Vous êtes l’espace de mon visage. Entretien avec Douglas Harding

Traduction libre Louvain (Belgique), 09.03.2000 Jan Kersschot : Cela fait environ 60 ans maintenant que vous êtes là pour partager votre vision. Comment tout cela a-t-il commencé ? Douglas Harding : J’avais 31 ans quand le penny a chuté, la soi-disant expérience himalayenne. Elle est décrite dans le livre « On Having No Head » (Vivre sans […]

Douglas E. Harding : Recherche-toi toi-même

Êtes-vous capable de voir, par vous-même, sans l’ombre d’un doute ou d’une difficulté que vous n’êtes pas votre corps, que vous n’êtes pas un « objet » du tout ? Autrement dit, les citations de Ramana Maharshi données ci-dessus vous sont-elles évidentes, en cet instant même, d’après votre propre expérience à vous ? Dans ce cas, point n’est besoin pour vous de lire le reste de cet exposé. Si, d’autre part, vous ne saisissez pas de quoi il parle et n’en éprouvez aucun désir, vous perdriez votre temps à lire plus avant. Mais si, au contraire, vous ne comprenez pas, mais éprouvez le désir de faire n’importe quoi qui vous permette de comprendre, alors il vous est proposé de consacrer les instants qui suivent à faire quelques simples expériences.

D.E. Harding : Vision

Une tranquillité singulière, une sorte anormale d’alerte légèreté ou d’impotence me submergea. La raison, l’imagination, toute agitation mentale s’évanouirent. Pour une fois les mots manquèrent. Le passé et l’avenir avaient disparu. J’oubliai qui j’étais, ce que j’étais, mon nom, ma nature humaine, animale, tout ce que je pouvais appeler mien. C’était comme si à cet instant je venais de naître, refait à neuf, sans pensée, innocent de tout souvenir. Seul existait le Maintenant, ce moment présent et ce qu’il contenait clairement.

Douglas E. Harding : Ramana Maharshi, la réalisation de soi et son accessibilité

Sans arrêt, en lisant les écrits des Sages, on rencontre ces deux messages: la Réalisation de soi est ce qu’il y a de plus simple au monde et de plus difficile! La Libération est la récompense d’un travail long, constant et assidu — et en même temps, il en va tout autrement: elle est absolument naturelle, toujours présente, sans requérir d’effort! Mon identité véritable s’impose à moi maintenant, avec une lumineuse évidence, en toute simplicité. Il suffit que j’ose inverser l’orientation habituelle de mon attention et que j’examine le lieu que j’occupe; et (ajoutent-ils) cette vision n’est accessible qu’aux rares personnes qui en sont capables!

Douglas Harding : Comment nous expérimentons notre corps

Pour découvrir comment nous expérimentons notre corps – plus exactement: comment nous croyons l’expérimenter – il suffit, attentivement, de nous écouter parler. Nous entendrons alors trois versions tout à fait contradictoires. Le fait est surprenant! Parmi les questions claires et limpides qui devraient faire l’unanimité, celle-ci devrait figurer à peu près en tête de liste, puisque nous sommes tous dépositaires de l’évidence essentielle, de la manière la plus intime et la plus constante. Nous disposons de toutes les informations privées utiles et nécessaires. Pour savoir comment notre corps se présente à nous – et les corps humains diffèrent peu -, nous sommes tous des témoins de première main. Pourtant, en nous écoutant parler, on en viendrait à croire que nous ne formons pas une espèce, mais trois, complètement différentes.

Douglas Harding : Comment perdre la forme humaine? comment prendre forme ?

Dans l’évidence du présent, êtes-vous plus sûrement un être humain qu’un atome, ou une étoile, ou un nuage, ou un oiseau de paradis, ou un gorille?
Et moi, qui suis-je? Ne se pourrait-il pas que je sois un magicien qui travaille en ce moment â vous transformer en toutes sortes d’êtres ou de choses? Et si je vous avais métamorphosé, en sauriez-vous jamais quelque chose?

Douglas Harding : L’histoire des dix fous

Dix fous, qui avaient décidé de partir en voyage, trouvèrent un moment donné en travers de leur route un fleuve au courant rapide et tumultueux. Tant bien que mal, ils arrivèrent à le traverser. Alors, parvenus sur l’autre rive, pour vérifier s’ils étaient vraiment tous parvenus à bon port, ils commencent à se compter l’un l’autre. Et chacun en compte neuf. Là-dessus, tout le petit monde se répand en pleurs et en lamentations sur le sort du pauvre frère qui s’est noyé.

Douglas Harding : Comment ne pas vieillir

L’autre jour, l’un de mes amis rendit visite à une pensionnaire d’un home pour personnes âgées. La vieille dame n’était pas sénile, mais elle avait presque entièrement perdu la vue et l’ouïe. Il lui était impossible de lire ou de regarder la télévision, et les gens lui parlaient peu: la communication était trop difficile. Apparemment, elle avait mené une vie active normale et s’était attachée à remplir de façon honorable et modeste les tâches familiales et domestiques. En tous cas, maintenant c’en était fini. Plus d’action, plus de défis à relever, pas de buts, pas de plaisirs, aucun centre d’intérêt. Mais étaient-ce seulement ses handicaps physiques qui l’avaient menée là? De toute façon, quelles raisons de vivre avait-elle encore? Elle ne demandait pas mieux, disait-elle, que l’aventure prenne fin.