Wei Wu Wei
Vivre libre

Il n’y a ni « libre-volonté » ni « prédestination », car il n’existe aucun moi individuel pour voir l’une ou l’autre. Il n’y a qu’un objet dont chaque action est nécessairement prédéterminée, une marionnette somatique qui est « vécue » depuis l’intégration physique jusqu’à la désintégration physique. L’élément psychique de cet appareil psychosomatique est l’intermédiaire par lequel l’appareil total est « vécu ». Par lui les impératifs nécessaires sont traduits en actions, soit conscientes soit inconscientes, apparemment délibérées ou purement végétatives.

(Revue Être Libre, Numéro 220, Juillet-Septembre1964)

Il n’y a ni « libre-volonté » ni « prédestination », car il n’existe aucun moi individuel pour voir l’une ou l’autre. Il n’y a qu’un objet dont chaque action est nécessairement prédéterminée, une marionnette somatique qui est « vécue » depuis l’intégration physique jusqu’à la désintégration physique. L’élément psychique de cet appareil psychosomatique est l’intermédiaire par lequel l’appareil total est « vécu ». Par lui les impératifs nécessaires sont traduits en actions, soit conscientes soit inconscientes, apparemment délibérées ou purement végétatives.

Ce n’est que sous la domination d’un concept d’égocentrisme que la psyché développe la volition, laquelle assume l’indépendance apparente d’action appelée « libre-volonté ». Chaque fois qu’elle diffère de l’action inévitable et correcte qui résulte des causes dans un contexte temporel, « passé » ou « futur », elle se débat désespérément pour réaliser un désir personnel en dépit de la loi de cause et effet. Mais jamais ce geste futile n’apporterait quoique ce soit qui ne fut pas dicté par la force inexorable de circonstances, ni éviterait quoique ce soit qui le fut.

C’est précisément en cela que consiste le conflit et le conflit est la souffrance, tandis que l’absence de cette pseudo-volition est la plénitude sereine de la vie éveillée ou nouménale.

L’illusion de la « libre-volonté » soutient l’illusion d’un « ego » ou d’un « soi », et réciproquement la notion de volition cherchant la réalisation d’un désir, crée la notion d’un « ego » ou d’un « soi », dont la « volonté » doit être exécutée. Par contre on doit conclure que la désagrégation, puis l’anéantissement de la notion de l’efficacité de la volition résultera inévitablement dans la désagrégation et l’anéantissement de la notion du « soi » ou de l’ « ego » à laquelle il doit son existence illusoire. La désagrégation de la notion de volition se réalise par la reconnaissance qu’il ne peut être qu’une futile démonstration d’impuissance (sauf quand il coïncide avec l’action qui est en accord avec la force de circonstances).

Il n’y a ni libre-volonté ni prédestination, soit phénoménalement soit nouménalement, car dans aucun des deux aspects-d’être ne se trouve d’entité qui pourrait exercer l’une ou être assujettie à l’autre.