(Revue Spiritualité. No 28-29. 1947)
(publié sous le nom de Ram Linssen)
Qu’est-ce que la vie ? Étrange paradoxe, à vrai dire, d’être incapable de définir la réalité la plus évidente qu’il soit donné à l’homme de constater. La vie se joue de nos métaphysiciens, de nos théories compliquées ! Qu’elle soit un épiphénomène de la matière, qu’elle résulte de l’association spéciale de certaines grosses molécules ou qu’elle soit un épiphénomène de l’esprit, peu LUI importe ! Elle EST.
Elle est le fait par excellence. Elle a été de tous temps, Elle est éternelle, universelle. Elle est UNE dans son essence et se joue du cortège immense des formes innombrables qui naissent et qui meurent pour LUI permettre de s’exprimer.
La Vie n’est ni spécialement esprit, ni spécialement matière. Elle s’exprime aussi bien dans l’un que dans l’autre. Ces deux opposés ne forment que les faces différentes mais complémentaires d’une seule réalité : le TOUT indivisible de l’Univers.
Les hommes de science nous démontrent que cet univers de surface aux apparences multiples n’est qu’un masque nous cachant l’UNITÉ d’une énergie de profondeur. Cette énergie est-elle la VIE ? Certes, la VIE s’y trouve, mais ELLE ne se limite pas à cet aspect.
Si nous cherchons, par voie de déduction, à définir la vie, par l’étude de SON comportement, par l’examen de SON empreinte au cœur des formes qu’elle anime durant l’histoire d’un Univers, nous serions tentés de conclure, avec Bergson, à l’existence d’un processus de création pure, d’incessante innovation aux imprévisibles directions.
Ceci est à vrai dire bien peu de chose et résulte de l’étude du passé de la VIE, ou plus exactement le passé de SES empreintes. Car ainsi que nous le verrons, il n’y a pas de pire contradiction que de vouloir étudier la VIE en se plongeant dans les abimes du passé, par le fait qu’ELLE est dans le PRÉSENT.
« Si nous voulons trouver encore vivre, la différentielle dévolution, nous dit le prof. Leroy, il faut diriger nos regards vers les profondeurs du psychisme ». C’est en nous, dans les profondeurs de notre conscience, que se trouve la VIE dans Son action la plus directe, la plus palpable. En effet, dans la mesure où nous allons en profondeur vers les ultimes constituants de la matière, nous découvrant des mouvements de plus en plus rapides. Mous sentons que nous approchons alors du sillage lumineux d’un éclair éternel, mais éternellement insaisissable par le DEHORS. Il existe une réalité dynamique à laquelle sont suspendues toutes les manifestations de l’univers, tant dans leur substance que dans leur vie.
C’est la « fusée » éternelle dont l’univers matériel forme l’ensemble des débris éteints. Si, une seule seconde, cette lumineuse réalité des profondeurs, cet océan d’énergie pure, devait changer ses rythmes, plus rien ne serait dans l’univers.
La matérialité des choses et des êtres au milieu desquels se poursuit notre existence quotidienne résulte de l’association des corpuscules ultimes de la matière. Et que sont ceux-ci, sinon que l’énergie, qui s’est matérialisée en grains, résultant du mouvement de sa propre puissance, tel que l’enseignait l’éminent physicien Max Planck.
L’énergie qui n’a ni nom, ni propriété, ni forme, revêt par l’ingénieux artifice des dispositions électroniques, des noms, des propriétés, des formes.
Rien de ceci n’est théorique. Pas un seul de ces mots n’est une construction de l’esprit. Car tels sont les faits que nul ne peut réfuter.
L’Univers entier, depuis l’atome jusqu’aux lointaines galaxies est littéralement suspendu aux rythmes de cette Réalité éternellement présente, qui nourrit et soutient sans cesse l’infinie variété des choses et des êtres.
Si l’homme veut remplir le rôle que la Nature est en droit d’attendre de lui, il faut qu’il s’ouvre aux possibilités infinies que lui confère la VIE. L’homme accompli est celui en qui et par qui, la VIE s’exprime librement, spontanément. Mais cette liberté et cette spontanéité exigent le total dépouillement des limites de l’ego. C’est à cet état d’être qu’ont accédé tous les grands sages du monde : le Bouddha, Confucius, Jésus, Krishnamurti. Tous ont atteint en eux, cette base du monde, par laquelle il est révélé à l’homme, que son « moi » de surface n’est que projection évanescente et limitée d’une plénitude cosmique de profondeur, infinie, éternelle.
Nous avons dit que la différentielle d’évolution se trouve actuellement dans les profondeurs de la conscience et du psychisme. Il importe donc que chaque homme découvre en lui-même et par lui-même cette empreinte vivante de la VIE. Cette découverte ne peut être réalisée que par la pleine connaissance de ses limites. Le problème peut être défini clairement : La VIE est infinie, universelle, éternelle. Caque homme, en tant qu’individu, est fini et transitoire.
Si le but de l’existence individuelle consiste à nous ouvrir à la VIE, il faut et il suffit que nous nous affranchissions des obstacles, qui en nous s’opposent à l’épanouissement de la vie. Quels sont ces obstacles : ce sont nos limites égoïstes.
Le « moi » s’alimente et se recrée à chaque instant, de ses pensées, de ses désirs, de ses sensations, de ses possessions grossières ou subtiles, de ses superstitions, de ses croyances, de ses évasions. Pourquoi ? Car le « moi » désire « durer ». Il s’accroche à sa continuité. Dans la mesure où il se cristallise, où il se renforce, il s’éloigne de la VIE.
Ici aussi, le problème peut être défini clairement. La VIE est une PURE SPONTANÉITÉ, un jaillissement éternellement présent. Le « moi » est formé en ordre principal par l’activité mentale où tout n’est que calcul, où tout n’est qu’intérêt, avidité, ambition. La VIE est dans le Présent Éternel. Chaque homme en tant qu’individu est soit dans le passé, soit dans le futur, car il ne peut supporter d’affronter le Présent, en vertu de sa pauvreté intérieur.
La Vie est essentiellement dynamique. Chaque « moi » humain est essentiellement statique, car cette staticité est la condition même du sentiment de sa sécurité, de sa fausse permanence. Il s’agit dès lors de dénoncer quels sont les innombrables aliments qui renforcent la sécurité du « moi », sa staticité. Et nous voyons que toutes nos structures morales, religieuses, économiques et sociales ne constituent que des encouragements tacites de l’égoïsme. A l’exception du Bouddhisme pur, de l’Advaitisme du sentier direct, de J. Krisnamurti, la plupart des spiritualismes, des occultismes, enseignent l’immortalité de l’ego. Beaucoup nous donne des modèles à suivre, prennent des attitudes tendant à développer le culte d’autrui. La spontanéité de la VIE est entravée dans sa libre expression par toutes les impositions du dehors, par toutes les créations mentales.
Il est impossible que les énergies de l’âme puissent se diriger, à la fois vers un modèle extérieur pour copier ou suivre, et vers l’intérieur. Les mouvements résultants de ces attitudes opposées se neutralisent.
Chaque homme a le devoir d’écouter, en lui-même et par lui-même, cette ultime confidence que la VIE lui accorde dans le silence et la solitude. Il pourra ensuite bénéficier du charme de cette plénitude intérieure. Quelles que soient les circonstances extérieures.
De grands sages ont dit eux-mêmes qu’à présent, une nouvelle sève spirituelle inonde de sa richesse les profondeurs de l’activité psychique de chaque individu, qui, de ce fait, peut et doit, par lui-même et en lui-même, chercher l’empreinte vivante de cette spontanéité jusqu’au jour où dans l’émerveillement d’une extase ineffable, il vivra cette spontanéité elle-même.
Nous nous posions la question de savoir si la VIE était l’énergie pure des hommes de science. Elle est certainement plus, puisqu’elle manifeste dans les VIVANTS que nous sommes des facultés d’aimer et de penser.
Il s’agit pour nous d’exalter l’amour et l’intelligence vers leurs plus hauts sommets, en les dépouillant des limites inhérente à notre ego, pour retrouver, vive et intacte, la Flamme de la VIE éternelle dont le cœur et l’esprit ne sont que des reflets.
Constructions de l’esprit que tout ceci, diront certains ? Non, tout en admettant qu’à première vue, une présentation aussi schématique du problème puisse paraitre une construction de l’esprit. Mais la condition sine qua non de la spontanéité de la VIE est précisément l’élimination de toute préfiguration, de toute création mentale, de toute image. Qui construit ces choses ? C’est l’ego qui doit précisément disparaitre.
Est-ce là une perte, une faillite ? Non c’est un triomphe, triomphe dans l’infinitude de la Joie, de la Liberté, de l’Intelligence et de l’Amour que la VIE nous révèle, lorqu’ayant consenti à mourir à nous-mêmes, Elle s’est recréée en nous et par nous.
Est-ce de l’orgueil ? Moins encore, car si l’homme se refuse à se laisser mécaniser ou corrompre par les disciplines extérieures, ce n’est surtout pas pour agir à sa guise, mais pour mieux écouter, au-dedans de lui-même, le Maitre intérieur, qui lui commandera en premier lieu de procéder à l’abdication de ses limites. Un tel homme sait qu’il n’est qu’un instrument de la VIE.
Tel est l’essentiel de l’enseignement de tous les grands sages, de tous les véritables maitres : Libérer l’homme et non l’asservir, le mettre face à face avec son Maitre intérieur, l’irremplaçable compagnon de la VIE.
Ram Linssen
Monde Extérieur |
Monde Intra-atomique |
Base du monde |
Multiplicité infinie | Dualité électron-neutron | UNITÉ |
Continuité apparente | Discontinuité quantique | Continuité réelle |
Passé, futur | PRÉSENT ÉTERNEL | |
Homogénéité apparente | Hétérogénéité, vide intra-atomique | Homogénéité absolue |
Déséquilibre, peur | Déséquilibre, peur | Equilibre-plénitude |
Relativité | Relativité | Absolu |
Limité | limité | Illimité |
Mécanique classique | Mec. Atomique, incertitude d’Heisenberg | Spontanéité |
Statique | Dynamique | |
Conditionnement | Liberté relative | Liberté absolue |
Mouvement / espace-temps | Mouvements quantiques | Mouvement pur – VIE |