Archaka
Évolution et révolution

Certes, cacher le diable derrière le Big Bang peut faire sourire. Mais l’idée se tient métaphysiquement. Qu’est le Mal, en effet, sinon ce qui obscurcit, ce qui limite et, pour cela, enferme dans la forme ? Et qu’est la forme, sinon la création — du moins après que la température initiale de la « purée cosmique » fut tombée au-dessous du milliard de degrés? Mais bornée dans l’Espace, elle l’est aussi dans le Temps : il ne peut être de création sans Mort. Ce qui crée est donc aussi ce qui tue. Dieu est donc aussi la Mort. Ou plutôt l’aspect créateur de la Divinité est en réalité la Mort qui engendre et absorbe toutes les formes, de la plus petite particule au cosmos le plus gigantesque.

(Extrait de Alexandre Kalda: Le Dieu de Dieu. Flammarion 1989)

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Le plus grand obstacle au sens de l’unité — au sentiment que nous sommes un avec tout ce qui est — réside sans doute dans notre notion du péché, qui nous divise intérieurement, nous oppose les uns aux autres et nous isole dans le Temps.

Il importe donc ici de revenir au monde des mythes qui, relatant notre chute prétendue, nous font voir l’origine du Mal en nous-mêmes quand le Mal est partout dans le monde. À côté de la parabole d’Adam et Eve, nous trou­vons en effet, dans les autres cultures, des images tout aussi curieuses.

Par exemple, les Indiens, comme les anciens Grecs, parlent de quatre Âges de l’humanité : d’or, d’argent, de bronze et de fer. Le premier est de perfection absolue. Chacun des trois autres ne fait qu’inverser de plus en plus les choses jusqu’à l’imperfection absolue de l’Age de Fer, ou Âge des Ténèbres, qui est celui où nous vivons.

Mais les Indiens, non plus que les Grecs, n’expliquent pas com­ment la perfection peut engendrer une perfection moindre qui, à son tour, est amoindrie jusqu’à tant qu’apparaisse l’imperfection de notre race.

En châtiment de quoi cette dégradation ? Pourquoi le Mal récompenserait-il le Bien ? Et de quelle précaire per­fection pouvait-il s’agir autrefois, qui, d’ère en ère, s’est davantage corrompue ? Et pourquoi, toujours et partout, faudrait-il considérer que les choses étaient mieux avant et qu’il a dû exister un état irréprochable, mais qu’un être a un jour occulté la Lumière et la Vérité du monde, étant sous-entendu que cet être c’est nous?

Hommes, nous avons découvert Dieu, la Mort et le Temps, et nous nous accusons d’avoir établi le Mal qui injurie Dieu, nous condamne à mort et, en attendant, nous fait vivre dans le flux insaisissable du Temps au lieu qu’auparavant nous existions dans une conscience atem­porelle dont l’idiotie nous fait aujourd’hui l’effet d’une innocence perdue. Et de regretter cette stupeur d’antan où nous ne savions rien et nous laissions animer par la Nature. D’affirmer qu’à présent nous sommes dénaturés, que, n’agissant plus comme des animaux dans cette sim­plicité en deçà du Bien et du Mal, nous sommes déchus, que nous sommes pervers, ou avons autrefois accepté d’être pervertis, et que les pleurs d’un nourrisson ou le tourment d’un martyr en sont la preuve irréfutable.

Comment expliquer autrement la souffrance dont nous sommes quotidiennement abreuvés ? Où serait sa justifica­tion si elle n’était un châtiment ? Qui oserait nous torturer de la sorte, si nous n’étions pas coupables ? Il a, en vérité, fallu que nous ayons commis un bien grand crime pour que chaque jour nous soyons tous fustigés jusqu’au sang. Et sans doute ne peut-il être de crime plus grand que celui qui va contre Dieu et sa volonté.

Avec le temps, l’idée s’est donc fait jour en nous, de notre chute et de sa punition — qui, à vrai dire, plus encore qu’elle ne nous accuse, essaie désespérément de justifier le sort qui nous échoit, veut donner raison à Dieu de nous affliger lors même qu’à notre connaissance nous n’avons rien fait de mal.

Inventons une histoire où nous aurons commis le pire des forfaits, et tout deviendra peut-être supportable. Pas besoin de preuves. Notre calvaire suffit à établir notre culpabilité. Quelle Puissance serait assez démente pour nous déchirer sans raison et se repaître de nous depuis le premier jour ? Et d’ailleurs, comment pourrions-nous seu­lement supporter la pensée d’être créés pour assouvir le sadisme d’un démiurge jamais las de notre viol ? Même encore aujourd’hui où nous nous voulons si naïvement matérialistes, comment ne tremblerions-nous pas d’effroi en découvrant que nous ne naissons que pour être servis au cours de l’orgie sacrificielle où une ignoble déité se goberge des formes de la vie ? Comment ne vomirions-nous pas cet univers dont nous ne pouvons nous échapper, si nous venions à apprendre que la seule raison de notre existence est de fournir un aliment à la voracité d’une goule éternelle qui s’embusque derrière chaque chose et chaque être?

Non, non, ce n’est pas possible, nous ne voulons à aucun prix d’une Divinité aussi vicieuse. Nous voulons un Dieu admirable. Ou rien. Un Dieu qui nous punit. Ou l’absurde. Mais surtout pas une Idole bâfreuse qui jouit de nos larmes. Surtout pas un Pouvoir créateur qui engendre froi­dement la souffrance et s’empiffre des cadavres que sa volonté sème à travers l’Espace et le Temps. Surtout pas un Seigneur indigne ou une Mère monstrueuse qui enfantent pour blesser, pour tromper, pour tuer, et pour rien d’autre — car, au fond, il n’y a rien d’autre.

Reprenons maintenant ce que nous disions plus haut : le sens du Mal n’est en réalité que la perception du Temps par une conscience encore obscure. Il correspond à un stade de la manifestation. Le Mal n’existe pas en soi. Ou plus exactement, s’il existe, il n’est pas notre, nous n’en sommes pas les auteurs, mais les proies. Il nous précède ici-bas et ne se limite pas à cette Terre. Il est probable­ment répandu dans tout l’univers, sans que, bien sûr, nous y soyons pour rien.

Nous n’avons jamais commis les meurtres innombrables du festin des animaux. Au contraire, nous en sommes les héritiers. Nous poursuivons sous notre forme humaine le drame aveugle des bêtes qui s’entre-déchiraient jadis et continuent à le faire.

Nous n’avons jamais fait disparaître les forêts devenues aujourd’hui gisements carbonifères.

Nous n’avons jamais englouti sous nos flots écumants ou empoigné sous notre gel ou enseveli sous nos fleuves de lave notre Terre bien-aimée. Mais de cela, au contraire, nous sommes les lointains descendants. De ces affres pla­nétaires, nous sommes nés peu à peu. De cette souffrance cosmique, nous sommes les enfants incrédules, effarés, éperdus — nés de la souffrance, porteurs de la souffrance et la communiquant, mais sans en être les fauteurs. Nous sommes coulés en elle, nous en sommes le matériau, ainsi que tout ce qui existe, mais elle n’est pas, elle ne peut pas être notre création, ou l’anti-création jetée comme un cra­chat, par notre âme envenimée, à la face de Dieu.

Croyons-nous donc, d’ailleurs, que, du Mal et de la Mort, les innombrables milliards de soleils et leurs pro­bables systèmes soient exempts, à travers l’immensité spa­tiale ? Comment pourrions-nous nous tenir pour respon­sables de l’extinction des astres dont la lumière qui nous parvient témoigne de mondes révolus avant notre nais­sance ? À quel moment avons-nous troublé l’harmonie du monde, falsifié l’ordre cosmique, attenté à la perfection divine?

Nous sommes si jeunes et encore si fragiles. Et il nous faudrait payer pour les milliards d’années de douleur sidé­rale ? Il faudrait que, courbant le front, nous consentions à avoir introduit le Mal dans l’univers, à y avoir dégradé tout ce qui, avant même que notre Terre n’apparût, avait été défloré, plongé dans la géhenne, à jamais rejeté ?

Répétons-le encore : même si nous n’existions pas, le Mal existerait sur cette Terre et partout dans les cieux. Nous n’avons rien fait, jamais, qui méritât d’être châtié sans relâche, de génération en génération, au fil des mil­liers d’années, pour aboutir à Auschwitz et à Hiroshima. Notre souffrance n’est pas châtiment, mais condition de la Vie.

Assez de temps s’est écoulé pour que nous n’ajoutions plus foi aux symboles caducs des prêtres de jadis. Nous ne croyons plus à l’astronomie de Ptolémée. Pourquoi sui­vrions-nous encore ce vieil onirisme sacré qui n’explique plus le monde ? La succession des Âges ne correspond pas plus à une réalité historique ou préhistorique que ne le fait le mythe du jardin d’Éden rapporté dans la Genèse. Mais dans les deux cas, se trouve exposée poétiquement l’idée du divorce d’avec un état naturel obligatoirement parfait et du mal croissant qui en découle.

Or, nous n’étions pas des hommes, loin de là, quand, pour la première fois, nous avons taillé des pierres pour les manier contre nos proies. Nous n’étions toujours pas des hommes quand nous avons conquis le feu et, par là, changé la face du monde. C’est la Nature qui, en ces êtres du lointain passé, a taillé des silex et apprivoisé des flammes, et s’est ainsi frayé un chemin dans les brouil­lards de la conscience terrestre.

Jamais plus, nous ne pourrons revenir à cette torpide enfance de l’humanité. Notre mère ne nous prendra plus dans ses bras. Et nous croyons qu’elle nous a reniés, parce que nous la rejetions. Mais justement, une mère ne chasse pas son fils parce qu’il a fait le mal. Autre chose, en vérité, se passe. Elle cesse de le porter parce qu’il a grandi. Mais elle l’aide encore et se penche vers lui afin de le guider, lui découvre un monde dont il ne se doutait pas quand il était contre son sein. Dirons-nous qu’en cette découverte toujours plus grande, il l’offense et la rejette chaque jour davantage ? Que le stade confus où, petite larve, il se blottissait dans la chaleur maternelle était le paradis et que l’éveil de l’intelligence est une chute, et une punition sa grandissante indépendance?

C’est en tout cas ce que nous affirmons, lorsque nous nous accusons du vieux crime édénique. Nous avons apos­tasié la Nature en harmonie avec laquelle nous vivions. (Mais pourquoi, étant différents du reste de la Nature, serions-nous moins naturels? Nous le sommes différem­ment. C’est tout.) Nous avons renié l’animalité où, sans nous interroger, nous nous abandonnions jadis à la volonté de Dieu. Nous avons défié cette volonté en devenant capables d’inventions qui transforment notre milieu à notre fantaisie. Nous avons de cette manière osé porter la main sur l’œuvre du Seigneur. Maudits soyons-nous à jamais.

Au fil des siècles et des millénaires, retentit la plaidoirie des diacres jetant l’anathème et hissant, comme le dra­peau du plus haut idéal, la nostalgie d’une époque mythique où l’évolution était impossible. Le philosophe ou le tribun succèdent à l’hiérophante, mais c’est toujours de la même faute ancestrale que nous sommes accusés. Tou­jours, nous crions que nous courons à la catastrophe à cause du progrès qui nous dévore et nous cache la vérité du monde. Et toujours, nous disons que cela n’arriverait pas si, autrefois, nous n’avions franchi le seuil interdit, cueilli le fruit de la connaissance, mis en branle l’incontrô­lable machine de notre développement.

Comme nous la regrettons, cette innocence révolue ! Comme nous en rêvons, de cette soumission impossible à la Providence ! L’une des paroles de Jésus auxquelles nous trouvons le plus de saveur n’est-elle pas l’image, rapportée par Matthieu [1], des oiseaux du ciel et des lys des champs ? Est-il plus belle comparaison pour décrire cet état de grâce qui nous fait si douloureusement défaut ?

Et pourtant, tous les oiseaux du ciel sont-ils si beaux ? Faut-il ne compter pour rien les rapaces et les cha­rognards ? Et toutes les plantes de la terre ne sont-elles que lys des champs ? N’y a-t-il pas la dionée ou la ciguë ? Tout est-il donc innocence dans les règnes qui nous pré­cèdent ? Tout est-il donc irréprochable parce que tout s’y conforme sans réfléchir à la loi de la Nature et surtout — c’est la raison des paroles du Christ — ne s’occupe pas d’argent ?

Mais encore une fois, si notre nature est différente, pourquoi épouserions-nous celle d’autres espèces ? La plus haute sagesse devrait-elle consister à nous détourner des voies humaines que balisent en effet les images de Mam­mon et, faisant vœu de pauvreté universelle, à nous réfu­gier dans la crasse et la laideur ? Car il est évident qu’une humanité qui se voudrait à la ressemblance des oiseaux et des lys sombrerait dans la misère la plus sordide et tarirait les sources de son devenir.

Un pays comme l’Inde, qui, depuis des millénaires, a préféré le culte des dieux à la culture de ses forces phy­siques, a du mal, aujourd’hui, à se relever d’un tel choix et, couvert de chancres du Nord au Sud, n’aura peut-être jamais l’énergie de transmettre son fabuleux héritage spi­rituel. Ou bien, à se complaire dans sa fange, son archaïsme et son anti-matérialisme et à les déclarer seuls divins, l’Inde risque de décourager ceux qui sont prêts à le recueillir et à le défendre.

Tout n’est pas qu’esprit, en effet. Un archange de conquête matérielle nous habite qui, pour toujours, nous empêche de nous identifier aux oiseaux du ciel et aux lys des champs si nous voulons vivre et nous développer. Le progrès est inéluctable et ne peut se réduire à quelques secteurs, à l’exclusion de toutes nos autres activités. C’est le même péril où nous jettent certaines de nos inventions qui nous permet d’avancer encore et de découvrir autre chose de plus sûr, de plus complet, mais dont la nécessaire insuffisance nous entraînera demain à chercher de nou­velles perspectives.

Notre nature est d’évolution constante — non seulement notre nature à nous, humains, mais en réalité celle de toute créature terrestre. Simplement, cela est moins évident dans les autres règnes. Mais cela y est sans doute impérieux, puisque nous en sommes le produit. Si certains singes n’avaient pas peu à peu cessé d’être des singes, nous n’existerions pas. S’ils n’avaient enfreint les commande­ments de leur espèce et sabordé le moule où ils étaient coulés, s’ils n’avaient nié leur appartenance à telle famille simiesque et renié jusqu’à l’instinct de préservation afin de se muer en autre chose, nul homme, jamais, n’aurait vu le jour sur cette Terre.

Peut-être, diront certains, n’aurait-ce pas été plus mal. Cependant, nous l’avons dit, à quoi aurait servi cette créa­tion planétaire florissante mais inachevée, si nul n’avait dû y prendre conscience du monde déployé tout autour en la scintillante profusion des galaxies ? À quoi bon l’univers, si rien ni personne ne doit, du dedans, le découvrir et l’aimer et en connaître un jour l’origine ?

La force créatrice devrait-elle être à jamais inconnais­sable ? Hypothèse irrecevable. Il est trop tard. Notre pré­sence suffit à prouver le contraire. Il y a une évolution, et qui, de plus en plus, nous permet de soulever le voile du mystère primordial.

Cependant, ce progrès auquel la Nature nous astreint ne va pas sans heurts ni secousses. C’est vrai. Et comme on l’a vu, les catastrophes qu’a entraînées la fin de l’Âge de Glace ont pu laisser dans la mémoire des survivants les séquelles d’une terreur sans bornes. Ces inondations colos­sales qui, sous leurs yeux, engloutissaient à jamais des pays entiers et leurs habitants, ces énormes séismes qui éventraient le sol et en arrachaient les régions à conquérir plus tard, telles de lointaines terres promises, comment ne pas y voir le courroux de la Nature et le châtiment de Dieu lancés contre une faute d’une égale envergure ?

Et les épouvantes qui avaient régné auparavant et fait disparaître d’autres peuples, on comprend que, de la même manière, elles aient imprégné le subconscient de l’idée de punitions ou de chutes successives. Ainsi s’expli­querait celle, autrement inexplicable, d’âges de moins en moins parfaits et aurions-nous confusément souvenir d’une époque, au-delà des cataclysmes, où la vie n’était pas menacée.

C’est cette époque qu’ingénument nous appellerions Âge d’Or ou paradis terrestre. Puis, la Terre aurait été ébranlée, ou prise par les glaces, ou inondée. Les animaux et les plantes seraient morts. Luttant pour subsister, l’homme se serait développé d’une manière de plus en plus différente, pénétrant à chaque fois plus bas dans ce qui nous apparaît comme des ténèbres et qui n’est pas que le labeur ardu de notre propre découverte.

Néanmoins, le mythe nous gouvernant lorsque la connaissance nous manque, nous persistons à regretter l’époque perdue de la plus ancienne Préhistoire où, nus, hébétés, nous vivions parmi les animaux qui nous chas­saient autant que nous les chassions. Et de proclamer que c’est là l’état naturel, le statut de l’innocence parfaite dont nous nous sommes rendus indignes.

Bien des penseurs y insistent et multiplient les gloses, tandis que d’autres prennent un autre chemin, guère plus scientifique mais dont la pente éclaire les choses d’un jour radicalement différent.

Pour eux, loin d’être création divine, cette Terre est l’œuvre du diable. Au début du IIe siècle, l’hérésiarque Marcion, que combattit Tertullien, présente Yahvé comme l’éon subalterne et mauvais qui a voulu s’égaler à Dieu, a été rejeté du monde spirituel et, par dépit, a créé le monde matériel qui porte les stigmates de sa faute. Selon sa prédication, le Christ est un éon de bonté venu corriger l’œuvre du premier.

Chez les Grecs, c’est un Titan qui montre de la bonté aux hommes et en est puni par le roi des dieux. Prométhée est le guide de l’humanité, qu’il plaint et qu’il éveille à de plus hautes réalités que celles consenties — ou imposées — ­par l’Olympe. « Écoutez en revanche les misères des mor­tels et comment des enfants qu’ils étaient j’ai fait des êtres de raison, doués de pensée. Je veux le conter ici, non pour dénigrer les humains, mais pour vous montrer la bonté dont leur ont témoigné mes dons. Au début, ils voyaient sans voir, ils écoutaient sans entendre, et, pareils aux formes des songes, ils vivaient leur longue existence dans le désordre et la confusion [2]. » Puis, il énumère les dons qu’il nous a octroyés : l’astronomie, l’écriture, la naviga­tion, la médecine, les arts divinatoires — la liste rompant d’ailleurs avec la tradition et devant tout à la vision d’Eschyle qui, il y a vingt-cinq siècles, citait sans se trom­per les plus grandes conquêtes d’une Préhistoire alors inconnue.

En Perse, il était par ailleurs question de quatre pou­voirs cosmiques du Mal — dont la Mort. Leurs noms : Satan, Bélial, Mastéma, Azazel. Leur rôle : s’opposer au progrès humain, nous séparer de notre vérité. Leur fin : ils devaient disparaître, vaincus par la Divinité, afin que pût s’établir une nouvelle création, ce que les chrétiens appellent l’âge messianique.

De leur côté, les ébionites, que combattit saint Irénée, expliquaient tout par la lutte des deux « parties de Dieu », le Christ et le diable.

Plus tard, et reprenant le chemin tracé par Marcion, les bogomiles, secte manichéenne qui influença les cathares, croyaient que le monde était l’œuvre de Satan.

On pourrait relever, avant ou après, bien d’autres cou­rants de pensée schismatique s’efforçant d’expliquer la souffrance qui nous obsède : nous ne souffrons pas en châ­timent d’une faute en vérité jamais commise, mais parce que le monde est foncièrement mauvais, ayant été créé ou étant possédé par les Puissances des Ténèbres, dont l’Esprit de Lumière doit nous délivrer.

Ou bien, d’une façon encore plus symbolique, comme dans l’orphisme, nous avons été créés à partir d’un maté­riau diabolique, mais possédons une âme lumineuse qui, de vie en vie, apprend à s’élever jusqu’à sa réalité divine. Pour ce courant-là de la pensée grecque, nous n’avons pas été modelés dans l’argile, bien sûr, mais dans les restes — de la suie — des Titans foudroyés par Zeus. Peut-on mieux évoquer, poétiquement, l’héritage de douleur et d’obscurité à nous transmis par les mondes inférieurs qui régnaient avant nous ? Quant à l’élévation de l’âme jusqu’à un statut de lumière, n’est-elle pas promesse uni­verselle, faite et répétée dans toutes les parties du monde et par tant de voix différentes ? Mais elle est d’autant plus forte, ici, qu’elle émane de celui qui, avant le Christ, pénètre dans la Mort et en serait tout à fait victorieux s’il savait s’oublier, transmuer son amour personnel en une chose impersonnelle et véritablement divine.

Toutefois, ce ne sont là que des explications ésotériques auxquelles nous sommes libres, aujourd’hui, de ne pas croire. Les dieux et les démons, diront beaucoup d’entre nous, sont une représentation lyrique du monde qui ne saurait plus valoir à notre époque d’éblouissement scienti­fique. La Science elle-même, il arrive que nous en dou­tions, n’est à son tour qu’une représentation rationnelle du même univers. Mais qu’à l’âge des religions ait succédé celui de la Science, malgré qu’en aient certains, ne change guère le problème que nous vivons.

Notre origine demeure un mystère. Que nous cher­chions à la cerner matériellement ou que nous la disions divine ou diabolique, ne nous donne aucun pouvoir sur la souffrance attachée à notre condition. Simplement, si nous avons encore besoin d’entités supérieures à craindre ou à adorer, il est peut-être plus facile de souscrire à une cosmogonie où l’Esprit du Mal crée l’univers et où celui du Bien le sauve et l’illumine.

Certes, cacher le diable derrière le Big Bang peut faire sourire. Mais l’idée se tient métaphysiquement. Qu’est le Mal, en effet, sinon ce qui obscurcit, ce qui limite et, pour cela, enferme dans la forme ? Et qu’est la forme, sinon la création — du moins après que la température initiale de la « purée cosmique » fut tombée au-dessous du milliard de degrés? Mais bornée dans l’Espace, elle l’est aussi dans le Temps : il ne peut être de création sans Mort. Ce qui crée est donc aussi ce qui tue. Dieu est donc aussi la Mort. Ou plutôt l’aspect créateur de la Divinité est en réalité la Mort qui engendre et absorbe toutes les formes, de la plus petite particule au cosmos le plus gigantesque.

Sur cette ligne, on peut également concevoir une autre Puissance, qui, celle-ci, renverse la Mort et manifeste l’aspect suprême de la Divinité. De cette Puissance, seraient issus les êtres qui, baume pour nos blessures, ont apporté la lueur de leur vision, ont répandu des paroles de miel ou de feu dont vibrent encore la plupart des civilisa­tions de cette Terre. En termes de science contemporaine, un tel mouvement d’illumination progressive de la conscience porte le nom d’évolution.

Inéluctablement, malgré la pression accrue des Forces de la Nuit, la Lumière du Jour grandit. Et nous nous ren­dons mieux compte de notre destinée et acquérons le pou­voir de la réaliser davantage. Ce qui était hier prophétie poétique d’anachorètes en extase est devenu évident, pos­sible et nécessaire. Et il nous semble bien, à regarder les siècles déferler depuis la Préhistoire, que tout cela a un sens et s’accorde avec la vision fugitive et impérissable de ses chantres de la folie d’au-delà — au point même que, parfois, ce qui était paroles liturgiques qu’il fallait répéter sans chercher à les comprendre se mue en les termes pro­fanes et facilement compréhensibles de nos soucis actuels.

D’abord et surtout, c’est l’unité de toute la manifesta­tion qui, après avoir été l’assise des grandes religions, est à présent celle de la Science — cette unité qui nie la division, ou vision pragmatique de la multiplicité et qui, la limite n’y existant pas, est synonyme d’immortalité, vain mot, encore, pour notre raison. Et pourtant, si, des sphères de la théologie, l’idée est descendue dans celles de la pensée pratique, c’est le signe que nous approchons du but.

Sans doute ne pouvons-nous y croire, ne pouvant ima­giner un si fabuleux changement de notre condition, en deviner les modalités ni le résultat. Mais le mouvement qui nous y mène est indéniable, dont les phases nous sont séparément essentielles sans que l’ordonnance et la conti­nuité nous en soient toujours sensibles.

L’une des étapes les plus importantes est l’intuition judaïque du monothéisme, la conception d’un Être qui est en même temps non-être et que l’on ne peut définir parce qu’il échappe à toutes les données du mental humain : je ne vis ni ne suis mort, je suis l’Être pur. Les Chinois l’appelleront Tao, les Indiens Brahman, les bouddhistes shounyata, les musulmans Allah, rattachant à ces noms des notions culturelles d’absolu, de vide ou d’unité. Cer­tains conserveront leur panthéon antérieur et en feront une strate enluminée de la manifestation de ce Transcen­dant. Les Sémites, et à leur suite tout l’Occident, balaieront idoles et autels afin que rien ne se dresse entre la Divinité suprême et son adorateur. Car dans la forme la plus exotérique du culte, ainsi que dans son contenu le plus ésotérique, c’est l’unité de Dieu qui doit être sou­lignée.

Révélation bouleversante, pour la pensée humaine : si incommensurables qu’elle se figure l’Espace ou le Temps, ils sont morcelés et finis, tandis que l’Être, les dépassant, est unique et infini, n’a de commencement ni dans le Temps ni dans l’Espace et ne peut non plus y avoir de fin.

Or, de la race qui a pressenti et prôné le monothéisme, l’unité de Dieu, naît celui qui doit enseigner l’unité humaine. Jésus qui, au nom de cette double unité — un seul Dieu, un seul Homme —, efface les péchés du monde pour cette simple raison qu’en sa conscience illuminée le Mal n’existe pas, Jésus est nécessairement le fils de cette race qui a vidé les régions intermédiaires de leurs anciennes entités afin de contempler la face unique du Divin. Et parallèlement à l’Un transcendant, il va dévoiler l’humanité une en la fraternité universelle à laquelle il est venu l’initier.

Reste la troisième étape, qu’il préfigure déjà et où l’Un transcendant et Sa création se révèlent à leur tour n’être qu’un en un monisme absolu comme celui dont, en Inde, les Oupanishads font état ou que, en Occident, Théo­phraste, résumant l’enseignement de Parménide, a décrit d’une phrase : « Le tout est un, et l’un est Dieu. »

Or, du mot de vérité, il a fallu passer au dogme ecclésias­tique, puis à la réflexion sociopolitique et philosophique pour rendre possible l’unité humaine et en faire potentiellement le reflet de l’unité divine.

Il a fallu des bouleversements qui ont changé la face du monde et où nous avons rejeté une peau après l’autre afin de nous découvrir. Il a fallu que tombe Rome qui avait écrasé la patrie du Christ et opprimé les premiers chré­tiens et que son empire d’Occident soit, pendant mille ans, plongé dans l’obscurité d’une ignorance telle qu’un empe­reur — Charlemagne — n’y savait même plus ce qu’autre­fois savait un commerçant — lire et écrire. Il a fallu que, dans cette longue nuit du Moyen Âge, soient semées les graines d’un autre monde et qu’elles germent sous ce qui était le mieux fait pour les étouffer — l’organisation féo­dale, négation du républicanisme romain. Il a fallu qu’au nom de la justice céleste l’injustice terrestre se donne libre cours et que l’inégalité soit tenue pour indispensable à l’unité. Il a fallu que la fraternité devienne le privilège des classes supérieures écrasant la masse confuse et indif­férenciée du peuple pour que les philosophes, au XVIIIe siècle, s’interrogent sur la meilleure politique et, depuis le pays le plus mal gouverné de l’époque — la France de Louis XV —, gouvernent le reste de l’Europe où règnent les grands souverains : Frédéric en Prusse, Catherine en Rus­sie.

Les philosophes s’appellent Montesquieu, Voltaire et surtout Rousseau qui, avec son innocence coutumière, se réclame du Christ pour jeter les bases de la Révolution. Mais, occidental, il ne fait pas que s’interroger sur le contrat social où les démocraties puiseront à sa suite leurs principes les plus sûrs, il part d’une idée qui donne à la Révolution française toute son ampleur et tout son sens. Il évoque l’état de nature auquel nous nous sommes mysté­rieusement soustraits.

Du retour à cet état qu’il ne peut bien sûr situer dans le temps, puisqu’il est mythique, puisqu’il est en fait l’état édénique, il va faire le moteur de la Révolution — laquelle, dès lors, se présente comme une destruction de la société mensongère pour regagner la vérité originelle d’avant la faute de nos premiers parents.

Sans doute la Révolution française a-t-elle d’autres implications. Mais il est vain de vouloir la dévier de sa source première, qui est la nostalgie du paradis terrestre, et tout aussi vain de chercher à maquiller son objectif, qui est de créer un nouveau paradis où sera vécu l’évangile de la fraternité, une fois dénoncée et détruite l’imposture d’une classe « diabolique » qui asservissait le monde en invoquant l’amour de Dieu.

Déjà, l’an mil avait suscité de grands désordres et de grands rêves, mais le peuple n’avait pas encore ses chefs pour lui ouvrir les portes du monde égalitaire d’ailleurs jumeau, dans la pensée de l’époque, d’une terrible fin du monde, le combat de l’Apocalypse ayant alors été imaginé avec autant de force qu’aujourd’hui face à nos arsenaux atomiques. Déçue, l’espérance médiévale n’en est pas morte pour autant et, souterrainement, a germé pour pro­duire, huit siècles plus tard, la naissance du peuple par la Révolution.

Cependant, plus encore que cette naissance du peuple, que la création d’une nation libre égale et fraternelle, image de l’unité humaine plus concrète que la communion des fidèles, le véritable résultat de la Révolution française est l’apparition de l’individu — jusqu’alors interdit de séjour par le féodalisme régnant.

Désormais, chacun existe personnellement, à quelque caste qu’il appartienne. Qu’il soit nanti ou paria, la société entière lui est accessible, et il peut y exprimer ses talents, partir du degré le plus bas et s’élever aux plus hautes distinctions. Le monde appartient au travailleur, sans pour autant être un monde de travailleurs. Il n’est pas question de niveler la société, d’en faire une immense classe popu­laire unique. Il s’agit de l’élever, et de s’élever avec elle.

Le peuple n’est plus une masse aveugle d’esclaves mal­traités. Reconnu par la société et faisant un avec elle, il marque la première étape vers l’unité mondiale, où nul peuple ne doit plus être asservi ni tenu pour inférieur. Il est le creuset de la multitude vivante, la matrice des indi­vidus qui, tous, ont également le droit de s’affirmer, de s’opposer, de s’exalter. Tout homme, soudain, est un héros dont le dieu sera Napoléon. Tout homme est le créateur de son destin et le forgeron de l’Histoire qui, sous ses coups, bascule alors dans toute l’Europe.

On s’imagine parfois que la Révolution française a échoué faute d’avoir établi un état totalitaire aux citoyens volontairement anonymes, une sorte de super-féodalité où, sans en porter le titre, le seigneur ou une assemblée de sei­gneurs aurait réasservi le peuple en le berçant de grands mots humanitaires et en lui donnant des simulacres de droits.

Mais au contraire, la Révolution française a réussi pour cette raison même qu’au lieu d’instituer un état uniforme, elle a enfanté une nation de conquérants dont le champ d’activité était double : à l’extérieur, la guerre pour répandre les nouvelles valeurs et se couvrir de gloire, d’où que l’on vînt ; à l’intérieur, le tumulte des passions, l’amour, la recherche de Dieu en dehors de l’Église, ainsi qu’en attestera le romantisme.

Il faut insister : l’individu n’existe guère en Occident avant la Révolution française qui, rousseauiste et non mar­xiste, veut engendrer l’être d’exception et, en tout cas, donner à chacun le sens de son importance, au lieu que le but poursuivi plus tard en Russie, puis en Chine sera la victoire d’une classe, l’hégémonie d’un type humain réduit à l’état de matricule.

Et c’est qu’avant Marx, Engels et Proudhon, Hegel se sera levé pour évoquer non seulement le sens de l’Histoire et la destinée des nations, mais aussi une forme de conscience où chacun participe de tous et où la totalité se vit en chaque partie. « Tout est dans tout », disaient les Anciens. Cela aboutira à la phrase de Sartre, qui aurait pu être prononcée aussi bien par un ascète chrétien ou un moine bouddhique que par le philosophe de l’existentia­lisme : « J’ai mal à l’humanité. Conscience, dès lors, d’une individualité plus vaste, plus complexe que l’ego auquel nous nous référons en parlant de nous, quelque chose se fait jour en l’homme, qui n’est ni moi ni toi, qui est les deux ensemble et autre chose encore : le monde en moi non tel que je le perçois, ou tel que je le projette, mais tel qu’il est réellement tissé dans ma substance, que je le veuille ou non.

Cet individu collectif, c’est celui auquel ont fait allusion Zola, dont les héros exécutent à leur insu et contre leur désir les actes semés en eux par les autres à qui ils sont génétiquement liés [3], et Dostoïevski qui, dans Les Frères Karamazov, découvre la complicité inconsciente, l’impos­sibilité de séparer un acte, s’agît-il d’un meurtre et même d’un parricide, de l’action générale d’un groupe. Le meur­trier, chez Dostoïevski comme chez Zola, n’est que la main brandie par la déesse Foule.

Cellule de la collectivité, l’individu contient celle-ci tout entière, est agi par elle, la représente et s’y abolit. Octobre 1917 peut désormais venir.

Renouant avec l’humanisme athénien — l’a-t-on assez dit et répété? —, reprenant l’idéal républicain de Rome, la France et, du fait de Napoléon, l’Europe à sa suite ont mué tandis que se constituaient les États-Unis : le bloc occidental se formait et, en dépit de contradictions inter­nes (l’esclavage en Amérique), se faisait le défenseur de l’individu dans une communauté libre.

C’était le XIXe siècle, que l’on considère comme celui du matérialisme terre à terre et de l’agnosticisme. À tort : le siècle qui a réveillé (ou inventé ?) politiquement la classe ouvrière et, avec son aide, multiplié les industries en vue d’un nouveau paradis terrestre où tout le monde aurait droit au confort, le siècle qui a sculpté le peuple-héros — dans Les Misérables et, plus encore, plus authentique­ment, dans Germinal —, ce siècle-là est aussi celui qui a engendré le héros national — Napoléon —, quasi-surhomme sur qui chacun pouvait rêver de s’aligner, et le héros méta­physique des romantiques — Lorenzaccio, en qui confluent le sublime shakespearien et l’absurde du siècle suivant.

C’est également le siècle qui fait éclater les limites où l’homme, enfin défini comme individu et comme société, est encore enfermé : Darwin lui donne ascendance dans une Préhistoire qui, brusquement, remplace les reliquats mythologiques dont la conscience était encore encombrée ; Dostoïevski, dans Les Possédés, puis Nietzsche annoncent sa descendance surhumaine en ce que l’on pourrait appe­ler une « posthistoire » où, pour Dostoïevski, apparaîtra l’homme-dieu, qu’il oppose au dieu-homme des religions : ce n’est plus un messie qui doit illuminer la Terre, c’est toute l’humanité qui doit devenir messianique.

Dire d’un tel siècle qu’il est celui de l’industrialisation n’est sans doute pas faux. Mais c’est faire bon marché de certaines de ses lignes de force découlant elles aussi de la Révolution qui a vu Robespierre mener la Terreur, sans doute, mais créer également le culte de l’Être suprême et faire voter l’immortalité de l’âme et, dans son sillage, Saint-Just déclarer que les premiers jours du mois seraient consacrés à l’Éternel [4].

C’est ne pas voir à quoi correspondent la naissance de l’individu et la reconnaissance du peuple qu’elle entraîne : cette conception planétaire d’un Homme qui, dans le passé comme dans l’avenir, dépasse toute notion d’His­toire et dont, cependant, nous participons.

De cet Homme, dans les temps qui ont suivi, la sil­houette n’a cessé de se préciser : la paléontologie, la poli­tique, la téléologie ont décrit ses racines, son comporte­ment et jusqu’à son avenir. Et il n’est pas sûr que ce que certains redoutent le plus arrive jamais. Il n’est pas dit qu’apparaisse un jour une société internationale de type prolétarien et policier ne laissant place à aucune autre option sur la planète. Il n’est pas évident que le communisme soit le dernier mot de l’humanité, ni aucune forme de totalitarisme le nec plus ultra des civilisations.

Il s’agit là plutôt d’une des phases de notre mue, et non de l’objectif final. Il reste encore trop de lignes d’accomplissement que nous n’avons pas réalisées, trop de semences dont nous sommes porteurs et qui n’ont pas pro­duit leurs fruits et trop de dimensions nous constituent, auxquelles nous n’avons guère eu le temps de prêter atten­tion pour que, là, prenne fin notre effort, le résultat fût-il grandiose en soi.

Des promesses nous ont été faites, qui doivent être tenues. Des visions nous ont été révélées, qui ne peuvent être aujourd’hui écartées comme hallucinations. Des images nous hantent, et des faims nous assiègent, que rien n’a jusqu’à présent conjurées ni assouvies. Le nier revien­drait à nous amputer, non à nous accomplir. Tout au plus ce ne serait d’ailleurs que partie remise. Quelque chose, inexorablement, se produirait dans la race, pour empêcher que soit ainsi étouffée la flamme qui, depuis l’aube des temps, nous brûle et nous éclaire.

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1 6, 26-34.

2 Eschyle, Prométhée enchaîné.

3 L’exemple le plus frappant en est sans doute le meurtre dans La Bête humaine, que Zola analyse non pas tant sur le plan des passions que sur celui des forces aveugles qui animent l’homme à leur fantaisie.

4 « Le peuple français reconnaît l’Être suprême et l’immortalité de l’âme. Les premiers jours du mois seront consacrés à l’Éternel », Œuvres posthumes.