(Revue Question De. No 27. Novembre-Décembre 1978)
On a vite fait dans certains groupes de yoga de mépriser le hatha-yoga (le yoga des postures) sous prétexte qu’il est le « yoga du pauvre », celui qui est restreint à une super-gymnastique antistress. Plus les techniques de base du hatha-yoga se généralisent, plus les soi-disant « chercheurs spirituels » s’en désintéressent : « puisque monsieur et madame tout-le-monde pratique ou enseigne ce yoga, c’est qu’il n’a pas grand intérêt ». On solde donc du côté du hatha-yoga pour investir dans le yoga « mental ».
Yann Le Boucher, après plusieurs années de pratique du hatha-yoga — dont plusieurs mois en Inde démontre ici qu’il reste, au contraire, une discipline spirituelle extrêmement rigoureuse.
Il faut rappeler que le hatha-yoga, le yoga des postures, s’enracine bel et bien dans la partie initiatique de la tradition hindoue. Loin de n’être qu’une discipline du corps, il est en fait une voie d’évolution spirituelle complète. Son originalité : considérer la maîtrise corporelle comme le point de départ et donc aussi le point d’appui de l’évolution spirituelle de l’être humain. Mais ne confondons pas les moyens et la fin. Pour gravir une montagne il y a plusieurs chemins possibles (par la face Nord, la face Sud, Est ou Ouest), et à chacun de ces chemins peut correspondre une aide technique particulièrement appropriée (l’hélicoptère, le téléphérique, le mulet ou les chaussures à crampons). De même, nous dit l’hindouisme, pour « élever » la conscience humaine et l’unir à son principe métaphysique (atman), on peut s’appuyer sur différentes techniques qui renvoient elles-mêmes aux différentes fonctions de la machine humaine. Et on peut — entre autres — prendre en particulière considération la matérialité même de l’homme, son corps, et faire de l’aspect le plus étroitement limité de sa personne l’instrument même (moyen) de la libération spirituelle (fin). C’est là le sens profond du hatha-yoga traditionnel et la seule justification réelle de ses pratiques, des plus simples aux plus élaborées.
Les exigences de la voie
Que le hatha-yoga vise à quelque chose de plus que la santé physique ou l’euphorie psychologique est une idée somme toute assez couramment avancée, mais ceux-là mêmes qui la défendent ne se rendent le plus souvent pas compte des exigences concrètes qu’une telle conception véhicule. Si le véritable hatha-yoga est une voie complète, le cheminement sur cette voie dans un but d’évolution spirituelle ne peut se concevoir que dans un contexte de stricte observance des règles traditionnelles qui en régissent la pratique. Mais peu de gens en Occident, même parmi les « professionnels » du yoga, ont une idée un tant soit peu claire de ce que représente concrètement la pratique du hatha-yoga pour un yogi à part entière, c’est-à-dire pour celui qui — quelles que soient sa race, sa religion ou sa nationalité — a décidé de s’appuyer sur cette discipline pour induire le déconditionnement de sa conscience. Moi-même, malgré plusieurs années d’étude et de pratique du yoga en France, je n’avais qu’une idée des plus approximatives des exigences réelles de cette voie. Il ne suffit d’ailleurs pas d’aller en Inde pour que tout devienne clair, loin de là ; et si, en ce qui me concerne, le destin n’avait pas mis sur ma route un jeune yogi — sans renom particulier mais disciple d’un maître célèbre du nord de l’Inde —, cet article n’aurait pu être écrit. Pendant près de deux mois en effet, et sur la base d’une amitié allant s’approfondissant, j’ai pu étudier sous sa direction deux des quatre principaux traités traditionnels du hatha-yoga [1]. Dans le cadre du commentaire oral qu’il faisait de ces textes, il était naturellement amené à livrer une partie de l’expérience qu’il avait de l’ascèse décrite. C’est donc grâce à son aide directe que j’ai pu comprendre ce que pouvaient être, dans leurs grandes lignes, la vie, l’entraînement et les expériences intérieures d’un yogi « à plein temps ».
Première ascèse : le travail de purification
Le traité Gheranda samhita présente la voie du hatha-yoga comme l’enchaînement successif de sept ascèses (sadhanas) spécifiques ; et si le travail commence bien par une attention quasi exclusive donnée au corps, ce travail est toujours intégré dans la perspective d’un dépassement des limites mêmes que la condition corporelle impose à la conscience.
La première de ces sept sadhanas est celle des nettoyages internes (sat karmas). Peu connues et surtout peu pratiquées en Occident, ces techniques de purification physique sont pourtant le point de départ logique de l’entraînement au hatha-yoga. La Gheranda samhita la plus complète sur ce chapitre ne décrit pas moins de vingt-trois techniques de « nettoyage » du corps. Le candidat yogi doit donc d’abord s’efforcer de maîtriser au moins les principales de ces techniques. Outre l’aide auxiliaire qu’apportent les mèches de coton, les bandes de gaze et certains éléments végétaux (racines, tiges ou graines de plantes appropriées), le yogi utilise, pour accomplir ces nettoyages, l’eau (pure ou salée), l’air (le souffle respiratoire) et les automassages. Sont ainsi systématiquement purifiés : les voies nasales et respiratoires, les dents, la langue, l’arrière-gorge, les conduits auditifs, les canaux lacrymaux et les yeux, le cerveau — par hyper-oxygénation —, l’œsophage, l’estomac, les intestins, le rectum et parfois la vessie. Les résultats de cette première ascèse ne deviennent durables qu’après plusieurs mois de pratique, certaines techniques nécessitant à elles seules pas moins d’un an d’entraînement quotidien pour être pleinement maîtrisées [2]. Au terme de cette première sadhana « le corps devient sain, élastique et les désordres humoraux sont éliminés [3] ».
Deuxième ascèse : le travail postural
Parallèlement à cette entreprise de décalaminage général de la machine humaine est mené le travail d’assouplissement et de fortification du corps par les postures (asana). C’est cette deuxième sadhana, toute de travail postural, qui a fait apparaître le hatha-yoga comme une super-gymnastique. En fait, et bien que cette ascèse posturale soit tout à fait fondamentale, soulignons aussi nettement que possible qu’il ne s’agit là que d’une des sept sadhanas — très précisément la seconde — auxquelles le candidat yogi doit se soumettre.
Rappelons les deux buts essentiels de la pratique des postures :
a) elle renforce et assouplit le corps à l’extrême pour le libérer de toutes ses tensions et blocages parasites,
b) elle assure le bon fonctionnement des organes internes (cœur, foie, rate, estomac, intestins, etc.) et des glandes endocrines pour augmenter la qualité et la quantité de l’énergie physique disponible. Le succès dans cette deuxième sadhana est atteint du jour où le yogi peut rester plusieurs heures d’affilée parfaitement immobile, assis dans une posture de méditation, sans en éprouver ni fatigue ni tension.
Troisième ascèse : travail des gestes symboliques
Quand un tel succès se fait pressentir ce qui ne peut normalement survenir qu’après deux à trois ans de pratique assidue à raison d’un entraînement journalier de l’ordre de six à huit heures minimum ! —, l’adepte aborde la troisième sadhana, celle qui porte sur les gestes symboliques ou mudras. A vrai dire, avec cette troisième ascèse, nous quittons déjà le stade du travail purement physique. Certes, la plupart des mudras [4] comportent une pratique physique précise, mais d’ores et déjà ce qui est visé dépasse le cadre étroit du domaine corporel. Fondés sur l’analogie traditionnelle du macrocosme et du microcosme, les mudras en effet, n’ont pas d’autre but que de favoriser la prise de conscience et le contrôle progressif de certains processus bio-énergétiques d’ordre subtil. Parmi ces mudras, citons la fameuse « pose sur la tête » (viparita karina mudra) que, pour de bonnes raisons, tous les textes présentent comme un geste et non comme une posture. Cette différence de classification inspire deux remarques. Dans le cadre du hatha-yoga traditionnel, « la pose sur la tête » vise donc quelque chose de très différent de la simple santé corporelle. De fait, les processus qu’elle met en jeu sont beaucoup moins anodins que ceux qui sont impliqués par les postures proprement dites. Si on peut sans grand risque se livrer seul à la pratique des deux premières ascèses, et plus particulièrement de celle concernant les postures, l’entraînement autodidactique aux mudras présente déjà, quant à lui, de réels dangers. Dès ce stade, un maître est nécessaire pour que puisse être valablement poursuivie la voie du hatha-yoga.
Pour illustrer cela, reprenons l’exemple de la pose sur la tête. Dans le cadre d’un yoga à but hygiénique, la pratique de cet exercice ne dépasse guère les cinq minutes quotidiennes. Intégrée dans une ascèse yogique classique, il faut qu’elle soit tenue un minimum de trois heures d’affilée par jour pendant un à six mois pour qu’elle puisse être considérée comme maîtrisée par l’adepte ! Le yogi qui me donnait ces précisions était formel : « Tant qu’une telle performance n’est pas réalisée, les bénéfices annoncés par les textes ne peuvent survenir complètement. » Il assurait par ailleurs que, moyennant un entraînement progressif, le but pouvait être atteint en un ou deux ans. « Cette pratique est sans danger pour celui qui respecte les prescriptions éthiques et diététiques du yoga, et qui l’effectue sous la surveillance d’un expert. Autrement, elle peut être catastrophique et engendrer des troubles graves, voire incurabies, du moins pour la médecine occidentale. » Voici ce qui d’après la Gheranda samhita (III, 36) justifie les efforts du candidat yogi : « Par la pratique constante de ce mudra, la déchéance du corps est arrêtée et la mort évitée. L’adepte devient un parfait (siddha) et ne périt pas, même au jour de la Dissolution cosmique (pralaya) ».
Quatrième ascèse : le contrôle de l’énergie vitale
Sommairement on peut dire que ce qui est visé par les trois premières sadhanas, c’est la libération des limites qu’impose le corps à la conscience (libération par rapport à la maladie et au vieillissement physique, libération par rapport aux nécessités physiologiques trop contraignantes : le froid, le chaud, la faim, la soif, le désir sexuel, le sommeil, etc.). Mais, dès la quatrième ascèse, cet effort de libération se radicalise. Il ne va plus s’agir seulement pour le yogi d’échapper à des contraintes physiques ou physiologiques mais de s’émanciper des limites même que le jeu de la vie en lui impose à son être le plus profond [5].
« Dieu insuffla dans les narines de l’homme une haleine de vie et l’homme devint un être vivant. » A ce verset de la Bible [6], la Hatha-Yoga pradipika fait en effet écho en ces termes : « Lorsque l’haleine de vie (prana) est agitée, l’esprit est agité, lorsque l’haleine de vie est immobilisée, l’esprit aussi est immobilisé et le yogi atteint la sérénité. C’est pourquoi on doit arrêter les mouvements de l’haleine de vie (en arrêtant la respiration) [7]. »
La quatrième ascèse, celle qui concerne le contrôle puis l’arrêt du processus respiratoire (pranayama), bien que comportant encore un aspect physique (maîtrise du souffle physique par des procédés physiques), transcende donc complètement le plan corporel. Cette sadhana comporte d’ailleurs elle-même une gradation. Dans un premier temps, le yogi va devoir se livrer à la purification des canaux subtils (nadis) à travers lesquels circule cette « haleine de vie ». Puis, une fois atteint ce premier but — ce qui demandera plusieurs mois d’entraînement à des exercices respiratoires spécifiques —, il s’efforcera de gagner la maîtrise sur le mouvement même de l’énergie vitale (prana) dans ces canaux. On retrouve donc ici encore le double travail de purification puis de maîtrise. Mais, bien sûr, les techniques utilisées sont spécifiques à cette quatrième sadhana qui, faisant suite aux trois précédentes, nécessitera quant à elle un entraînement quotidien de plusieurs années pour être menée à son terme.
Pour illustrer ce point, considérons la première des huit techniques respiratoires de cette ascèse, la respiration alternée (nadi sadhana pranayama). Cet exercice, qui, en raccourci, consiste à inspirer par la narine gauche (un temps), à retenir le souffle à poumons pleins (quatre temps), à expirer par la narine droite (deux temps), puis à réinspirer à droite et à recommencer le cycle, donne lieu à l’entraînement suivant. Partant de la proportion 1-4-2, les textes considèrent que vingt secondes d’inspiration pour quatre-vingts secondes de rétention et quarante secondes d’expiration constituent le rythme pour débutant [8]. En fait, il faut déjà six bons mois de pratique quotidienne pour le maîtriser. Mais, même avant d’avoir atteint ce stade du « débutant », des modifications bio-énergétiques importantes se produisent dans le corps de l’adepte, qui lui sont nettement perceptibles. Très tôt, en particulier, se manifeste une chaleur due à l’augmentation de la température intracorporelle. Si l’exercice est poursuivi convenablement plus de dix minutes, cette montée de température ne tarde pas à déclencher une abondante transpiration. Bien contrôlé, ce premier type de réaction bio-énergétique est considéré comme un signe favorable : c’est le « feu » du yoga qui est ainsi allumé et qui va « brûler » toutes les impuretés contenues dans les canaux subtils (nadis). Quand ce stade est maîtrisé, la pratique est intensifiée (inspiration, quarante secondes ; rétention, cent soixante secondes ; expiration, quatre-vingts secondes) et le corps tout entier se met à vibrer puissamment pendant les temps de rétention. Enfin, dans les derniers stades de l’entraînement au pranayama — la durée de rétention pouvant alors atteindre puis dépasser les cinq minutes —, le corps du yogi, obligatoirement noué dans la posture du lotus, effectue des bonds involontaires — comme une grenouille, disent les textes. Le plein contrôle sur ces violentes réactions neurovégétatives, contrôle qui peut entre autres se traduire par l’acquisition du pouvoir de lévitation, est un des signes de l’achèvement de la quatrième sadhana [9].
Les trois dernières ascèses : le contrôle de l’activité mental
Quand, par les quatre premières sadhanas, a été gagnée la liberté par rapport au corps et à l’énergie vitale qui l’anime, s’ouvre pour le yogi la dernière partie du chemin, celle qui culmine dans la libération métaphysique. Pour atteindre celle-ci, il reste au yogi à maîtriser, pour s’en affranchir, les différents niveaux d’activité de son psychisme, essentiellement celui de la sensation, celui des émotions et celui de la pensée. L’idée qui guide cette entreprise — longue, délicate et difficile — est la suivante. C’est le fonctionnement même du psychisme humain qui empêche la conscience de se désidentifier de sa manifestation individuelle conditionnée, et par là de réaliser sa nature universelle inconditionnée (atman). Il faut donc mettre un terme à l’activité du psychisme, c’est-à-dire suspendre son fonctionnement, pour pouvoir accéder au déconditionnement absolu (moksha).
Dans le cadre strict du hatha-yoga, ce dernier effort va consister en un développement ad infinitum du pouvoir acquis grâce au pranayama, de suspendre les mouvements de l’énergie vitale. Au fondement de cet effort on retrouve l’idée que l’immobilisation du prana produit à la longue la cessation de toute activité psychique. En pratique, le yogi s’aide de techniques de concentration sur les centres subtils (chakras) qui gouvernent les différents aspects de l’activité mentale humaine. Selon le niveau psychique concerné et l’intensité de la concentration, on a affaire soit au retrait des sens (pratyahara), soit à la contemplation (dhyana), soit enfin au déconditionnement absolu (samadhi) [10]. C’est au cours de ces ascèses qu’apparaissent entre autres certains pouvoirs paranormaux qui objectivent le degré de maîtrise atteint. Mais, pour le vrai yogi, ce n’est là qu’un résultat accessoire de son effort auquel son but même — la libération absolue — lui interdit de s’attacher.
Voici d’après la Goraksa sataka les étapes qui y mènent :
« La cinquième sadhana est accomplie quand l’énergie vitale (préalablement conduite à travers la sushumma [11]) est maintenue immobile (au sommet du crâne) pendant une période de deux heures. Quand cette immobilisation dure vingt-quatre heures, le stade de contemplation (sixième sadhana) est atteint. Enfin, l’étape ultime de la désidentification absolue (samadhi) est dite survenir après un minimum de douze jours de cette même immobilisation [12]. » Elle correspond à la fusion de la conscience individuelle dans l’Universel où, en langage théologique, à la Réalisation de Dieu (en tant que principe ultime du Réel). L’atteinte de cette maîtrise absolue est quelque chose d’extrêmement difficile et donc de fort rare. Cependant, outre que chacun des stades intermédiaires constitue déjà un déconditionnement immense eu égard aux étroites limitations où est confinée la conscience de l’homme ordinaire, il ne faudrait pas se hâter de conclure à l’impossibilité de cette Maîtrise. Les textes du hatha-yoga ont un ton trop pragmatique pour que la finalité qu’ils assignent aux ascèses décrites soit purement mystificatrice…
Quelques conclusions
Tout d’abord, et contrairement à une opinion par trop répandue, le hatha-yoga est une voie extrêmement virile. L’étymologie est là pour nous le rappeler : le hatha-yoga, c’est le yoga « de l’effort violent ». Même s’il y a bien, dans les faits, l’idée d’un entraînement progressif, n’outrepassant jamais les possibilités physiologiques de l’instant, on est loin de la conception courante d’une pratique corporelle convenant particulièrement aux femmes ! En fait, le hatha-yoga traditionnel, de par les rigueurs de l’entraînement qu’il suppose, n’est pas — sauf cas d’exception — une voie spirituelle adaptée à la femme. A titre compensatoire disons que cette voie ne peut pas plus convenir à la grande majorité des hommes ! Seul le tout petit nombre de ceux qui disposent des qualifications physiques, psychiques et spirituelles adéquates pourra réellement y cheminer.
Ensuite, il faut insister sur le caractère assez dangereux des pratiques hatha-yogiques un tant soit peu « avancées ». De très nombreuses règles éthiques et techniques sont à observer strictement pour qu’un bénéfice réel puisse être retiré de ces pratiques. Bref, un guide ayant déjà lui-même parcouru le chemin est nécessaire pour user valablement du hatha-yoga dans une perspective de réalisation spirituelle. Cela ne veut pas dire que la voie du hatha-yoga soit par nature plus difficile à suivre que les autres voies initiatiques. Toute voie authentiquement déconditionnante nécessite effort et ténacité de la part de celui qui la suit… Enfin, je préciserai que par ces réflexions je ne prétends nullement condamner la pratique à but hygiénique — si répandue aujourd’hui — des premiers éléments du hatha-yoga. Si modeste qu’elle puisse être, je crois même cette pratique très bénéfique. Cependant, j’ai voulu rendre les choses un peu plus claires en soulignant le fossé qui existe entre le hatha-yoga traditionnel et le sous-produit commercialisé en Occident sous ce nom, espérant par là redorer un peu le blason de cette discipline qu’une vulgarisation accélérée tend à ternir de plus en plus.
Yann Le Boucher
[1] Ces quatre traités sont la Hatha-yoga pradipika, la Goraksasataka, la Gheranda samhita et la Shiva sambita. Seul le premier de ces quatre textes est traduit en français : Editions Fayard, coll. « Documents spirituels », présenté par T. Michaël.
[2] C’est en particulier le cas des techniques d’automassage de l’abdomen (agnisara dhauti et nauli). Dans le cadre d’un yoga à but hygiénique, ces exercices ne sont guère pratiqués plus de cinq minutes par jour, ce qui représente un maximum de cent à deux cents « barattages » quotidiens. Au contraire, dans le contexte de l’ascèse yogique traditionnelle, le temps de pratique journalier se compte en dizaines de minutes, trente à quarante minutes constituant la pleine mesure, ce qui représente pas moins de mille à deux mille « barattages » quotidiens !
C’est seulement quand ces techniques ont été pratiquées à ce rythme pendant plusieurs mois d’affilée que, sur ce point, l’entraînement est considéré comme achevé.
[3] Gheranda samhita. 1, 60.
[4] Le texte le plus complet — la Gheranda samhita — en dénombre vingt-cinq.
[5] Cet être le plus profond, le Soi (atman), comme principe métaphysique absolument inconditionné est en effet au-delà de la limite que représente pour lui la condition particulière d’être vivant, comme il est d’ailleurs au-delà de toutes autres conditions de quelque ordre qu’elles soient.
[6] Livre de la Genèse, II, 7.
[7] Hatha-yoga pradipika, II, 2.
[8] L’unité de mesure prise comme référence dans ces textes n’est pas la seconde mais le matra. Pour la commodité de la lecture nous avons à chaque fois effectué les transpositions nécessaires.
[9] Pour atteindre ce but, et par paliers successifs, le yogi s’entraîne quatre fois par jour aux rétentions de souffle. La pleine mesure est atteinte avec trois cent vingt rétentions quotidiennes (quatre fois quatre-vingts rétentions) réparties sur huit bonnes heures (quatre fois deux heures).
[10] Certains textes introduisent une étape intermédiaire (dharana: concentration) entre la cinquième et la sixième ascèse. Cette subdivision porte donc à huit le nombre total des sadhanas, mais cela ne change en rien le sens global de la démarche.
[11] Sushumma: le plus important de tous les canaux subtils. Localisé à l’intérieur de la moelle épinière, il s’étend du sacrum au sommet de la tête.
[12] Goraksa sataka, V, 96.