle race humaine. Ainsi cette nouvelle race humaine n’implique pas que les êtres humains paraîtront différents ou qu’ils auront plus d’organes sensoriels que ce que nous avons, mais cela concerne la qualité de la conscience. L’essence existentielle des êtres humains est conscience. La qualité de la conscience sera nouvelle. En mettant en évidence le vieux et en élevant le nouveau au niveau de la perception, au niveau de la compréhension, au niveau de l’action, c’est de cette façon qu’une nouvelle race humaine émergera.

(Extrait de L’ART DE MOURIR TOUT EN VIVANT par Vimala Thakar, Dialogues ayant eu lieu à Mont Abu (Inde) en novembre 1994 Traduction libre de Patrick Delhumeau). Emprunté au site Français consacré à Vimala et son œuvre