(Revue Être. No 2. 1ère année. 1973)
L’illusion de la servitude
I-
Nouménalernent, en essayant de nous libérer, est-ce que nous n’essayons pas de nous libérer de ce-que-nous-sommes ? Il n’y a aucun « Soi » dont nous pouvons être libéré, car chercher la libération de ce qui n’est pas asservi crée — par cette action même — l’illusion de la « servitude ».
Le fait de reconnaître que la « libération » ne peut pas exister comme telle parce qu’elle n’est qu’un concept de « la libération de ce que déjà je suis », et ainsi ne peut être quelque chose ni à acquérir ni à perdre, devrait être le seul sens valable de « libération », un sens qui donnerait à la conscience la possibilité de s’ouvrir immédiatement à sa véritable identité.
« Libération » du concept conditionné de ce que je ne pourrais pas être comme « Je » doit se trouver dans les capacités relatives de nous tous.
La servitude de la libération
II-
Chercher la libération est confirmer la servitude, parce que chaque concept implique sa contrepartie.
La servitude à la volonté ne peut pas être détruite par la servitude à son opposé, parce que la « servitude » est la volonté.
La servitude est l’identification, et l’identification est la servitude.
S’il n’y a personne pour être « asservi », il n’y a personne pour être « libéré » non plus.
JE ne peux être ni « asservi » ni « libéré », parce que l’un implique l’autre, et aucun concept ne pourrait s’appliquer à ce qui « ni Est ni n’Est-pas ».
Ni libre ni asservi
III-
Servitude et Libération sont des états relatifs, des concepts dans une psyché. Absolument, une telle opposition ne pourrait se produire — parce que cette opposition est la, Relativité comme telle.
Regarder la servitude comme étant relative, et la libération comme absolue, est inadmissible — parce que l’Absolu n’admet ni l’une ni l’autre.
Il s’ensuit que le concept de la libération reste toujours relatif et ne constitue et n’implique pas l’Absolu, parce que l’Absolu exige l’absence des deux.
Ainsi si le concept de la servitude devait être détruit, il faudrait que le concept de la libération soit détruit également pour que l’Absolu puisse survenir.
Dire, même imaginer, que « je suis libre », veut dire « je suis asservi » — au concept de la « libération ».
N.B. : « Re-ligion », comme le mot lui-même le dit, ne peut que signifier « re-asservissement », délibéré ou pas. Donc « chercher la libération », religieusement ou métaphysiquement, est une contradiction-dans-les-termes.