Éric Marié
La médecine hermétique de Paracelse

(Revue Le chant de la licorne. No 16. 1986) L’œuvre écrite de Paracelse [1] est considérable, plusieurs milliers de pages, regroupées pour la première fois par John Huser, de 1589 à 1603. Parmi les nombreux sujets traités, la médecine y tient une place importante. Poursuivant sur la voie empruntée par Arnauld de Villeneuve (1235-1311) ou […]

(Revue Le chant de la licorne. No 16. 1986)

L’œuvre écrite de Paracelse [1] est considérable, plusieurs milliers de pages, regroupées pour la première fois par John Huser, de 1589 à 1603. Parmi les nombreux sujets traités, la médecine y tient une place importante. Poursuivant sur la voie empruntée par Arnauld de Villeneuve (1235-1311) ou Jean de Rupescissa (milieu du XIVe), Paracelse va, par son effort de systématisation et un génie hors du commun, faire de la Médecine Hermétique un système médical cohérent au service de l’humanité souffrante.

ORIGINE DE LA MÉDECINE HERMÉTIQUE

Introduction et définition : La médecine hermétique est une médecine énergétique et spirituelle. Or plusieurs points sont très importants lorsqu’on étudie une médecine énergétique et spirituelle. Fondamentalement, toute discipline a une organisation répartie sur quatre plans :

extérieur

intérieur

secret

profond.

Ceci peut s’appliquer aussi bien à l’Astrologie qu’à la Médecine, à la Chimie qu’à la Physique ou à n’importe quelle autre discipline.

Par exemple, en Astrologie, nous allons observer le déroulement de ces quatre plans.

1) Le plan extérieur sera l’Astronomie, c’est-à-dire la science qui permet de déterminer la position des différents corps célestes, de comprendre et de prévoir leurs mouvements. La partie extérieure de l’Astrologie sera donc la science des proportions, des nombres et des symboles appliqués au Macrocosme. C’est à partir de cet élément extérieur qu’il est possible de reproduire d’une manière schématique une situation macrocosmique dans une représentation comme une carte du ciel.

2) La partie intérieure de l’Astrologie est la science des analogies et des signatures, qui permet de mettre en relation une partie ou une autre du Macrocosme avec ses correspondances dans le corps de l’homme ou de n’importe quel élément de la nature.

3) La partie secrète consiste à observer, à appréhender, à pouvoir établir une investigation sur les raisons profondes de cette analogie. Il ne s’agit donc plus seulement d’un stade de constatation, mais d’une véritable pénétration dans l’essence des lois astrologiques. Il est ainsi possible, non seulement d’observer les formes extérieures du Macrocosme et du Microcosme, mais également de visualiser leurs archétypes, c’est-à-dire les énergies primordiales qui sont mises en mouvement.

4) La partie profonde que l’on peut aussi appeler partie absolue, consiste à réaliser d’une manière complète le fait que, fondamentalement, les objets n’ont pas d’apparence extérieure, en tout cas que cette apparence n’a pas de réalité profonde. On découvre ainsi que le monde des perceptions est un monde en perpétuel changement dans lequel l’Esprit ne peut pas s’investir, et que profondément, toutes choses sont identiques et confondues dans leur non-existence universelle. Cette dernière partie permet d’atteindre la réalisation ultime de la véritable nature de l’Esprit et par là même la plus grande liberté de conscience possible.

On peut également utiliser cette division pour la Médecine. Par exemple, on pourrait dire qu’en première partie on trouve l’anatomie, la physiologie, et les autres disciplines de la Médecine matérialiste. Dans la deuxième partie pourraient se trouver des disciplines comme la psychologie et la psychosomatique où on peut découvrir des relations inapparentes au premier degré entre les phénomènes psychiques et physiologiques. La troisième partie permettrait de comprendre les degrés secrets de la Médecine comme l’étude de l’organisation interne de l’être humain à travers, ses différents circuits énergétiques, c’est-à-dire la manière dont il s’exprime en tant qu’élément de manifestation, depuis le plan archétypal jusqu’au plan des apparences qu’est le plan physique et avec tous les niveaux intermédiaires. Cette troisième partie est communément appelée Physiologie ésotérique ou Médecine énergétique. Enfin, la dernière partie consiste à réaliser la véritable nature de l’Esprit et donc à comprendre que des éléments paradoxaux comme la maladie et la santé, comme la naissance et la vieillesse, comme la vie et la mort, sont intrinsèquement confondus et relèvent d’une même nature. En fait, toute discipline pourrait avoir ces quatre niveaux de manifestation.

Ce qu’il est fondamental de comprendre c’est que, plus notre conscience s’investit dans la partie la plus dense, la partie extérieure d’une science, plus il y a de difficultés à l’appréhender dans sa totalité et moins la discipline étudiée sera compatible avec d’autres sciences. Si au contraire on s’avance dans la partie intérieure, voire dans les degrés secrets et absolus, toutes les disciplines se confondent. C’est la raison pour laquelle un Être véritablement réalisé a une connaissance naturelle, ce qui ne veut pas dire forcément innée, mais conforme à sa véritable nature. Un tel Être peut aborder tous les aspects de la connaissance à partir de leur nature intrinsèque, nature dans laquelle ces différents aspects du savoir sont confondus.

Pour nous qui évoluons dans un monde dense avec beaucoup de voiles et d’obstacles à notre compréhension, beaucoup de facteurs perturbateurs comme les émotions, l’ignorance, il est difficile d’appréhender la partie absolue d’une discipline. Aussi avons-nous besoin d’un entraînement, d’une construction et de différentes accumulations pour nous permettre progressivement d’affiner notre perception du monde extérieur et notre perception de notre monde intérieur, afin de pouvoir progresser dans une approche de plus en plus précise, de plus en plus interne de la discipline que l’on pratique. Dans les pays orientaux comme l’Inde, le Tibet, la Chine, le Japon, l’étude de la science médicale implique une compréhension des lois cosmiques et telluriques. Aussi, lorsque l’on entend évoquer le terme de Médecine énergétique, il est courant de considérer que cette démarche est spécifiquement orientale. Pourtant, dans nos pays occidentaux, toute une tradition médicale s’est élaborée au cours des siècles depuis la Haute Antiquité, en intégrant une compréhension holistique de l’Homme et une perception précise du Cosmos. La Médecine hermétique est une de ces traditions médicales.

Unité de la médecine : Lorsqu’on étudie la Médecine hermétique, on s’aperçoit qu’elle peut être abordée selon différents systèmes de classification :

1) La Médecine hermétique constitue fondamentalement une unité indivisible.

2) Elle comporte deux niveaux d’investigation : microcosmique et macrocosmique.

3) L’ensemble des objets qui composent cette discipline, c’est-à-dire l’anatomie, la physiologie, la pathologie, etc., peuvent être abordés à partir de la compréhension des trois agents alchimiques qui organisent l’ensemble de la matière.

4) La Médecine hermétique peut s’étudier à partir de la division de l’Univers en quatre grandes forces élémentaires qui sont le Feu, l’Air, l’Eau et la Terre.

5) Les causes des maladies selon Paracelse, peuvent provenir de cinq entités fondamentales l’entité des Astres, l’entité naturelle, l’entité du poison, l’entité spirituelle et l’entité de Dieu.

6) Lorsque l’on associe l’étude de la Médecine à celle de l’Astrologie, ce qui est indispensable dans l’approche que nous proposons, on doit concevoir pour chaque phénomène médical, sept manifestations énergétiques différentes possibles, en fonction de la dialectique des sept planètes de h tradition : Soleil, Lune, Mercure Vénus, Mars, Jupiter et Saturne

7) On doit tenir compte du fait que l’organisation du monde est basée sur la complémentarité de douze grandes forces ou archétypes dont la principale manifestation en Astrologie sera les douze signes du zodiaque.

On peut aborder la Médecine hermétique à partir d’un de ces systèmes dialectiques mais il est préférable, pour en avoir une vision globale, complète d’aborder successivement et parallèlement ces différents systèmes. Mais il faut bien comprendre que ces approches distinctes ne sont que des méthodes pédagogiques, des procédés didactiques qui permettront finalement de réaliser que la Médecine hermétique a une unité fondamentale indissoluble. Cette unité est de deux natures : premièrement, c’est l’unité de son origine. Deuxième ment, c’est l’unité du moteur, de la motivation qui convient à celui qui la pratique.

1) Unité de son origine : Tous les systèmes médicaux qu’ils soient d’essence orientale et occidentale, ont une origine divine. Paracelse insiste beaucoup sur ce point. Il faut savoir qu’en Occident, jusqu’à Hippocrate, la Médecine était exclusivement transmise à travers une démarche initiatique. Ainsi, en Égypte, son enseignement était dispensé dans les temples et il était nécessaire d’avoir acquis le premier degré de prêtrise pour pouvoir bénéficier d’un apprentissage de la science médicale. Hippocrate fut peut-être le premier à donner à la Médecine son caractère plus « expérimental », c’est-à-dire qu’il participa, d’une certaine manière, à sa désacralisation. Mais alors qu’Hippocrate, sans aucun doute, possédait lui-même la connaissance profonde des postulats de la Médecine, ses successeurs perdirent rapidement toute connaissance profonde de cette discipline. C’est ainsi que la Médecine évolua jusqu’à sa situation actuelle, du moins en ce qui concerne la Médecine majoritaire exotérique. Parallèlement, d’une manière beaucoup plus cachée, toute une tradition médicale ésotérique se poursuivit à travers les âges. Cette tradition médicale, fut soumise, selon Paracelse, à sept voies de transmission que nous aborderons plus loin.

2) Unité de la motivation du thérapeute : Le moteur fondamental de l’activité du thérapeute doit être la Compassion. Paracelse accorde une grande importance au caractère miséricordieux du médecin ; c’est ainsi qu’il écrit dans son ouvrage sur l’épilepsie (De caducis liber) :

« […] Il est nécessaire avant tout de vous décrire la miséricorde qui doit être chez le médecin une qualité innée ; car plus je regarde à droite et à gauche, plus je remarque chez les médecins l’absence de miséricorde qui témoigne de l’absence d’amour pour les malades. Sans Amour, point d’art […].

Il me paraît justifié de parler un peu du médecin et j’espère être loué parce que je dévoile et parce que j’explique ce qu’est le Médecin et ce qu’est la Médecine. Tous deux ne sont que Miséricorde, Miséricorde accordée par Dieu à ceux qui en ont besoin. Il est donc nécessaire de parler de la Miséricorde car elle naît de l’Amour d’où jaillit l’art, l’art qui doit se révéler et se manifester ensuite dans le médecin. La médecine n’est que miséricorde et le médecin est le seul garant de la miséricorde qui jaillit de Dieu pour l’homme. Aussi le médecin doit-il, dans cette miséricorde et dans cet amour, se trouver dans les dispositions de Dieu par rapport à l’homme. S’il ne traite donc pas le malade avec miséricorde et avec l’amour dans lequel il doit rechercher Dieu, pourquoi Dieu manifesterait-il à son égard la miséricorde et l’amour que l’homme refuse lui-même malgré la volonté divine ? Car le médecin et la médecine sont uniquement présents pour être les intermédiaires par lesquels le malade éprouve et voit avec ses sens l’amour et la miséricorde de Dieu. Or si le médecin n’a point ce penchant d’amour et de miséricorde, il est privé de ce qu’il lui vient de connaître.

Le Christ nous enjoint de prier pour notre pain quotidien. C’est donc que nous n’y avons aucun droit et que Dieu ne nous doit rien. Nous ne possédons absolument aucun des mérites qui nous permettraient de conserver ce que nous possédons et Dieu pourrait nous prendre à tout instant ce qui est un don de son amour et de sa miséricorde. Le pain est une offrande de la miséricorde divine, il ne nous est point dû, il n’est pas en notre pouvoir. Sachons qu’il en va de même pour la médecine. Car l’un est le pain qui nous nourrit, l’autre est le pain qui nous guérit. De toute façon, il s’agit du même pain que nous demandons par une même prière. Par lui, la faim des membres malades et bien portants est rassasiée ».

Pour Paracelse, la compassion n’est pas seulement une qualité éthique. Elle est véritablement le précepteur du médecin, celui qui l’instruit. Si notre cœur penche vers les malades, la médecine se révèle à notre connaissance. Sinon, nous demeurons dans l’ignorance. Car si la médecine est d’essence divine, sa manifestation ne peut être que divine également. C’est ainsi que le médecin doit avoir les qualités fondamentales sur le plan spirituel qui lui permettent, grâce à sa motivation profonde, d’aider ceux qui souffrent, de comprendre ou d’apprendre ce qui pourrait les soulager. C’est pourquoi Paracelse dit qu’on peut juger la valeur du médecin, non seulement sa valeur morale, mais véritablement sa valeur scientifique et technique, à la grandeur de sa miséricorde et de son amour. Il explique que la compassion procure au thérapeute art et expérience ; à travers sa méditation, il reçoit la révélation des remèdes qui peuvent traiter les maladies même lorsqu’elles sont jugées incurables. Ce qui détermine donc l’efficacité du médecin, c’est sa capacité à percevoir le moyen de soulager le patient ; or, selon Paracelse, cela découle forcément de la connexion qu’il a avec le plan divin. Et cette relation ne peut être basée que sur la compassion et l’amour par rapport à son prochain. Par ailleurs, la fonction du médecin est sacerdotale : il n’est pas désigné par l’homme, ni par la faculté, mais par Dieu lui-même. « La médecine n’est pas chez celui que choisit l’homme, mais chez celui que choisit Dieu. Il connaît le cœur du médecin, il ne prête pas attention à ses grades, aux écoles, à la pompe, aux titres, à sa lettre et à son sceau, mais il fait attention au miséricordieux et il lui accorde le remède. Sachez que ce sont les bienheureux et non les autres, ceux qui ont été élus par Dieu et non ceux que l’homme a élus, qui ont découvert la médecine dont la vérité est parvenue à nos oreilles. Aussi faut-il nous glorifier de détenir la vérité de ces bienheureux et non des bavards des grandes écoles ».

On peut s’interroger pour savoir comment le médecin peut avoir, par sa compassion, la connaissance de la médecine et des remèdes. Selon Paracelse, toute maladie a sa contrepartie dans la nature sous forme d’un remède bien spécifique. Mais il ne suffit pas que ce remède existe, il faut encore qu’il soit découvert et préparé d’une manière adéquate. « Certes, la médecine croît sans qu’on la recherche. Elle jaillit de terre, même sans prière. Mais à quoi sert-il qu’elle se trouve dans le champ et que nous l’ignorions ? À quoi sert-il de la tenir en main et de ne pas savoir où la déposer ? Ce doit être le but de nos prières. Ce que l’amour permet de réaliser, ce n’est pas seulement une observation précise de la nature, ni même la découverte de la matière première des remèdes, mais surtout la compréhension interne de l’Arcane qui agit intrinsèquement dans le remède pour lui permettre de rétablir la santé ».

Comment la médecine hermétique fut transmise : Le caractère de tradition d’une médecine, est lié au phénomène de transmission ininterrompue de la connaissance. Le problème revient à savoir comment la lumière naturelle, d’essence divine, a pu pénétrer la conscience de l’homme, lui permettant de réaliser la connaissance profonde de la médecine. Selon Paracelse, l’homme est une totalité de par le corps, mais point de par les arts, les sciences et les techniques : ceux-ci ne lui sont pas donnés clairement une fois pour toutes, il doit les apprendre et les approfondir. Or, nous n’apprenons en fait que ce que nous connaissons déjà. Selon Paracelse, il n’est point un seul homme qui, dans la lumière naturelle, ne soit omniscient. Mais chacun d’entre nous ombrage et assombrit tout ce qu’il possède. Il s’agit alors de faire jaillir la lueur par un processus que l’on pourrait qualifier d’initiatique, permettant une transformation profonde de l’être. Ceci n’est pas sans rappeler la tradition tibétaine, qui enseigne que l’Esprit a une connaissance parfaite, seulement voilée par l’opacité des émotions perturbatrices. Pour expliquer cela, Paracelse prend un exemple tiré de la nature. Lorsque nous semons une plante dans un jardin, semer et planter sont deux opérations nécessaires. La plante, autrement, ne pousserait pas. Nous donnons quelque chose à la terre pour le lui reprendre par la suite, lorsque nous récolterons le fruit de cette plante. Il en est de même lorsqu’on nous inculque et lorsqu’on nous enseigne un art. Celui qui nous instruit, tire sa science de la lumière naturelle, directement s’il s’agit d’un être réalisé, ou indirectement s’il s’agit d’une personne qui a reçu elle même un enseignement. En fait, chacun d’entre nous possède cette science avec autant de perfection, mais il s’agit seulement de la faire renaître. Or, on observe qu’il pousse bien des herbes que l’on ne sème point dans la nature, et qui souvent, sur le plan médical, sont bien meilleures que les espèces domestiques. La force de la terre et la lumière de la nature sont telles qu’elles ne chôment jamais. En fait, le cœur de l’homme est comparable à un jardin. Si nous ne pouvons faire pousser dans un jardin toutes les plantes qui existent dans la nature, ce n’est pas faute de connaître l’existence des différentes espèces. Ce qui nous manque surtout, c’est le moyen de produire les plantes vigoureuses ayant les qualités médicinales adaptées, c’est-à-dire des espèces aussi puissantes que celles que la nature nous offre. Ceci découle du fait que notre connaissance des lois de la nature, d’une part, et d’autre part notre pouvoir sur la nature est trop limité. De la même manière, si l’homme intérieur est créé pour qu’il se regarde lui-même avec son corps extérieur, alors il apprendra ce que personne ne peut lui apprendre et chaque homme s’émerveillera à son propre sujet. Voilà, selon Paracelse, la source de l’art des œuvres naturelles.

« Mais alors, qui a dit au médecin que la plantain calme le flot menstruel ? Il ne le trouve pas en lui, qui lui a dit de l’utiliser ? Le créateur seul a appris au médecin à s’instruire, à combler son ignorance, à puiser sa science à la force de la seconde création, c’est-à-dire à la lumière naturelle. Or, cette révélation et cette connaissance s’opèrent suivant 7 voies qui sont, dans les arts, nos précepteurs ».

Paracelse expose ensuite la nature de ces 7 chemins qu’a pris la connaissance pour être transmise jusqu’à nous.

La première voie est la voie ordinaire dont les arcanes sont le témoin : ce sont des créatures spirituelles, vraisemblablement les anges, pour employer une terminologie occidentale, qui en ont été les précepteurs. Or ils ont transmis leur connaissance comme un maître enseigne à ses disciples. En effet, les anges vivant dans le sein de Dieu, et en présence de sa lumière permanente, ont une connaissance innée des secrets de la nature.

La deuxième voie dont parle Paracelse est d’essence humaine. Un homme a souvent donné à son prochain un conseil utile ; le premier homme parfois n’a pas suivi ce conseil lui-même, mais la lumière naturelle a été favorable au second et ce qui en a jailli s’est tourné vers le bien ou vers le mal. Mais cette seconde voie, liée à la transmission d’une connaissance par la parole, a permis à la lumière naturelle de venir jusqu’à nous.

Le troisième moyen dans l’acquisition de l’art de la science médicale a pu être une expérience due à ce qu’on appelle le hasard, que l’on pourrait nommer avec plus de précision, des circonstances favorables. C’est ainsi qu’on a utilisé une découverte faite sur un ouï-dire, ou même sur une simple intuition. Le résultat en a été favorable et l’auteur de cette découverte a permis à la lumière naturelle de se transmettre.

La quatrième méthode est essentiellement magique. Elle fut utilisée dans l’histoire par les mages, les nécromanciens, les géomanciens, etc. Il faut cependant exclure de cette voie celle qui provient de la connaissance astrologique, car il s’agit essentiellement ici d’une acquisition de savoir par des moyens magiques ou par les sortilèges. Selon Paracelse, celui qui acquiert une information par ce moyen n’est pas réellement l’auteur ni le transmetteur conscient de la lumière naturelle. Mais on peut dire que la lumière naturelle s’est révélée de façon ambiguë par la force de leur désir, par le pouvoir naturel de la magie ou encore par un concours de circonstances : car la lumière naturelle joue ainsi avec l’homme. Il faut cependant signaler que beaucoup de ces connaissances ont dégénéré et sont seulement devenues des techniques magiques, dans un sens assez péjoratif. Car il ne suffit pas d’avoir une aspiration à la connaissance et encore moins un désir de pouvoir, pour découvrir la lumière naturelle ; il faut pour atteindre cet art, une grande foi en la sagesse divine et un « désir de feu ».

La cinquième voie est constituée de différents systèmes, comme la chiromancie, certaines sciences des oracles à partir des herbes et du bois (systèmes des runes, utilisées autrefois dans les pays nordiques, Yi King, employé en Chine,…). Paracelse explique que ce n’est pas sans raison que les anciens ont pratiqué ces sciences avec application. Et si de nos jours elles ne servent plus que pour les prédictions, leur usage était autrefois également de découvrir les arts et les sciences. Il s’agissait donc, à l’origine, de moyens initiatiques dont l’essence a été perdue par l’humanité moderne.

La sixième méthode est basée sur la relation qui peut exister entre la forme extérieure d’une chose et l’essence intérieure qu’elle renferme. La morphopsychologie est peut-être une application de cette voie. Mais il n’existe pas seulement une physiognomonie des hommes, il en existe une aussi des différentes choses qui croissent. C’est ainsi qu’ont été découvert un certain nombre de secrets médicaux.

La septième méthode est la méthode de l’analogie : il s’agit de comparer les formes entre elles, les symboles entre eux, etc. Ce septième mode de transmission de la connaissance a évolué vers ce que nous nommons actuellement : « Science des signatures ».

Il existe, dit Paracelse, de nombreuses autres voies pour découvrir les arts. Cependant, les sept que nous venons de citer sont les plus importantes. Paracelse ne manque pas d’attribuer une grande importance à l’expérience directe qui peut être vécue par le chercheur. Elle joue un très grand rôle, notamment dans les sciences alchimiques, lesquelles réalisent des découvertes insoupçonnées, pleines de la plus grande signification, auxquelles la raison peut puiser bien des vérités.

MICROCOSME ET MACROCOSME

« Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, mais à l’inverse ».

La médecine hermétique met en relation deux mondes, le microcosme et le macrocosme, qui sont unis par un système de correspondances. Ce système d’analogies s’exprime à la fois entre le monde extérieur et le monde intérieur, d’une part, et d’autre part, entre les différentes parties du monde intérieur. Ce qui fait que la notion de microcosme, bien qu’elle soit issue du principe d’Hermès : « Ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, mais à l’inverse », intègre également cet autre principe hermétique : « Tout est dans tout ». Les analogies sont ordonnées de manière précise, ce qui signifie que dans l’homme se trouve l’ensemble de l’Univers, mais que cet ensemble se trouve également présent dans chaque partie de l’homme. L’être humain est donc une reproduction conforme au macrocosme, surtout du point de vue énergétique. En effet, la relation d’analogie ne peut être assimilée à un simple rapport de similitude morphologique. Il s’agit, en fait, plutôt d’une correspondance ésotérique, donc inapparente, basée sur la nature profonde des différents objets du monde. Ce qui réunit ces différentes manifestations énergétiques qui sont issues d’un même archétype, c’est leur Arcane.

Paracelse nomme le macrocosme, grand monde, et l’homme, petit monde ou encore, petit Univers. De la même manière que l’Univers est composé de corps célestes, l’homme est constitué d’organes énergétiques en relation avec les polarités présentes dans le ciel. Les principaux organes du corps (cerveau, cœur, foie, poumon, etc.) jouent un rôle analogue dans l’organisme à celui qui est assumé par les différentes planètes dans le système solaire ; cela signifie qu’en observant les planètes du macrocosme et leurs relations, on peut comprendre ce qui se produit dans l’homme, ou microcosme.

Paracelse écrit : « L’homme est le petit monde ; aussi a t-il en lui tout ce qu’embrasse et tout ce qu’a en lui le grand monde, ce qui est sain et ce qui est malsain ».

Il faut comprendre que cette analogie entre microcosme et macrocosme fera intervenir les mêmes niveaux de division entre ces deux mondes. Dans le macrocosme, se trouveront les quatre éléments, les trois agents constituants de la matière (Mercure, Soufre et Sel), de même que dans le microcosme. C’est surtout à partir des relations énergétiques entre ces différents éléments que s’établira l’analogie entre le ciel et l’homme.

Mais pourquoi est-il nécessaire d’appréhender le grand monde ou macrocosme pour connaître l’être humain ? Paracelse donne également la réponse à cette question : « Le monde extérieur est le miroir de l’homme, sa théorie est son anatomie, donc ce par quoi l’homme se connaît totalement. L’homme lui-même ne peut, en effet, suffire à comprendre la grandeur et la noblesse de sa propre création, avec ce caractère de nécessité qui doit être celui de la science médicale. Le médecin doit donc assumer et expliquer la description de la maladie en partant de la description du grand monde ».

L’idée de l’homme conçue comme microcosme, chez Paracelse, n’est pas originale. Elle appartient, sans aucun doute, aux traditions de pensée les plus anciennes. A la théorie du microcosme se trouve étroitement liée, une conception anthropocentrique qui est tout à fait caractéristique de la médecine hermétique, plus particulièrement au XVIème siècle. Pour sa part, Paracelse adhère à cette conception, malgré quelques restrictions.

L’unité du monde trouve sa réponse par la référence à Dieu, qui rassemble les microcosmes pour former le grand Tout du macrocosme. Ce grand monde est donc conçu comme un ensemble de forces agissant parallèlement. On trouve ici certaines analogies de pensée avec la Kabbale, qui voit l’homme associé à la totalité du cosmos. D’après le Zohar, il existe, dans le vaste espace céleste, des figures et des symboles au moyen desquels on peut découvrir les secrets les plus profonds.

Organisation du macrocosme et du microcosme

La médecine hermétique fut fortement imprégnée des conceptions et des images de la pensée antique. L’Univers se compose de trois mondes :

Une monde supraterrestre (Monde des anges, des entités spirituelles).

Un monde céleste auquel Paracelse va faire référence dans son Astrologie.

Un monde terrestre.

Parallèlement, l’homme se trouve au centre de ces trois mondes et son âme (actuellement, peut-être traduirions-nous par Esprit) se divise en trois parties :

La part raisonnable,

La part sensible,

La part végétative.

Il est à noter que, selon les traditions physiognomoniques anciennes, ces trois activités humaines sont en relation avec les trois étages du visage : l’étage supérieur avec l’activité mentale, l’étage moyen avec l’activité sensible, l’étage inférieur avec l’activité instinctive. L’homme est capable de connaître et d’utiliser chacun des trois mondes, puisque les forces correspondantes agissent en lui. On trouve des références de cette organisation triple de l’homme dans Platon et Aristote ; d’ailleurs, la conception trichotomique de l’âme se retrouve chez Philon d’Alexandrie.

Création et organisation du cosmos : Le nombre trois, qui tient un rôle important dans les spéculations concernant Dieu et l’homme, caractérise également la création d’une manière générale. Certaines théories kabbalistiques font mention de trois « mères » qui ont engendré respectivement l’air, l’eau et le feu ; ces éléments ont ensuite fait naître le ciel, la terre et le vent. Dans de nombreuses civilisations, la triplicité est directement liée au phénomène de la création. Paracelse évoque les trois principes alchimiques (Mercure, Soufre et Sel) en tant qu’éléments de base, et notamment en tant que Materia prima des métaux. Cependant, Paracelse fait remonter l’idée de la Création à la manifestation du Verbe primordial, ce qui dénote clairement les influences chrétiennes de son enseignement et ce qui le situe à l’opposé de la théorie néoplatonicienne de l’émanation. À l’origine de la création, se trouve Dieu le Père à qui appartient également la lumière de la nature.

Selon la version paracelsienne, Dieu a d’abord créé un corpus composé de Soufre, de Sel, de Mercure. Cet agglomérat de départ contenait en germe tout ce qui allait apparaître par la suite. Pour d’autres, ce sont d’abord quatre corporats qui ont d’abord été créés par Dieu : le ciel, la terre, l’eau et l’air. Ceux-ci correspondent aux quatre éléments qui ont surgi du néant par la seule force du verbe « fiat ». Chaque élément, pour sa part, se compose de trois espèces ou trois agents, à savoir, le Sel, le Soufre et le Mercure.

À cette première création, dont fait également partie la mort, est opposée la seconde à laquelle fait parfois référence Paracelse. Celle-ci peut s’effectuer grâce au Christ et par l’entremise du Saint-Esprit. Bien entendu, on note ici une influence chrétienne fondamentale.

En substance, les théories hermétiques les plus courantes font intervenir, à l’origine, le « mysterium magnum » ou « grand mystère ». Il s’agit d’une sorte d’Esprit incréé, où toutes les forces latentes sont présentes mais non encore manifestées.

Le grand mystère ne contient aucun des quatre éléments, il n’est pas agité par la moindre gestation, c’est une sorte de plasma où rien n’est encore ordonné. Dans ce sens, on peut considérer qu’il est pratiquement immatériel.

Au sein du « mysterium magnum » apparaît « Iliaster » qui est quelque chose de plus manifesté, certes, mais encore difficile à définir. On peut, sans doute, y entrevoir la notion de matière première des alchimistes, au sein de laquelle rien n’est encore différencié.

De l’Iliaster, naît le Chaos primordial qui comporte une matière très subtile. Celle-ci contient en germe les trois agents fondamentaux qui constituent la matière première (Soufre, Mercure et Sel). Cette triplicité donne un pouvoir de création et de manifestation à la matière.

On peut donc dire que le « mysterium magnum » est l’expression de Dieu avant son stade créateur ; Iliaster est la première forme de la création de Dieu, l’émanation de sa triplicité. Dans Iliaster, le Soufre, le Sel, le Mercure sont à l’état archétypal, c’est-à-dire à l’état d’essence énergétique.

Le chaos donne naissance à la matière du monde manifesté. Mais, à ce stade, bien que l’Univers soit matérialisé et différencié, il n’est pas encore parfaitement ordonné. C’est à partir de ce chaos, que progressivement, de séparation en séparation, les êtres vont de plus en plus s’individualiser. Ce processus de différenciation est infini ; on peut dire, plus précisément, qu’il doit durer jusqu’à la fin des temps jusqu’à ce que tout l’ensemble de la matière soit devenu « matière absolue ». Cette matière absolue est la manifestation d’un corps arrivé à sa parfaite maturité, c’est-à-dire, lorsque la manifestation de l’Esprit peut se réaliser sans aucun obstacle à travers la matière qui est elle-même devenue parfaite.

L’Alchimiste reproduit ce processus de la création, mais d’une manière accélérée par la maîtrise et le contrôle des différentes forces présentes dans la nature. C’est ainsi que Dieu peut être considéré comme une sorte d’alchimiste suprême dont le laboratoire serait l’ensemble de l’Univers. Des principes et des ouvriers concourent à ce processus infini de développement. Les principes se nomment les quatre éléments et les trois agents. Dans ce grand œuvre, il n’y a ni absolue continuité ni absolue discontinuité, mais une alternance de phases de séparation et de coagulation (solve et coagula). Pour expliquer les successives séparations qui font aller du réservoir de matière à chaque objet particulier, Paracelse fait intervenir des « architectes » chargés de structurer toute substance de la nature : ce sont Vulcain et Archée.

Ces deux noms ont un caractère profondément symbolique qui n’échappera pas au lecteur perspicace. En fait, Vulcain et Archée ont des rôles qui peuvent être décrits à plusieurs niveaux de lecture.

Au premier degré, Vulcain a un rôle précis qui consiste, en s’alimentant dans le réservoir de l’Iliaster, à créer des êtres sans individualité, par exemple dans la terre, l’herbe, les arbres, etc. Archée, quant à lui, sait donner les traits définitifs à l’individu en formation et « le porter à son zénith ».

Il ne faudrait pas déduire de cela qu’il existe deux personnages, au sens mythologique du terme, dont les fonctions s’exercent sur l’ensemble de l’Univers. En fait, il existe autant d’Archées que d’objets. Chaque élément de la nature porte en lui cet architecte particulier qui assure sa spécificité. A la limite, le monde entier est empli d’Archées, c’est-à-dire de forces qui font naître, mûrir, grandir tel ou tel état en vue d’un Bien.

Il existe également un principe destructeur, le Cagastrum. Celui-ci, probablement issu de « la chute », peut être considéré comme un ver dans le fruit. Alors que les agents d’ordonnance rivalisent de talent pour organiser le monde, une force de destruction dégrade progressivement leur œuvre. Ainsi, au fur et à mesure que le monde se fait, il se désorganise également, puisque, pour se réaliser, il se transforme en parties de plus en plus distinctes et de plus en plus fragiles. Le Cagastrum est responsable de la déchéance et de la mort : les hommes se trompent, les objets se brisent, la nature se dégrade, le mal se répand. Et progressivement vient la fin : tout se corrompt parce que tout est éphémère, tout est soumis à l’impermanence. Ainsi le phénomène de séparation qui était à l’origine de la vie est aussi la condition de la mort.

Toutefois, l’homme ne meurt pas entièrement, car, comme la création, sa nature est double. Son corps matériel, bien sûr se détruit et disparaît. Même le second corps dont parle Paracelse, le corps astral, réceptacle des forces célestes n’échappe pas à cette destruction. Mais l’Esprit divin qui siège en l’homme échappe au Cagastrum, car, par son origine même, il est immortel.

LES QUATRE PILIERS DE LA MÉDECINE HERMÉTIQUE

Dans son livre « Paragranum », Paracelse affirme qu’il n’est pas possible d’étudier la médecine hermétique sans en connaître précisément les fondements. Il précise que cette discipline s’appuie sur quatre piliers qui sont : la Philosophie, l’Astronomie (ou l’Astrologie), l’Alchimie et la (ou les) Vertu(s). Il n’est peut-être pas inutile de développer ici ces quatre pierres d’angle, en les définissant et en expliquant leur raison d’être.

La philosophie : À notre époque, la médecine est présentée comme une science expérimentale ; il ne saurait donc être question de l’associer à une discipline philosophique. Mais le médecin hermétiste ne peut se résoudre à exercer exclusivement le rôle d’un technicien. Il se doit également d’être un humaniste. Le terme de philosophie est actuellement entendu comme une matière littéraire. À la Renaissance, ce terme synthétisait les modes d’accès à la connaissance, c’est-à-dire, notamment, les mécanismes de la perception et de la compréhension des concepts. Or, l’éducation de nos modes de pensée et l’acquisition d’une dialectique précise ne sont-ils pas indispensables à une bonne compréhension des lois de la nature qui sont à l’origine de la science médicale ?

Tout d’abord, Paracelse insiste sur la nécessité d’échapper aux conditionnements qui résultent de notre éducation, ainsi qu’à toutes les idées préconçues qui y sont associées. Il s’agit en fait de se préserver des dogmes qui sont issus de la pensée scolastique.

Tout d’abord, Paracelse reprend cette pensée d’Hippocrate : le médecin doit être un serviteur de la Nature. Mais pour pouvoir être disponible aux injonctions naturelles, il est nécessaire de les percevoir. Cette perception ne doit pas seulement être empirique, mais également intuitive ; en fait, il est nécessaire d’étendre sa connaissance au-delà de ce qui peut-être perçu. En plus des qualités d’intuition, de méditation, et de compassion, le thérapeute doit avoir une connaissance précise de l’organisation du monde. Les lois du ciel et de la terre, la répartition et les mouvements des quatre éléments, les manifestations du Soufre, du Mercure et du Sel doivent lui être familiers. En plus de tout cela, ses capacités de raisonnement, sa dialectique doivent être aiguisées.

Paracelse s’oppose fermement à la théorie des quatre humeurs. Il faut reconnaître que celle-ci, qui devait rester officielle jusqu’au XVIIème siècle, était essentiellement extraite de la métaphysique grecque, pratiquement sans aucun fondement expérimental. Au lieu de nommer les maladies en fonction des excès ou de déficience de sang, lymphe, bile et de mélancolie, Paracelse préconise une nomenclature basée sur le traitement et sur les correspondances astrologiques. C’est ainsi qu’une maladie sera nommée par le nom de son remède ou par les caractéristiques astrologiques auxquelles elle correspond. Ceci n’est pas sans relation avec le vocabulaire des modernes homéopathes qui désignent un patient en fonction du remède qui lui convient le mieux.

Le point qui est le plus développé concerne la correspondance entre le grand monde et le petit monde. Chaque méthode de diagnostic est en relation avec une manifestation du grand monde ; il en est de même de chaque maladie. Ainsi, le pouls est dans le firmament, la physionomie dans les astres et la chiromancie dans les minéraux. Les vents permettent de comprendre la respiration, les fièvres sont en relation avec les tremblements de terre, etc. Le médecin qui connaît les secrets de la nature, du grand monde et du petit monde, connaît toutes les maladies de l’homme. « Alors il devient un médecin qui observe les urines, qui tâte le pouls, qui juge de la santé parce qu’il connaît l’homme extérieur, l’homme qui est à la fois le ciel et la terre ». On remarque donc que la connaissance philosophique du médecin est double : l’une appartient au microcosme, l’autre appartient au macrocosme. La philosophie de la nature porte en elle la connaissance de la sphère inférieure, en relation avec la terre. L’astrologie correspond à la connaissance de la sphère supérieure, le ciel. Ces deux disciplines ont la même compréhension et se partagent les mystères des quatre éléments.

Pour conclure, nous pouvons résumer les trois éléments qui composent la philosophie : Premièrement, une connaissance précise des lois naturelles, Deuxièmement, une connaissance de l’organisation des lois spirituelles (notamment des relations entre les causes et les effets), Troisièmement, une science du raisonnement par rapport à ces différentes lois (pénétration dialectique des phénomènes).

La philosophie, appliquée à la médecine hermétique, est donc un moyen d’acquérir une connaissance sur n’importe quel élément de la nature, sur la manière de l’utiliser sur le plan thérapeutique, ce qui comporte une base empirique, une base scientifique, une base dialectique et une base méditative.

L’astronomie ou astrologie : Jusqu’aux XVII-XVIIIème siècles, astronomie et astrologie étaient confondues dans le langage commun. En effet, il n’était pas concevable, semble-t-il, pour nos ancêtres, d’observer le ciel par simple curiosité. Aussi, chaque phénomène cosmique devait-il trouver son interprétation et sa correspondance sur les plans terrestre et humain.

Alors que la philosophie concernait deux domaines, les plus yin, la terre et l’eau, l’astrologie, elle, concerne l’air et le feu, c’est-à-dire les énergies les plus yang de l’homme. Selon Paracelse, il est inconcevable d’espérer guérir l’homme si l’on n’est pas capable de le restituer dans son contexte cosmique. Car, selon le principe « Tout est dans tout », le ciel existe aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’homme.

Cette démarche n’est pas originale car, depuis l’aube des temps, médecine et astrologie ont été associées dans la compréhension de l’entité humaine. Encore faut-il préciser que l’astrologie correspond à une orientation initiatique de la médecine. Il n’est donc pas possible de la faire coïncider, à posteriori, à l’anatomie et à la physiologie matérialistes. En effet, si l’on considère que les corps célestes, comme le corps humain, ne sont que des agrégats de solides, de liquides et de gaz, l’astrologie perd son sens le plus profond. Aussi, de la même manière que le thérapeute doit pouvoir appréhender le fonctionnement énergétique des différents corps de l’homme, il doit également pouvoir connaître l’essence spirituelle des planètes.

L’alchimie : Toute la pharmacopée, en médecine hermétique, est basée sur une compréhension claire des principes alchimiques.

À ce propos, Paracelse écrit : « Le médecin doit en avoir une connaissance et une expérience si profonde et si grande que tout le reste de son art est vain, s’il ne la possède pas. Car la nature est si minutieuse en ce domaine qu’elle ne peut être mise à profit qu’au prix d’un grand art. Elle ne livre rien qui soit achevé. C’est à l’homme d’accomplir ce travail qui porte un nom : alchimie. L’alchimiste est le boulanger qui cuit, le vigneron qui presse et le tisserand à son métier. A toute chose naturelle qui croît pour l’utilité de l’homme, l’alchimie permet d’atteindre le point que la nature lui a assigné. En cet art, comprenez cette distinction : celui qui hérite quelque chose de la nature, et néglige de préparer, est aussi maladroit et aussi grossier que celui qui, prenant une peau de mouton, l’utilise sans la porter au fourreur et au drapier comme fourrure et comme habit. Sa maladresse est même plus grande, car il s’agit, dans le cas de l’alchimie, de santé, de corps et de vie, aussi faut-il redoubler de zèle en ce domaine ».

L’alchimie ne peut être étudiée sans une connaissance précise de l’astrologie. D’ailleurs, ces deux disciplines sont si étroitement associées qu’il est souvent difficile de distinguer les frontières de l’une ou de l’autre. Si l’on considère que les fonctionnements physiologiques de l’être humain sont en relation avec le ciel, ainsi que ses états pathologiques, il faut donner au remède que l’on prescrit un état suffisamment subtil pour qu’il puisse entrer en vibration avec les forces astrales et devenir le réceptacle des énergies planétaires auxquelles il correspond. C’est ici qu’intervient, pour chaque remède, la connaissance de son Arcane. L’Arcane est ce qui reste, qui subsiste, une fois qu’on a séparé la quintessence d’un corps naturel. Or l’extraction de la quintessence, ou premier être, est une opération fort complexe qui ne peut être abordée sans une connaissance très rigoureuse des lois de l’alchimie. Par ailleurs, le médecin devra choisir le moment approprié pour administrer le remède car les différents organes du corps, en relation avec le macrocosme, participent, chacun ayant un rôle bien déterminé, à l’intégration du remède au sein des énergies subtiles du corps.

Par la suite, nous développerons certains procédés permettant d’extraire la quintessence des végétaux, ainsi que certains modes de préparation des remèdes spagyriques.

La vertu : On parle souvent de vertu pour désigner le quatrième pilier de la médecine de Paracelse. En fait, le terme latin employé par ce dernier est proprietas, qui signifie : propriété, qualité propre, caractère distinctif. Ou encore : essence propre, expression particulière.

Il s’agit donc de ce qui est spécifique à la fonction du médecin, de ce qui permet de la définir avec précision. On pourrait également parler des qualités propres qui font un bon thérapeute. De toute évidence, Paracelse définit ici la situation éthique qui doit celle d’un être consacré à l’art de la guérison.

Tout d’abord, le médecin doit être dévoué à ses malades. Ce dévouement est l’expression de sa compassion, qualité indispensable, comme nous l’avons exprimé précédemment. Ensuite, la conscience de son devoir doit le pousser à rechercher la vérité. Pour que celle-ci puisse se manifester, le médecin doit être savant et honnête. Par ailleurs, la foi que doit avoir le thérapeute vis-à-vis du Créateur doit être sincère, forte, confiante, et véritable : « Il n’en a pas moins le devoir d’avoir une foi vive ; car celui qui a une foi vive ignore le mensonge et il accomplit les œuvres divines ; tel il est, tel est le témoignage qu’il donne de soi, ce qui signifie : (…) tu dois y mettre toute ton âme, ton cœur, ton entendement et tes pensées en tout amour et discrétion ; alors, si tu reposes sur une foi et sur un amour semblable, Dieu ne te dérobera point sa vérité et il te révélera ses œuvres qui te rendront digne de foi, visibles et consolatrices. Mais si tu t’opposes à Dieu sans une foi semblable, tes œuvres présenteront déficiences et manquements ; alors, en conséquence, le peuple en plus te refusera sa foi ».

Enfin, il est nécessaire de parler quelque peu de la discipline qui doit-être celle du thérapeute. Celle-ci doit-être calquée sur l’ordre naturel, comme l’exprime Paracelse : « Pour que le médecin soit donc complet et pour qu’il repose sur un fondement parfait, sachez qu’il doit en tout agir avec un ordre qui fasse sa convenance. Parlons maintenant de la convenance ou congruitas, qui consiste à suivre dans ses actes l’ordre et la loi de la nature, et non des hommes. Le médecin, en effet, n’est point soumis à l’homme mais à Dieu seul, par le moyen de nature. Par conséquent cette convenance et cet assemblage de l’ordre naturel doivent naître de la disposition du corps et de la lumière naturelle : car, de par sa disposition, le corps possède en propre une lumière différente de celle de la nature. Or il faut que ces dispositions s’assemblent ».

Pour résumer les quatre piliers de la médecine hermétique, on peut dire que l’astronomie est la connaissance des paramètres célestes qui doivent présider à certaines opérations, tandis que la philosophie est son analogue sur le plan terrestre ; l’alchimie, ou science des transformations, permet l’élaboration d’une médecine parfaite, à partir des paramètres célestes et terrestres, tandis que la vertu est la force qui met en mouvement cette capacité de transmutation, c’est-à-dire le vecteur par lequel s’exprime la médecine.

LES QUATRE ÉLÉMENTS ET LES TROIS AGENTS

Dans la tradition alchimique, on considère qu’avant toute manifestation indifférenciée, existait une substance parfaite initiale, empreinte de l’harmonie du plan divin dont elle était la manifestation. Cette matière pure emplissait l’espace de sa radiation lumineuse dont les multiples foyers parsemaient l’Univers. De chacun de ces centres d’énergies émanaient des courants de forces qui entraient en conflit les uns avec les autres au fur et à mesure qu’ils s’individualisaient. De ces dissonances naquit un mouvement rotatif provoquant des frictions, puis de la chaleur, et enfin du feu. C’est grâce à ces centres d’énergie ignée que la matière s’est constituée. En effet, plus ils acquérirent d’indépendance, plus ils furent ralentis par la force centripète universelle qui, dans la Nature, s’oppose à tout mouvement isolé, en le confrontant à sa propre inertie. Le mouvement diminua progressivement, en même temps que la chaleur. L’énergie de base se concentra, constituant une matière informe. Cette matière chaotique dut se scinder en quatre modes distincts pour effectuer son évolution. C’est ainsi que naquirent les quatre premières qualités élémentaires : le chaud, opposé au froid, et l’humide, opposé au sec.

Pour que nous puissions aborder par la suite la formation des éléments, il est nécessaire de comprendre la combinaison des qualités entre elles et d’examiner leur nature particulière.

Le chaud, opposé au froid, n’est ni humide ni sec, mais simplement de nature chaude, fluidique, expansive, dynamique, dilatante et positive. Il est à l’origine du principe masculin.

L’humide n’est ni chaud, ni froid, mais opposé au sec. De nature volatile, subtile, atténuante, vaporeuse et fugitive, il est à l’origine du principe féminin.

Le froid opposé au chaud, n’est ni humide ni sec, mais de nature froide, fixative, inerte, conservatrice et cristallisatrice. Il est à l’origine du principe de stagnation et d’atonie.

Le sec, opposé à l’humide n’est ni chaud ni froid, mais de nature dessicante, stérile, aride, réactive, irritante et astringente. Il est à l’origine du principe de rétention.

C’est de la combinaison de ces quatre qualités, qui en elles-mêmes ne sont qu’un état de transition, que naissent les quatre éléments.

Le Feu naît de l’exaltation et de l’exaltation de la concentration du chaud par le sec. Isolé, il est de nature violente, active, destructrice, échauffante, comburante, diffusive.

L’Air naît de l’action du chaud sur l’humide qui se dilate et se volatilise. Isolé, il est de nature harmonique, tempérante et maturante.

L’Eau naît de la condensation de l’humide par le froid. Isolée, elle est de nature passive, atténuante, dispersive et réceptrice.

La Terre naît de l’action du sec sur le froid, qui le concentre, le neutralise et le rend inerte. Isolée, elle est de nature neutre, concentrative, aride, inerte et absorbante.

Dans la création, comme dans tous les principes de génération, les quatre éléments jouent des rôles spécifiques.

Le Feu donne l’impulsion initiale, il est le principe dynamique et engendre le mouvement et l’action. L’Air tempère la violence du Feu, harmonise son mouvement et féconde la Terre et l’Eau d’où naît la putréfaction, laquelle précède toujours la génération. L’Eau, évaporée par la chaleur du Feu, se condense et retombe en pluie sur la Terre pour y circuler et y corrompre les germes fécondés par l’Air et animés d’une vie interne par le Feu. Ce phénomène se produit de manière analogue dans le laboratoire. L’Eau fait naître la putréfaction au sein de la Terre, grâce à l’action combinée de l’Air. La Terre, qui est froide et sèche, reçoit l’animation du Feu par le moyen du sec et la fécondation de l’Air par le moyen de l’Eau, qui y engendre la putréfaction comme en une matrice. On peut donc dire que la génération naît dans la Terre et dans l’Eau, putréfiées par l’Air et animées par le Feu.

Nous présentons ici un tableau des analogies élémentaires telles qu’on les retrouve dans la tradition. Il faut cependant noter quelques variantes sur certains des sujets, qui dépendent essentiellement des différentes transmissions. Par exemple, à la rubrique des âges, l’Eau est souvent associée

TABLEAU DES ANALOGIES ÉLÉMENTAIRES

SUJETS

EAU

AIR

FEU

TERRE

État

Nature

Fonction

Action

Mouvement

Effet

Création

Génération

Saisons

Soleil

Lune

Sentiment

Facultés

Caractère

Age

Humeurs

Organes

Digestion

Saveur

Odeur

Liquide

Fluctuation

Circulation

Atténuation

Réflexe Désagrégation

Putréfaction

Semence femelle

Hiver

A minuit

Opposition

Passivité

Inconsistantes

Versatilité

Enfance

Lymphe

Ventre

Neutre

Insipide

Fade

Volatil

Harmonie

Nutrition

Modération

Normal

Attraction

Maturation

Semence mâle

Printemps

Levant

Premier quartier

Amour

Équilibrées

Jugement

Age adulte

Sang

Poitrine

Salée

Sucrée

Douce

Fluidique

Destruction

Dynamisme

Violence

Excessif

Diffusion

Animation

Fécondation

Été

À Midi

Conjonction

Passion

Brillantes

Enthousiasme

Age mûr

Bile

Tête

Alcaline

Amère

Forte

Solide

Aridité

Réception

Réaction

Rétenteur

Concentration

Germination

Gestation

Automne

Couchant

Dernier quartier

Égoïsme

Profondes

Réserve

Vieillesse

Mélancolie

Jambes

Acide

Acide

Acre

à la fécondation, ou conception, plutôt qu’à l’enfance, cette dernière étant davantage en relation avec l’Air. Dans ce cas, l’Air correspond à l’enfance et à l’adolescence, le Feu à l’âge adulte et à la maturité et la Terre à la vieillesse.

Les trois agents constitutifs de la matière : Toute substance, qu’elle soit minérale, métallique, végétale, animale ou humaine est fondamentalement constituée de trois agents qui en organisent la cohérence interne. Dans la Tradition alchimique, ils sont nommés Soufre, Mercure et Sel. Bien entendu, ces trois termes sont sans rapport direct avec les éléments chimiques homonymes.

C’est de la confrontation des quatre éléments dans la Génération universelle que naissent les trois principes constitutifs qui, seuls engendrent directement la substance des mixtes car de leur structure peut découler la matière.

Le Soufre : Il naît de l’association du Feu et de l’Air qui additionnent leur chaleur, tandis que le Sec de l’un et l’Humide de l’autre se neutralisent. Le Soufre est donc une chaleur exaltée, concentrée et intense, de genre masculin. Dans la nature, on le rencontre, après l’avoir séparé selon l’Art, sous une forme grasse et huileuse. Il est combustible et dégage odeur et saveur. Sur le plan végétal, il est surtout présent dans les huiles essentielles des plantes, ainsi que dans les résines.

Le Mercure : Il naît de l’association de l’Air et de l’Eau qui additionnent leur humidité, tandis que le Chaud de l’un et le Froid de l’autre se neutralisent. Le Mercure est donc une humidité essentielle, volatile mais comportant une partie fixe, de genre féminin. Dans la nature, on le rencontre sous forme d’une liqueur spirituelle, aérienne, subtile et fluide, s’évaporant à la moindre chaleur. C’est un excellent solvant des mixtes qui relèvent du même règne que lui. On le trouve présent dans les alcools végétaux, comme l’esprit de vin (alcool absolu de raisin) qui est un remarquable solvant de la plupart des plantes dont il absorbe les principes actifs.

Le Sel : Il naît de l’association du Feu et de la Terre qui additionnent leur sécheresse, tandis que le Chaud de l’un et le Froid de l’autre se neutralisent. Le Sel est donc un principe fixe, dessicant et stérile. bien qu’il puisse devenir fécond, à un autre niveau, lorsqu’il est associé aux deux autres principes. Il retient et coagule le Soufre et le Mercure, assemblant ce qui est liquide, absorbant ce qui est volatil, concentrant ce qui est actif. Dans la nature, il est présent dans tout ce qui a une forme solide. Il subsiste dans les plantes, après calcination, sous formes de cendres.

L’association de l’Eau et de la Terre, donne un principe froid et totalement inerte et improductif, qui est issu de l’addition de leur froideur et de la neutralisation de l’Humide et l’une par le Sec de l’autre.

LES CINQ ENTITÉS

En médecine hermétique, il est indispensable de cerner avec précision les causes d’une maladie. Quand le médecin se trouve face à son malade, il ne saurait lui suffire de déterminer l’origine immédiate, c’est-à-dire la cause matérielle, de ses souffrances. Or, les causes des maladies sont innombrables. On pourrait citer les accidents, les déséquilibres hygiéniques, les maladies contagieuses, les perturbations au niveau du psychisme, etc… Mais, bien que les causes des maladies soient innombrables, elles prennent finalement place dans un cadre bien déterminé : celui des entités, lesquelles sont à l’origine de toutes les perturbations physiologiques.

Il n’est pas possible de guérir le malade sans lui permettre de retrouver une harmonie avec lui-même et avec son environnement. Voilà pourquoi, la connaissance des entités, causes supérieures des maladies, se montre indispensable. En effet, une maladie, quelle qu’elle soit, ne porte pas en elle, sa cause. Son origine profonde vient d’ailleurs. Mais toutes les maladies proviennent nécessairement d’une des cinq entités dont nous allons parler. Chaque espèce de maladie, telle qu’elle est définie dans la médecine moderne, ne provient pas toujours de la même entité. Du point de vue causal, il existe cinq sortes bien distinctes de chacune des maladies référencées, cinq espèces de troubles portant le même nom, une par entité. Il n’est pas possible de guérir sans savoir à quelle entité nous avons à faire. Les cinq entités dont il est question sont : l’entité des astres (ens astrorum), l’entité du poison (ens veneni), l’entité naturelle (ens naturale), l’entité spirituelle (ens spirituale) et l’entité de Dieu (ens deale).

L’entité des Astres : Dans le chapitre consacré à l’entité des astres, Paracelse expose précisément sa conception de l’Astrologie. Selon lui, il n’existe pas de relation de cause à effet entre les phénomènes cosmiques et les événements humains. « Les astres ne forment rien de notre corps, ils ne nous confirent ni nature individuelle, ni propriété quelconque, ni destin ». Mais, dans le système microcosme-macrocosme, aucune créature ne pourrait subsister sans la présence du monde des astres. En fait, on peut dire que les planètes représentent un conditionnement et non une cause. Ainsi, la plante a pour origine la graine et non le soleil, mais sans le soleil elle ne pourrait croître. De la même manière, l’homme naît de ses parents et de ses ancêtres mais il ne pourrait vivre sans le ciel.

Or, durant certaines périodes, les astres sont « vénéneux ». Ils empoisonnent l’air, ou peut-être les souffles énergétiques qui circulent dans l’univers. L’être humain sensible à ces perturbations peut voir son organisme se dégrader progressivement et, ainsi, n’importe quelle maladie peut naître. On peut donc résumer l’influence de l’entité des astres à une désynchronisation entre l’Homme et l’Univers. Les énergies célestes deviennent toxiques, soit par fragilité de celui qui les perçoit, soit à cause de leur excès ou encore du fait de leur apparente dysharmonie entre elles.

L’entité du poison : De la même manière que nous vivons parmi les énergies célestes, notre monde est conditionné par le métabolisme des poisons. Chaque fois que nous mangeons, nous ingérons des substances qui, selon leur quantité et leur qualité, mais également en fonction de nos propres capacités de transformations, peuvent nous empoisonner. Cependant, le Créateur a tout prévu et des mécanismes qui ont pour mission de débarrasser notre corps de ces substances pernicieuses existent. Il s’agit de l’usine énergétique qui transforme les aliments, leur permettant d’être partiellement intégrés à nous-même ou éliminés. Cette usine est composé des différents « alchimistes » responsables de la digestion, de l’assimilation et de toutes les fonctions énergétiques de transformation. Mais ce système ne fonctionne pas toujours à la perfection et, par abondance de poisons ou par paresse de l’alchimiste concerné, chargé de l’éliminer, nous tombons parfois dans des états de faiblesse et de fragilité où toutes les maladies peuvent subitement se déclarer.

Paracelse écrit : « Si l’alchimiste est trop faible et n’est plus apte à séparer, par son industrie subtile, le poison de la substance saine, alors, la putréfaction a lieu ».

Chaque espèce animale, mais aussi chaque type d’organisme possède des alchimistes plus ou moins officiants. Certains sont capables de transformer les pires poisons, d’autres ne parviennent qu’à accumuler les substances toxiques dans le corps. C’est ainsi que ce qui est poison pour l’un peut être nourriture pour l’autre et vice versa. Il faut noter qu’il existe un remède au défaut de fonctionnement des alchimistes de notre corps : Paracelse affirme qu’un alchimiste extérieur, c’est-à-dire le médecin, si sa connaissance est suffisante, peut accomplir, grâce à sa médecine, ce qu’un alchimiste n’a pu faire dans le corps. Toute la pharmacopée de la médecine spagyrique trouve ici sa raison d’être et l’explication de ses grands principes.

L’entité naturelle : Lorsqu’il naît, l’homme reçoit une sorte de « firmament », archétype de base, énergie ancestrale, code génétique, qui déterminent ses impulsions latentes. Ce firmament sait ce qui est nécessaire au corps de l’homme pour qu’il reste en bonne santé. Ainsi, l’entité naturelle indique le potentiel vital de base qui nous est attribué. Mais il ne faudrait pas en déduire trop hâtivement que la durée de notre vie est prévue d’une manière précise et inéluctable : l’entité naturelle peut être entretenue, régénérée ou perturbée. Ainsi, si on la trouble, ou qu’elle connaît des désordres par fatigue, excès ou insuffisance de nourriture ou perturbations de quelque sorte qu’elle soit, le potentiel vital de base s’épuise plus rapidement qu’il n’était prévu. De nombreuses, influences extérieures peuvent agir sur l’entité naturelle pour ralentir ou accélérer le déroulement de notre vie et permettre ainsi la conservation de nos forces de base ou leur dilapidation exagérée.

L’entité spirituelle : Selon Paracelse, l’Homme n’est pas seulement un corps de chair. Il possède également une énergie psychique qui peut se manifester favorablement ou défavorablement. Alors que les trois entités précédentes agissaient essentiellement par l’intermédiaire des énergies corporelles, l’entité spirituelle concerne directement les facultés psychiques.

On peut donc définir l’entité spirituelle comme l’ensemble de notre environnement psychique, nos états d’âme et tout ce qui est pensé, désiré, imaginé, etc… On peut voir ici, une allusion à ce qui sera nommé par la suite médecine psychosomatique, mais ce qui est mis en mouvement par la pensée ne provient pas seulement de nous, mais également de tous les autres êtres qui nous influencent par leur mécanisme psychique. Ainsi, chacun peut tomber malade en fonction de ses propres pensées défavorables, mais aussi, à cause des pensées disharmonieuses qui lui parviennent du monde extérieur. Les esprits peuvent donc se blesser entre eux. Paracelse fait allusion aux mécanismes de l’envoûtement, phénomène par lequel un esprit s’applique à nuire à son voisin de toutes les forces de sa volonté. Il y a une reconnaissance explicite de certains phénomènes que nous nommerions aujourd’hui, magiques. Cependant, Paracelse ne développe pas sa théorie à partir d’un état d’esprit superstitieux, mais rationnellement, en prenant seulement en compte des informations que la médecine matérialiste à l’ habitude de négliger.

Si l’esprit est malade, que ce soit pour des causes internes ou externes, les remèdes du corps ne pourront être suffisants. Paracelse préconise donc la résolution psychologique du conflit, entre l’homme et son environnement. C’est ainsi qu’on trouve dans son œuvre, des méthodes psychothérapiques pour la guérison des maladies mentales, des cures de sommeil et d’autres procédés dont on peut dire, pour le moins qu’ils dénotent un esprit d’avant garde peu commun pour l’époque.

L’entité de Dieu : Malgré quelques conflits avec l’Église romaine d’une part, et avec la Réforme d’autre part, Paracelse reste profondément chrétien. Pour lui, tout provient de Dieu. Nous vivons en Lui, et, rien ne peut se faire; qu’il n’aie permis lui-même. Alors que les quatre premières entités mettaient en évidence des causes naturelles, l’entité de Dieu démontre qu’il existe une éthique de la maladie, une loi de cause à effet, finalement très proche de ce que les orientaux appellent Karma. Les maladies que nous subissons, peuvent être la résultante, voire le châtiment de nos actes disharmonieux ou pervers : « toute maladie est un purgatoire ».

Mais, de la même manière que Dieu peut autoriser l’apparition d’une maladie destinée à nous purifier de nos défauts et à nous permettre de développer nos vertus, il peut toujours guérir cette maladie, et le rôle du médecin apparaît comme solidaire de l’œuvre divine. C’est ainsi qu’il y a un moment à partir duquel le remède peut être délivré ou devenir efficace : cette heure est choisie par la divinité. Paracelse définit un bon médecin ou le meilleur médecin comme étant celui « pour qui Dieu a avancé l’heure de la santé ». C’est seulement de cette manière qu’il obtient des cures admirables et des guérisons spectaculaires.

Cette monumentale théorie sur les cinq entités que nous n’avons pu qu’esquisser succinctement ici, est à la base de toute la médecine paracelsienne.

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1 Pour la biographie de Paracelse (1493-1541), consulter « Le Chant de la Licorne » N° 14.