(Revue Le chant de la Licorne. No 21. 1988)
Il est difficile d’exprimer par le verbe une expérience destinée à relier celui qui la pratique à son Être intérieur. L’Eutonie ne se raconte pas, elle se vit. Pourtant, le langage et les images de l’univers astrologique peuvent nous aider à appréhender ce vaste champ de sensations et d’aventure intérieure qui s’ouvre progressivement au pratiquant. Cet article est tiré d’un mémoire de fin d’études d’Astrologie Médicale du Centre Paracelse.
L’HARMONIE CORPORELLE
Le mot « eutonie », du grec : « EU » : bien, harmonie, juste, et « TONOS » : tonus, tension, a été crée en 1957 pour traduire l’idée d’une tonicité harmonieusement équilibrée et en adaptation constante, en rapport juste avec la situation ou l’action à vivre.
Le BUT de l’eutonie consiste à trouver une manière de se mouvoir qui soit en harmonie avec les lois de la Nature.
« … Cette fluidité, cette disponibilité, cet ajustement tonique à la situation est bien l’objet de l’eutonie » (1).
Définition de Gerda Alexander, créatrice de l’Eutonie : « L’eutonie est un état d’équilibre qui consiste à avoir toutes les parties du corps à un degré de tension musculaire optimale, en rapport avec l’action que le sujet se propose de faire, tout en étant capable d’observer l’action en cours. Ceci nécessite l’unité du corps et le contact avec le milieu environnant » (1).
Gerda Alexander a créé un système de connaissance du corps s’appuyant sur les perceptions. L’eutonie a été conçue dans le but de permettre un heureux équilibre entre la prise de conscience des sensations intérieures et l’ouverture au monde extérieur.
« Amener l’élève à se détendre sans s’isoler, à être présent aux autres sans se perdre lui-même, à s’intégrer dans le groupe tout en gardant son individualité propre » (1).
L’eutonie attache une importance considérable à la perception et à la restauration, dans leur plénitude, des sensations corporelles atténuées. Elle est faite avant tout d’expérience vécue et perçue. Cette expérience ne se situe pas au niveau du langage mais au niveau du corps. Elle se présente comme une nouvelle manière de percevoir la réalité, tarit celle du corps que celle du monde extérieur, et toute tentative de l’aborder par une pure approche intellectuelle serait vouée à l’échec.
Cette démarche sort de toutes les autres démarches ; nous perdons là nos références habituelles, c’est un peu déroutant, difficile à exprimer par le langage : « Les mots propres à la traduction des sensations corporelles très riches en finesse et variété, n’existent pas encore. Bien souvent, comme dans la dégustation où se développent et s’enchevêtrent des sensations subtiles, c’est par analogie ou par interférence des différents sens que l’on procède ; si bien qu’en traduisant de cette façon nos vécus, un sujet extérieur à l’expérience pourrait prendre les paroles de l’expérimentateur pour des élucubrations, des spéculations, en ne voyant là qu’un tissu d’images, un pur produit de l’imagination » (3).
Il faudrait inventer un langage, et encore resterait-il linéaire pour traduire une expérience spatiale et multidimensionnelle, à différents niveaux.
LE TONUS
Le mot tonus fut introduit pour la première fois par Galien, pour nommer le type particulier d’activité musculaire qui ne s’accompagne pas de mouvement, légère tension contractile dans laquelle se trouve en permanence tout muscle squelettique normal non engagé directement dans la performance d’un acte spécifique.
Au-delà de cette définition, Gerda Alexander y inclut un aspect psychophysiologique. Il existe en effet une relation entre tonus, affectivité et émotion.
Pour Paillard, les manifestations dynamogènes correspondent aux tensions diffuses caractéristiques des états émotionnels, des situations d’attente, des états de mobilisation psychique ou d’effort, nous sommes déjà sur le terrain de la relation entre tonus et émotion.
La démarche de WALLON ou d’AJURIAGUERRA sur le dialogue tonique, sur la relation affectivo-motrice entre la mère et l’enfant, nous rapproche encore de la notion de tonus de Gerda Alexander. Tout au long de l’existence d’un individu, le tonus va être la trame sur laquelle la personnalité va venir se dessiner, s’organiser, se fonder.
Avec FREUD, — dans la psychopathologie de la vie quotidienne sur les actes manqués — nous sommes dans une motricité sous la dépendance de l’affectivité.
Avec REICH encore, qui considère la cuirasse caractérielle comme une espèce de gangue tonique, expression somatisée de la névrose, affectivité et sexualité s’inscrivent, se programment dans notre tonicité.
Tous ces contenants, composants du tonus entrent dans la conception que Gerda Alexander se fait de cette activité essentielle chez un individu ; une activité globale, totale, une véritable « gestalt » tonique, forme de répartition de la tonicité musculaire dans les différents groupes et dont l’équilibre ou le déséquilibre sont des expressions de l’équilibre ou du déséquilibre de l’organisme entier, donc en particulier du psychisme.
LA PRATIQUE
… Il est évident que ce travail n’est pas un but en soi. C’est un moyen de connaissance de soi en profondeur, un moyen de « diluer » les tensions, de les « évacuer » et de ramener le corps à sa fluidité…
L’une des originalités de cette méthode est de pouvoir s’adresser à un groupe hétéroclite de personnes ; au cours de la séance, chacun pourra travailler sur soi et se rééquilibrer, tout en restant en relation avec les autres, sans interférences désagréables ou gênantes. L’eutonie propose des voies de recherche suffisamment larges et ouvertes pour que chacun puisse y puiser ce dont il a besoin pour sa propre harmonisation.
Plus la démarche est fine, profonde, subtile, de l’ordre du « laisser-faire », plus l’effet ou les effets sont durables et puissants. Vu de l’extérieur, rien ne se passe ; senti de l’intérieur, de vastes mouvements se dessinent ; cette expérience met en contact avec le moi profond, avec les rythmes, la richesse et la puissance intérieures. Ces effets peuvent être mille fois plus puissants que lors de réalisations de mouvements « normaux ».
L’eutonie est une technique corporelle qui s’appuie sur les sensations réelles. L’émotion n’est pas écartée, elle est « traitée » dans la neutralité, de même que la verbalisation qui n’est pas un axe de travail mais une possibilité d’exprimer ses sensations en cours ou en fin de séance. Il n’existe pas de mots pour traduire la richesse et la profusion des ressentis, la variété des informations intérieures ; c’est un vécu en multidimensions qu’un langage linéaire ne saurait traduire.
Seules des propositions sont émises par l’animateur, chacun les réalise ou non, selon ses possibilités et son désir du moment ; chacun peut ainsi, dans le secret de son être, mesurer ses capacités, son état d’esprit, ses limites, le degré de son engagement ou de son rejet par rapport aux propositions. Nul ne le juge ; il n’est pas conseillé de porter de jugement sur soi (en situation d’échec ou de blocage). Rester TÉMOIN, observateur de ce qui se déroule en soi, sans culpabiliser mais avec acuité. Puis, dans un deuxième temps, engager un effort subtil qui est plus de l’ordre de désir intime de réaliser l’harmonie en soi et autour de soi que de vaincre qui ou quoi que ce soit.
Plus on avance, plus on découvre la subtilité de cette recherche, cet effort qu’on sent bien qu’il faut fournir à un moment donné, (ou bien stagner dans un agréable bien-être mais qui n’ouvre pas les portes des vécus d’un autre ordre). Cet EFFORT n’est pas l’effort en force, ni la puissance aveugle ; c’est une « volonté non volontaire », plutôt une DISPOSITION D’ESPRIT et du corps, une mise en état de réceptivité, un « oui » inconditionnel à ce qui va se passer, soutenu par une vigilance aiguë, et éclairé par une discrimination acérée. Être investigateur, « découvreur », en attente de l’inattendu, comme un éclairage nouveau qui naît en soi.
ÉNERGIES PLANÉTAIRES
Étant dans une démarche d’imprégnation du symbolisme astrologique, l’eutonie m’est apparue à la lumière des signatures planétaires.
« Tout objet perceptible dans la nature n’est que la manifestation d’une énergie archétypale inaccessible du plan physique. Cette énergie initiale s’exprime sous la forme d’une planète, d’une plante, d’un métal, d’un organe, etc. De cela découle naturellement une certaine analogie entre les différents objets cités » (4).
L’eutonie, qui respecte les lois du cosmos et de la nature, peut s’inscrire dans ce point de vue. Ses techniques variées m’ont paru présenter certains caractères à dominantes planétaires, c’est-à-dire correspondant par analogie à la couleur globale d’une énergie dominante. Il convient d’être prudent quant à l’interprétation, il ne s’agit pas de faire rentrer une technique dans une catégorie, mais de faire sentir comment l’eutonie m’a paru s’inscrire dans ces mouvements cosmiques symbolisés par l’astrologie : vision de l’eutonie sous un angle nouveau, questionnement non-limitatif et ouvert.
LE SOLEIL
L’eutonie vise à faire retrouver à l’être humain sa totalité, son équilibre, son UNITÉ en relation harmonieuse avec l’environnement ; tout travail en eutonie concourt à cette visée globalisante très SOLAIRE. Le soleil déverse son énergie sur les planètes, qui travaillent à faire retrouver le centre. Le soleil est l’astre central, astre de vie, symbolisé par le cœur et la circulation du sang, véhicule de l’ESPRIT dans le corps. On peut supposer qu’un bon équilibre tonique, améliorant la circulation, peut permettre une meilleure circulation des informations spirituelles dans l’être, une meilleure réponse à l’appel que représente le soleil dans le thème : la principale prise de conscience à effectuer. Une intégration parfaite de toutes les énergies, une cohérence des fonctions en vue d’un accord au sein de la personne, ce peut être le caractère solaire de l’eutonie.
LA LUNE
L’eutonie travaille sur les sensations, phénomène complexe, délicat à définir. Elle revêt des composantes lunaires par l’aspect réceptivité des informations, par la peau, organe de sensibilité qui capte et enregistre, garde en mémoire les sensations. Dans certaines pratiques, l’aspect lunaire apparaît, pratiques qui peuvent favoriser le drainage lymphatique. Les énergies lunaires sont présentes dans le travail eutonique, mais nous ne développons pas cet aspect inerte, de fonctionnement automatique, inconscient. L’eutonie permet un bon équilibre des fonctions automatiques, mais elle cherche à introduire de plus en plus de conscience de discernement, de lucidité, qualités mercuriennes.
MERCURE
« La conscience, les facultés mentales, les perceptions sensorielles, placées sous l’emprise de la volonté et du discernement » (4).
Cette définition nous présente un résumé de l’énergie mercurienne. Nous la vivons de façon plus nuancée en eutonie, avec :
— la verbalisation,
— le travail de pensée, la conceptualisation,
— la communication corporelle, les échanges divers, la relation :
— la manifestation des forces éthériques par leur circulation, sentie au cours des pratiques de circuits et trajets.
Avec Mercure, ce sont des relations plutôt superficielles, rapides, vives, légères, en tonus élevé, les effleurements, les touchers légers.
C’est la motricité aisée, la diffusion des sensations dans le sens moteur, l’adaptabilité, la variabilité, la fluidité, la facilité.
— L’élément AIR est vu en eutonie par l’espace intérieur en relation avec l’espace extérieur, la technique du dessin et du mouvement.
Une attitude mercurienne pourrait donner tendance à pratiquer beaucoup de techniques différentes sans entrer dans la profondeur, à s’échapper lors d’une investigation plus « impliquante » et plus longue. Elle donne par contre une grande mobilité et de l’aisance.
L’aspect mental joue peu en eutonie, il est utile pour faire les rapports entres les choses, ordonner les informations. L’eutonie demande plutôt un intellect transparent, disponible, qui permette des prises de conscience. La volonté en eutonie est un phénomène qui dépasse le cadre du mental ; le corps exerce son intelligence sensible, le mental se mettant au service de la totalité, de la personnalité.
VÉNUS
C’est l’énergie qui nous lie au monde, c’est le contact plus profond, la diffusion au sens de pénétration des sensations, le développement des sensations de peau qui favorise une vasodilatation. C’est l’harmonisation par la détente, passivité sentie là, absorbée dans le bien-être et l’abandon, en relation avec les éléments, les matières, en équilibre avec le milieu.
Le tonus serait un peu plus bas que dans les conduites mercuriennes, mais équilibré, bien réparti et régulier.
L’étirement se fait dans le plaisir, dans les volumes, dans les formes et leur esthétique, dans une sorte de confort, les muscles est ressentis dans leur rôle « d’enrobage ».
Le travail vénusien prend le temps de se faire, d’assimiler les consignes, de laisser se dérouler les processus sans forcer, en douceur. Toute technique de glissement a un caractère vénusien, dans la facilité et la souplesse, tout en veillant à ce que cette facilité ne tende pas à une paresse et à un bien-être passif qui endorme la conscience. Les mouvements de l’émotionnel, vénusiens, incitent à aller vers l’autre, à communier avec le partenaire dans l’harmonie. C’est tout ce qui porte, avec chaleur, à choisir et qui fait apprécier le beau en soi, l’agréable, et vibrer à l’émotion artistique notamment ; elle est vue dans la rondeur, les courbes, le continu et le lié des mouvements et des dessins.
MARS
Élément dynamique par excellence, Mars s’exprime par la motricité active, le tonus élevé et les « repoussés » puissants et rapides qui font monter le tonus. C’est la préparation musculaire pour l’action, par les « repoussés » en éclair, courts et vifs, tout ce qui est impulsion, déclic. Dans la technique du dessin, ce peut être la focalisation de la conscience au point-moteur, là où la conscience va entraîner le geste et déclencher le mouvement.
Ce peut être un point de contact marqué par une sensation aiguë voire douloureuse : une attitude martienne négative pourrait la couper, la rejeter, elle serait de rompre avec impatience, colère même, exprimée par un geste incontrôlé, irréfléchi.
L’acte réflexe me semble de nature martienne. Le martien est dans l’agir, dans le présent, mais en eutonie, l’action « ici et maintenant » est tempérée et nuancée, maîtrisée.
JUPITER
Représente tout ce qui va vers l’extérieur, l’expansion sur tous les plans. Le rayonnement me paraît jupitérien par sa direction vers l’extérieur, son amplitude, sa globalité, le sens d’occupation de l’espace et de plénitude.
Le mouvement exprime une maturité, une maîtrise de l’ampleur, les formes corporelles prenant leurs vraies dimensions dans une grandes ouverture, ouverture sur tous les plans de l’être. L’amplitude de la gamme tonique est jupitérienne, avec cette richesse de l’expression qui en découle (dessin, verbalisation, vécus intérieurs dignifiés, comme la variété des couleurs, des odeurs, des sons qui se déplient en soi). Des formes corporelles rappellent cet aspect : ce sont les voûtes du corps (voûte plantaire, du diaphragme, du palais, de la boîte crânienne) qui amplifient les vibrations et les résonances intérieures.
Les sensations internes dans leur richesse et leur dimension : un tout petit mouvement, un micro-allongement peut provoquer une extension, une profusion de ressentis intérieurs. Avec Jupiter on prend place, on s’étend avec générosité, avec plaisir à vivre. Les prolongements dans l’espace : un espace ou un volume qui prend de l’avance sur le corps, sur le geste, en restant attaché au corps, faisant partie de la totalité corporelle ; le dessin, avec les anticipations, son déplacement en avance sur la situation actuelle réelle, sont des éléments jupitériens, d’occupation large de l’espace.
SATURNE
Tout ce qui va concerner le travail sur l’os et la charpente osseuse, un long et important travail en eutonie, et qui représente une part importante au niveau symbolique, me paraît relever des énergies saturniennes :
— conscience de la matière os, de sa finesse, des lignes de forces, les travées osseuses qui indiquent les trajets des forces qui les ont modelées,
— conscience de la dynamique des mouvements des os,
— approfondir, prendre le temps, avoir la patience, la rigueur et la détermination d’aller au bout de la démarche.
Au niveau de Saturne, les vécus deviennent complètement différents des autres niveaux vus précédemment, on « plonge dans d’autres univers ».
Le travail sur la structure physique amène la structuration à d’autres niveaux, affectif, mental, spirituel même. Découvrir la géométrie du corps par les sensations, construire les lignes d’os, les directions, s’orienter dans son corps et dans l’environnement, c’est aussi s’orienter dans sa vie. Construire sa charpente par sensations et vision juste, c’est aussi s’édifier sur les autres plans, c’est être solidement incarné.
Le travail sur l’os permet :
— une libération des tensions fixées au ras des os ou plus profondément et l’évacuation des tensions anciennes, portant en symbolique le passé (les héritages génétique, culturel, etc.) qui, fixé en profondeur, dans ses composantes douloureuses, peut inhiber et geler la circulation des forces vitales. Cette libération assure un meilleur transport des forces et l’émergence d’une nouvelle attitude qui, à son tour, aidera à se libérer des anciens schémas.
Saturne s’exprime dans ce qui est fixé, cristallisé, rigidifié. C’est aussi le sens du beau, dépouillé, à sa plus simple expression, l’essentielle perfection des formes osseuses de la charpente et de sa dynamique admirable. Saturne, c’est la pureté, l’implacabilité de l’expérience de l’os, avec l’émotion pure ressentie en son sein. L’os est la structure la plus dense, la plus matérielle du corps. Dans la moelle osseuse se fabriquent les globules rouges, les cellules les plus « spirituelles » du corps, les plus vitales. Nous pouvons pressentir que ce travail sur l’os pourrait concerner directement le passage de la conscience, de l’esprit. L’os, matière solide, rassurante, peut faire passer à d’autres plans de conscience, sans quitter cette matière, mais en se servant de ce support, dynamisé, spiritualisé par la conscience circulante.
Dessins, mouvements à partir des os sont réalisés dans la finesse, la précision, la rigueur, en tonus élevé et dynamique conférant sécurité, sentiment d’exister et solidité centrée.
LES PLANÈTES TRANSPERSONNELLES
Jusqu’ici, nous avons abordé les énergies correspondant aux planètes dites « personnelles ». Elles ont pu évoquer des conduites, des pratiques en eutonie, méthode simple et complexe en même temps car toute en nuances, et il n’est pas possible de dire : « telle pratique = telle nature ». Pourtant nous pouvons associer quelques éléments aux caractères principaux des énergies des planètes « transpersonnelles » : nous entrons dans un domaine infini, mal défini, nouveau, inconnu encore pour la majorité des êtres humains actuellement et qui sont encore dans des « moules », dans des habitudes de vie ne s’étendant guère au-delà de leurs intérêts directs.
La phase saturnienne représente la phase d’intériorisation, de maturation dans le plus profond de soi, dans le silence et la solitude de la recherche, comme la maturation des hématies au sein des cellules osseuses. Saturne, représente la structure de passage de l’énergie spirituelle. Ce n’est que lorsque la conscience de l’os est claire, que la charpente osseuse est devenue un libre et vivant passage pour la lumière, que l’émotion plus subtile peut nous traverser. C’est peut-être aussi la porte ouverte à la réceptivité des énergies « transpersonnelles » véhiculées en symbolique par Uranus, Neptune et Pluton. Ce n’est que lorsque je parviendrai à maîtriser les forces qui animent ma personnalité (au niveau symbolique, les énergies planétaires personnelles du Soleil à Saturne) que je serai disposée intérieurement à entrer en contact avec les vibrations des énergies « trans-personnelles ».
Les sensations vécues, les phénomènes apparus sont alors d’un tout autre ordre :
— la LUMIÈRE, en premier lieu, toujours présente dans ce genre d’expérience dans l’os,
— la spirale intérieure qui se déroule à l’intérieur de l’os, autour de l’os,
— cette vitesse de vibrations qui s’installe, indépendante des rythmes corporels et reconnaissable quand elle s’éveille,
— la transparence et la blancheur nacrée de l’os,
— une compréhension non-mentale, innée là,
— une émotion qui n’est pas du domaine de l’émotionnel,
— une beauté pure qui EST,
— une vie intime, individualisante et pourtant humaniste, un sentiment d’appartenance à l’univers entier.
URANUS
A Uranus correspondent en particulier ces vibrations très rapides, comme une autre « vitesse » qui s’enclenche : on vit sur un autre registre :
— technique des vibrés, des pulsés, la propagation des ondes dans le corps libéré de ses tensions,
— un tonus élevé, des vécus fulgurants, imprévisibles qui ébranlent tout sur leur passage (habitudes, conditionnements, carcans de tensions qui sautent, sans prévenir, au risque de faire basculer affectivement) ; mais l’équilibre tonique travaillé au fur et à mesure et les énergies personnelles maîtrisées constamment permettent de toujours « retomber sur ses pattes » !
Des prises de conscience s’imposent à soi, cette multiconscience qui se développe dans un espace-temps qui est bouleversé lui aussi ; un engagement qui se prend, qui propulse vers l’avant, vers le nouveau, vers le risque.
NEPTUNE
Avec Neptune, nous entrons dans l’indicible, l’impalpable. Les qualités neptuniennes sont :
— réceptivité, passivité qui est ici comme une disposition spirituelle, une transparence, un don de soi, un abandon,
— le non-vouloir, « ça se fait »,
— l’intention, typiquement neptunienne,
— les techniques de glissement dans leur « laisser-faire »,
— les micro mouvements qui se font tout seuls,
— les techniques de dilution des tensions,
— cette harmonie diffuse, sereine, qui imprègne tout.
La préparation « éthérique » par le rayonnement, les touchers à distance, l’équilibration émotionnelle et l’harmonisation mentale me semblent des conditions indispensables à l’éclosion de phénomènes plus subtils.
Des techniques comme le microétirement amènent à un état « anémotif », ce qui ne veut pas dire sans émotion (sens privatif et péjoratif) mais dans une neutralité affective. Il y a deux genres d’émotions :
— celle de certains psychologues, émotion provoquée par des éléments extérieurs et qui viennent susciter l’émotion,
— celle au sens de Reich, qui monte de l’intérieur, cette émotion pure qui vient de soi, dégagée des projections personnelles perturbatrices, état qui permet d’entrer en relation avec une autre couleur d’émotion, neptunienne, esthétique et spirituelle.
PLUTON
Nous met en contact avec les énergies de nos profondeurs. Ce sont les « crises » qui peuvent émailler le parcours en eutonie. Il n’est pas obligatoire de passer par là, mais d’après mon expérience, et d’après des rapports d’expériences d’eutonistes, cette confrontation aux forces plutonniennes, douloureuse, perturbatrice, est aussi une occasion de prise de conscience et de régénération, de reconstruction.
L’eutonie permet de vivre les réminiscences, de mettre à jour les nœuds qui, inconsciemment, bloquent les comportements. L’élimination de ces inhibitions ne se fait pas toute seule, ni sans souffrances. Elle ouvre sur des transformations, aussi radicales que les crises ! L’équilibre est détruit pour nous donner de le reconstruire sur une autre base. Cet affrontement me paraît inévitable, l’eutonie ne fuit pas l’« entrevue » difficile mais assure la reconstruction. Avec Pluton, j’entre en relation avec la puissance, une formidable puissance qui m’habite, étonnante, pas à ma mesure personnelle, une intensité de vie, une fougue « spirituelle », une forge qui transmute, au-delà de la volonté personnelle, la libre circulation de l’énergie première.
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Exemple d’émergence du symbolisme astrologique dans le travail corporel :
en eutonie, on peut considérer qu’il y a trois sortes de mouvements :
— « je fais ce geste » mouvement volontaire, de type martien, application consciente de la volonté personnelle,
— « je me prépare eutoniquement à faire un geste » : j’observe ce qui se passe, le mouvement se déroule dans ma conscience, il y a coïncidence entre ma volonté et la spontanéité du geste, phénomène plus impersonnel,
— « je suis témoin » de la réalisation totalement spontanée d’un geste qui s’est mis en route sans intervention personnelle à aucun niveau. Je suis alors dans la réceptivité aux énergies « transpersonnelles » de type neptuniennes, transmatérielles. Mon corps physique n’oppose plus de résistance au passage des forces, aucun de mes corps ne fait barrage à un vécu cosmique, authentique, hautement libérateur. le laisse vivre en moi, je suis en adéquacité parfaite, inspirée.
Ce qui me mit sur la « la piste » de ces analogies entre eutonie et astrologie furent des sensations enregistrées lors de l’interprétation de thèmes astrologiques. Ces sensations montaient en moi, suivant les éléments étudiés ; je « vis » des associations se faire. J’avais l’impression d’une lecture corporelle du thème ; mon corps interprétait les informations au même titre que mon mental me donnait les significations des symboles. Une complémentarité s’établit et m’incitait à traduire les sensations qui montaient. Parler au consultant en termes simples, faisant appel au vécu corporel, me semblait le toucher plus directement, et cette approche sensorielle du thème me parut positive, surtout avec enfants et adolescents qui reçurent cette présentation avec participation et intérêt.
Le thème s’est mis à vivre dans mon corps.
– les éléments :
— l’AIR par les espaces intérieurs,
— l’EAU par la circulation des liquides du corps, leur écoulement, l’imprégnation des tissus, la stagnation,
— la TERRE, par la densité de l’os, les tensions, le poids, les touchers et contacts, la réalité des objets, les limites physiques du corps,
— le FEU, la chaleur qui rayonne, l’intensité des vécus, le dynamisme.
– les modes :
— cardinal, l’action, la mise en œuvre de la pratique, la volonté, les repoussers actifs, l’intention qui peut être un exemple du mode cardinal appliqué en subtilité, mode cardinal « transpersonnel »,
— fixe : laisser le temps au processus de se faire, observer, assimiler les consignes, profondeur de la démarche, patience, mémorisation, inscription dans le corps des expériences,
— mutable : la disponibilité, l’adaptabilité, la faculté de changer, la perméabilité, l’acceptation de l’imprévu, la possibilité de suivre un autre chemin, de s’ouvrir.
Chaque fois qu’un élément se présente dans le thème, les sensations enregistrées en eutonie se mettent à vivre, mon corps « prends en charge » les données du thème, il devient « le théâtre », le champ d’application, le terrain de rencontre des énergies du thème ; comme si je naissais à l’autre à travers son thème.
Les ASPECTS du thème deviennent vivants ; des volumes se mettent à évoluer, des contrastes de lumière, de couleurs, de plans, dans la profondeur, la hauteur, sont vus.
BIBLIOGRAPHIE
(1) Le corps retrouvé par Gerda Alexander ; Tchou.
(2) L’eutonie de G. A. par Dr D. Digelmann ; Scarabée.
(3) Études de Jean Delabbé.
(4) Extraits de l’enseignement d’Éric Marié.