Seng-Ts'an
Sin-sin-ming

Invulnérables à leurs atteintes, pour nous elles sont comme si elles n’existaient pas.
L’esprit immobile, où est l’esprit ?
Le sujet sans désir, où est l’objet ?
L’objet inexistant, l’esprit est inexistant.

(Revue Être. No 1. 3eannée. 1975)

Le Sin-Sin-ming est l’un des premiers traités connu du Tch’an

La Grande Voie ne pose aucun problème.

Ainsi est-elle sans choix,

Sans amour et Sans haine,

Elle est plénitude et clarté parfaite.

L’écart d’un dixième de pouce

Voila que naissent le ciel et la terre.

Faites-en l’expérience

Et Vous le constaterez par vous-même.

Le plaisir et la douleur

Voilà le mal de la pensée.

Si vous ne connaissez pas la Grande Voie

Vous perdez votre temps à pacifier votre esprit.

La Grande Voie a la perfection de l’espace infini,

Rien à ajouter, rien à retrancher,

C’est le choix

Qui la fait perdre de vue.

Ne nouez pas avec le monde,

Et ne vous perdez pas dans un espace vide,

Réjouissez-vous dans la sérénité de l’unité,

Et le dualisme s’évanouit.

Quand l’unité n’est pas vécue,

On s’égare :

Le rejet du monde peut conduire à sa négation totale,

Et maintenir le vide est une contradiction en soi.

La verbalisation et le raisonnement,

Plus nous y avons recours, plus nous nous égarons.

Balayons-les

Et toutes les voies nous sont ouvertes.

Le sens est dans la racine,

Et non dans la solution.

Éclairés intérieurement,

Nous nous trouvons au-delà du monde qui nous confronte.

Le jeu de la manifestation semble être réel,

À cause de l’ignorance.

Ne poursuivez pas la vérité,

Et ne vous complaisez pas dans les opinions.

Ne vous attardez pas dans la dualité,

N’y demeurez pas.

Dès qu’apparaissent bien et mal,

La confusion s’ensuit et la clarté de l’esprit est perdue.

Le deux n’existe qu’en fonction de l’un

Mais ne vous attardez pas à cet un ;

Quand l’esprit n’est pas troublé,

Les dix mille choses ne l’affectent pas.

Invulnérables à leurs atteintes, pour nous elles sont comme si elles n’existaient pas.

L’esprit immobile, où est l’esprit ?

Le sujet sans désir, où est l’objet ?

L’objet inexistant, l’esprit est inexistant.

L’objet existe en fonction du sujet

Et le sujet existe en fonction de l’objet.

Sache que leur rapport a sa racine

Dans l’unité du vide.

Dans l’unité du vide, les deux sont un

Et chacun des deux contient en soi les dix mille choses.

Quand aucun choix n’est fait entre ceci et cela

D’où pourrait surgir un préjugé ou un point de vue fragmentaire ?

La Grande Voie est large et sereine.

Rien n’apparaît facile ni ardu.

Des points de vue particuliers nous laissent en conflit ;

Conçus dans la hâte, ils sont tenaces.

Nos attachements ne connaissent pas de mesure,

Et nous égarent.

Lichez-prise et les choses reprennent leur cours.

Leur essence n’est pas affectée.

N’intervenez pas dans la nature des choses et vous êtes en harmonie avec la Grande Voie.

Serein, à l’aise, libre de conflits.

Mais si vos pensées sont enchaînées, vous vous détournez de la vérité

Elles s’alourdissent, s’émoussent et sont sujettes à l’erreur.

Quand elles sont dans l’erreur, l’esprit est troublé.

Alors, à quoi bon le point de vue partiel et fragmentaire ?

Si vous voulez suivre le chemin du Véhicule Unique,

Soyez sans aversion pour les objets des six sens.

Sans complicité et sans aversion pour les objets des six sens

Vous êtes dans l’illumination,

L’homme sage est non intentionnel

Alors que l’ignorant s’enchaîne.

Alors que le Dharma ignore toute individuation

Dans leur aveuglement ils s’attachent à des objets individualisés.

C’est leur propre esprit qui engendre l’illusion,

N’est-ce pas la plus grande des contradictions ?

L’ignorance crée la dualité repos-agitation,

L’homme éclairé est sans préférence, ni aversion.

Toutes les formes du dualisme

Sont des pièges que l’esprit a construits dans son ignorance.

Rêves ou nuages,

Pourquoi se soucier de cueillir de telles fleurs ?

Le gain, la perte, le bien, le mal,

Qu’ils s’évanouissent à jamais !

Pour un œil qui ne ferme pas,

Tous les rêves cessent d’eux-mêmes.

Si l’esprit est établi dans l’Un,

Les dix mille choses ne sont qu’identité unique.

Quand, ineffable, l’identité Unique est sondée,

Dans un éclair, tout attachement nous quitte.

Quand les dix mille choses sont vues dans leur unité,

Nous retournons à la source et demeurons ce que nous n’avons

jamais cessé d’être.

Au-delà de la cause et de l’effet,

Nous trouvons un état où la comparaison n’a plus de sens.

Un mouvement arrêté cesse d’être un mouvement

Et l’immobilité mise en mouvement n’est plus immobile.

Quand la dualité n’est plus

L’unité elle-même est au-delà de tout nom,

L’ultime fin des choses

Est soustraite à toute règle et à toute mesure.

L’esprit est totalement intégré dans l’essence de l’unité

Où toute activité a sa source dans le silence.

Toute hésitation disparaît

Et la certitude trouve sa raison d’être dans sa source originelle.

Rien à retenir,

Rien à rappeler.

Tout est vide, lucide, lumineux en soi,

Plus de tâche, plus d’effort, plus d’énergie perdue.

La pensée ne peut jamais atteindre Cela

Et l’imagination est sans substance.

Dans le suprême royaume de cette véritable identité

Il n’y a plus ni l’autre, ni moi.

À toute identification qui serait demandée

On ne peut que répondre : non duel.

Dans le non-duel tout est un

Et cet Un comprend tout.

Les sages de toutes les orientations

Ont la même conviction.

Cette réalité vécue est au-delà du temps et de l’espace,

Un seul instant pareil à dix mille ans.

Peu importe comment les choses sont conditionnées ;

Par leur présence ou par leur absence,

Elle demeure.

L’infiniment petit est infiniment grand

Lorsque l’on ne se perd plus dans la manifestation,

Et l’infiniment grand est infiniment petit

Lorsque l’œil ne fractionne plus.

Ce qui est est semblable à ce qui n’est pas.

Ce qui n’est pas est identique à ce qui est.

Là où ceci ne vous est pas évident

Ne vous attardez pas !

L’un est dans le multiple,

Le multiple est dans l’un.

Pénétrés de cette vérité,

À quoi bon la perfection ?

L’esprit vacant est non-duel

Et non-duelle est vacuité.

Ici les mots nous abandonnent,

Il n’est plus question de passé, de futur, ni de présent.