Robert Powell
La logique s’applique à la pensée, l’intuition à la conscience

Traduction libre La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous avons eu une bonne discussion sur les entrées sensorielles et la Conscience. Cependant, je pense que nous pouvons aller encore plus loin. Vous avez clairement indiqué que les organes des sens, les neurones, etc., qui créent vraisemblablement la conscience, sont eux-mêmes des concepts dans […]

Traduction libre

La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous avons eu une bonne discussion sur les entrées sensorielles et la Conscience. Cependant, je pense que nous pouvons aller encore plus loin. Vous avez clairement indiqué que les organes des sens, les neurones, etc., qui créent vraisemblablement la conscience, sont eux-mêmes des concepts dans la Conscience. Avant tout concept de ce type, la conscience doit être présente. Ainsi, si l’on demande si ce sont les organes sensoriels « conceptuels » qui créent la conscience ou si c’est la conscience qui manifeste l’appareil sensoriel de l’œil, du neurone, du cerveau, etc., il semble clair que c’est le dernier cas qui est vrai. Cependant, il peut y avoir une troisième alternative. Si les organes de perception ont une existence indépendante, alors les deux peuvent être vrais, c’est-à-dire que les organes des sens produisent la conscience et que cette même conscience manifeste les organes des sens comme des concepts. Comme nous sommes contenus dans cette « boîte » perceptive-conceptuelle et que nous ne pouvons pas vérifier ce qui se trouve à l’extérieur de la boîte, il doit toujours y avoir un certain doute quant à notre situation réelle. Il semble que la réponse était déjà contenue dans la question. Sans considérer la possibilité d’une existence indépendante du « monde », vous ignorez l’essence de ce que nous cherchons à découvrir.

Tout comme la question de savoir qui est arrivé en premier, la poule ou l’œuf, cette question exclut la possibilité d’une troisième réponse. La poule et l’œuf ont tous deux évolué et se sont transformés progressivement au fil du temps à partir d’un ancêtre antérieur au poulet.

Même si la poule et l’œuf ont évolué à partir d’un ancien ancêtre proto-poulet, la question n’est que remontée dans le temps jusqu’à cet ancien ancêtre. Qui est venu en premier : la proto-poule ou l’œuf de la proto-poule ? Mais tout cela n’indique-t-il pas plutôt un cadre de référence spatio-temporel fallacieux ?

Mais pour en revenir à votre argument principal, qui est celui d’une troisième alternative, au risque d’être considéré comme dogmatique, je dois dire, tout d’abord, que les organes des sens ne peuvent en aucun cas produire la Conscience. Ils peuvent sembler jouer un rôle de médiateur dans le processus, mais ils sont totalement impuissants par eux-mêmes. Ce serait la même chose que de dire que votre ordinateur a, à lui seul, créé un livre ou une œuvre d’art. Les organes des sens sont des entités essentiellement mécaniques et d’un ordre résolument différent de la Conscience. Les organes des sens, ainsi que tous les autres objets, sont des concepts, et en aucun cas les concepts ne peuvent donner naissance à la Conscience — ils sont dans une dimension différente de la réalité. Le concept même de « concept » requiert la Conscience pour son existence et son expression. On pourrait dire que le concept est une expression, une modulation de la Conscience, tout comme les vagues de l’océan sont une manifestation de l’océan, mais n’ont aucune existence indépendante en dehors de celui-ci. En vérité, la Conscience est tout ce qui existe ; elle est donc votre Soi réel.

Toutes les réflexions sur ce qui se trouve à l’intérieur et à l’extérieur de la boîte ne sont possibles que par la Conscience. Sans elle, il n’y a rien, mais même l’idée du vide ne peut naître que dans la Conscience. Puisque la Conscience est antérieur à tout, même le vide dépend de la Conscience et n’est qu’un pur concept.

Que voulez-vous dire par l’existence indépendante du monde ? Il n’y a pas de monde sans un observateur qui observe ce monde. Il n’y a pas d’objet sans un sujet désignant cet objet. L’observateur existe-t-il dans votre sommeil (sans rêve) ? Non, le monde est absent, car il n’y a personne pour l’observer. Et dans votre rêve, le monde est différent du monde à l’état de veille — mais les deux mondes ont besoin d’un rêveur pour se manifester : L’« observateur » est l’« observé » ! C’est pourquoi pour atteindre l’Ultime, la raison seule ne suffit pas ; seule l’intuition fera l’affaire.

Apparemment, vous aimez beaucoup la logique. Moi aussi. Mais, malheureusement ou heureusement, la logique peut vraiment nous induire en erreur lorsqu’elle est mal appliquée au domaine situé au-delà de la relation sujet-objet, au-delà de la pensée. La logique est une façon particulière de penser, un langage spécial, en quelque sorte. Elle ne s’applique qu’au monde de la multiplicité (dualité) ; elle est basée sur la relation des objets avec un sujet. Puisque la Conscience est non-duelle, la logique ne peut l’atteindre. En fait, la Conscience est la seule chose qui existe réellement, bien qu’elle ne soit pas une « chose ». Toutes les « choses » ne sont que des reflets en elle. Vous pouvez imaginer divers concepts de la Conscience et être en droit de leur appliquer la logique, mais votre conclusion ne correspondra pas à la Conscience non-duelle.

Le fait est que l’intuition transcende la logique ; elle va au-delà du sujet et de l’objet, de l’observateur et de l’observé. La logique régit les relations, mais puisque la Conscience est le Soi, qui est la totalité (non duelle) et qui porte tout en son sein, où est la question de la relation ? Comment peut-elle être subordonnée à la logique ?

Pouvons-nous utiliser la logique, qui est la pensée ou le mental ou l’ego, pour communiquer des intuitions qui, à leur tour, invalident la réalité même de l’ego qui propose ces intuitions ? Sans l’idée d’un penseur ou d’un « je » distinct, il ne peut y avoir de pensées ultérieures. Est-il donc raisonnable de nier le « je » en affirmant le « je » par le biais d’un discours et d’une argumentation soi-disant logiques ? Il y a quelque chose qui ne va pas ici, et plus on y réfléchit, plus cela devient compliqué. Je suis, en fait, en train d’utiliser un argument logique pour rejeter l’utilisation d’un argument logique !

La logique ne mène peut-être pas à la vérité, mais elle peut conduire à la fin de la contre-vérité.