(Revue Question De. No 34. Janvier-Février 1980)
Si le mouvement écologique est depuis un an environ au creux de la vague, c’est peut-être la conséquence d’un manque de considération de la part de ses militants pour le « cosmique » qualifié par ces mêmes militants, avec dédain, de « mystique ». La faillite du mouvement écologique pourrait provenir de son projet qui demeure, en effet, uniquement économique et politique. Ici comme ailleurs, la question spirituelle ne pourra manquer d’être posée.
Les militants d’origine urbaine qui restent figés dans une voie intellectuelle ignorent la recherche intérieure et l’expansion de la conscience. D’autres, sans rejeter tout de la culture intellectuelle, s’efforcent de faire appel à leur intuition et à leur affectivité et deviennent des praticiens vivant plus près du réel, intégrant dans leur vie quotidienne, rurale ou artisanale leur quête d’un absolu. Ils sentent (et ce, de plus en plus clairement) qu’accomplir notre métier de femme et d’homme, c’est composer avec le vivant en entrant en contact, en communion avec les règnes naturels. Nous savons tous désormais que pratiquer la nature, la montagne, la. marche, est l’une des plus belles voies pour se libérer des blocages corporels et préparer son cœur à vivre, ici et maintenant, un embryon (au moins !) de la société écologique.
En effet, en dehors des militants, des vieux guerriers (violents ou non violents) des premiers combats de l’écologie, un nombre croissant de jeunes sympathisants se tourne vers un mode de vie qui unifie à la fois les valeurs écologiques (simplicité volontaire et santé naturelle) et une attitude spirituelle.
Les idées écologiques ne datent pas d’hier ; quantité d’écrivains (Giono, Bosco, Henri Pourrat, Ch.-F. Ramuz…) témoignent de la vivacité du sentiment de la nature et du retour à la terre dès les années 1920-39. Aujourd’hui, alors que depuis trente ans on passe la campagne au laminoir industriel, il est certain que les structures mentales se sont appauvries au rythme où les paysages se sont banalisés.
Bien sûr, tous les écrivains contemporains ont un jour ou l’autre déploré l’artificialisation de la vie moderne, mais rares sont ceux qui célèbrent avec authenticité et vivent personnellement une communion intime de l’homme et de la nature libre.
La nature aide l’homme à prendre conscience de lui-même. Elle est donc source de spiritualité, d’une spiritualité bien plus spontanée, bien moins suspecte (et comment le serait-elle ?) que celle prônée par les sectes. Si le mouvement écologique, en France, ne se figeait pas dans une peur viscérale de la Conscience cosmique et un mépris du mysticisme, il pourrait développer une attitude de compassion pour le monde non humain, pour Notre Mère la Terre comme disent les Amérindiens. Car il peut exister une identification de l’homme avec la nature, avec le Cosmos, bien plus libératrice que toutes ces spiritualités trop souvent de pacotille proposées dans le grand bazar intellectuel de l’Occident. Sachons écouter ici et maintenant le témoignage magnifique des Indiens d’Amérique du Nord lentement assassinés, témoignage d’un retour à la source de la pensée humaine où tout est lié, tout est analogie.