Denys Jegouzo
L'esprit du compagnonnage : application aux métiers de santé

(Revue Le chant de la licorne. No 16. 1986) Le rapprochement entre ces deux notions, compagnonnage et métiers de la santé peut paraître surprenant. Le compagnonnage fait penser avant tout aux métiers du bâtiment. Aussi seule une étude historique de ces fraternités de métiers pourra permettre de faire le lien entre l’acte de construire et […]

(Revue Le chant de la licorne. No 16. 1986)

Le rapprochement entre ces deux notions, compagnonnage et métiers de la santé peut paraître surprenant. Le compagnonnage fait penser avant tout aux métiers du bâtiment. Aussi seule une étude historique de ces fraternités de métiers pourra permettre de faire le lien entre l’acte de construire et l’acte de soigner.

Origine du terme Compagnon

L’étymologie du terme Com­pagnon, qui ne fut réellement em­ployé en France qu’au XIXe siècle permet déjà de resituer les moti­vations de celui qui « partage le pain » dans le courant spirituel, exprimé d’abord dans l’Ancien Testament puis développé dans le Nouveau Testament. En effet, déjà dans la Genèse, Melchisedech, roi de Salem, apporta le pain et le vin. « Il était prêtre du Dieu Très-Haut, il bénit Abraham », Genèse 14, 18-19.

Ce rite du partage du pain qui existait également chez les Esséniens va se retrouver dans l’évan­gile de Luc lors de l’institution de l’Eucharistie. « Et ayant pris du pain, rendu grâce, il le rompit et le leur donna », Luc 21, 19.

Puis lors de la Cène d’Emmaüs : « Or comme il était à table avec eux, ayant pris le pain, il dit la bénédiction et l’ayant rompu, il le leur remettait », Luc 24, 30.

Des différents courants compagnonniques

La tradition compagnonnique prend donc ses racines dans le judaïsme et le christianisme, certaines associations de compa­gnons du Devoir appuyant leur origine plus sur l’un ou l’autre des courants bibliques. En effet les mouvements de compagnons se divisent en :

  • Compagnons du Devoir de Liberté, tailleurs de pierre, dis­ciples de Salomon ;

  • Compagnons du Devoir, disciples de Maître Jacques ;

  • Compagnons du Devoir, disciples de Maître Soubise.

Maître Jacques et Maître Soubise ayant eux aussi travaillé sur le Temple de Salomon, temple construit sous la direction du Maître architecte Hiram.

« Les maçons de Salomon, les maçons de Hiram et les guiblites tail­lèrent et préparèrent les bois et les pier­res pour bâtir la maison », Rois 5, 32. Le premier livre des Rois nous donne ainsi les dimensions pré­cises de la maisons construite pour Yahvé ainsi que l’ornemen­tation et le mobilier de la « mai­son » mais ne donne aucun détail particulier sur la vie d’Hiram, roi de Tyr, et encore moins sur sa mort initiatique. Selon la légende, celui-ci sera en effet assassiné par trois compagnons jaloux, désirant devenir maîtres. Mais ce crime symbolise avant tout la mort au monde, à la vie profane pour découvrir la véritable lumière, la Vie. Cette mort est donc une nais­sance au ciel comme on le retrouve encore à travers la tradition orthodoxe. La légende d’Hiram va inspirer profondément certaines sociétés initiatiques et pour les compagnons, plus particulière­ment les Enfants de Salomon.

Maître Jacques, lui aussi, va se faire assassiner. Collègue d’Hiram, travaillant à la construction du Temple, il quitte la Judée avec Maître Soubise. La légende, qui n’a d’ailleurs aucun support biblique, raconte que les deux maîtres se disputèrent et que Maître Jacques finit par se faire tuer par des disciples de Maître Soubise, grâce à la trahison donnée sous la forme d’un baiser de paix d’un de ses propres disciples. Ce crime se déroula en Provence, dans l’ermitage de la Sainte-Baume.

Maître Soubise travailla donc lui aussi à la construction du Temple de Salomon. On l’accusa à tort d’avoir été l’instigateur de l’assassinat de Maître Jacques.

Compagnonnage et Tradition

Mais pourquoi retrouve-t-on historiquement trois courants compagnonniques ? La tradition n’est-elle pas une ? N’est-elle plus transmise directement de Maître à disciple sans interruption comme nous le trouvons encore de nos jours en Orient ? L’explication de ces trois branches découle de l’histoire et de l’évolution spiri­tuelle du monde occidental. La notion de compagnonnage a toujours existé. Le compagnon, au-delà d’une assistance mutuelle, est à la recherche d’un perfection­nement professionnel et d’une progression spirituelle, le métier devenant pour lui, la Voie Royale d’élévation vers le ciel. Les frater­nités de métiers ont donc toujours existé à travers les réalisations des temples et pyramides réalisés sur les différents continents. Ces fraternités ont été utilisées par Salomon pour la construction du Temple de Yahvé. Cette tradition de bâtisseurs se retrouve égale­ment en Égypte et aussi chez les Celtes. Nous ne devons pas oublier, en effet, le passage du Timée où Platon rapporte que les Égyptiens lui avaient dit tenir leur science des prêtres celtes. Les druides possé­daient donc des données impor­tantes dans la transmission du savoir et leurs connaissances vont être très imprégnées durant l’ère naissante des Poissons par l’in­fluence biblique. Mais cette influence va se faire de deux façons car le début de l’ère des Poissons a vu la venue au monde du Christ, fils de Dieu.

« Et voici une voix, partie des Cieux, qui disait : « celui-ci est mon fils, le bien aimé, qui a toute ma faveur », Matthieu 3, 17.

La venue du Christ, que cer­tains considèrent comme un simple prophète mais qui s’est lui-même considéré comme le fils de Dieu, se fait donc à un moment très parti­culier du devenir de l’humanité, à la fin de Kali-Yuga, période noire se terminant avec l’ère des Pois­sons, annoncée également claire­ment à travers l’interprétation du songe de la grande statue par le prophète Daniel (Daniel 2-31-45).

Aussi, si jusqu’alors les mys­tères initiatiques étaient transmis de maître à disciple par tradition orale dans les temples construits par des compagnons bâtisseurs, la venue du Christ, pierre se déta­chant sans l’aide d’aucune main, bouleversa complètement et transcenda le principe même de la transmission initiatique. Par sa mort et sa résurrection, le Christ devient l’exemple même du Maître indiquant directement sans intervention humaine la voie initiatique. « Moi, je suis le chemin et la vérité et la vie. Personne ne vient vers le Père que par moi », Jean 14, 6.

Alors qu’avant la venue du Christ, le processus initiatique ne pouvait se faire que grâce à la Connaissance, le Fils de Dieu permet la synthèse entre deux composantes souvent opposées : Foi et Connaissance. Cette fusion est décrite clairement à travers l’évangile de Jean, spécialement à travers le déroulement et la des­cription des miracles rapportés par cet évangile.

« En vérité, en vérité, je vous dis qu’elle vient, l’heure, et c’est maintenant où les morts enten­dront la voix du Fils de Dieu et ceux qui auront entendu, vi­vront », Jean 5, 25.

Marie-Initiatrice

L’évangile de Jean rapporte également une vérité première, malheureusement souvent oubliée de nos jours, qui est la place et le rôle fondamental du pôle féminin dans le déclenchement du proces­sus initiatique. Ce pôle féminin symbolisé dans l’évangile de Jean par la Vierge Marie, permet par son intervention précise la des­cente de l’Esprit, le changement de l’eau en vin. La notion de Déesse, Vierge Noire et Reine de Saba dans l’Ancien Testament devient Vierge Blanche, Vierge Marie, intermédiaire essentielle de la remontée de l’homme vers son Créateur. Marie préside comme médiatrice universelle au point où le divin en haut communique en bas avec la matière vivante.

Ceci explique l’affection parti­culière que les compagnons bâtis­seurs ont toujours eue vis-à-vis de la Vierge et la création à Stras­bourg, haut-lieu de compagnon­nage, en 1215, de la Fondation de l’Œuvre de Notre-Dame, chargée de la construction et de l’entretien de la cathédrale.

L’Église et les Compa­gnons

Mais ce pôle féminin est aussi représenté par l’Église, semblable à la lune qui transmet la lumière du Soleil. Et nous ne pouvons pas aborder l’histoire du compagnon­nage sans analyser le déroulement des rapports souvent conflictuels entre l’Église et les Compagnons. Il semble d’abord très probable que l’Église, par l’intermédiaire de certains ordres monastiques, a œuvré pour récupérer à son profit les connaissances des constructions que les druides contrôlaient par­faitement. Une convergence d’intérêts se créa ainsi. Louis Charpentier émet l’hypothèse dans son ouvrage sur Chartres que les enfants du Père Soubise dépendaient des bénédictins, que les enfants de Maître Jacques, au passant, étaient les héritiers des Moines Pontifes, grands cons­tructeurs de ponts, et que les enfants de Salomon auraient été une fraternité de constructeurs, créée par Cîteaux en parallèle à l’ordre du Temple : Ils seraient à l’origine des cathédrales gothi­ques. Nous retrouvons là l’ombre de Saint-Bernard et ses rapports mystérieux avec les Templiers qui réalisèrent des fouilles sur les ruines du Temple de Salomon. La France se couvrit ainsi de cathédrales construites à la gloire de Dieu mais transpirant de signes et de sym­boles compagnonniques comme le démontre la revue Atlantis sur l’aspect insolite de la cathédrale de Strasbourg (1974). Signes des temps, dans cette cathédrale pres­tigieuse, les compagnons réali­sèrent deux statues très particu­lières, l’une correspondant à l’Église triomphante, l’autre à la Synagogue vaincue. Ces deux statues à leur façon symbolisent la rupture entre deux mondes, rup­ture qui va se répercuter au sein même des différentes associations de compagnons, spécialement entre d’un côté les enfants de Salomon, et de l’autre côté les enfants de Maître Jacques et du Père Soubise.

La construction du Temple de Salomon dura 6 ans, 5 mois et 21 jours (II chroniques) mais vers 584 av. J.-C. les Chaldéens, sous les ordres de Nabuchodonosor, font le siège de Jérusalem qu’ils prennent 20 mois plus tard. Le Temple est alors rasé. Il sera reconstruit et restauré sous Hérode. Cette restauration dura 46 ans.

« Jésus leur dit : Détruisez ce sanctuaire et en trois jours je le relèverai. Les juifs dirent donc : « voilà 46 ans qu’on travaille à bâtir ce sanctuaire et toi en trois jours tu le relèverais » ! Mais lui parlait du sanctuaire de son corps », Jean 2, 19-21.

Nous reviendrons sur ce pas­sage capital de l’évangile de Jean. Mais le Temple fut définitivement détruit en 70 de notre ère comme l’avaient prédit les évangélistes.

Cependant malgré sa destruc­tion, une partie des associations de compagnons du Devoir rattacha son origine symbolique, peut-être sous l’influence des Templiers, à la construction du Temple de Salomon, c’est-à-dire à l’Ancien Testament, tout en se référant à l’évangile de Jean. Il y avait là source à confusion.

« Car la loi a été donnée par Moïse mais la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ », Jean 1, 17. .

Confusion exploitée par la hiérarchie de l’Église. Celle-ci, en effet, d’un côté utilisa à fond les connaissances des bâtisseurs pour réaliser les cathédrales romanes, puis gothiques, dont un grand nombre furent dédiées à Marie, mais d’un autre côté l’Église catholique romaine interdit les confréries aux conciles de Rouen (1189) et d’Avignon (1326). Car l’indépendance d’esprit de ses membres, leur mode de réunion, n’étaient pas assez contrôlables par le pouvoir clérical. Puis elle essaya de christianiser au maximum le mythe de la mort et de la résur­rection du maître. C’est ainsi que la légende de Maître Jacques trahi par son disciple nous rappelle de façon évidente le thème du calvaire. De même les vêtements de Maître Jacques seront partagés.

Scission entre les compagnons

La scission se fera histori­quement de façon progressive aux XVe et au XVIe siècles. C’est ce qui a été appelé la scission d’Orléans. La ville d’Orléans après avoir été réformée, redevint catholique. Elle subit donc les représailles des Huguenots qui en 1567 firent sauter la croisée du transept de la cathédrale Sainte-Croix. Ces luttes confessionnelles accélérèrent la rupture entre les différents mou­vements de compagnons. Les compagnons réformés, issus des enfants de Salomon (Ancien Testament) prirent le nom de gavots. Les Compagnons du Devoir, disciples de Maître Jacques et du Père Soubise, fidèles au Catholicisme, prirent le nom de « dévorants », mais il semble que déjà depuis la fin du XIVe siècle la décision avait été prise de ne recevoir comme compagnons que des catholiques.

De même, les ordonnances et articles de la guilde des tailleurs de pierre de la grande Loge de Stras­bourg, rénovée à la Saint-Michel 1563, précise dans son article XVII : « aucun artisan ou Maître ne sera reçu dans la guilde, s’il ne reçoit une fois l’an le Saint-Sacrement, ou ne respecte pas la discipline chrétienne, ou s’il gaspille son bien au jeu ». Ce qui n’empêchait pas jusqu’au XVIIe siècle de voir les compagnons protestants et catholiques se recevoir réciproquement dans la plus parfaite tolérance.

Perte de l’esprit compagnonnique

Cependant, l’existence même de deux courants compagnonniques, l’un se référant au Judaïsme (construction du Temple de Salomon), l’autre au chris­tianisme (sanctuaire du Corps du Christ) ne pouvait entraîner que rivalité et être la cause de la perte de l’esprit sacré, véhiculé par les bâtisseurs, la notion de devoir face au travail et non pas celle de droit… La décadence de la monarchie de droit divin alla alors de pair avec la perte de la notion de sacralisation du travail.

L’esprit du XIIIe siècle aboutit ainsi à la Révolution Française qui sonna le glas du compagnonnage.

Celui-ci fut officiellement supprimé par le vote de la Cons­tituante du rapport. Le Chapelier le 14 Juin 1791. « Il n’y a plus de corporations dans l’état ; il n’y a plus que l’intérêt particulier de chaque individu et l’intérêt géné­ral ». Les Jacobins se lancèrent alors à cette époque dans une entreprise de démolition des cathédrales, chefs d’œuvre d’ar­chitecture, construites entre les Xe et XIIIe siècles par les compagnons. Ils succédèrent ainsi dans leurs actions dévastatrices aux destructions commises au XVIe siècle par les protestants. Le compagnonnage ne se remit pas de cette période troublée. Le XIXe siècle fut sa période la plus noire. Certains compagnons farouche­ment anticléricaux refusèrent toutes références rituéliques. Gavots et Dévorants se battirent allègrement. D’autres compa­gnons, également Francs-maçons, voulurent imposer des modifica­tions aux statuts. Malgré ses efforts, Agric Perdiguier, Gavot, Avignonnais-la vertu ne réussit pas à ressouder les trois associations de compagnons :

  • La Fédération compagnonnique qui devint l’Union compagnonnique.

  • Les Sociétés du Devoir.

  • Le Devoir de Liberté.

Car une nouvelle force appa­rut : le syndicalisme. Seule une figure émerge de cette grisaille, Viollet-le-Duc qui permit par son action le sauvetage de nombreux monuments dont l’Église de Vezelay.

Le compagnonnage à l’entrée de l’ère du Verseau

Qu’en est-il aujourd’hui ? Depuis quelques années, le compagnonnage semble prendre un nouveau départ. Mais sur quelles bases ? Il est nécessaire qu’à ce niveau les choses soient parfai­tement claires. L’ère du Verseau se fait déjà sentir et la période transi­taire que nous vivons actuellement aura certainement pour but d’épurer toutes les œuvres humaines, même celles qui veulent utiliser la Tradition pour survivre. Le compagnonnage devra d’abord retrouver la notion d’Espace-Temps sacralisé. Une Société initiatique n’a strictement rien à voir d’un humanisme décadent des acquis sociaux dont la valeur ne repose malheureusement pas sur les capacités morales et profession­nelles de ses membres.

Le compagnonnage n’est donc pas seulement un lieu de rencontre et d’échange professionnel, c’est un tout, une communauté d’êtres désirant progresser spirituellement grâce à la confrontation par le métier. En effet, si les intellectuels perçoivent peut-être la perte du Royaume des Cieux, ce sont les manuels qui sauront en ouvrir les portes.

Le compagnonnage vit donc actuellement une épuration mais aussi un renouveau. Il sortira vainqueur de cette période troublée s’il élimine certains boulets qui l’empêchent de se diriger vers la lumière. Il doit donc abandonner fondamentalement toute référence à l’Ancien Testa­ment, à la légende d’Hiram. L’ère du Verseau naîtra de l’ère des Poissons et non de l’ère du Bélier. Cette constatation élémentaire basée sur le respect des cycles du Temps est un fait incontour­nable… Le compagnonnage doit donc s’appuyer sur le message spirituel véhiculé par l’ère des Poissons, le Christianisme, et se référer au Maître Suprême, mort et ressuscité pour sauver l’huma­nité. Historiquement, le savoir des compagnons est à l’origine de la réalisation en l’espace de trois siècles, de 80 cathédrales, 500 grandes églises et quelques dizaines de milliers d’églises paroissiales.

Ces monuments sacrés cons­truits et orientés selon des données astronomiques extrêmement rigoureuses n’avaient pas pour but de décorer le paysage… Ils furent construits par amour et respect pour le Divin. De plus, la plupart des cathédrales furent dédiées à la Vie. Et nous abordons là un autre problème clé que vit actuellement le compagnonnage.

La « Mère »

Les compagnons ont toujours fait référence à la « Mère ». Les cayennes, lieux de séjour et de rencontre des compagnons, étaient tenues par une Mère. Mais la Mère, c’est aussi l’Église et Marie qui transcende la notion de déesse-mère. Que les compagnons aient eu des rapports souvent difficiles avec la hiérarchie de l’Église, les faits historiques nous le montrent abondamment.

Cependant, comme nous l’avons déjà vu, les associations de compagnons étaient plus ou moins dans le giron d’un ordre majeur, d’un ordre monastique. Et les rapports conflictuels qui ont pu se créer viennent aussi bien de la part des compagnons qui n’ont peut-être pas toujours accepté pleine­ment le message christique et ses implications au niveau de la manifestation de la Tradition, que de l’Église qui a pu avoir le sentiment de ne pas assez bien contrôler des individus aux coutumes particulières. L’ère du Verseau devra épurer ce conten­tieux pour que les sociétés de bâtisseurs puissent œuvrer pleine­ment au Temple de l’Esprit et retrouver aussi leur mère natu­relle, à laquelle ils sont cependant restés les seuls à se référer. L’ère du Verseau, que certains considèrent comme le début du millénium, permettra d’aboutir à la réalisa­tion du Temple véritable, le Temple Céleste.

Le Temple de l’Esprit

A travers l’histoire du peuple hébreux, la présence de Dieu s’est d’abord manifestée aux hommes sous forme d’une nuée (Exode, 13 à 24). Puis la présence sacramen­telle de Dieu se fixa au sein même de son peuple grâce à l’Arche d’Alliance.

« Je placerai ma demeure au milieu de vous, et mon âme ne vous prendra pas en dégoût » Léviti­que 26, 11.

Cette Arche fut ensuite placée au sein même d’une construction, du Temple de Salomon quand le peuple élu put enfin vivre en Terre Promise. Mais cette réalisation entraîna un appauvrissement de la notion de Dieu, car elle fut consi­dérée par les Hébreux comme un aboutissement. « Car je n’ai pas habité dans une maison depuis le jour où j’ai fait monter d’Égypte les fils d’Israël jusqu’à ce jour ; j’ai cheminé dans une tente et un abri ». 2 Samuel 7, 6.

Dieu quitta donc ce Temple lors de sa destruction.

« La gloire de Yahvé sortit de dessus le seuil de la maison et s’arrêta sur les chérubins » Ézéchiel 10, 18.

Mais il restera fidèle à son peuple en le suivant dans sa dépor­tation en en manifestant sa royauté de lui-même.

« Par ma vie, oracle du Seigneur Yahvé, je lignerai sur vous d’une main forte et d’un bras étendu, dans un déverse­ment de fureur », Ézéchiel 20, 33.

De retour déportation le temple fut reconstruit et détruit de nouveau car le vrai Temple, le Temple de l’Esprit s’était incarné sur Terre (Jean 2, 21).

Et c’est ainsi que les cathé­drales, réalisations temporelles, furent, dans les siècles qui suivirent leur construction, souillées et blasphémées par les hommes, car le Temple des derniers temps avaient déjà été annoncés.

« Il adviendra, après cela, que je répandrai mon esprit sur toute chair », Joël 3, 1.

Cette prophétie de Joël préfi­gure les propos du Christ. « Mais lui parlait du sanctuaire de son corps », Jean 2, 21, qui affirme ensuite : Jésus lui dit « Crois-moi, femme, elle vient l’heure où ce n’est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Mais elle vient l’heure, et c’est maintenant, où les véritables adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité », Jean 4, 21-23.

Temples et Thérapeutes

Le Christ annonce donc à travers l’évangile de Jean qu’à l’image du maître mort et ressuscité, nous sommes nous aussi des temples de l’Esprit abreuvés à cette eau qui coupe à jamais la soif.

« L’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source d’eau jaillissante en vie éternelle », Jean 4, 14.

Or en cette nuit des temps, l’état physique de ces sanctuaires est dans un tel état de délabrement qu’il ne sont plus capables de recevoir cette eau vive. Et de son côté Paul affirme : « Or ne savez-vous pas que votre corps est un sanctuaire du Saint-Esprit qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? Vous avez été acheté bien cher ! Glorifiez donc Dieu dans votre corps », 1 Corinthiens 6, 19-20.

A l’image des bâtisseurs recons­truisant le Temple de Salomon ou restaurant les cathédrales après la tourmente de la Révolution, il devient donc de nos jours néces­saire de restaurer nos corps à leur niveau physique et mental pour que l’Esprit y soit accueilli. On ne reçoit pas un invité de marque dans une porcherie. Il devient donc nécessaire et urgent qu’un nouvel ordre de thérapeutes prenne en charge la santé physi­que, mentale… et spirituelle des êtres en pratiquant une véritable médecine « religieuse », c’est-à-dire qui relie le Ciel et la Terre. Cette médecine fut autrefois couramment pratiquée car dans toutes les Sociétés traditionnelles, le thérapeute, astrologue, était avant tout prêtre. Cela fut prati­qué également en Occident jusqu’à la naissance de la médecine scientifique par des confréries de barbiers. En effet, ces chirurgiens-barbiers, souvent méprisés par les médecins des facultés, avaient eux aussi leur propre confrérie. Certains soupçonnent fort d’ail­leurs Paracelse, de par le port de son épée, d’y avoir appartenu. Il est donc, de nos jours, de plus en plus urgent de retrouver cette véritable médecine initiatique où le devenir de chaque être pourra enfin prendre le pas sur le devenir de son avoir… C’est le devoir des compagnons des métiers de la santé de construire ces nouveaux Temples, œuvres de l’Esprit.

BIBLIOGRAPHIE

Bible : Osty.

Le compagnonnage en France. J. -P. Bayard ; Payot.

Les Étoiles de Compostelle. H. Vincenot ; Denoël.

Les mystères de la cathédrale de Chartres. L. Charpentier ; Laffont.

Le cycle de l’humanité adamique. J. Phaure ; Deny ;

Melkitsedq. J. Tourniac ; Album Michel.

– Revue Atlantis N° Mai-Juin 1974: Aspects insolites de la Cathédrales de Strasbourg.

– Conférence de J. Phaure. Chartres 16 Août 1986.

– Enseignement théologique du Monastère de la Sainte Présence. Saint-Doloy.

Paracelse. E. Marié. Chant de la Licorne N° 14.

– Denys JEGOUZO. Compagnon des métiers de la santé.