Douglas Harding
Comment perdre la forme humaine? comment prendre forme ?

Dans l’évidence du présent, êtes-vous plus sûrement un être humain qu’un atome, ou une étoile, ou un nuage, ou un oiseau de paradis, ou un gorille?
Et moi, qui suis-je? Ne se pourrait-il pas que je sois un magicien qui travaille en ce moment â vous transformer en toutes sortes d’êtres ou de choses? Et si je vous avais métamorphosé, en sauriez-vous jamais quelque chose?

(Revue Voir. No 8. Hiver 1983)

VISION SANS TETE – EXERCICES COLLECTIFS

Notice préliminaire:
En 1972, après la publication de « The Incredible Hypothesis », Douglas Harding entreprend d’écrire un recueil d’exercices de vision sans tête, illustré de citations chrétiennes. Jusque là, ses livres et conférences avaient été émaillés de citations reprises le plus souvent à l’hindouisme, au taoïsme et au zen. Mais cette fois, il entend mettre en valeur la richesse du domaine littéraire chrétien, et il s’attache à éclairer les exercices de vision par des textes qui ont au moins l’avantage d’appartenir à notre propre patrimoine culturel. A la même époque, il découvre « L’évangile selon Thomas » et d’autres écrits gnostiques.

Le premier titre retenu fut « Games for the Kingdom » (Jeux pour le Royaume). Dans les évangiles, c’est bien de la recherche du Royaume qu’il s’agit – d’un Royaume qui est en nous. De ce Royaume, il est écrit qu’il s’ouvre d’abord aux enfants, puis à ceux et celles qui retrouvent l’esprit d’enfance. Les exercices peuvent donc être considérés comme des jeux, si l’on veut bien jouer comme les enfants jouent, avec une attention indivise, dans une joie qui ne se départit jamais du sérieux.

Mais plus tard, il fallut bien admettre que l’analyse transactionnelle avait donné au mot « jeu » une connotation péjorative. Le premier titre fut abandonné.

A ce jour, le recueil est toujours inédit. Mais Douglas Harding a fréquemment proposé l’un ou l’autre de ces exercices au cours de diverses rencontres d’amis. Du reste, nous disposons pour nous guider d’un manuscrit provisoire. Voici donc: « Comment perdre la forme humaine? » et « Comment la retrouver? »

A propos du recours aux citations chez D.E. Harding, il est peut-être utile de rappeler que pour lui les citations ne font jamais autorité. Elles ne servent qu’à illustrer l’ancienneté et l’universalité de son propos. Il ne s’agira donc pas  d’interpréter notre expérience en fonction des  écritures, mais au contraire de comprendre les écrits à la lumière de notre seule expérience personnelle.

Jean C.

COMMENT PERDRE LA FORME HUMAINE?

Nombre de participants: illimité (en nombre pair), Disposition: L’animateur demande aux participants de fermer les yeux et de se laisser guider par lui. Il place une moitié des participants face à un mur, et l’autre moitié face au mur opposé, de manière à ce que chacun se trouve dos à dos avec un partenaire et environ à un mètre de lui. Puis, il invite tout le monde à rouvrir les yeux.

L’animateur lit:

« Si tout ton corps est éclairé, n’ayant aucune partie ténébreuse, il sera tout éclairé, comme lorsque la lampe t’éclaire de son éclat.

Luc XI, 36.

 » Quand vous ferez le deux Un, et le dedans comme le dehors, et le dehors comme le dedans, et le haut comme le bas, afin de faire le male et la femelle en un seul pour que le male ne se fasse pas male et que la femelle ne se fasse pas femelle (… ) alors vous irez dans le Royaume. »

Thomas XX, 9-2I

L’animateur poursuit (lentement):

Vous vous tenez debout, calme et détendu. Laissez tomber votre mémoire et votre imagination. Chacun pour soi-même répondra aux questions suivantes.

Dans l’évidence du moment présent, combien d’orteils avez-vous? … combien de jambes? … combien de doigts? … combien de bras?

Peut-être éprouvez-vous où vous êtes un certain nombre de sensations, mais forment-elles sûrement des pieds et des mains? Ne pourraient-elles pas provenir tout aussi bien de griffes, de sabots, d’ailes ou de nageoires – ou de toute autre chose?

Combien de têtes avez-vous – si vous en avez une? Et vos yeux, en avez-vous? Qu’en est-il advenu?

Arrivez-vous à vous trouver des limites, un dedans et un dehors, un endroit où vous prenez fin et où le monde commence?

De quel sexe êtes-vous? Masculin ou féminin ou ni l’un ni l’autre? Etes-vous, en ce moment précis, hétérosexuel ou homosexuel ou bisexuel – ou bien êtes-vous libre de toutes ces particularités?

Quel âge avez-vous? Etes-vous jeune? Vieux? Sans âge?

Dans l’évidence du présent, êtes-vous plus sûrement un être humain qu’un atome, ou une étoile, ou un nuage, ou un oiseau de paradis, ou un gorille?
Et moi, qui suis-je? Ne se pourrait-il pas que je sois un magicien qui travaille en ce moment â vous transformer en toutes sortes d’êtres ou de choses? Et si je vous avais métamorphosé, en sauriez-vous jamais quelque chose?

En réalité, ne vous êtes-vous pas entièrement désagrégé jusqu’à devenir le Royaume de la lumière, sans la moindre trace d’obscurité ou d’opacité?

COMMENT PRENDRE FORME?

L’animateur lit:
 » Si le grain de blé ne tombe dans le sol et ne meurt, il reste seul; mais s’il meurt, il produit une moisson abondante. »

(… ?)

 » Qui aura trouvé sa vie la perdra, et qui aura perdu sa vie (…) la trouvera. »

Matthieu XX, 39.

Continuez à regarder devant vous.

Maintenant vous êtes un espace, une capacité, un lieu ouvert.
Ouvert à quoi?

Mort à tout ce que vous avez imaginé être, vous êtes vivant – pour quelle raison et avec quel profit?

Faites un demi-tour. Accueillez l’image de votre partenaire. N’êtes-vous pas l’espace dans lequel il peut se manifester? Sans forme, pour recevoir la sienne? Mort, pour être animé par lui? Que pouvez-vous faire, sinon disparaître en sa faveur? Comment auriez-vous pu le trouver, sinon en vous perdant vous-même? Comment pourrait-il être présent à vous, si vous n’étiez absent? En ce moment, ne retrouvez-vous pas en lui, ce que vous avez perdu en vous-même?

Déplacez-vous dans ce local, et prenez la forme d’autres partenaires, la forme d’une chaise, d’un tableau, du paysage derrière la fenêtre, de n’importe qui ou quoi selon votre envie.

Qui parmi vous, en mourant de la sorte à son moi isolé, est ressuscité sous la forme de tous les autres? Qui, en renonçant à si peu de choses, en a obtenu tant? Est-ce vous qui accomplissez cet anéantissement de vous-même, ou bien cela vous a-t-il été donné – comme une grâce? Tout simplement, n’êtes-vous pas bâti de la sorte?