le pasteur A. De Zeeuw
Christianisme et Spiritualité

La formation physique de l’homme lui fait ignorer son essence la plus intime qui le distingue des autres êtres, de la pierre comme de la plante et de l’animal ; c’est son moi Divin, son âme, son étincelle Divine. Les Hindous l’appellent Manas, les Chrétiens Dieu. C’est par ce moi inexprimable et incommunicable que l’homme s’élève au-dessus de tous les êtres terrestres, des animaux et de toute la création. Et c’est par lui seul qu’il communique avec le moi infini, avec Dieu.

(Revue Spiritualité. No 9 &10. 15 Août – 15 Septembre 1945)

« Et si l’homme physique est descendu,

l’homme spirituel est monté. »

saint Paul.

« La plus terrible manière dont Christ fut incompris

n’est pas même d’avoir passé complètement inaperçu,

non, mais d’avoir été pour les foules stupides un

objet de curiosité : la vérité éternelle allait dans la vie ;

les gamins des rues couraient après lui, les servantes

accouraient aux portes, écarquillaient les yeux à son passage,

mais personne, absolument personne ne songeait

à ce qu’il était ou n’était impressionné. »

S. Kierkegaard – Journal – 1846.

Jésus-Christ, axe de l’évolution humaine, dont la mission avait été prédite sous des noms divers dans les sanctuaires de l’Inde, de la Perse et de la Chaldée, est devenu pour nous, Européens, une personnalité purement historique.

Pour les uns il est le thaumaturge bienveillant qui possède un remède pour chaque espèce de patient, pour les autres c’est l’homme qui révolutionna l’Asie par l’application d’une sage philosophie.

Aujourd’hui encore, rares sont ceux qui comprennent la profondeur divine de jésus. Aussi, la grande majorité des croyants aime s’affubler du nom de Chrétien, tout comme l’homme « sandwich » promenant un calicot qui lui est un accoutrement bien incommode, cet habit forcé lui enlevant la faculté d’être « LUI-MÊME » tant que la publicité de la maison qu’il représente lui restera sur le dos. Combien de chrétiens n’agissent donc pas comme l’homme « sandwich », tout en se proclamant disciple du Christ, pour autant que ce dernier veuille bien s’identifier avec leurs mœurs et habitudes.

Les rôles se trouvent en quelque sorte renversés et c’est nous qui essayions de manœuvrer le verbe Divin plutôt que de le laisser agir en nous, par nous, pour nous.

Telle est la véritable raison, bien que la Psyché humaine se soit, par son long travail, dégagée des ténèbres primitives, pour laquelle l’humanité risque de périr dans la décadence et dans l’orgie.

Il y a deux mille ans, le même danger menaçait les civilisations grecque et romaine, et nécessita l’incarnation de « la Parole qui était au commencement » du verbe divin sous la figure humaine.

Volte face prodigieuse, révolution intérieure d’une porté incalculable, et qui devait changer la face du monde. Il en résulta une transformation de la mentalité humaine dont les deux pôles furent en quelque sorte renversés.

Il y eut une scission, une solution de continuité entre les deux grandes facultés humaines. La sensibilité et l’intelligence, l’intuition et la raison.

Jusqu’alors, l’intuition avait dominé par la voyance, et la raison n’avait jamais joué qu’un rôle secondaire ; la science demeurait la fille docile de la religion. La sagesse primordiale était une combinaison harmonieuse des deux. Maintenant la conquête et la domination du monde matériel devenait le but principal de l’humanité.

D’un côté, la raison triomphait avec le syllogisme d’Aristote, de l’autre, le sentiment célébrait sa plus sublime victoire avec la vie, la mort et la résurrection de Jésus. Le Spirituel triomphait du temporel, l’Esprit avait enfin raison de la conception physique de l’homme : le corps.

Le corps, c’est ce que l’homme a de commun avec les animaux. Son Esprit, c’est ce qui le fait supérieur.

La formation physique de l’homme lui fait ignorer son essence la plus intime qui le distingue des autres êtres, de la pierre comme de la plante et de l’animal ; c’est son moi Divin, son âme, son étincelle Divine. Les Hindous l’appellent Manas, les Chrétiens Dieu. C’est par ce moi inexprimable et incommunicable que l’homme s’élève au-dessus de tous les êtres terrestres, des animaux et de toute la création. Et c’est par lui seul qu’il communique avec le moi infini, avec Dieu.

Ce sont là les germes qui ont été jetés dans le monde par Christ pour le développement d’un christianisme spirituel. C’est cette même Spiritualité qui fit que Christ put rester indépendant de toute influence humaine, mais dépendant de Dieu.

A l’encontre de l’enseignement de Jésus, (qu’il nous faut interpréter au sens propre du mot, c’est-à-dire savoir, connaissance), la Science dis-je, et la religion devinrent deux puissances séparées, rivales et mortellement ennemies.

De là ce dualisme qui depuis deux mille ans divise et déchire la conscience humaine. Or, le but essentiel de l’ésotérisme chrétien fut, dès l’origine, de remédier à ce dualisme et de préparer des concepts et une discipline capables de réconcilier les deux puissances ennemies : la Religion et la Science, l’Intuition et la Raison, dont l’entente et l’action combinées peuvent seules atteindre la vérité et assurer le développement normal de l’humanité.

Après l’Intellectualisme, le troisième et dernier stade de la connaissance de Dieu, après donc l’Intuition et le savoir, sera la Spiritualité. Au-dessus du plan intellectuel vient se placer le plan spirituel ; c’est ce dernier que l’humanité atteindra dans les siècles suivants et vers lequel elle tend dès à présent.

La fraternité humaine et le Culte du Dieu unique sont sans doute les traits essentiels du Christianisme, mais ils n’en sont que la face extérieure et sociale et non la face intérieure et spirituelle. La nouveauté mystérieuse, intime et transcendante du Christianisme, c’est d’avoir créé l’amour Spirituel, le ferment qui transforme l’homme intérieur, le levier qui soulève le monde.

Jésus nous dit : « Si tu ne quittes pas ta mère, ta femme et ton propre corps, tu ne peux pas être mon disciple. » Cela ne veut pas dire la cessation de tous les liens naturels, mais l’Amour étendu au delà de la famille à tous les hommes et changé en une force vivifiante et créatrice.

La marche de l’humanité va du spirituel inconscient à travers l’intellectualisme au spirituel conscient.

Seule la spiritualité fera que la connaissance de Dieu sera comme une fleur s’épanouissant du fond de l’âme individuelle qui sera bien différente de la science Divine imposée du dehors sous forme de dogme comme une sorte de logique surnaturelle, mais extérieure à l’homme.

Le Christianisme compris dans un tel sens est à la fois le plus puissant développement de la liberté individuelle et de la religion universelle par la fraternité des âmes libres. La tyrannie des dogmes sera alors remplacée par le rayonnement de la sagesse Divine qui est à la fois : INTELLIGENCE, ACTION et AMOUR.

Pasteur DE ZEEUW