Bernardo Kastrup
La vision idéaliste de la conscience après la mort

Traduction libre Résumé Pour faire des suppositions éclairées sur ce qui arrive à la conscience lors de la mort corporelle, il faut avoir une certaine compréhension de la relation entre le corps et la conscience pendant la vie. Cette relation, bien sûr, reflète une ontologie. Dans ce bref essai, la ténacité des ontologies physicaliste et […]

Traduction libre

Résumé

Pour faire des suppositions éclairées sur ce qui arrive à la conscience lors de la mort corporelle, il faut avoir une certaine compréhension de la relation entre le corps et la conscience pendant la vie. Cette relation, bien sûr, reflète une ontologie. Dans ce bref essai, la ténacité des ontologies physicaliste et dualiste sera évaluée à la lumière des récents résultats expérimentaux en physique. L’ontologie alternative de l’idéalisme sera ensuite discutée, qui non seulement peut être réconciliée avec les preuves empiriques disponibles, mais qui surmonte également le manque de parcimonie et le pouvoir explicatif limité du physicalisme et du dualisme. L’idéalisme explique avec élégance les faits fondamentaux de la réalité, tels que (a) le fait que l’activité cérébrale est en corrélation avec l’expérience, (b) le fait que nous semblons tous partager le même monde, et (c) le fait que nous ne pouvons pas changer les lois de la nature à volonté. Si l’idéalisme est exact, cela implique qu’au lieu de disparaître, la vie intérieure consciente s’élargit après la mort corporelle, une prédiction qui trouve une confirmation circonstancielle mais significative dans les rapports d’expériences de mort imminente et de transes psychédéliques, qui peuvent tous deux être interprétés comme des aperçus des premiers stades du processus de mort.

Mots clés : ontologie, métaphysique, problème corps-esprit, mort, expérience de mort imminente, psychédélique, physique quantique

1 Introduction

Notre capacité à être des sujets conscients de l’expérience est la racine de notre sens d’être. Après tout, si nous n’étions pas conscients, que pourrions-nous savoir de nous-mêmes ? Comment pourrions-nous même affirmer notre propre existence ? Être conscient, cela signifie d’être ce que nous sommes. Dans un sens important – même le seul sens important – nous sommes avant tout la conscience elle-même, le reste de notre image de soi apparaît par la suite, sous forme de pensées et d’images construites dans la conscience.

C’est pour cette raison que la question de ce qui arrive à notre conscience après la mort du corps a été centrale pour l’humanité dans toute son histoire. Cessons-nous, alors, d’exister ou continuons-nous sous une forme ou une autre ? De nombreuses personnes recherchent aujourd’hui un réconfort existentiel dans le dualisme corps-moi, qui ouvre la possibilité de la survie de la conscience après la mort corporelle (Heflick et al, 2015). Mais le dualisme – avec les nombreux problèmes graves qu’il entraîne, tant philosophiques qu’empiriques (Robinson, 2016) – est-il la seule ontologie qui permette cette survie ?

Bien que la conscience elle-même soit la seule donnée directement accessible de la réalité, tant le dualisme que l’ontologie dominante du physicalisme (Stoljar, 2016) postulent l’existence de quelque chose d’ontologiquement distinct de la conscience : un monde physique extérieur et indépendant de l’expérience. Dans ce contexte, dans la mesure où l’on croit que la conscience est constituée, générée, hébergée ou du moins modulée par des arrangements particuliers de matière et d’énergie dans le monde physique, la dissolution de tels arrangements – telle qu’impliquée par la mort corporelle – est pertinente pour notre survie. C’est la racine de la préoccupation de l’humanité à l’égard de la mort.

Cependant, l’existence d’un monde physique extérieur et indépendant de la conscience est une inférence théorique découlant de l’interprétation des perceptions sensorielles, et non un fait empirique. Après tout, notre seul accès au monde physique se fait à travers le filtre de la perception, qui est elle-même un phénomène de et dans la conscience. Le célèbre physicien de Stanford Andrei Linde (1998) a résumé cela comme suit :

Rappelons nous que notre connaissance du monde ne commence pas avec la matière mais avec les perceptions. … Plus tard, nous découvrons que nos perceptions obéissent à certaines lois, qui peuvent être formulées de manière plus commode si nous supposons qu’il existe une réalité sous-jacente au-delà de nos perceptions. Ce modèle de monde matériel obéissant aux lois de la physique est si réussi que nous oublions vite notre point de départ et disons que la matière est la seule réalité, et que les perceptions ne sont utiles que pour la décrire. Cette hypothèse est presque aussi naturelle (et peut-être aussi fausse) que notre hypothèse précédente selon laquelle l’espace n’est qu’un outil mathématique pour la description de la matière. (p. 12)

Le monde physique que beaucoup croient exister au-delà de la conscience est un modèle explicatif abstrait. Sa motivation est de donner un sens à trois observations fondamentales sur la réalité :

(a) Si le cerveau physique en dehors de l’expérience ne génère pas ou du moins ne module pas, d’une manière ou d’une autre, la conscience, comment peut-il y avoir des corrélations aussi étroites entre l’activité cérébrale observée et l’expérience intérieure rapportée (cf. Koch, 2004) ?

(b) Si le monde n’est pas fondamentalement indépendant et extérieur à l’expérience, il ne peut être qu’analogue à un rêve dans la conscience. Mais dans un tel cas, comment pouvons-nous tous faire le même rêve ?

(c) Enfin, si le monde est dans la conscience, comment peut-il se dérouler selon des schémas et des régularités indépendants de notre volonté ? Après tout, les êtres humains ne peuvent pas changer les lois de la nature.

Néanmoins, si ces questions peuvent trouver une réponse satisfaisante sans le postulat d’un monde physique extérieur à la conscience, la nécessité de cette dernière peut être légitimement remise en question pour des raisons de parcimonie. De plus, si le physicalisme exige l’existence de primitives ontologiques – que Strawson (2006, p. 9) a appelées ‘ultimes’ – au-delà de la conscience, il ne parvient pas à expliquer la conscience elle-même en termes de ces primitives (cf. Chalmers, 2003). Ainsi, si les trois observations fondamentales sur la réalité énumérées ci-dessus peuvent être comprises uniquement en termes de conscience, alors le physicalisme peut être légitimement remis en question pour, également, des raisons de pouvoir explicatif. Et il s’avère qu’il existe en effet une ontologie alternative qui explique les trois observations de base sans exiger quoi que ce soit au-delà de la conscience elle-même. Cette ontologie sera résumée dans la section 3 de ce bref essai.

En outre, l’existence inférée d’un monde physique extérieur et indépendant de la conscience a des corollaires statistiques qui peuvent être testés avec des expériences conceptuellement appropriés (Leggett, 2003 ; Bell, 1964). Il s’avère que des tests empiriques de ces corollaires ont été effectués depuis le début des années 80, lorsque Alan Aspect a réalisé ses expériences phares (1981). Et les résultats ne corroborent pas l’existence d’un univers en dehors de la conscience. Ces faits empiriques, rarement évoqués mais solides, seront résumés dans la section suivante.

Sans un monde physique en dehors de la conscience, nous nous retrouvons avec uniquement la conscience comme fondement de la réalité. Dans ce cas, nous devons revoir complètement nos intuitions et nos hypothèses concernant la mort. Après tout, si la conscience est ce dans quoi la naissance et la mort se déroulent en tant que processus phénoménal, alors ni la naissance ni la mort ne sont pas pertinents en ce qui concerne le statut existentiel de la conscience elle-même. Que signifie alors la mort ? Que pouvons-nous, à un niveau personnel, nous attendre à vivre lors de la mort corporelle ? Ces questions seront examinées dans la section 4 de cet essai.

2 Le cas empirique contre un monde extérieur à la conscience

Une implication intuitive clé d’un monde extérieur à la conscience est que les propriétés de ce monde ne doivent pas dépendre de l’observation ; c’est-à-dire qu’un objet doit avoir toutes les propriétés qu’il possède – poids, taille, forme, couleur, etc. – indépendamment du fait qu’il apparaisse ou non sur l’écran de perception. Cela doit clairement distinguer le monde physique de la sphère de la conscience. Après tout, les propriétés d’un objet purement imaginé n’existent pas indépendamment, mais seulement dans la mesure où elles sont imaginées.

Comme mentionné précédemment, l’indépendance postulée du monde vis-à-vis de l’observation a certains corollaires statistiques (Leggett, 2003) qui peuvent être directement testés. Sur cette base, Gröblacher et al. (2007) ont montré que les propriétés du monde, de façon assez surprenante, dépendent de l’observation. Concilier leurs résultats avec le physicalisme ou le dualisme nécessiterait une redéfinition contre-intuitive de ce que nous appelons l’objectivité. Et comme la culture contemporaine en est venue à associer l’objectivité à la réalité elle-même, la presse scientifique s’est sentie obligée de rendre compte de cette étude en déclarant : « La physique quantique dit adieu à la réalité » (Cartwright, 2007). En testant des corollaires statistiques similaires, une autre expérience (Romero et al, 2010) a confirmé que le monde n’est effectivement pas conforme à ce que l’on s’attendrait s’il était extérieur et indépendant de la conscience.

D’autres corollaires statistiques (Bell, 1964) ont également été examinés expérimentalement. Ces tests ont montré que les propriétés des systèmes physiques ne semblent même pas exister avant d’être observées (Lapkiewicz et al., 2011 ; Manning et al., 2015). Commentant ces résultats, le physicien Anton Zeilinger aurait déclaré que « cela n’a aucun sens de supposer que ce que nous ne mesurons pas à propos d’un système a une réalité [indépendante] » (Ananthaswamy, 2011). Enfin, Ma et al. (2013) ont de nouveau montré qu’aucune vision naïvement objective du monde ne peut être vraie.

Les critiques ont examiné en profondeur les études citées ci-dessus pour trouver d’éventuelles lacunes, aussi peu plausibles soient-elles. Dans un effort pour aborder et combler ces failles potentielles, les chercheurs néerlandais ont effectué un test encore plus étroitement contrôlé, qui a de nouveau confirmé les résultats précédents (Hensen et al., 2015). Ce dernier effort a été considéré comme le « test le plus difficile à ce jour » (Merali, 2015).

Une autre implication intuitive de la notion d’un monde extérieur à la conscience est que nos choix ne peuvent influencer le monde – par nos actions corporelles – que dans le présent. Ils ne peuvent pas affecter le passé. Ainsi, la partie de notre histoire qui correspond au passé doit être immuable. Comparons cela à la sphère de la conscience où nous pouvons changer l’ensemble d’une histoire imaginée à tout moment. Dans la conscience, l’ensemble du récit est toujours soumis à un choix et peut être révisé.

Il s’avère que Kim et al. (2000) ont montré que l’observation ne détermine pas seulement les propriétés physiques observées actuellement, mais modifie aussi rétroactivement leur histoire en conséquence. Cela suggère que le passé est créé à chaque instant de manière à être cohérent avec le présent, ce qui rappelle l’idée que le monde est un récit mental malléable.

Déjà en 2005, le célèbre physicien et astronome de Johns Hopkins Richard Conn Henry avait rédigé un essai pour Nature (2005) dans lequel il affirmait que « l’univers est entièrement mental. … Il y a eu de sérieuses tentatives [théoriques] de préserver un monde matériel – mais elles ne produisent aucune nouvelle physique et ne servent qu’à préserver une illusion » (p. 29). L’illusion à laquelle il se référait était, bien sûr, celle d’un monde extérieur à la conscience.

Ainsi, d’un point de vue empirique rigoureux, la ténacité de la notion de monde extérieur et indépendant de la conscience est pour le moins discutable. La raison principale de la résistance à un abandon pur et simple de cette notion est l’absence supposée d’alternatives plausibles. Quelle autre ontologie pourrait donner un sens aux trois observations fondamentales sur la réalité examinées dans la section 1 ? Dans la prochaine section, je vais tenter de répondre à cette question.

3 Une ontologie idéaliste simple

L’ontologie de l’idéalisme diffère du physicalisme en ce qu’elle considère la conscience phénoménale comme étant le seul aspect irréductible de la nature, par opposition à un épiphénomène ou à une propriété émergente des arrangements physiques. Elle diffère également du dualisme en ce qu’elle considère que tous les éléments et arrangements physiques existent dans la conscience – uniquement en tant que propriétés phénoménales – par opposition à être extérieure à la conscience.

Historiquement, l’idéalisme a connu de nombreuses variations différentes appelées idéalisme subjectif, idéalisme absolu, idéalisme réel, etc. Mon but n’est pas ici de m’étendre sur les différences subtiles, ambiguës et souvent litigieuses entre ces variations. Je souhaite plutôt décrire simplement les principes de base que toute formulation moderne et plausible de l’idéalisme doit comporter, compte tenu de notre connaissance et de notre compréhension actuelles du monde. Ce qui suit n’est qu’un bref résumé d’une dérivation beaucoup plus étendue de l’idéalisme à partir des principes de base (Kastrup, à paraître).

Le principe qui définit l’idéalisme est l’idée que toute la réalité se trouve dans une forme universelle de la conscience – donc non liée à des frontières personnelles – qui survient en tant que modèle d’excitation de cette conscience universelle. Notre psyché personnelle se forme par un processus de dissociation dans la conscience universelle, analogue à la façon dont la psyché d’une personne souffrant d’un trouble dissociatif de l’identité (TDI) se différencie en de multiples centres d’expérience appelés « doubles (alters) » (Braude, 1995 ; Kelly et al., 2009 ; Schlumpf et al., 2014). Des recherches récentes ont démontré le pouvoir littéralement aveuglant de la dissociation (Strasburger & Waldvogel, 2015). Ainsi, on a le sentiment que chaque créature vivante est un double de la conscience universelle, ce qui explique pourquoi nous ne sommes pas conscients de la vie intérieure des autres ou de ce qui se passe dans le temps et l’espace à une échelle universelle.

La formation d’un double dans la conscience universelle crée une frontière – une « couverture de Markov » (Friston, Sengupta & Auletta, 2014, pp. 430-432) – entre la phénoménalité interne au double et celle qui lui est externe. La phénoménalité externe au double – mais toujours dans sa proximité – empiète sur la limite du double. La plausibilité de ce type d’empiétement phénoménal à travers une frontière dissociative est bien établie : nous savons, par exemple, que les sentiments dissociés peuvent affecter considérablement nos pensées et, partant, nos comportements (Lynch & Kilmartin, 2013), tandis que les attentes dissociées façonnent couramment nos perceptions (cf. Eagleman, 2011).

L’empiétement de la phénoménalité externe sur la limite d’un double est ce que nous appelons la perception sensorielle. Le monde que nous percevons autour de nous est donc une représentation phénoménale codée (Friston, Sengupta & Auletta, 2014, pp. 432-434) – que j’appellerai l‘apparence extrinsèque – de processus tout aussi phénoménaux se déroulant à travers la limite dissociative de notre double.

Un corps biologique vivant est l’apparence extrinsèque d’un double dans la conscience universelle. En particulier, nos organes des sens – y compris notre peau – sont l’aspect extrinsèque de la limite de notre double. En tant que tel, notre cerveau et son activité électrochimique font partie de ce à quoi ressemble notre vie intérieure à travers sa limite dissociative. Bien entendu, l’apparence extrinsèque et la vie intérieure correspondante sont toutes deux de nature phénoménale. Elles sont toutes deux des expériences.

L’activité cérébrale d’une personne est en corrélation avec la vie intérieure déclarée de la personne, car la première n’est qu’une représentation codée de la seconde. Nous vivons tous dans le même monde parce que nos doubles respectifs sont entourés par le même champ universel de phénoménalité, comme des tourbillons dans un seul courant. Et nous ne pouvons pas changer les modèles et les régularités qui régissent le monde – c’est-à-dire les lois de la nature – parce que notre volonté, en tant que partie de notre alter, est dissociée du reste de la nature. Voir la figure 1 pour une représentation graphique de tout cela.

Figure 1. L’idéalisme en bref.

Il est clair que les trois observations fondamentales sur la réalité évoquées dans la section 1 peuvent être expliquées assez simplement par cette ontologie idéaliste parcimonieuse. De plus, contrairement au physicalisme et au dualisme, l’ontologie peut également être réconciliée avec les résultats empiriques discutés dans la section 2. Elle offre donc une alternative plus prometteuse pour l’interprétation de la relation entre le corps et la conscience que le physicalisme et le dualisme. La question qui reste à traiter est la suivante : si l’idéalisme est vrai, que pouvons-nous alors déduire sur la conscience après la mort corporelle ? C’est à cette question que la section suivante tentera de répondre.

4 Ce que dit l’idéalisme sur la conscience après la mort

L’ontologie idéaliste brièvement résumée dans la section précédente affirme que le corps physique est l’apparence extrinsèque – l’image – d’un processus dissociatif dans la conscience universelle. En d’autres termes, un corps vivant est ce à quoi ressemble la dissociation – entendue simplement de manière descriptive, et non comme quelque chose de négatif ou de pathologique – dans la conscience universelle. Par conséquent, la mort et la dissolution ultime du corps ne peuvent être que l’image de la fin de la dissociation. Toute autre conclusion violerait la logique interne de l’idéalisme.

Le raisonnement est ici assez simple mais ses implications sont profondes. La marque de la dissociation est « une perturbation et/ou une discontinuité dans l’intégration normale de la conscience, de la mémoire, de l’identité [et] des émotions » (Black & Grant, 2014, p. 191). Par conséquent, la fin de la dissociation ne peut entraîner qu’une réintégration de « la mémoire, de l’identité [et] de l’émotion » perdues à la naissance. Cela signifie que la mort corporelle, sous l’idéalisme, doit être en corrélation avec une expansion de notre sentiment d’identité, l’accès à un ensemble plus large de souvenirs et l’enrichissement de notre vie intérieure émotionnelle.

Cette conclusion est à l’opposé de ce qu’affirme notre ontologie physicaliste dominante. De plus, rien dans l’alternative dualiste populaire – que l’on trouve principalement dans les milieux religieux – ne l’exige non plus. Ainsi, l’idéalisme n’est pas seulement unique dans sa capacité à expliquer la réalité de manière plus parcimonieuse et complète que le physicalisme et le dualisme, il offre également une perspective unique sur la mort.

De manière circonstancielle mais significative, une grande partie de la littérature concernant les expériences de mort imminente (NDE) semble corroborer cette prédiction d’idéalisme (Kelly et al., 2009). Pour ne citer qu’un exemple récent, Anita Moorjani (2012) a écrit à propos du sentiment d’identité qu’elle a ressenti lors de sa NDE : « Je ne me sens certainement pas réduite ou plus petite de quelque manière que ce soit. Au contraire, je n’ai jamais été aussi énorme, aussi puissante ou aussi universelle. … [Je] me suis senti plus grande, plus intense et plus expansive que mon être physique » (p. 69). Il est difficile de concevoir une confirmation plus univoque de la prédiction de l’idéalisme que ce passage, bien que l’ensemble du rapport de Moorjani sur la NDE fasse précisément écho à cette prédiction.

En outre, comme l’ont montré des études récentes (Carhart-Harris et al., 2012 ; Palhano-Fontes et al., 2015 ; Carhart-Harris et al., 2016), les drogues psychédéliques réduisent l’activité cérébrale. Cela suggère que les transes psychédéliques peuvent être d’une certaine manière similaires aux premiers stades du processus de la mort, offrant un aperçu de la façon dont la mort est vécue à la première personne. Et comme nous le savons, les transes psychédéliques entraînent une expansion sans ambiguïté de la conscience (Strassman, 2001 ; Griffiths et al., 2006 ; Strassman et al., 2008), ce qui semble à nouveau corroborer de manière circonstancielle la prédiction de l’idéalisme.

5 Conclusions

Pour faire des suppositions éclairées sur ce qui arrive à la conscience lors de la mort corporelle, il faut avoir une certaine compréhension de la relation entre le corps et la conscience pendant la vie. Cette relation, bien sûr, reflète une ontologie. Ainsi, la question de ce qui se passe après la mort peut être transposée dans la question de savoir quelle ontologie est la plus plausible pour donner un sens au monde pendant la vie.

Si le physicalisme est l’ontologie principale de notre culture, approuvée par les universitaires, et le dualisme une alternative populaire dans les cercles religieux, aucune des deux ontologies ne semble défendable au vu des récents résultats expérimentaux en physique. De plus, les deux ontologies souffrent de problèmes tels que le manque de parcimonie ou un pouvoir explicatif limité.

Une troisième ontologie, connue sous le nom d’idéalisme, permet non seulement de surmonter ces problèmes mais aussi de se réconcilier avec les preuves empiriques disponibles. Elle explique avec élégance les trois faits fondamentaux de la réalité : (a) que l’activité cérébrale est en corrélation avec l’expérience, (b) que nous semblons tous partager le même monde, et (c) que nous ne pouvons pas changer les lois de la nature à volonté.

Si l’idéalisme est correct, il implique qu’au lieu de disparaître, la vie intérieure consciente s’élargit – quelle que soit la nouvelle phénoménologie que cette expansion puisse entraîner – à la mort corporelle. Cette prédiction trouve une confirmation circonstancielle mais significative dans les rapports d’expériences de mort imminente et de transes psychédéliques, qui peuvent tous deux être interprétés comme des aperçus des premières étapes du processus de mort.

Essai paru dans Journal of Consciousness Exploration & Research| December 2016 | Vol. 7 | Issue 11

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