LA MEDITATION « TRANSCENDANTALE »
(Revue Être Libre Numéro 253, Octobre-Décembre 1972)
C’est intentionnellement que nous avons choisi ce titre très prétentieux et ronflant « à la mode ». Il est en effet de plus en plus question de « méditations », d’exercices, de pratiques invraisemblables destinées à orienter l’être humain vers une sagesse soi-disant « transcendantale ».
Il est utile de temps à autre de faire appel au sens critique de chacun et de rappeler que le « mot n’est pas la chose ». Le spécialiste de sémantique générale Korzybsky a insisté sur ce point. « La carte n’est pas le territoire », le « mot n’est pas la chose ». Mais en dépit du fait que chacun donne son adhésion intellectuelle à un tel énoncé, chacun se laisse duper par la magie des mots. Chacun sait que le mot « Dieu » n’est pas Dieu, que le mot « amour » n’est pas l’amour, que le mot « méditation transcendantale » n’est pas la chose mais en dépit de cela, tous ces mots provoquent une réaction nerveuse, émotionnelle et mentale.
A l’heure où la rapidité des rythmes de l’existence moderne, les insécurités, les agressions contre le système nerveux, les menaces de la pollution s’accroissent quotidiennement, les êtres humains perdent pied et sont véritablement déracinés. Beaucoup sont prêts à s’accrocher à n’importe quoi : drogues chimiques, drogues psychologiques.
Les aventuriers, les fumistes, les exploiteurs et les nombreux requins de la spiritualité le savent fort bien.
Ils forment, au seuil de ce dernier quart du XXe siècle une véritable vague de fond qui déferle sur le monde entier. Des milliers de pseudo maitres, gurus, initiés nous arrivent de partout.
Nombreux sont ceux qui parmi eux se réclament du titre de « Maitre occulte du monde, ou Grand Initié » ou « le plus grand yogi des Himalayas ou du Tibet », etc., etc. Ils annoncent la plupart les recettes infaillibles portant le nom de méditation suprême, ou méditation transcendantale. Certains prétendent remonter dans les vies antérieures, et libérer du karma passé et cela coûte une fortune. Evidemment.
Si toutes ces véritables escroqueries spirituelles ne faisaient pas tant de victimes et n’aboutissaient pas à des drames poignants nous ne perdrions pas notre temps à dénoncer leur action.
Rappelons encore les critères définissant les maitres authentiques de l’Eveil intérieur.
1) Le désintéressement matériel. Ils ne peuvent rien exiger. Voyez leur vie privée.
2) Leur désintéressement psychologique. Recherchent-ils le prestige, l’influence ? Ils ne s’intitulent jamais « Maitre » ou « Initié ».
3) La simplicité, la modestie, l’amour. Ils ne cherchent pas à plaire.
4) Ils ne prennent pas de disciple au sens traditionnel du terme mais plutôt des élèves. Ils refusent que l’on s’agenouille devant eux car ils savent qu’ils ne sont que de simples instruments d’une présence spirituelle ou divine résidant en parfaite identité dans le cœur de leur élève ou interlocuteur.
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Ces avertissements et conseils étant énoncés il est important de résumer les fondements essentiels de la méditation tels qu’ils sont pratiqués par les Eveilles de tous temps.
1- La méditation véritable consiste en une clarification totale du processus de la pensée.
Ceci implique la découverte des moments de silence ou « vides interstitiels » existant entre les pensées et la découverte de la discontinuité de la conscience malgré l’impression familière de continuité.
2- Cette clarification permet de découvrir les pulsions premières qui sont à l’origine des pensées avant qu’elles soient formulées sous forme de mots, d’images ou symboles. II est indispensable de clarifier la fonction de la pensée pour pouvoir la dépasser.
3- La véritable méditation « transcendantale » consiste en la prise de conscience de ces pulsions fondamentales, « prémentales » comme réflexes continuels du « Vieil homme » (ou somme des mémoires accumulées du passé.)
4- Préalablement à la libération des pulsions « prémentales » une prise de conscience de l’existence des mémoires accumulées, résiduelles du passé doit être faite.
5- Lorsque cette prise de conscience est faite, il est important de prendre conscience de l’emprise que ces mémoires anciennes exercent à tout instant sur la conscience et l’empêche d’être « présente au présent ».
6- Les pulsions « prémentales » étant vues, senties (par une perception globale, immédiate, comme de simples réflexes du Vieil homme (ou des mémoires accumulées) en vue d’assurer sa continuité, sa substance), ces pulsions tombent.
Leur caractère négatif apparait évident. Elles se révèlent facteurs d’asservissement stérile, sans issue.
7- Un silence mental parfait (sans tension de volonté) se réalise. II est l’œuvre de l’Intelligence émanant d’une autre dimension, intemporelle, inconditionnée. Dès cet instant, les Portes du Cœur s’ouvrent, il y a amour, lucidité, plénitude d’énergie. L’Inconnu ou Réalité divine élargit les moments d’intervalle entre les pensées (les vides interstitiels nommés « Turya ») par le rayonnement de l’Amour.
L’Amour est la seule puissance capable de briser naturellement et simplement l’écran de la continuité du « moi » du temps, de la durée.
8- Cette méditation est permanente. Elle n’exige pas la position assise. Elle révèle un Etat d’Etre que n’affectent ni la veille, ni le sommeil. Elle englobe la matière autant que l’esprit. En elle se réalise l’expérience simultanée de l’immanence et de la transcendance. Pour les Eveillés, elle est la réalisation de l’Etat Naturel, abolissant toute dualité d’observateur et d’observé, d’expérimentateur et d’expérience.
9- Les postures sont des exercices physiques aidant la réceptivité du psychisme par le système nerveux mais l’attachement exclusif à certaines postures est un conditionnement paralysant les possibilités d’éveil spirituel intégral.
LA « MEDITATION TRANSCENDANTALE » vue par Krishnamurti
(Revue Être Libre, Numéro 267, Avril-Juin 1976)
Nous reproduisons ci-après un passage emprunté au livre de Krishnamurti : l’« Eveil de l’Intelligence », concernant la méditation transcendantale : (p.14)
« Question : Sans s’attaquer au fond de ce phénomène : l’intérêt porté aux expériences transcendantales, ne peut-on y voir en quelque sorte un terreau d’où pourraient surgir des êtres d’exception, des Maîtres peut-être; compte tenu, pour les écarter, des charlatans et des marchands d’illusion. »
« Krishnamurti : Mais, je ne suis pas sûr, Monsieur, que ces charlatans et ces marchands d’illusion ne soient pas en train d’étouffer ce « phénomène ». La « Krishna-conscience », la « méditation transcendantale » et toutes ces inepties dont nous sommes témoins, ils s’y laissent tous prendre. C’est une sorte d’exhibitionnisme, de divertissement. »
A PROPOS DE LA MEDITATION TRANSCENDANTALE
(Revue Être Libre, Numéro 279, Avril-Juin 1979)
Un regrettable malentendu s’est produit à la suite de l’établissement du siège de la fameuse « Méditation transcendantale » au n° 44 rue Père de Deken, 1040 Bruxelles, c’est-à-dire dans la même rue où se trouve domicilié le siège social de notre « Institut Supérieur de Science et Philosophie ».
Nous sommes domiciliés au n° 20 et nous n’avons rien de commun avec un groupement de méditation qui se présente « transcendantal » — prétention qui n’est qu’une vaste imposture dont nous n’avons cessé de dénoncer les pratiques non seulement sur le plan psychologique et sur le plan financier.
Le fait de réciter mentalement ou oralement certains mots ou mantras aboutit à un calme mental et nerveux qui n’a rien de commun avec un état transcendantal. Il s’agit d’un état d’autohypnose plus proche de l’endormissement que de l’Eveil intérieur authentique.
En plus de ce qui vient d’être évoqué, nous attirons l’attention de nos correspondants que nous n’avons aucun lien avec la « méditation transcendantale ». Elle est établie simplement dans la même rue que la nôtre. Nous ne vendons pas de mantras ni de « mots sacrés »… et ne réclamons aucune cotisation ni salaires mensuels. Nous sommes donc étrangers à toutes les exploitations financières des sectes innombrables, des faux « gurus », sectes du Temple, « enfants de Dieu », secte Moon, faux Maharishi, autant d’exploiteurs du désarroi immense et du manque d’information et de sens critique des gens honnêtes.
L’état « transcendantal » authentique ne se réalise que par la dissolution du mirage de l’ego. Ceci implique un dépassement de toutes les identifications mentales avec le « moi », avec ses avidités, ses violences, ses recherches d’évasions, de sensations.
Une telle prise de conscience demande l’exercice d’une vigilance d’attention, d’une clarté intérieure constante et d’une acuité de perception spirituelle qui n’a rien de commun avec l’endormissement confortable que procure la répétition suivie de syllabes ou mots « sacrés » ou mantras.
Robert LINSSEN