Ken Wilber
La physique, le mysticisme et le nouveau paradigme holographique : Une évaluation critique

(Extrait de Ken Wilber – Le paradigme Holographique. Édition Le Jour 1984) Nous assistons présentement à un virage paradigmatique en science — peut-être le plus grand virage du genre jusqu’ici. C’est la première fois que nous tombons sur un modèle englobant les expériences mystiques, et qui a l’avantage supplémentaire d’être issu de la fine pointe […]

(Extrait de Ken Wilber – Le paradigme Holographique. Édition Le Jour 1984)

Nous assistons présentement à un virage paradigmatique en science — peut-être le plus grand virage du genre jusqu’ici. C’est la première fois que nous tombons sur un modèle englobant les expériences mystiques, et qui a l’avantage supplémentaire d’être issu de la fine pointe de la physique contemporaine.

Lawrence Beynam (1978)

Afin de comprendre comment le nouveau paradigme scientifique s’insère dans le plan général des choses, il est nécessaire en premier lieu d’avoir un plan général des choses. La philosophie pérenne a toujours offert un tel plan, et, pour des raisons pratiques, c’est celui-là que j’utiliserai ici.

Dans ce qui suit, je vais résumer la philosophia perennis — laissant, toutefois, beaucoup de détails de côté —, puis j’appliquerai cette philosophie à une élucidation et à une critique du « paradigme holographique » et de la « nouvelle physique », touchant brièvement chacun des points clés en question.

Le trait le plus frappant de la philosophie / psychologie pérenne est qu’elle présente l’être et la conscience comme une hiérarchie de niveaux dimensionnels, allant des domaines les plus bas, les plus denses et les plus fragmentaires à ceux qui sont les plus élevés, les plus subtils et les plus unitaires. Dans l’hindouisme, par exemple, le niveau le plus bas est appelé annamayakosa, ce qui signifie le niveau fait d’aliments — c’est-à-dire le corps physique et le cosmos matériel. Le niveau suivant est prânamayakosa — l’enveloppe faite de fonctions biologiques, de souffle vital, d’émotions, de bioénergie et ainsi de suite. Ces deux niveaux, dans le bouddhisme Mahayana, sont appelés les cinq vijnânas — le domaine des cinq sens et de leurs objets physiques.

Le niveau suivant, selon l’hindouisme, est le manomayakosa, l’enveloppe faite d’esprit. Dans le bouddhisme, on l’appelle le manovijnana — l’esprit qui reste (par myopie) près des cinq sens. C’est approximativement le niveau que nous, en Occident, appellerions intellect, esprit, ego mental, processus secondaire, pensée opérationnelle, etc.

Au-delà de l’esprit, selon l’hindouisme, il y a le vijnanamayakosa (ce que les bouddhistes appellent manas). C’est une forme très élevée de l’esprit, si élevée, en fait, qu’il vaut mieux la désigner par un nom différent — le plus commun étant « le domaine subtil ». On dit que le subtil inclut les processus archétypaux, les insights et les visions supérieures, l’intuition extatique, une extraordinaire clarté de conscience, une conscience ouverte qui va loin au-delà de l’ego, de l’esprit et du corps ordinaires.

Par-delà le subtil, il y a le domaine causal (hindouisme: anandamayakosa; bouddhisme: alayavijnana vicié). C’est un domaine de transcendance parfaite, si parfaite qu’on dit qu’il dépasse la conception, l’expérience et l’imagination de tout individu ordinaire. C’est un domaine de radiance sans forme, ou d’insight radical dans toute la manifestation, de libération extatique dans l’infini, d’éclatement de toutes les frontières, élevées ou inférieures, et de sagesse et de conscience absolument panoramiques ou parfaitement semblables à un miroir.

Passant par le domaine causal, la conscience se réveille à son royaume absolu. C’est la conscience-comme-telle, et non seulement c’est la limite infinie du spectre de l’être, mais c’est la nature, la source et l’en-soi de chaque niveau du spectre. Elle englobe radicalement tout, elle est sans égale. A ce point — mais pas avant — tous les niveaux sont vus comme étant des manifestations parfaites et égales de ce Mystère ultime. Il n’y a alors ni niveaux, ni dimensions, ni supérieur, ni inférieur, ni sacré, ni profane, de façon si prosaïque que le zen le décrit ainsi:

Quand le vent fait onduler les saules

Des billes de velours volent dans l’air.

Quand la pluie tombe sur les fleurs de poiriers

Des papillons blancs dansent dans le ciel.

Le résumé ci-dessus nous donnerait approximativement Six niveaux principaux — physique, biologique, mental, subtil, causal et ultime (énumérés ci-dessous dans le tableau l). Nombre de traditions subdivisent et étendent largement ce modèle (on dit par exemple que le subtil consiste en sept niveaux). Mais à part cela, il est important de comprendre que toutes les principales traditions pérennes acceptent cette hiérarchie générale, et la plupart d’entre elles s’entendent même sur les détails. De plus, cette hiérarchie n’est pas une subtilité de questions philosophiques secondaires; pour ces traditions, il s’agit du noyau fondamental de la sagesse éternelle dans la mesure où il peut être verbalisé. Il est juste de dire, alors, que tout compte rendu de la « vision du monde » du mystique qui ne tient pas compte de ce type de hiérarchie est sérieusement inadéquat.

Tableau 1

1. Physique — matière / énergie non vivante

2. Biologique — matière / énergie vivante, prânique, sensible

3. Mental — ego, logique, pensée

4. Subtil — archétypal, transindividuel, intuitif

5. Causal — radiance sans forme, transcendance parfaite

6. Ultime — conscience-en-tant-que-telle, la source et la nature de tous les autres niveaux.

Selon les traditions pérennes, chacun de ces divers niveaux a un champ d’étude approprié. L’étude du niveau 1 est fondamentalement celui de la physique et de la chimie, l’étude des choses non vivantes. Le niveau 2 est le domaine de la biologie, l’étude des processus vitaux. Le niveau 3 est le niveau de la psychologie (quand la conscience est tournée « vers l’intérieur ») et de la philosophie (lorsque elle est tournée « vers l’extérieur »). Le niveau 4, le subtil, est le domaine de la religion des saints, c’est-à-dire la religion qui vise l’insight visionnaire, les halos de lumière et d’extase, l’intuition angélique ou archétypale et ainsi de suite. Le niveau 5, le causal, est le royaume de la religion des sages, qui ne vise pas tant les expériences supérieures que la dissolution et la transcendance du sujet et de l’expérience. Cette voie sage implique la transcendance de toute dualité sujet-objet dans la conscience sans forme. Le niveau 6, l’ultime, attend quiconque franchit les barrières finales des niveaux 4 et 5 de façon à s’éveiller radicalement en tant que conscience ultime.

Remarquez que ces différentes disciplines, comme les niveaux qu’elles abordent, sont hiérarchiques. C’est-à-dire, tout comme chaque niveau du spectre transcende mais inclut son prédécesseur, ainsi chaque étude supérieure enveloppe ses disciplines cadettes — mais pas l’inverse. Ainsi, par exemple, l’étude de la biologie utilise la physique, mais l’étude de la physique n’utilise pas la biologie.

C’est une autre façon de dire que les niveaux inférieurs n’embrassent pas, et ne peuvent embrasser les niveaux supérieurs. Le principe premier de la philosophie pérenne est que le supérieur ne peut être expliqué par l’inférieur ni découler de l’inférieur. (En fait, comme nous le verrons, l’inférieur est créé à partir du supérieur, un processus appelé « involution ».)

Bien que les divers niveaux dimensionnels soient hiérarchiques, ceci ne veut pas dire qu’ils sont radicalement séparés, discrets et isolés les uns des autres. Ce sont en fait des niveaux différents, mais des niveaux différents de conscience. Par conséquent, on dit que les divers niveaux s’interpénètrent mutuellement. En voici une excellente description:

Ces « mondes » [ou niveaux dimensionnels] ne sont pas des régions distinctes, spatialement divisées les unes des autres, de manière à ce qu’il faille se déplacer dans l’espace pour passer de l’une à l’autre. Les mondes supérieurs sont en interpénétration complète avec les mondes inférieurs, qui sont façonnés et soutenus par leurs activités.

Ce qui les divise, c’est que chaque monde a un niveau de conscience plus restreint et plus contrôlé que le monde au-dessus de lui. La conscience inférieure est incapable de faire l’expérience de la vie des mondes supérieurs et est même inconsciente de leur existence, bien qu’elle soit interpénétrée par eux.

Mais si les êtres d’un monde inférieur peuvent élever leur conscience jusqu’à un niveau supérieur, alors ce monde supérieur leur devient manifeste, et on peut dire qu’ils sont passés à un monde supérieur, bien qu’ils ne se soient pas déplacés dans l’espace. (Shepherd, 1977)

Les divers niveaux, alors, sont en interpénétration et en interconnexion mutuelles. Mais pas de façon équivalente. Le supérieur transcende mais inclut l’inférieur — et non l’inverse. C’est-à-dire que tout l’inférieur est « dans » le supérieur, mais tout le supérieur n’est pas dans l’inférieur. Pour donner un exemple simple, tout le reptile est dans l’homme, mais tout l’homme n’est pas dans le reptile; tout le monde minéral est dans une plante, mais non l’inverse, et ainsi de suite. « Le plus évolué, explique Wachsmuth, contient toujours en lui-même les attributs du précédent, et pourtant se développe toujours en tant que nouvelle entité, en tant qu’activité clairement différenciable de celle de l’autre. » (1977)

Ainsi, quand le sage-mystique parle de ce type d’interpénétration mutuelle, il ou elle veut dire une interpénétration multidimensionnelle avec non-équivalence.

L’explication, par les sages-mystiques, de cette interpénétration multidimensionnelle constitue une partie de la littérature la plus profonde et la plus belle du monde [1]. L’essence de cette littérature, bien qu’il semble presque blasphématoire d’essayer de la réduire à quelques paragraphes, est qu’au commencement « il n’y a que la conscience-en-tant-que-telle, intemporelle, aspatiale, infinie et éternelle. Pour nulle raison qui puisse être énoncée avec des mots, une subtile vaguelette est générée dans cet océan infini. Cette vaguelette ne pourrait pas en elle-même se soustraire à l’infini, car l’infini peut embrasser toutes les entités. Mais cette subtile vaguelette, s’éveillant à elle-même, la mer infinie dont elle n’est qu’un geste. La vaguelette se croit par conséquent séparée de l’infini, isolée, distincte.

Cette vaguelette, très raréfiée, est la région causale (niveau 5), le tout début, bien que faible, de la vague du moi. À ce point, toutefois, elle est encore très subtile, encore « proche » de l’infini, encore extatique.

Mais en quelque sorte, pas vraiment satisfaite, pas profondément paisible. Car afin de trouver cette paix ultime, la vaguelette devrait retourner à l’océan, se dissoudre à nouveau dans l’infini radieux, s’oublier et se rappeler l’absolu. Mais pour cela, il lui faudrait mourir — il lui faudrait accepter la mort de son sens du moi distinct. Et elle en est terrifiée.

L’infini est tout ce qu’elle veut, mais puisqu’elle est terrifiée d’accepter la mort nécessaire, elle se met à chercher l’infini par des façons qui l’en empêchent. Puisque la vaguelette veut la libération et en a peur en même temps, elle arrange un compromis et un substitut. Au lieu de trouver la vraie divinité, la vaguelette prétend être Dieu, cosmocentrique, héroïque, suffisante et immortelle. C’est non seulement le commencement du narcissisme et la bataille de la vie contre la mort, c’est une version réduite ou restreinte de la conscience, parce que la vaguelette ne fait plus un avec l’océan, elle essaie d’être elle-même l’océan.

Poussée par ce projet Atman — la tentative d’atteindre l’infini par des moyens qui l’en empêchent et la forcent à des gratifications substitutives —, la vaguelette crée des modes de conscience toujours plus étroits et plus restreints. Trouvant le causal moins que parfait, elle réduit la conscience pour créer le subtil (niveau 4). Finissant par trouver le Subtil moins qu’idéal, elle réduit la conscience une fois de lus pour créer le mental (3). Échouant là, elle la réduit au plan prânique, puis au plan matériel, où, finalement, épuisant son désir d’être Dieu, elle tombe dans un sommeil inconscient.

Et pourtant, derrière ce projet Atman, le drame ignorant du moi distinct se trouve néanmoins l’Atman. Tout le drame tragique du désir et de la mortalité du moi n’était que le jeu du divin, un sport cosmique, un geste d’oubli du Soi afin que le choc de la réalisation du Soi soit plus délicieux. La vaguelette a vraiment oublié le Soi, c’est sûr — mais elle était une vaguelette du moi, et l’est restée tout au long de la pièce.

Ainsi, ce mouvement du supérieur à l’inférieur — qui est l’involution est en même temps un acte de pure création et de radiance fulgurante (de la part de l’Atman) et une tragique histoire de souffrance et de malheur épique (de la part du moi-vaguelette entreprenant le projet Atman). Le but ultime de l’évolution — le mouvement de l’inférieur au supérieur — est de s’éveiller en tant qu’Atman, et par conséquent de retenir la gloire de la création sans être forcé de jouer dans le drame de la souffrance du moi.

Au cours de l’histoire de notre univers (et la science nous aide ici), nous avons évolué du niveau 1 (qui commença il y a approximativement 15 milliards d’années avec le Big Bang) au niveau 2 (qui se produisit plusieurs milliards d’années plus tard lorsque la matière s’éveilla à une certaine compréhension de la vie) au niveau 3 (qui jusqu’ici n’a été pleinement atteint que par les humains). L’évolution est, pourrait-on dire, à demi complétée. « L’humanité, disait Plotin, est en équilibre à mi-chemin entre les dieux et les bêtes. »

Mais dans le passé de l’histoire humaine, certains hommes et femmes, à travers la discipline évolutionnaire de la religion supérieure, réussirent à pousser leur propre développement et leur propre évolution jusqu’au niveau 4: celui de la religion sainte et de la première intuition d’une réalité transcendantale, une en essence, au-dessus et au-delà de l’esprit, du moi, du corps et du monde ordinaires. Cet « au-delà » fut poétiquement appelé le ciel; cette unité fut appelée le seul Dieu. Cette intuition ne se produisit pas pleinement avant environ 3000 av. J.-C., avec la montée des premières grandes religions monothéistes. (Avant cette époque, il n’y avait que des réalisations polythéistes — un dieu du feu, un dieu de l’eau, etc. Il s’agit en fait de magie shamaniste, issue d’une simple manipulation du niveau 2, les énergies et les rites émotifs-sexuels). Dès 500 av. J.-C., toutefois, certaines âmes évolutionnaires poussèrent leur développement jusque dans le causal — le Christ, Bouddha, Krishna, les grands sages axiaux. Leurs insights furent prolongés et élargis pour produire ce que les Tibétains ont appelé la voie Svabhavikakaya — la voie du niveau 6, ou la Vérité déjà accomplie, la voie du zen, Vajrayana, Vedanta. Le monde n’a plus qu’à suivre l’exemple et à en faire autant par processus évolutionnaire ou méditation, jusqu’aux domaines supérieurs, culminant dans l’infini.

Selon la philosophie pérenne, non seulement tout ce processus d’involution et d’évolution se déroule-t-il pendant des siècles, mais il se répète d’instant en instant, sans cesse et instantanément. À cet instant et cet instant et celui-ci, un individu repart vers l’infini. Mais en cet instant, cet instant et celui-ci, il se contracte et s’éloigne de l’infini et finit par être réduit au niveau de sa présente adaptation. Il involue jusqu’au plus haut point auquel il a jusqu’ici évolué — et tous les domaines supérieurs sont tout simplement oubliés, refoulés, rendus inconscients. C’est pourquoi toute méditation est appelée rappel ou souvenir (en sanskrit smriti, en pali sati, comme dans satipatthana, l’anamnèse de Platon, le zikr soufi — tous ces termes se traduisent exactement par « souvenir » ou « rappel »).

Toute cette panoplie de niveaux supérieurs engendrant l’inférieur d’instant en instant, et de l’incroyable interpénétration de chaque niveau avec les autres, et de l’extraordinaire dynamique entre les niveaux, tous se produisant dans un champ de radiance fulgurante — c’est tout ce qu’entend le sage-mystique quand il parle de l’interpénétration multidimensionnelle avec non-équivalence.

Le fait que le sage-mystique parle si souvent de la différence entre les niveaux, et mette l’accent sur ces différences, ne signifie pas qu’il néglige les relations entre les éléments à un niveau donné. En fait, le mystique est précis dans sa compréhension de la communauté d’éléments constituant chaque niveau. Puisque tous les éléments sont « faits de » la même densité de conscience — puisqu’ils sont tous du même niveau — ils sont tous en parfaite interpénétration et en interdépendance mutuelle, d’une façon équivalente. C’est-à-dire: nul élément d’un niveau donné n’est plus haut, ou plus réel, ou plus fondamental que les autres, tout simplement parce qu’ils sont tous faits de la « même étoffe » (c’est-à-dire la même densité de conscience).

En fait, il y a certaines hiérarchies à l’intérieur de chaque niveau, mais ce ne sont pas des hiérarchies de statut, comme celle de grandeur. Par exemple, une planète est plus grosse qu’une pierre, un système solaire est plus gros qu’une planète, une galaxie plus grosse qu’un système solaire. C’est une hiérarchie de grandeur, et non un statut ontologique, parce qu’ils sont tous également du plan matériel. De même, toutes les hiérarchies à l’intérieur de chaque dimension sont d’éléments équivalents.

Ainsi, sur le plan physique, aucune particule élémentaire n’est « la plus fondamentale » (elles semblent toutes en bootstrap). Sur le plan nutritif, aucune vitamine n’est finalement plus essentielle (retirez-en une et vous êtes également mort). Dans la sphère morale, aucune vertu n’est plus grande qu’une autre — elles semblent toutes se recouper réciproquement (comme Socrate le savait et comme Maslow le découvrit pour les valeurs B). Au niveau du subtil, tous les archétypes sont des reflets équivalents de Dieu, tout comme tous les Sambhogakaya sont des aspects équivalents du Dharmakaya.

L’essentiel est que tous les éléments d’un niveau donné Sont approximativement équivalents en statut et s’interpénètrent mutuellement en fait. Tous en un et un dans tous — holographiquement, pourrait-on dire. Mais, à cause de la hiérarchie, tout élément d’un niveau supérieur est plus élevé en statut ontologique que tout élément d’une dimension inférieure (par ex.: la vertu de compassion n’est pas l’équivalent de la vitamine B-12). L’interconnectivité mutuelle des éléments de tout niveau particulier est une interpénétration unidimensionnelle avec équivalence. C’est un genre d’holoarchie existant à l’intérieur de chaque niveau de hiérarchie. Ainsi, la façon la plus simple de résumer la perspective mystique du monde:

1) Holoarchie à l’intérieur de chaque niveau;

2) Hiérarchie entre les niveaux.

Avec cette information de base, nous en venons au nouveau paradigme.

PHYSIQUE ET MYSTICISME

L’une des doctrines mystiques les plus fréquemment mentionnées est celle de l’ »interpénétration mutuelle » telle que présentée, par exemple, dans l’école Kegon du bouddhisme, les Discours de Meher Baba, les cinq rangs du zen Soto, etc. Par « interpénétration mutuelle », le mystique veut dire les deux formes d’interpénétration exposées ci-dessus: unidimensionnelle et multidimensionnelle, holoarchique et hiérarchique, horizontale et verticale.

Imaginez les six niveaux de la conscience comme un édifice à six étages: le mystique veut dire que tous les éléments de chaque étage interagissent harmonieusement, et, ce qui est plus important, que chacun des étages est en interaction avec chaque autre. Pour ce qui est de l’interaction entre plusieurs niveaux, le mystique veut dire que les éléments physiques interagissent avec les éléments biologiques qui interagissent avec le mental qui interagit avec le subtil qui interagit avec le causal qui passe à l’infini, chaque niveau succédant à son prédécesseur mais en interpénétration mutuelle avec lui. Et ainsi, parlant de tous ces niveaux, le mystique dit, pour employer les termes de Meher Baba: « Ils s’interpénètrent tous les uns les autres et existent ensemble.« 

Or, il advient que le physicien moderne, travaillant au domaine le plus bas — celui des processus matériels, inconscients et non vivants — a découvert l’interpénétration unidimensionnelle du plan matériel: il a découvert que tous les hadrons, les leptons, etc., sont en interpénétration et en interdépendance mutuelles. Comme l’explique Capra:

La théorie des quanta nous oblige à voir l’univers non pas comme une collection d’objets physiques, mais plutôt comme un tissu compliqué de relations entre les diverses parties d’un ensemble unifié … Toutes les particules [physiques] sont dynamiquement composées les unes des autres de façon cohérente en soi, et en ce sens, on peut dire qu’elles se « contiennent » les unes les autres. Dans [cette théorie], l’accent est mis sur l’interaction, ou l' »interpénétration » de toutes les particules (1977).

En résumé, parlant de ces particules, ondes et champs subatomiques, le physicien dit: « Ils sont en interpénétration mutuelle et existent ensemble. » Or, une personne peu prudente, voyant que le mystique et le physicien ont utilisé précisément les mêmes mots pour parler de leurs réalités, en concluraient que les réalités doivent aussi être les mêmes. Et ce n’est pas le cas.

Le physicien, avec son interpénétration unidimensionnelle, nous dit que toutes sortes d’événements atomiques sont tissés les uns avec les autres — ce qui en soi est une découverte significative. Mais il ne nous dit rien, et ne peut rien nous dire de l’interaction de la matière non vivante avec le niveau biologique, et de l’interaction de ce niveau avec le champ mental quelle relation le plasma ionique a-t-il avec, disons, les buts et les pulsions de l’ego? Et au-delà de cela, que dire de l’interaction du champ mental avec le subtil, et du subtil avec le causal, et de l’interaction et de l’interpénétration inversées revenant en descendant à travers les niveaux inférieurs? Que peut nous dire la nouvelle physique à ce sujet?

Je suis d’avis que la nouvelle physique a tout simplement découvert l’interpénétration unidimensionnelle de son propre niveau (la masse / énergie inconsciente). Bien que ce soit une découverte importante, elle ne peut être mise sur le même pied que l’extraordinaire phénomène de l’interpénétration multidimensionnelle décrite par les mystiques. Nous avons vu que l’hindouisme, pour ne citer qu’un exemple, a une théorie incroyablement complexe et profonde sur la façon dont le domaine ultime engendre l’ordinaire, qui à son tour engendre le subtil, qui crée l’esprit, dont vient le monde charnel et, tout en bas, le plan physique. La physique nous a dit toutes sortes de choses significatives sur ce dernier niveau. De ses prédécesseurs, elle ne peut rien dire (sans se changer en biologie, en psychologie ou en religion). En gros, l’étude de la physique est au premier étage, décrivant les interactions de ses éléments; les mystiques sont au sixième étage, décrivant l’interaction de tous les six étages.

Ainsi, à titre de conclusion globale, même à titre d’approximation, l’affirmation selon laquelle  » les visions du monde de la physique et du mysticisme sont similaires » est une grossière surgénéralisation et est fondée, comme l’a dit récemment un physicien, « sur l’utilisation de similarités accidentelles de langage comme si celles-ci étaient d’une certaine façon la preuve de rapports profondément enracinés » (Bernstein, 1978).

De plus, la physique et le mysticisme ne sont pas deux approches différentes de la même réalité. Ce sont des approches différentes de deux niveaux de réalité tout à fait différents, dont le second transcende mais inclut le premier. C’est-à-dire que la physique et le mysticisme ne suivent pas le principe de complémentarité de Bohr. Il n’est généralement pas compris que la complémentarité, telle qu’elle est utilisée en physique, veut dire deux aspects ou deux approches d’une interaction de la réalité qui s’excluent mutuellement. La physique et le mysticisme ne sont pas complémentaires parce qu’un individu peut être, en même temps et dans le même geste, un physicien et un mystique. Comme nous l’avons dit, le second transcende mais inclut le premier, il ne l’exclut pas. La physique et le mysticisme ne sont pas deux approches d’une même réalité qui s’excluent mutuellement, pas plus que, disons, la botanique et les mathématiques.

Toute cette notion de la complémentarité de la physique et du mysticisme vient du fait d’ignorer les niveaux 2 à 5. Il semble alors que la physique (niveau 1) et le mysticisme (niveau 6) soient les deux seules approches majeures de la réalité. De cette perspective tronquée de la réalité provient la supposée « complémentarité » de la physique et du mysticisme. On ne revendique pas cela de la sociologie et du mysticisme, de la nutrition et du mysticisme, ni de la botanique et du mysticisme; pas plus, donc, de la physique et du mysticisme.

Ce qui est nouveau de la nouvelle physique, ce n’est pas qu’elle ait quelque chose à voir avec les niveaux supérieurs de la réalité. A part quelques exceptions mineures (dont nous parlerons bientôt), elle ne tente même pas d’expliquer le niveau 2 ou d’en rendre compte (sans parler des niveaux 3 à 6). Plutôt, en poussant aux extrêmes des dimensions matérielles, elle a apparemment découvert l’holoarchie fondamentale du niveau 1, et cela, en fait, est nouveau. Là-dessus, du moins, la physique et le mysticisme s’entendent.

Pourtant, même ici, nous devons être prudents. Dans la hâte de marier physique et mysticisme, par la force de la généralisation, nous tendons à oublier que la réalité quantique n’a presque aucune portée dans le monde réel des processus macroscopiques. Comme le dit le physicien Walker, dans le monde ordinaire des « automobiles et du basket-ball, les quanta sont sans conséquence ». Cela a depuis longtemps été clairement reconnu par les physiciens. Le niveau des quanta est tellement sous-microscopique que ses interactions peuvent à toutes fins pratiques être ignorées dans le macro-monde. Les intenses interactions entre mésons subatomiques, qui semblent tellement mystiques, ne sont pas du tout observées entre macro-objets, entre pierres, gens et arbres. Comme l’explique soigneusement Capra: « L’unité fondamentale de l’univers … devient apparente au niveau atomique et se manifeste de plus en plus à mesure qu’on pénètre plus profondément … dans le domaine des particules subatomiques » [les italiques sont de moi] (1977).

Mais c’est précisément dans le domaine ordinaire des pierres et des arbres que le mystique voit son interpénétration mutuelle de toute matière. Son unité fondamentale de l’univers ne « commence » pas « au niveau atomique ». Lorsque le mystique regarde un oiseau volant au-dessus d’un ruisseau en cascades et dit « Ils ne font qu’un, parfaitement », il ne veut pas dire que si nous apportions un supermicroscope et examinions la situation, nous verrions l’oiseau et le ruisseau échanger des mésons d’une façon unitaire. Sa vision unitaire est un impact immédiat exprimant sa compréhension personnelle que « En vérité, tout ce monde est Brahman ».

C’est-à-dire que même l’accord entre mystique et physicien au niveau 1 doit être considéré soit comme quelque peu ténu ou comme une heureuse coïncidence. Demandez à presque n’importe quel physicien si les rapports entre, disons, un arbre et une rivière macroscopiques sont aussi intenses et aussi unitaires que ceux entre des particules subatomiques, et il dira non. Le mystique, lui, dira oui.

C’est une question fondamentale et cela démontre, en fait, que le physicien et le mystique ne parlent même pas du même monde. Le physicien dit: « Le monde newtonien ordinaire est, à toutes fins pratiques, séparé et discret, mais le monde subatomique est un pattern unifié. » Le mystique dit: « Le monde newtonien ordinaire est, comme je le perçois directement, un ensemble indivisible; quant au domaine subatomique, je ne l’ai jamais vu. »

La question ici est cruciale, parce que, comme l’explique (1978) Jeremy Bernstein, professeur de physique au Stevens Institute: « Si j’étais un mystique oriental, la dernière chose au monde que je voudrais, ce serait une réconciliation avec la science moderne. » Son argument est qu’il est dans la nature même des découvertes scientifiques de changer et de s’altérer sans cesse, que la preuve scientifique de la dernière décennie est la fausseté de cette décennie, et qu’on ne peut empêcher aucun fait scientifique majeur d’être profondément modifié par le temps et l’expérimentation ultérieure. Et si nous disions que l’illumination de Bouddha vient d’être corroborée par la physique’? Qu’arrivera-t-il alors lorsque, dans une décennie, de nouveaux faits scientifiques remplaceront (comme il se doit) les faits actuels? Bouddha perdra-t-il alors son illumination? Nous ne pouvons pas jouer sur deux tableaux. Si nous attelons le mysticisme à la physique maintenant, ne devrons-nous pas le laisser tomber plus tard? Qu’est-ce que cela signifie que de confondre des faits scientifiques temporels avec des domaines contemplatifs intemporels? « Atteler une philosophie religieuse [transpersonnelle] à une science contemporaine« , dit le Dr Bernstein, « est un moyen sûr de les rendre obsolescentes. »

L’ORDRE IMPLICITE

Le même genre de difficultés entoure l’usage populaire du concept, introduit par David Bohm, d’un « ordre implicite » de la matière. Le public en général, et bien des psychologues en particulier, considèrent le domaine implicite comme s’il transcendait les particules physiques et atteignait d’une certaine façon à un état supérieur d’unité et de totalité. En fait, le domaine implicite ne transcende pas la matière — il lui est immanent et exprime une cohérence, une unité et une totalité de tout le plan physique, ou niveau 1. Il va, en fait, au-delà de la matière explicite, mais d’une façon immanente ou sous-jacente, mais qui n’est pas transcendante. D’ailleurs, le concept exclut explicitement tous domaines supérieurs tels que l’esprit et la conscience.

Et Bohm lui-même l’a dit très clairement. D’abord, Bohm est nettement opposé au fait d’essayer d’introduire l’esprit ou la conscience dans le formalisme de la mécanique quantique (MQ), comme certains physiciens aimeraient le faire. Comme Hiley et lui l’expriment dans un article récent: « Nous démontrons que l’introduction de l’esprit conscient dans la physique… est motivée par certaines considérations tout à fait générales qui ont peu de choses à voir avec la mécanique quantique elle-même. Cette approche fait contraste avec nos propres recherches utilisant le potentiel quantique… Notre but est, en fait, de décrire cet ordre sans y introduire l’observateur dans quelque rôle fondamental » [les italiques sont de moi] (1975). La conclusion du travail de Bohm est qu’il semble y avoir certains phénomènes quantiques qui « nous mettent en présence d’un nouvel ordre ou d’un nouveau processus de structure, qui ne s’insère pas dans l’ancien plan newtonien. » (1975)

Ce nouvel ordre, en termes généraux, est le domaine implicite (holographique ou de l’holomouvement). Mais Bohm se donne de la peine pour insister sur le fait qu’il n’y a rien de mystique ou de transcendantal dans l’ordre implicite. Sa théorie, et elle est très élégante, est que la matière explicite repose sur une mer d’énergie physique implicite d’une étendue et d’un potentiel extraordinaires, et que les équations de la mécanique quantique « décrivent cela [l’ordre implicite] » (1978). En un sens, donc, le domaine implicite va bien plus loin que la matière explicite: « La matière est comme une petite vague sur ce gigantesque océan d’énergie … Cet ordre implicite implique une réalité qui dépasse immensément ce que nous appelons la matière. La matière elle-même n’est qu’une vaguelette sur cet arrière-plan. » (1978)

Mais en dernière analyse, cette mer implicite, bien que « plus fine » que la matière explicite, fait encore partie du domaine de la physis ou de la masse / énergie non vivante en général. C’est évident parce que 1) Bohm a déjà exclu les domaines supérieurs, tels que la conscience mentale, de la mécanique quantique, et 2) on dit que les équations de la MQ « décrivent l’ordre implicite ». Le fait de se déplier à partir du domaine implicite est, dit-il, « une idée directe de ce qu’on entend par les mathématiques (de la mécanique quantique). Ce qu’on appelle la transformation unitaire ou la description mathématique de base du mouvement en mécanique quantique est exactement ce dont nous parlons. » (1978) Or, les équations de la MQ ne définissent pas la vie biologique, ou niveau 2; elles ne décrivent pas la vie mentale, ou niveau 3; elles ne décrivent pas, non plus, les domaines subtil, causal ou absolu. Elles décrivent quelque chose qui se passe dans le domaine de la physis et nulle part ailleurs. Par ailleurs, Bohm affirme clairement que « l’ordre implicite est toujours de la matière ».

Il faut reconnaître que Bohm, dans ses écrits théoriques, affirme très clairement qu’il ne tente pas d’introduire la conscience ou l’esprit dans le formalisme de la MQ, ou qu’il n’essaie pas ainsi de « prouver » l’existence des états supérieurs d’être par des équations qui décrivent clairement non pas la vie animale (niveau 2) mais plutôt les processus inconscients. Car il est certain que si le domaine implicite repose sur une interprétation élégante des faits engendrés par la MQ, il est alors tout aussi certain qu’il n’a pas d’identité fondamentale avec aucun des niveaux de 2 à 6. Bref, l’ordre implicite, comme je l’énoncerais, est la structure unitaire profonde (holoarchie) du niveau 1, qui est immanente aux structures explicites de surface des particules élémentaires et des ondes, ou qui les sous-tend.

En même temps, Bohm lui-même est parfaitement conscient du fait que la notion d’un ordre implicite non local de la physis est encore loin de la seule interprétation possible de la MQ, et loin, en fait, d’en être le cas absolu de toute façon: « A l’heure actuelle, dit-il, il est nécessaire de résister à la tentation de conclure que tout [dans le domaine physique] est relié à tout le reste sans égard aux séparations d’espace et de temps. Les preuves à ce jour indiquent que les effets non locaux [que le public en est en général arrivé à appeler les événements holographiques ou d’ordre implicite] surviennent dans des conditions très particulières et que toutes les corrélations qui ont été établies tendent à être morcelées plutôt rapidement, de telle façon que notre approche traditionnelle d’analyser les systèmes en sous-systèmes autonomes est, en général, tout à fait valable. » (1975)

L’essentiel est que l’insight du mystique ne repose pas sur ce que ces physiciens finissent par décider [2].

L’ORDRE IMPLICITE APPLIQUE A LA PSYCHOLOGIE

Ce n’est pas parce que l’ordre implicite n’a été validé qu’au seul niveau de la physis qu’il ne peut être appliqué, en tant que métaphore (et non modèle), à des niveaux Supérieurs — il peut l’être (et Bohm lui-même a de plus en plus spéculé en ce sens). Mais il faudrait observer certaines précautions.

D’abord, la métaphore implicite / explicite, parce qu’elle ne fournit que deux dimensions majeures (trois au plus, si on ajoute un domaine « au-delà des deux »), n’offre qu’une très vague représentation de la Grande Chaîne de l’Être, qui, comme l’a démontré Huston Smith, doit posséder au moins quatre et de préférence cinq niveaux si elle veut se réclamer un tant soit peu de la complétude (nous avons déjà résumé la version hindoue/bouddhiste à six niveaux de cette Grande Chaîne). Il est acceptable de parler grossièrement des « gradations du domaine implicite », afin d’étirer la métaphore pour rendre compte de toute la Chaîne; mais à moins de pouvoir spécifier la nature précise de ces « gradations », rien n’a été gagné. Et naturellement, nous ne pouvons pas imaginer que nous avons l’autorisation de la physique pour le faire.

Par ailleurs, si nous comprimons la Grande Chaîne de l’Être afin de la faire coïncider avec la métaphore implicite / explicite, nous perdons la grande précision et la globalité de la hiérarchie traditionnelle de la conscience. John Welwood, par exemple, a présenté une belle version de la Chaîne de l’Être consistant en six niveaux: l’esprit pensant (niveau 1), l’assise situationnelle du corps (niveau 2), l’assise personnelle de l’esprit (niveau 3), l’assise transpersonnelle (niveaux 4 et 5), et l’assise ouverte (niveau 6). Mais afin de la mettre en corrélation de quelque façon avec la métaphore implicite / explicite, il a dû comprimer son modèle à seulement trois niveaux avec une perte conséquente et substantielle de précision, et aucun gain évident de clarté. Encore là, ceci est parfaitement acceptable et utile dans une certaine mesure. (En ce cas, Welwood écrivait dans un style élémentaire simple, et a joliment réussi en cela [1979].) Mais si nous poussons la métaphore au-delà des généralisations grossières et de l’hyperbole introductoire, rien n’est gagné; au contraire, il en résulte certaines erreurs spécifiables.

Deuxièmement, certains auteurs se servent de l’ordre implicite comme d’une métaphore non pas de l’immanence mais de la transcendance. C’est-à-dire que le domaine implicite est utilisé en tant que métaphore d’une totalité ou d’une unité d’ordre supérieur, faisant référence, présumons-le, à des niveaux tels que le subtil ou le causal. Ceci, aussi, est une généralisation utile — jusqu’à un certain point. La difficulté est que, comme l’a d’abord expliqué Bohm pour le domaine de la physis, les « entités » explicite et implicite s’excluent mutuellement. La particule « goutte d’encre » est soit dépliée et manifeste (explicite), soit repliée et non manifeste (implicite). Elle ne peut être les deux en même temps (pas, de toute façon, sans démolir la démonstration originale).

Tout cela est très bien pour la dimension de la physis. Mais les niveaux véritablement supérieurs ne sont pas en relation mutuellement exclusive avec les niveaux inférieurs — le supérieur, comme nous l’avons dit, transcende mais inclut l’inférieur. Considérez même un exemple simple: lorsque le niveau 2 (la bio-vie) est d’abord apparu et a transcendé la matière, il n’a pas dispersé l’ordre explicite de la matière — il ne l’a ni annihilé ni dispersé en potentialité repliée. Il l’a transcendé mais l’a inclus d’une façon parfaitement explicite comme un aspect ou une partie de lui-même. C’est l’évolution, ou enveloppement explicite, et non l’involution, ou dispersion implicite. L’une des plus belles illustrations de ceci est le cerveau humain: le cerveau reptilien est enveloppé par le cerveau limbique qui est enveloppé par le néocortex, tous étant parfaitement explicites mais subsumés, représentant et retenant l’évolution ou le dépliement de reptile à mammifère à humain.

L’essentiel est que, à moins que ce ne soit fait avec un soin et une précision extrêmes (et cela peut se faire en utilisant cette métaphore) [3], l’usage de la métaphore de l’ordre implicite a tendance à engendrer une description de l’involution, qui est un mouvement régressif. La métaphore implicite qui en résulte est un « modèle réduit »: l’absolu, au lieu de transcender parfaitement et de subsumer les distinctions, ne fait que les oblitérer et les disperser. Mais la grâce, comme le savait saint Thomas, parfait la nature, elle ne l’embrouille pas.

L’ESPRIT ET LA MÉCANIQUE QUANTIQUE

Contrairement à David Bohm, et à la majorité des physiciens, il y a une poignée de physiciens d’avant-garde qui non seulement veulent injecter « l’esprit » dans les équations de la MQ, mais qui insistent également là-dessus. Wigner, Walker, Muses et Sarfatti fournissent des explications mathématiques élaborées qui prétendent démontrer le rôle crucial de la conscience dans les formulations de la MQ. Ce sont ces types de formulations, par-dessus tout le reste, qui ont amené le physicien à errer dans l’arrière-cour du mystique — ou du moins du parapsychologue.

Ce qui donne leur élan à ces formulations réside dans ce qu’on appelle le « problème de la mesure », et le problème de la mesure est une abréviation de certaines équations mathématiques très sophistiquées et très élaborées, et de certains paradoxes qu’elles engendrent.

Le problème en soi concerne ce genre de dilemme: les mathématiques de la MQ peuvent déterminer, avec grande précision, la probabilité qu’un certain événement quantique se produise dans un certain environnement (à un certain endroit ou à un certain moment), mais elles ne pourront jamais précisément prédire l’environnement lui-même. Elles peuvent dire, par exemple, que les chances de trouver une particule quantique dans la région A sont de 50 pour 100, dans la région B de 30 pour 100, et dans la région C de 20 pour 100. Mais elles ne peuvent, en aucune circonstance, dire qu’un événement particulier se produira dans la région A (étant donnée la distribution de probabilité qui précède). Ainsi, l’événement particulier n’est pas considéré comme une seule entité ou un seul événement, mais plutôt comme une « tendance à exister », qui, dans cet exemple, serait définie par une équation (ou une amplitude de probabilité) qui dit, en effet: 50 pour 100 A / 30 pour 100 B / 20 pour 100 C.

Or, ce qui est étrange, c’est que l’événement, lorsqu’il se produit, se produit dans une seule région. C’est presque (mais pas tout à fait) comme si un statisticien essayait de prédire par laquelle de trois portes vous êtes susceptible d’entrer et, pour diverses raisons, il en arrivera aux résultats: 50 pour 100 des chances pour la porte A, 30 pour 100 pour la porte B, 20 pour 100 pour la porte C. Il ne peut pas prédire exactement laquelle des portes ce sera, seulement les pourcentages. Mais lorsque vous finissez par entrer, vous ne passez que par une seule porte — vous n’allez pas à 50 pour 100 par la porte A, à 30 pour 100 par B et à 20 pour 100 par C.

Mais au-delà de cela, l’analogie s’écroule. Le statisticien avait des raisons de croire que vous existiez avant d’entrer par n’importe laquelle des portes — il peut aller vous voir, premièrement. Mais le physicien n’a pas ce genre d’assurance au sujet de ses particules quantiques, parce qu’il n’y a pas moyen qu’il aille voir la particule (pour notre propos moins que précis, contentons-nous de dire qu’elle est trop petite pour qu’on la voie parfaitement). Sa seule façon de regarder la particule, c’est d’utiliser certains instruments — c’est-à-dire en la mesurant en un sens. Mais pour mesurer la particule, il doit, en fait, la faire passer par les portes de ses instruments. Et voilà le problème: pour trouver ce qui est derrière la porte, le physicien doit utiliser une porte. Dans tous les cas, ses phénomènes ne peuvent être détectés que lorsqu’ils passent à travers diverses portes, et que les équations qui décrivent ces « passages » sont purement probabilistes: 50 / 30 / 20, disons.

Le physicien fait donc face à un problème conceptuel: avant le mesurage, tout ce qu’il peut dire au sujet d’un événement quantique est qu’il est (et non a) une certaine tendance à exister (par ex., 50 / 30 / 20). L’événement lui-même, si on le laisse tel quel (sans le mesurer) se « propagera à travers l’espace-temps » selon la fonction ondulatoire de Schrödinger, qui, au carré, donne la probabilité de trouver l’événement dans un certain environnement (50/30/20). Mais avant le mesurage véritable, il n’y a absolument aucun moyen de savoir précisément dans quelle région la particule se manifestera. Et pourtant, lorsqu’elle est finalement détectée, elle se produit de fait dans une seule région (disons B) et ne s’étend pas à travers les trois portes. Ceci est appelé l’effondrement du vecteur d’état ou paquet d’ondes, parce que lorsque le mesurage détermine que la particule est en B, la probabilité qu’elle soit en A ou en C s’effondre à zéro. L’effondrement du vecteur d’état signifie que l’événement a fait un saut depuis être une « tendance à exister » (50A/30B/20C) jusqu’à être un « événement réel » (B).

D’où les problèmes. Le mesurage lui-même « cause »-t-il l’effondrement du paquet d’ondes? La particule réelle existe-t-elle même vraiment avant le mesurage? Si nous disons qu’elle existe (ce que semble dicter le bon sens), comment pouvons-nous en être sûrs, puisqu’il n’y a aucun moyen de le dire, et puisque nos équations mathématiques, qui autrement décrivent parfaitement ce domaine, ne nous disent que 50 /30 / 20? Si nous nions les équations, comment pouvons-nous nier le fait qu’autrement elles fonctionnent si bien?

À part un grand nombre de philosophes qui soutiennent (non sans certaines justifications) que ce qui fait s’effondrer le paquet d’ondes, ce n’est ni l’esprit ni la matière mais de la mauvaise métaphysique, il y a diverses écoles de pensées quant à ce « problème de mesurage », offertes par les physiciens eux-mêmes:

1. L’interprétation de Copenhague. — La grande majorité des physiciens suivent cette école, qui soutient que l’effondrement du paquet d’ondes est au fond purement fortuit. Aucune explication n’est nécessaire. Puisqu’il n’y a aucun moyen d’aller derrière la porte, il n’y a pas de derrière la porte [4]. La MQ est une explication complète en elle-même, et il n’y a aucun besoin ou possibilité de « regarder derrière le décor », et d’essayer de savoir si l’événement est là ou non avant de le mesurer. En toute justice, on devrait dire qu’il y a de nombreuses raisons qui sont bonnes, sinon absolues, d’adopter ce point de vue. On devrait également dire, comme on le souligne souvent, qu’Einstein lui-même, a carrément rejeté ce point de vue (avec l’exclamation « Dieu ne joue Pas aux dés avec l’univers! « ), même si chaque objection qu’il a posée à cette interprétation fut brillamment parée par Bohr et d’autres en utilisant les propres théories d’Einstein. En même temps, je répète que ceci (et ce qui suit) est une espèce d’explication extrêmement vulgarisée. Mais à l’intérieur de cette dénégation, l’interprétation de Copenhague dit que la probabilité de 50/30/20 est tout ce que nous savons et tout ce qu’il y a à savoir; quelle porte franchit la particule est purement fortuit.

2. Les théories des variables cachées. — Ces théories soutiennent qu’il y a de fait des facteurs spécifiables « derrière le décor » de l’effondrement du paquet d’ondes. Ces processus subquantiques sont décrits par des variables présentement cachées, mais il est possible qu’ils finissent par devenir techniquement accessibles. Dans les termes les plus grossiers, cette théorie dit que les événements quantiques ne sont pas purement fortuits, et que la particule franchit une porte spécifique pour une raison « cachée », une raison que la particule « connaît » et que nous devrions être capables de découvrir. Bohm et ses collègues, travaillant avec le potentiel quantique (et l’ordre implicite), sont de cette école, comme, présumément, Einstein. Le théorème de Bell, qui a beaucoup attiré l’attention populaire, est souvent utilisé par certains tenants de cette école pour souligner l’apparent transfert non local (non confiné à une région locale de causalité spatiale) d’information entre régions de l’espace largement isolées. On considère généralement que le théorème de Bell signifie que si la MQ est par ailleurs correcte, et s’il y a un genre de variables cachées, alors ces variables cachées sont donc non locales — un genre de causalité « instantanée » non séparée par le temps ou l’espace. Bohm et ses collèges considèrent cela comme un exemple d’ordre implicite possible ; Sarfatti le considère comme un exemple de « communication » plus rapide que la lumière; d’autres (comme Einstein) le considèrent comme un non-sens.

3. L’hypothèse des mondes nombreux. — Celle-ci est proposée par Everett, Wheeler et Graham (EWG). Selon l’interprétation de Copenhague (théorie numéro 1), lorsque la particule 50A /30B / 20C est mesurée et qu’on découvre qu’elle se produit dans la région B, alors les deux autres possibilités (A et C) s’effondrent — elles ne se produisent tout simplement pas (tout comme, par exemple, si vous lancez une pièce de monnaie en l’air et qu’elle tombe pile, la possibilité qu’elle tombe face s’effondre à zéro). Or, selon EWG, toutes les possibilités réciproquement exclusives contenues dans la fonction ondulatoire se produisent, mais dans différentes branches de l’univers. Au moment où la particule touche B dans cet univers, deux autres univers se ramifient, dont l’un contient la particule touchant A, et l’autre contient la particule touchant C. Ou, dès que j’attrape « pile » dans cet univers, j’attrape aussi « face », mais dans un univers entièrement différent. Aucun des deux « je » ne connaît l’autre. Ceci a été élaboré d’une façon mathématique très sophistiquée.

Il est facile, en entendant ce genre de théorie, de sympathiser avec François Mauriac: « Ce que dit ce professeur est beaucoup plus incroyable que ce que nous pauvres chrétiens croyons. » Mais ce qui est véritablement essentiel, c’est qu’il est déjà évident que ce qu’on appelle la « nouvelle physique » est loin de faire le consensus sur la nature de la réalité subatomique, un fait qui nous mènera éventuellement à certaines conclusions suggestives. Entretemps, nous passons à la quatrième grande théorie engendrée par le « problème du mesurage ».

4. La connexion matière/esprit. — Cette théorie a diverses formes, mais, dans le cadre de notre présentation vulgarisée, nous pouvons dire que la théorie en général suggère ce qui suit. Si le mesurage même fait s’effondrer la poche d’ondes, alors le mesurage n’est-il pas d’une certaine façon essentiel à la manifestation de cet événement matériel? Et qui fait le mesurage? De toute évidence, un être conscient. L’esprit n’est-il pas, alors, une influence sur — ou même un créateur — de la matière?

Cette vue générale, sous une forme ou une autre, est soutenue par Wigner, Sarfatti, Walker et Muses. « Selon moi, dit Sarfatti, le principe quantique implique l’esprit d’une manière essentielle… l’esprit crée la matière. »(1974) Walker identifie les variables cachées, supposant qu’elles sont là, à la conscience; Muses fait intervenir la conscience dans le potentiel de vide quantique. Mais Beinam résume tout cela par: « C’est la conscience elle-même qui fait s’effondrer le vecteur d’état. » C’est cette théorie que nous allons maintenant examiner, parce qu’on dit que c’est la connexion entre physique et parapsychologie/mysticisme.

Pour commencer, y a-t-il quelque chose dans la philosophie pérenne qui s’accorderait avec l’affirmation générale: « L’esprit crée la matière »? La réponse de première approximation est certainement affirmative. On considère la matière, dans toutes les traditions philosophiques, comme étant un précipité dans le champ mental. Mais elles l’expriment plus précisément. Ce n’est pas directement l’esprit (niveau 3) qui crée la matière (niveau 1), mais le prâna (niveau 2). L’esprit crée le prâna; le prâna crée la matière.

Ainsi, les physiciens seraient plus précis, selon la tradition, s’ils ne disaient pas que c’est l' »esprit » mais plutôt le « prâna », la « bioénergie » ou la « conscience biologique » qui est directement supérieur à la matière. Von Weizsacker l’a déjà fait de façon explicite (utiliser le mot prâna), ainsi que plusieurs autres. Cela ne serait pas un problème pour ces physiciens, parce que les caractéristiques qu’ils attribuent déjà à l' »esprit » comme étant nécessaires à l’effondrement du paquet d’ondes sont en réalité des caractéristiques du prâna. C’est-à-dire que ces physiciens ne disent habituellement pas que des « concepts », des « idées » ou de la « logique » font s’effondrer le vecteur d’état. Plutôt, ils utilisent des termes comme « systèmes biologiques »(Sarfatti), « être conscient » (Walker), « sensation » (Wigner), qui possèdent des caractéristiques distales par rapport à l’esprit mais proximales par rapport au prâna (ou à tout système vivant). L’esprit pourrait aussi faire s’effondrer le vecteur, mais via le prâna. Cela coïnciderait aussi avec les suggestions de Sarfatti, parce que tous les systèmes biologiques contribueraient au mouvement brownien quantique aléatoire, mais un esprit discipliné (qui n’est pas présent chez les animaux) pourrait le contrôler [5].

Tout cela semble vouloir dire que cette version de la MQ est bien en accord avec la vision mystique, du moins en ce qui concerne les niveaux 1 et 2 (c’est-à-dire que le niveau 2 crée le niveau 1). Et pourtant, nous devons encore une fois être très précis ici, parce qu’il est beaucoup trop facile de tirer des conclusions hâtives.

Tout d’abord, lorsque le mystique dit que la matière est créée par le prâna, il ne veut pas dire que le prâna lui-même doit être présent d’une façon manifeste (et, à partir d’ici, pour plus de commodité, j’utiliserai « esprit » au lieu de prâna, en rappelant les importantes précisions données ci-dessus). C’est-à-dire: l’esprit ne crée pas la matière en la percevant, ou en la sentant, ou en la « mesurant » — ce qui est, comme nous l’avons vu, la forme de la théorie soutenue par les physiciens de la MQ dont nous discutons. Plutôt, la matière se précipite tout simplement hors de l’esprit, que l’esprit y prête attention ou non. En fait, durant l’involution, l’esprit engendre la matière, puis « quitte » tout à fait la scène. Il ne reste pas là pour surveiller la matière et ainsi l’engendrer.

Ainsi, la philosophie traditionnelle évite entièrement le dilemme autrement ridicule: si l’esprit crée la matière par la perception ou par contact réel (en tant que participant-observateur), alors que s’est-il passé, disons, il y a dix milliards d’années lorsqu’il n’y avait que de la matière et pas d’esprits? La science est à peu près certaine que la vie biologique n’est apparue que des milliards d’années après la matière. Avant cela, il n’y avait pas de vie, pas d’esprit. Si l’esprit doit mesurer ou observer la matière afin que cette dernière existe (ou faire s’effondrer son paquet d’ondes), nous arrivons à l’absurdité. Nous ne travaillons même pas avec un fantôme dans la machine, mais avec une ombre inexistante d’un fantôme inexistant dans une machine trop réelle.

Cette perspective — que l’esprit engendre la matière par l’effet du « participant-observateur » —, c’est comme dire que la poule (l’esprit) voit l’œuf (la matière) et ainsi le crée. Pas de poule pour voir l’œuf, pas d’œuf. La vision traditionnelle dit que la poule (l’esprit) pond ou donne naissance à l’œuf (la matière) et ainsi le crée; ce que fait la poule après cela, c’est son affaire — l’œuf continue d’exister, qu’il soit perçu ou non. En fait, durant l’involution, la poule est, eh bien, enterrée. Ce qu’elle laisse derrière elle, c’est une version réduite de la pouléité, une version réduite de l’esprit appelée la matière (l’œuf). Mais l’œuf-matière a, replié en lui, le potentiel de réaliser (« couver ») une nouvelle poule, ou l’esprit même, et c’est exactement ce qui se produit dans l’évolution. Mais en aucun cas la poule ne crée l’œuf en l’observant.

C’est pour des raisons semblables que la plupart des physiciens rejettent eux-mêmes cette version de l’interprétation de la MQ. Comme l’explique David Bohm lui-même: « L’introduction par Wigner de l’esprit conscient en physique est motivée par certaines considérations tout à fait générales qui n’ont pas grand-chose à voir avec la mécanique quantique elle-même. » Et, parlant de cette tendance à conclure hâtivement que l’observation par l’esprit est requise pour produire la matière (mesurage), Bohm répond succinctement: « En fait, ceci est souvent poussé à un tel extrême qu’on croirait que rien n’arrive jamais sans l’observateur. Cependant, nous connaissons de nombreux processus physiques, même au niveau des phénomènes quantiques, qui se produisent de fait sans aucune intervention directe de la part de l’observateur. Prenez par exemple les processus qui se produisent dans une étoile éloignée. Ils semblent obéir à des lois connues de la physique et les processus se produisent, et se sont produits, sans aucune intervention significative de notre part. » (l975)

Bref, la philosophie pérenne admettrait que la matière est créée à partir de l’esprit (prâna), mais par un acte de précipitation et de cristallisation, et non de perception et de mesurage. Mais la MQ ne peut expliquer, tout au plus, que cette dernière théorie seulement, et par conséquent l’accord de la MQ et du mysticisme là-dessus est pure coïncidence [6]. S’il s’avérait, par conséquent, que l’on démontre que cette interprétation particulière de la MQ est incorrecte (et je suis d’accord avec Bohm et d’autres que cela arrivera), cela n’affecterait aucunement la vision du monde du sage-mystique.

Mais je ne me soucie aucunement de la justesse ou de la fausseté d’aucune de ces quatre interprétations de la MQ. Et il y en a même d’autres dont nous n’avons pas du tout parlé les connexions superluminales, les interprétations statistiques simples, les interprétations de logique quantique. Ces questions sont extrêmement complexes et difficiles, et il faudra des décennies pour examiner leurs implications. Cependant, ce que nous pouvons faire à présent, c’est d’en venir à certaines conclusions immédiates:

1. La « nouvelle physique » est loin de faire le grand consensus en ce qui a trait à la nature même de la réalité subatomique. Raccorder mysticisme / psychologie transpersonnelle au consensus de la nouvelle physique quantique n’est pas possible, parce qu’il n’y a pas de consensus. Ces rapports qui ont été établis entre physique et mysticisme sont du genre sélectif. Les détails réels des diverses interprétations de la MQ sont, comme nous l’avons vu, largement en exclusion mutuelle. Ne prendre qu’un détail d’une interprétation, puis un autre, un peu de bootstrap ici, un peu d’ordre implicite là, est, selon le physicien Bernstein, « travestir et desservir » les théories en question.

2. Même si nous pouvions établir plusieurs parallèles rigoureux, raccorder la psychologie transpersonnelle à la physique est encore « la voie la plus sûre de tomber dans l’oubli ». Pour paraphraser Eckhart, si votre dieu est le dieu de la physique d’aujourd’hui, alors quand cette physique s’en ira (demain), ce dieu s’en ira avec elle.

3. Le point le plus important est que quelle que soit la version de la théorie de la MQ qui sera finalement acceptée, cela n’affectera pas profondément la perspective ou vision du monde du mystique. En premier lieu, en aucun cas elle ne pourrait invalider la vision du monde du mystique. Lorsque la « vision du monde fracturée » de Newton était « la vérité », elle n’a pas invalidé la vision mystique. Si l’interprétation de Copenhague est « la vérité », elle n’invalidera pas la vision mystique. Si n’importe laquelle des interprétations de la MQ est vraie, elle n’invalidera pas la vision mystique. Et, par conséquent, comme nous le dira tout épistémologiste, en aucun cas une interprétation ne pourrait valider la vision du monde mystique. S’il n’y a aucune preuve physique concevable qui puisse démentir la vision mystique, et il n’y en a pas, alors il n’y en a aucune concevable qui la corroborerait non plus.

4. On dit parfois qu’au moins la nouvelle physique s’accorde avec la vision du monde mystique. Je crois que nous pouvons aisément convenir que certains aspects de certaines interprétations de formalismes quantiques mathématiques, lorsqu’on les traduit en langage courant, sembleraient similaires à des aspects de la vision du mystique, non du monde (niveaux 1 à 6), mais du niveau 1. L’insight du mystique, cependant, ne trouve pas sa validation ni son explication dans ce possible accord. Mais si cet accord permet de « légitimer » le mysticisme aux yeux du public, si du moins il ne fait en sorte que ses adhérents nient radicalement les états mystiques comme étant hallucinatoires, s’il ouvre la voie à une plus grande acceptation de l’expérience mystique — alors, nous devrons vraiment remercier la nouvelle physique.

Au-delà de ce point, cependant, n’oubliez pas l’avertissement de Bernstein: remerciez la nouvelle physique d’être d’accord avec vous, mais résistez à la tentation de construire vos modèles transpersonnels sur les sables mouvants des théories changeantes du niveau 1.

LE CERVEAU HOLOGRAPHIQUE

Alors que les théories holographique/ implicite de la physique concernent sans équivoque le niveau 1, les théories des processus du cerveau holographique concernent, apparemment, le niveau 3, ou l’esprit et la mémoire. En tandem, alors, ces théories couvriraient, plus ou moins, les niveaux 1 à 3.

Mais au-delà de cela, certains suggèrent que si l’esprit était holographique, alors cela pourrait aussi expliquer des expériences transpersonnelles supérieures, par l’intermédiaire de l’esprit se fondant dans le flou holographique au-delà des distinctions explicites. Ce flou holographique est appelé un « domaine de fréquence » où, supposément, les objets dans l’espace et le temps « n’existent pas ». Le flou holographique ou domaine de fréquence est décrit ainsi: « Pas d’espace, pas de temps — que des événements (ou des fréquences). »

Évitons les difficultés d’avoir des événements existant sans aucune sorte d’espace ou de temps; ignorons aussi le fait que des objets physiques (des choses de l’espace-temps) soient nécessaires au départ pour produire des hologrammes. A part cela, comment cet esprit holographique coïnciderait-il avec la philosophie pérenne?

En premier lieu, c’est fondamentalement l’enregistrement de la mémoire-information qu’on dit se produire selon les principes de l’holographie optique. Les mécanismes de l’holographie sont expliqués par les transformés mathématiques. L’une de ces curieuses propriétés est que — en termes mathématiques du moins — l’espace et le temps semblent, à un certain stade, être exclus et que les résultats temporels désirés sont retrouvés par une fonction de lecture de l’information de fréquence. Ceci a mené à la notion d’un domaine de fréquences — à la notion selon laquelle les objets de l’espace/temps viennent de « fréquences sans espace ni temps ».

Je ne doute aucunement que ceci soit fondamentalement vrai — que la mémoire est enregistrée holographiquement, exactement comme on le dit. Je crois aussi que la recherche qui démontre cela est brillante. Mais au-delà de cela, comment ceci est relié de quelque façon aux états transcendants est loin d’être clair. Bien sûr, il y a des similitudes de langage — le flou holographique (« sans espace ni temps ») donne l’impression d’être un état mystique. Il ressemble aussi au fait de s’évanouir. Il y a un monde de différence entre la conscience prétemporelle, qui n’a ni espace ni temps, et la conscience transtemporelle, qui dépasse l’espace et le temps tout en les embrassant toujours. « L’éternité », après tout, « est amoureuse des productions du temps ». Cela ne prouve aucunement que le flou holographique n’est pas un état transcendantal; cela démontre qu’on ne peut en décider ainsi en se fondant sur des corrélations de langage.

Néanmoins, on dit qu’un virage vers une « perception du flou holographique » produirait des états transcendants. Puisque c’est la mémoire qui est holographiquement enregistrée [7], qu’est-ce que cela signifierait en fait que de changer pour une perception du contenu d’enregistrement de la mémoire personnelle? Cela serait-il le nirvâna, une conscience directe qui a transcendé mais qui a inclus toute manifestation?

Selon la théorie elle-même, je ne crois pas que cela résulterait ou pourrait résulter en quoi que ce soit d’autre qu’une expérience du contenu d’enregistrement de sa propre mémoire, embrouillé comme il se doit et sans l’avantage de la lecture linéaire. Comment quelqu’un pourrait sauter d’un flou de sa propre mémoire à une conscience claire comme du cristal qui transcende l’esprit, le corps, le moi et le monde, Cela n’est pas du tout clarifié. C’est un saut théorique farfelu que d’aller de « la mémoire personnelle et holographiquement enregistrée » à « par conséquent, tous les esprits font partie d’un hologramme transpersonnel ».

Je crois plutôt que nous permettons à certaines similitudes superficielles de langage de régner sur la raison. L’exemple précédent est suffisant, peut-être, mais au-delà de cela, il existe toute la notion d’un « domaine de fréquence transcendant au-delà de l’espace et du temps » — qu’on dit être le flou holographique implicite. Cette notion, il me semble, ne gagne crédibilité que grâce aux bizarreries des mathématiques impliquées, qui traduisent « choses » en « fréquences » et permettent ainsi à un lapsus de passer pour des vérités transcendantes. On présuppose que les transformés du « domaine de la fréquence » font référence aux réalités issues de l’expérience d’une façon qui n’est pas seulement incroyable, mais franchement contradictoire.

Le transformé de « choses » en « fréquences » n’est pas un transformé de l’espace/temps en « ni espace ni temps », mais un transformé des objets de l’espace/temps en fréquences de l’espace/temps. Fréquence ne signifie pas « ni espace ni temps »; cela veut dire cycles / seconde ou espace par temps. Lire les mathématiques autrement est plus qu’un saut quantique; c’est un acte de foi.

Cette « théorie a gagné un soutien croissant et n’a pas été sérieusement mise en question. Un corps impressionnant de recherche dans de nombreux laboratoires a démontré que les structures du cerveau voient, entendent, goûtent, sentent et touchent grâce à l’analyse mathématique sophistiquée de fréquences temporelles et / ou spatiales [d’où la primauté du domaine des fréquences) » (ReVision, 1978). Je ne conteste pas cette théorie; je répète, et dis sincèrement, que je suis tout à fait impressionné. Je ne suis pas impressionné, toutefois, par des spéculations qui donnent à des « fréquences temporelles et / ou spatiales » le nom de « sans espace ni temps ». Et c’est justement dans ce lapsus sémantique que cette théorie donne l’impression d’être vivante.

Il va sans dire, ce tour de passe-passe sémantique, qui remplace le flou personnel par l’unité transpersonnelle, ne sert ni le brillant travail de ces chercheurs du cerveau — Pribram, par exemple — ni la difficile tâche des transpersonnalistes qui tentent d’expliquer la transcendance.

Outre ce qui précède, il nous reste un autre fil de l’argument qui a été proposé. Pour ce fil, supposons à priori que l’esprit en général est holographique dans son fonctionnement. Cela s’insérerait-il dans la philosophie pérenne et, au-delà de cela, cela n’expliquerait-il pas les niveaux de conscience supérieurs?

J’ai bien peur que, même pourvus de cette généreuse avance, nous n’allions pas plus loin. D’abord, le fait que la structure profonde du champ mental soit holographique n’expliquerait pas en soi les niveaux transpersonnels, ou les niveaux 4 à 6. Les raisons, selon les traditions pérennes sont que: 1) chaque niveau est une holoarchie, et non seulement l’esprit; et 2) de faire l’expérience de l’holoarchie de chaque niveau n’amène personne au-delà de ce niveau, mais ne fait que permettre des insights plus profonds dans ce niveau. Tout comme l’holoarchie du niveau 1 n’implique ni n’exige les niveaux 2, 3, 4, 5 ou 6, l’holoarchie du niveau 3 n’explique automatiquement aucun des niveaux au-dessus de lui (niveaux 4, 5 ou 6).

De même, l’expérience véritable de l’holoarchie du niveau 3 n’impliquerait pas nécessairement — ni même vraisemblablement — les niveaux 4, 5 ou 6. L’esprit superficiel ordinaire (niveau 3) s’éprouve en tant que distinct en quelque sorte et isolé des autres esprits. Faire l’expérience de l’holoarchie du niveau 3 serait, tout au plus, ressentir une forte résonance, et même un chevauchement avec d’autres esprits. Cela produirait une expérience directe de l’empathie interpersonnelle véritable.

Mais empathie interpersonnelle n’est pas identité transpersonnelle. Dans des états de conscience transpersonnels (au-delà de certaines pratiques introductoires), que l’esprit soit ou non présent, explicite ou implicite, net ou holographiquement embrouillé — tout cela n’est pas pertinent. Les domaines supérieurs transcendent mais peuvent aisément inclure l’esprit, et que l’esprit lui-même surgisse, cela n’a pas d’importance. L’existence des états élevés ne peut être expliquée en termes de quelque chose qui peut arriver ou non à un état inférieur, que cet état soit déplié et projeté ou replié et flou. Autant dire qu’on peut expliquer le niveau 2 en embrouillant suffisamment le niveau 1. Ce réductionnisme déguisé a amené Willis Harman à faire ce commentaire: « Ces théories holographiques interpréteraient encore la donnée primaire, la conscience, en termes d’une autre chose ultimement quantifiable [c’est-à-dire en termes de mesurages de niveau physique inférieur]. Ces théories ne sont pas encore de la nouvelle science, mais plutôt de l’ancienne, où l’on tente de se débarrasser de la conscience en l’expliquant, plutôt que de la comprendre. »

Finalement, on pourrait suivre les suggestions de William Tiller: « La [théorie de la perception cérébrale] holographique s’est surtout concentrée sur l’appréhension sensorielle de cette représentation au niveau physique de la conscience [niveau 1]. [Nous serions mieux] d’opter pour une représentation [hiérarchique] multidimensionnelle de la conscience et des structures possibles de l’univers pour sa manifestation. Sans une telle extension au-delà du cadre de perception purement physique, la portée de tout « nouveau paradigme » sera sérieusement limitée. »

Tiller suggère deux arguments. D’abord, ce « domaine de fréquences » qu’on dit si transcendant est en réalité « précendant » : c’est seulement le « bourdonnement florissant » de fréquences du niveau physique 1 avant que le cerveau ne puisse les distribuer en une organisation d’ordre supérieur. Une expérience réelle de cette « réalité primaire » serait, en fait, pure régression, et non transcendance. Deuxièmement, l’holoarchie ne peut expliquer la hiérarchie, et ainsi toute la théorie, en tant que paradigme, tombe à plat dans la zone d’explication la plus importante [8].

CONCLUSIONS ET ÉVALUATIONS

Plusieurs répercussions bénéfiques proviennent de la « nouvelle physique » et du « paradigme holographique », même si nous concluons, comme nous devons, je crois, le faire, que ce dernier ne constitue en rien un paradigme globalisant ou même adéquat. Mais on retrouve, parmi les avantages:

1. L’intérêt de physiciens influents pour la métaphysique. Ceci a pris deux formes. D’abord, le fait de bien vouloir postuler des ordres incommensurables et indétectables de physis cachés derrière ou immanents à l’énergie/masse explicite. C’est l’ordre potentiel / implicite quantique de Bohm. Ensuite, le fait que les physiciens aient voulu reconnaître la nécessité d’inclure ultimement des références à des niveaux supérieurs à la physis dans leurs explications de physis. Comme l’énonce Wheeler: « Aucune théorie de la physique qui ne s’occupe que de physique n’expliquera jamais la physique. » (cité par Sarfatti, 1974) Et Sarfatti: « Par conséquent, les affirmations métaphysiques sont absolument vitales à l’évolution de la physique » (1974), à la suite de quoi Sarfatti introduit la notion d' »esprit créant la matière ». Mais même si c’était vrai de la façon dont le propose Sarfatti, la philosophie pérenne lui rappellerait d’ajouter: « Et vous avez alors le besoin du méta-mental pour expliquer l’esprit, ce qui vous amène au subtil; et vous avez alors besoin du méta-subtil pour expliquer cela, et ainsi de suite jusqu’à ce que, comme une courbe asymptotique qui approche d’un axe mais ne l’atteint jamais jusqu’à l’infini, vous arriviez à la conscience-en-tant-que-telle. »

2. La rage réductionniste de la science mécaniste semble finalement se calmer, et la physique s’ouvre — et par l’impact de l’autorité, beaucoup d’autres champs tout autant — à des systèmes ouverts d’une nouveauté et d’une créativité sans fin. C’est particulièrement évident dans le travail de I. Prigogine, dont la théorie des structures dissipatrices est aussi belle que profonde. Les structures dissipatrices sont simplement une façon mathématique de permettre l’évolution d’états supérieurs, plus organisés, à partir de structures moins complexes. Les structures dissipatrices ne sont pas vraiment des explications de la vie ou de 1’esprit, comme on le dit parfois, mais plutôt des descriptions de ce qui doit arriver à la matière afin que des domaines élevés se déplient. Le fait d’identifier vraiment l’essence d’un niveau élevé comme étant simplement une structure dissipatrice est comme de dire que la Mona Lisa n’est qu’une concentration de peinture. L’importance des mathématiques dissipatrices réside en ce qu’elles démontrent nettement et permettent pleinement l’avènement des patterns d’émergence d’un ordre supérieur.

3. Tout le mouvement de la nouvelle physique et du nouveau paradigme démontre au moins qu’il y a un intérêt profond, sérieux et en croissance rapide pour les préoccupations éternelles et les réalités transcendantes, même chez des spécialistes et dans des champs qui, il y a une décennie, ne s’en seraient guère soucié. Peu importe qu’une partie de , qui est dit soit prématuré, le fait qu’on le dise est extraordinaire.

4. Des livres comme Le Tao de la physique et The Dancing Wu-Li Masters (La danse des éléments) et des publications telles que le Brain/Mind Bulletin de Marilyn Ferguson présentent à de vastes quantités de gens non seulement l’intrigue de la science et de la physique occidentales, mais aussi des aspects de la sagesse et de la pensée orientales, et de façons qui n’auraient tout simplement pas été possibles auparavant.

Par conséquent, mon intention, en critiquant certains aspects du nouveau paradigme, n’est certainement pas de freiner l’intérêt envers des tentatives futures. C’est plutôt un appel à la précision et à la clarté dans la présentation de questions qui sont, après tout extraordinairement complexes et qui résistent à la généralisation rapide. Et je dis ceci avec une certaine urgence, parce que dans notre zèle compréhensible à promulguer un nouveau paradigme, qui en quelque sorte touche à des bases ayant la physique à une extrémité et le mysticisme à l’autre, nous sommes susceptibles de nous aliéner les deux parties — et tout le monde les deux.

Déjà, à un bout du spectre, certains chercheurs orientés vers la mystique ou l’approche transpersonnelle — Tiller, Harman, W.I. Thompson, Eisenbud — ont exprimé leur déception ou leur rejet total à l’égard du nouveau paradigme.

À l’autre bout: déjà certains physiciens sont furieux à cause du traitement « mystique » auquel on soumet la physique des particules. Le physicien des particules Jeremy Bernstein a lancé récemment une salve sur de telles tentatives, les qualifiant de « superficielles et de profondément trompeuses » (1978). Et une autorité comme John Wheeler, rien de moins — dont le nom est toujours mentionné dans le « nouveau paradigme » et d’une façon qu’il trouve agaçante — a récemment publié deux lettres cinglantes dans lesquelles, entre autres choses, il taxe les tentatives de physique/mysticisme d' »effort alambiqué », de « science pathologique » et de « charlatanisme ». « Qui plus est, déclare-t-il, dans la théorie quantique de l’observation, mon présent champ de recherches, je trouve le travail honnête presque submergé par le bourdonnement d’idées absolument farfelues avancées dans le but d’établir un lien entre la mécanique quantique et la parapsychologie » (1979) — et la psychologie transpersonnelle, au demeurant. Il a demandé, et l’amiral Hyman G. Rickover s’est joint à lui, de faire cesser toutes les approbations de l’American Association for the Advancement of Science à toute recherche tendant au transpersonnalisme, une sanction que Margaret Mead, il y a dix ans, s’est battue si fort pour obtenir.

Le travail de ces scientifiques — Bohm, Pribram, Wheeler et les autres — est trop important pour être alourdi de folles spéculations sur le mysticisme. Et le mysticisme lui-même est trop profond pour être raccordé à des phases de la théorisation scientifique. Qu’ils s’apprécient l’un l’autre, et que leur dialogue et leur échange mutuel d’idées ne cesse jamais. Mais des mariages injustifiés et prématurés finissent habituellement par le divorce et, trop souvent, un divorce qui blesse terriblement les deux parties.

RÉFÉRENCES

Beynam, L. « The Emergent Paradigm in Science« . In ReVision, 1, 2, 1978.

Bernstein, J. « A Cosmic Flow« . American Scholar, Winter-Spring, 1979.

Bohm, D. et Hiley, B.J. « Some remarks on Sarfatti’s proposed connection between quantum phenomena and the volitional activity of the observer-participator« . Document provisoire, Department of Physics, Birbeck College, University of London, 1975.

. « A Conversation with David Bohm The Enfolding-Unfolding Universe ». Animée par Renée Weber. In ReVision, 1, 3/4, 1978.

Capra, F. The Tao of Physics. Boulder: Shambhala, 1975.

Gardner, M. « Quantum Theory and Quack Theory ». In New York Review of Books, 17 mai 1979.

ReVision, 1, 3 /4, 1978. « A New Perspective on Reality ». Tiré à part du Brain/Mind Bulletin.

Sarfatti, J. « Implications of Meta-physics for Psychoenergetic Systems ». Psychoenergetic Systems, 1, 1974.

Shepherd, A.P. A Scientist of the Invisible. Cité in White, J. et Krippner, S. Future Science. New York: Anchor, 1977.

Wachsmuth, G. « The Etheric Formative Forces ». In White, J. et Krippner, S. Future Science. New York: Anchor, 1977.

Wellwood, J. « Self-knowledge as the Basis for an Integrative Psychology ». Journal of Transpersonal Psychology, 11, 1, 1979.

Wilber, K. « Eye to Eye« . Re Vision, 2, 1, 1979.

The Atman Project. Wheaton: Quest, 1980.

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1 Ce qui suit est, approximativement, une combinaison du Lankavatara Soûtra, du Livre des morts du Tibet et de l’existentialisme occidental. Pour un compte rendu plus détaillé, voir The Atman Project (Wheaton, Quest, 1980).

2 Dans cet article, j’exclus la différence la plus radicale et la plus répandue entre mysticisme et tout genre de paradigme physique ou holographique, parce que c’est aussi la plus évidente. À savoir: 1) La compréhension des principes holographiques est un acte de l’esprit, alors que la compréhension de la vérité mystique est un acte de contemplation transmentale; et 2) Si on dit en fait que les théories holographiques décrivent des vérités transcendantes, ou qu’elles sont la même chose que le fait de véritablement transcender, il se produit un violent sophisme appelé erreur de catégorie [au sujet de celle-ci, voir Wilber (1979)]. Certains ont même suggéré qu’un simple apprentissage du paradigme holographique serait la même chose que la véritable transcendance, et, en l’occurrence, ces théories hypothétiques sont non seulement erronées, mais elles sont préjudiciables.

3 J’ai, dans Atman Project (Wilber, 1980), tenté de le faire selon les lignes directrices suivantes. L’aspect souvent négligé est que s’il y a des gradations de l’ordre implicite, il y a tout autant des gradations de l’ordre explicite, et, en fait, elles sont réciproquement parallèles à travers l’évolution. « Implicite », lorsqu’utilisé en tant que métaphore, a presque la connotation d’être plus réel, plus fondamental, et plus élémentaire que le monde explicite des entités manifestes. En fait, cependant, ils alternent. Ce qui est implicite à un niveau de la conscience devient explicite au niveau suivant. C’est-à-dire que chaque niveau est implicite pour son prédécesseur mais explicite pour son successeur. Le prâna, par exemple, est implicite de la matière et explicite de l’esprit, tout comme l’esprit est implicite du prâna et explicite du subtil. L’évolution est une série d’explicitations de ce qui était auparavant implicite. À mesure que chaque structure supérieure se déplie, ou s’explicite, elle subsume, ou implique, celle qui lui est inférieure. Tout ce processus est soigneusement décrit dans The Atman Project. Mais lorsque les termes « implicite / explicite » sont utilisés de cette façon, on ne dit précisément rien de neuf à leur propos; c’est le cœur même de la philosophie pérenne, de Hegel à Aurobindo. Ce n’est pas, cependant, la façon dont ces termes sont présentement utilisés. Alors, pour ce qui est des termes « implicite » et « explicite », j’essaie en général d’éviter leur usage pour décrire ce processus général et son contexte hiérarchique de multidimensions, parce que la philosophie pérenne dépasse de loin tout ce qui est contenu dans l’usage actuel de ces notions d’implicite / explicite. Et quand ces notions sont mises en rapport avec la philosophie pérenne, comme dans le résumé ci-dessus, elles finissent par ne présenter qu’une ressemblance minime avec la signification qui leur a originellement été donnée par les physiciens.

Finalement, il y a une vaste différence entre l’immanence et la transcendance, et lorsqu’on sous-entend que 1’ »ordre implicite » signifie les deux, il en résulte certaines erreurs frappantes. Le moyen le plus facile d’éviter cela est d’utiliser la notion d' »ordre implicite » précisément de la façon dont elle fut proposée: comme une unité immanente du plan du niveau 1 de la physis.

4 C’est grossièrement énoncé, mais c’est aussi ce sur quoi est fondée l’accusation de mauvaise métaphysique.

5 Il faudrait dire, bien que je finirai par être en désaccord avec cette école de MQ quant à la nature de la génération de la matière par l’esprit, que je n’exclus pas qu’ils puissent avoir des choses importantes et brillantes à dire au sujet de l’influence de l’esprit sur la matière, après le fait de la génération de la matière par l’esprit. C’est un accord très ténu, mais un accord néanmoins, et certaines branches très précises de la parapsychologie (et non du mysticisme en général) trouveront peut-être une résonance avec ces théoriciens.

6 Lorsque l’évêque Berkeley (même s’il n’était pas un puriste vis-à-vis de la philosophie pérenne) disait qu’être c’est être perçu, il voulait dire ultimement perçu par Dieu, ou la conscience absolue. Mais, comme il le savait, l’être et la perception ne font qu’un dans la conscience absolue; c’est-à-dire: ce n’est pas que les entités existent parce qu’elles sont perçues par la conscience, mais que leur existence est conscience. Elles ne sont pas créées en étant vues par Dieu, elles sont tout simplement Dieu de cœur. Autrement dit, Berkeley ne voulait pas dire être par la perception (ou la conscience), mais qu’être est la conscience. La conscience ne crée par une chose en la regardant; elle est tout simplement cette chose, et les « perceptions » spécifiques ne sont pas pertinentes.

7 La « perception » du domaine de la fréquence physique est exposée plus tard en conjonction avec la critique de William Tiller du paradigme holographique.

8 Je ne conteste pas le fait que la perception et la mémoire se produisent tel qu’on le suggère dans cette hypothèse. Je ne remets pas du tout en question l’hypothèse sur cette base. Je remets en question le fait que, au-delà de cela, l’hypothèse puisse avoir quelque chose à voir avec des réalités transcendantes. Ma conclusion personnelle provisoire est qu’elle semble seulement avoir quelque chose à voir avec la véritable transcendance à cause des bizarreries des mathématiques impliquées et à cause d’une moins que précise manipulation du langage. Particulièrement discutable est le saut de « chaque souvenir personnel est également distribué dans chaque cellule du cerveau individuel » à « par conséquent, chaque esprit individuel fait partie d’un hologramme transpersonnel ». Le paradigme holographique est décrit comme étant « une en toutes et toutes en une » — où « une » signifie la « mémoire /cellule individuelle » et « toutes » signifie « toutes les cellules cérébrales individuelles ». A cet énoncé correct, on fait une substitution rapide: « une » en vient à dire « un individu » ou « une personne » et « toutes » en vient à dire, non pas toutes les autres cellules cérébrales personnelles, mais toutes les autres personnes, point à la ligne.