Steven Tucker
Dans les Mathématiques wokes, il n’y a pas de mauvaise réponse

Traduction libre 03/11/2023 Les mathématiques ont toujours été l’un des domaines les plus difficiles du programme scolaire : quels que soient les efforts déployés, certains enfants ne comprennent tout simplement pas. C’est pourquoi, au fil des ans, les éducateurs ont eu recours à un grand nombre de stratégies compensatoires innovantes, allant des jeux de chiffres amusants […]

Traduction libre

03/11/2023

Les mathématiques ont toujours été l’un des domaines les plus difficiles du programme scolaire : quels que soient les efforts déployés, certains enfants ne comprennent tout simplement pas. C’est pourquoi, au fil des ans, les éducateurs ont eu recours à un grand nombre de stratégies compensatoires innovantes, allant des jeux de chiffres amusants avec les tout-petits à l’utilisation de calculatrices par les adolescents, en passant par la tentative de faciliter la communication interespèces avec des choux-fleurs calculateurs dans la classe.

Cette méthode unique est aujourd’hui recommandée par Rochelle Gutiérrez, éminente professeure d’éducation à l’université de l’Illinois, qui a contribué à la rédaction de lignes directrices et de normes officielles pour la formation des futurs professeurs de mathématiques américains. Bien qu’elle n’ait aucune qualification en mathématiques — elle est diplômée en biologie, ce qui est encore plus effrayant si l’on considère ses opinions sur les légumes sensibles —, Rochelle Gutiérrez est devenue célèbre en tant qu’inventrice d’un nouveau sous-domaine de la discipline appelé mathematx (prononcé « math-e-ma-tesh »).

Il s’agit d’une nouvelle forme, encore plus extrême, de ce que l’on appelle les « ethnomathématiques », un non-sujet à motivation politique qui pousse le mensonge identitaire selon lequel les enfants de différentes races possèdent des « identités mathématiques » innées différentes, à tel point qu’il est en fait possible pour les enfants blancs et les enfants noirs de calculer légitimement des réponses différentes à des sommes identiques, car leurs cerveaux et leurs âmes sont câblés de manière si différente, numériquement parlant.

Gutiérrez elle-même va encore plus loin, espérant, comme l’a dit une manchette américaine sceptique de 2018, utiliser son concept de mathematx pour « corriger les préjugés prohumains dans les mathématiques » — même au point d’impliquer la vie végétale.

Le chou apprend du chou-fleur

Mme Gutiérrez expose ses curieuses idées sur Brassica oleracea var. botrytis, le chou-fleur romanesco, dans un document plénier de 2017 publié en ligne par le ministère américain de l’Éducation, intitulé « Living Mathematx: Towards a Vision for the Future (Les Mathematx vivants : Vers une vision de l’avenir) » — et quelle vision !

Le chou-fleur Romanesco possède une structure de feuille fractale distinctive et frappante, et pourrait donc être utilisé comme un outil pédagogique valable en classe, pour illustrer des choses telles que les ensembles de Mandelbrot et les suites de Fibonacci. Pourtant, dans sa sagesse native, Mx [1] Gutiérrez fait bien plus. Rochelle s’identifie ostensiblement comme « latinx [2] », ce qui lui confère une certaine origine indigène, peut-être une descendance partielle des premiers Indiens d’Amérique du Sud qui ont peuplé le Nouveau Monde avant la colonisation espagnole.

Gutiérrez considère clairement les latinx comme étant intrinsèquement en contact avec les forces de la nature qui les entourent — ou les « personnes-autres-qu’humaines », comme elle préfère les appeler. Apparemment, « les savoirs indigènes reconnaissent que nous faisons partie d’un système d’êtres intelligents et sensibles, également connus sous le nom de personnes, avec des esprits interconnectés, y compris les rochers et les étendues d’eau. Les plantes, par exemple, vivent sur cette planète depuis des millions d’années avant l’homme […]. [et sont] nos frères/sœurs aînés ».

Afin de « décentrer le domaine de la dépendance excessive à l’égard des points de vue du courant blanc », Gutiérrez cherche à la fois à « reconceptualiser ce qui compte comme mathématiques en premier lieu » et à déterminer qui peut être mathématicien. L’idée classique d’un être humain assis et effectuant des calculs n’est qu’un stéréotype blanc et occidental — en fait, il s’agit simplement d’un stéréotype humain anthropocentrique, qui doit nécessairement être démantelé.

« À bien des égards, les mathématiques [par opposition aux mathematx] fonctionnent comme de la blancheur », a-t-elle déclaré de manière tristement célèbre en 2017. Alors que les mathématiques sont nécessairement redéfinies en tant que mathematx au nom de la décolonisation de l’ancien programme raciste, nous avons également la possibilité de redéfinir le mathematxn [3] — en tant que notre estimé « grand frère/sœur », le chou-fleur, par exemple.

Quelle performance !

Connaissant bien la théorie critique (c’est une universitaire américaine, ne l’oublions pas), Gutiérrez est férue des travaux de Judith Butler, éminente spécialiste des études sur le genre et les questions de genre, qui a soutenu que le genre et le sexe étaient purement performatifs [4] par nature — d’où la prétendue possibilité pour un homme de « devenir » une femme comme par magie, simplement en enfilant une robe et du rouge à lèvres, à la manière d’Eddie Izzard. Les femmes « jouent » leur féminité en s’habillant comme des femmes, et donc un homme peut « jouer » à être une femme aussi, simplement en adoptant le bon costume, les bonnes attitudes et les bonnes manières.

Serait-il alors possible d’appliquer l’idée de Butler aux nombres et de dire que les mathématiques sont elles-mêmes une forme de « performance » ? Les mathématiques à l’ancienne « tendent à être considérées comme un nom ». En revanche, les mathématiques de Gutiérrez « sont une performance, et donc un verbe ». Il s’agit en effet d’une « intervention dans la réalité (action) », et non d’une « représentation-dans-la réalité (explication) ».

Par le simple fait d’exister, toutes les personnes (humaines ou non) performent des mathématiques, comme la structure fractale du chou-fleur Romanesco. Ainsi, les enfants de différentes races peuvent naturellement « performer » des mathématiques de différentes manières — la vieille et ennuyeuse méthode traditionnelle consistant à effectuer des calculs de manière logique, rationnelle et systématique n’est en fait que la manière dont les hommes blancs, hétérosexuels et de sexe masculin ont longtemps pratiqué cette matière. Enseigner aux enfants que c’est la seule façon de « performer » des mathématiques à l’école n’est qu’une autre façon pour les hommes blancs d’essayer de coloniser l’esprit et l’âme de toutes les autres races.

Désormais, les enfants devraient également apprendre d’autres façons de « faire » des mathématiques, en s’inspirant d’autres races, humaines ou non. Les enfants latinx, par exemple, sont peut-être plus naturellement en phase avec la nature et donc mieux à même d’apprendre les précieuses leçons du chou-fleur : « Il y a peut-être des choses auxquelles nous n’avons pas encore accès ou que nous ne pouvons pas encore comprendre parce que nous sommes une jeune espèce. D’autres personnes [plus âgées] [par exemple les choux-fleurs] peuvent avoir des moyens d’accéder à des informations qui peuvent nous être utiles ».

Planter les graines de l’ignorance

Gutiérrez ne précise pas comment les élèves au cerveau latinx sont censés entrer en contact avec les choux-fleurs, peut-être parce que ce n’est en aucun cas possible. Cependant, comme de nombreuses plantes contiennent simultanément des organes sexuels mâles et femelles, elles sont considérées par Gutiérrez quelque peu comme « queer » (elle devrait travailler à Kew Gardens ces jours-ci), brisant ainsi le binaire traditionnel mâle-femelle prétendument imposé à l’humanité par le colonialisme blanc bigot.

En considérant les plantes, les roches et l’eau comme des personnes, le « binaire humain/non humain » est également déconstruit, ce qui facilitera l’élimination des barrières mentales entre les mondes humain et non humain, et nous permettra de « considérer la conscience partagée entre tous les êtres vivants, la plus grande unité à laquelle nous appartenons ». Cela permettra « une sorte d’enseignement multisciences, avec des vues multiples », ou « pluralité épistémique », si vous préférez. Ainsi, les questions de mathématiques n’ont plus nécessairement besoin d’une seule réponse correcte, semble-t-il : « La valeur de Nepantla [terme aztèque désignant la supposée capacité innée des latinx à percevoir l’espace interstitiel entre deux mondes] est de nous rappeler de rechercher des réalités multiples et de les garder à l’esprit parce qu’elles nous aident à générer de nouvelles connaissances ».

Désormais, ce qui compte vraiment, ce n’est pas qu’ils parviennent à calculer que 2+2=4, mais qu’un jeune mathématicien en herbe prenne plaisir à faire sa propre forme de mathématiques et la trouve belle d’une certaine manière, comme l’humble Brassica oleracea var. botrytis le fait certainement lorsqu’il fleurit dans la joie à la mode fractale : « Les mathematx sont une activité qui ne peut être extraite de l’être vivant (ou des êtres vivants) en train de résoudre des problèmes et/ou d’éprouver de la joie — le mathematxn ».

Les mathx marxistes du futur ne peuvent être séparés des mathematxns, pas plus que la poésie ne peut être séparée du poète ou une chanson du chanteur. Et personne ne s’attend à ce que deux poètes produisent exactement les mêmes vers, n’est-ce pas ? Ce serait du plagiat. C’est pourquoi l’affectueuse-latinx Gutiérrez aime tant ajouter la lettre « x » dans les mots : elle représente la variable inconnue, qui peut être littéralement n’importe quoi, un concept vraiment révolutionnaire. Elle cite même le nom d’un célèbre révolutionnaire nationaliste noir pour appuyer cette idée — c’est exact, « Malcolm X » était en fait « Malcolm Algèbre ».

« Les versions actuelles de ce qui est considéré comme “beau” en mathématiques tendent à ne pas refléter la diversité de notre monde. Au contraire, elles ont tendance à se rapporter à la vérité… impliquant des universaux plutôt que l’unicité/l’expression qui s’alignerait sur la performance ou une pluralité d’épistémologies. » Imaginez un monde dans lequel chaque enfant de la classe donne une réponse différente à la même somme, et cela ne signifie plus qu’ils ont été enseignés de manière inepte par un fou d’extrême gauche, mais est au contraire joyeusement accueilli comme un exemple de diversité mathématique en action ! Est-ce vraiment ce que Gutiérrez entend par là ? Difficile à dire, car son essai est rédigé dans un langage académique woke fluide, c’est-à-dire un charabia indéchiffrable quasi-marxiste.

Quoi qu’il en soit, si l’héritage malveillant du colonialisme blanc pouvait seulement cesser de supprimer leurs formes uniques d’ethnomathematx, qui sait quelles merveilles numériques les étudiants non blancs nouvellement libérés pourraient réaliser, « dans cet univers ou dans d’autres » ?

Une révolution dans l’apprentissage

« Pour moi, mathematx est une déclaration politique visant à récupérer les personnes qui ont été perdues lorsque les humains sont restés au centre », déclare Gutiérrez. Les élèves apprendront à « reconnaître la violence qui se justifie lorsque certains sont considérés comme plus humains que d’autres ». Cela signifie-t-il qu’une révolution mondiale à base de légumes, de céréales ou de fruits pourrait un jour se produire ? La Terre d’aujourd’hui, maladivement dominée par l’homme, deviendra-t-elle un jour la planète du raisin ?

Pas nécessairement, mais enseigner à des jeunes impressionnables que les choux peuvent « performer » des fractales pourrait contribuer à favoriser une révolution politique d’un autre type, tout à fait plus humaine et de gauche, car cela aidera à établir un parallèle politique dément établi par des enseignants activistes entre l’exploitation colonialiste des cultures et celle des humains indigènes non-blancs : « Comme les Indiens d’Amérique qui ont été dépouillés de leurs terres et de leurs communautés et forcés de vivre dans des internats, les plantes sont arrachées à leurs familles et forcées de s’assimiler aux modes de vie occidentaux (par exemple, pour devenir des jardins de banlieue). Oui, cette femxn (womxn) devrait vraiment travailler à Kew ces jours-ci.

Comme toutes les autres matières de nos programmes occidentaux de plus en plus politisés, les mathématiques sont manifestement appelées à devenir un nouveau vecteur de l’agit-prop gauchiste.

L’une des idées les plus influentes de Judith Butler, la théoricienne des études de genre dont les travaux ont inspiré Rochelle Gutiérrez, est celle de la « politique de la parodie », qui consiste à déconstruire de force un concept existant ou une institution sociale en en faisant une sorte de blague parodique, tout comme la notion de « femme » peut être parodiée avec succès à travers la figure caricaturale d’une drag-queen — et c’est certainement ce que le disciple latinx du 21siècle de Butler a contribué à développer ici, une simple parodie du concept de mathématiques.

La dernière section de l’article de Gutiérrez de 2017 suggère spécifiquement que les enfants soient « désappris » de toute mathématique réelle qu’ils pourraient déjà savoir en arrivant à l’école, ou comme elle préfère le dire, « les élèves auraient l’occasion de désapprendre leur arrogance épistémologique » en classe. Et les enfants qui ne savent pas additionner ne devraient jamais être réprimandés, car « l’ignorance n’est peut-être pas seulement un manque de connaissances, mais un refus actif de savoir parce que cela perturbe les croyances antérieures. Si nous commençons tôt avec les jeunes apprenants, il peut être plus facile de perturber ce que les humains en sont venus à considérer comme normal dans la pratique des mathématiques » – la capacité à les effectuer correctement en premier lieu, par exemple.

Dans l’étrange futur mathématique de notre espèce, pourquoi ai-je la nette impression que la réponse correcte à chaque somme sera finalement « 1984 » ?

Steven Tucker est journaliste et auteur de plus de 10 livres, le dernier étant Hitler’s and Stalin’s Misuse of Science : When Science Fiction Was Turned Into Science Fact by the Nazis and the Soviets, qui vient de paraître.

Texte original : https://dailysceptic.org/2023/11/03/in-woke-mathematics-there-is-no-wrong-answer/

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1 NDT Appellation nouvelle pour les personnes dont le genre n’est ni masculin (« Mr ») ni féminin (« Mme, Mlle »).

2 NDT Latinx sont les latinos non-genrés.

3 Le mathématicien ni genre, ni espèce…

4 NDT Dans le texte, les mots performatif, performance, performer soulignent un rôle mis en acte.