Robert Linssen
L’accès au processus de création

(Extrait du journal Aurores no 36 Sept-Oct 1983) Un lien complètement inattendu vient d’être découvert entre les profondeurs de la matière et le comportement de l’être humain. Il s’agit d’un rapport vivant existant entre l’infiniment petit du monde des atomes, des électrons, des champs d’une part, et d’autre part, les actes physiques et les états de […]

(Extrait du journal Aurores no 36 Sept-Oct 1983)

Un lien complètement inattendu vient d’être découvert entre les profondeurs de la matière et le comportement de l’être humain.

Il s’agit d’un rapport vivant existant entre l’infiniment petit du monde des atomes, des électrons, des champs d’une part, et d’autre part, les actes physiques et les états de conscience s’exprimant concrètement dans la vie quotidienne.

Les subtilités des théories de physique quantique vont enfin quitter le domaine des abstractions intellectuelles ou métaphysiques pour se traduire de façon pratique dans les faits et gestes de chacun. Ceci constitue un facteur de première importance dans la convergence et la complémentarité de toutes les disciplines. En cette fin du XXème siècle, les physiciens de « pointe » considèrent que le monde qui nous est familier n’est que l’« envers » évanescent d’un « endroit » unique et fondamental qui en forme la base essentielle.

Cette Réalité est considérée comme un champ de conscience universelle en perpétuelle pulsation créatrice. Elle est la source inépuisable de toute vie. Ce mouvement de création — très différent des catégories de mouvements que nous connaissons — se manifeste, au niveau subatomique, par des paquets d’ondes de probabilités formant le niveau ultime de toute matière y compris celle du cerveau humain. De nombreux savants se penchent sur ce problème. Parmi eux, les Prix Nobel de neurophysiologie du cerveau John Eccles, John Sperry, des physiciens tels Henry P. Stapp, David Bohm, Eugène Wigner, et d’autres savants tels Karl Pribram, J. von Neumann. Tous se consacrent à l’étude des liens pouvant exister entre le cerveau et l’essence ultime de la matière en perpétuelle pulsation créatrice.

Si des liens existent quelle en serait la nature ? Quels sont les processus par lesquels les paquets d’ondes de probabilités affectent le cerveau ? Quelles en sont les conséquences dans la conscience humaine dans nos choix, dans nos actes ?

La plupart des savants qui viennent d’être cités — et cette liste est loin d’être exhaustive — considèrent que la grande complexité cellulaire du cerveau la finesse de structure des neurones confèrent à l’être humain la capacité de se sensibiliser aux impulsions constantes des paquets d’ondes de probabilité émanant du champ de conscience cosmique. Cette sensibilisation se traduit par des réponses qui sont considérées comme des choix se matérialisant finalement par des actes. Ceux-ci peuvent être adéquats ou inadéquats.

Si le cerveau et la structure psychosomatique de l’être humain sont prisonniers du réseau de mémoires dont il sont le résultat, l’accueil aux ondes de probabilités se traduira par un choix inadéquat générateur d’acte inadéquat. Pourquoi ? Parce qu’une opposition existe entre le surgissement des paquets d’ondes de probabilité qui sont toujours neuves et présentes, d’une part, et d’autre part, l’énorme résistance des mémoires conditionnées par le passé.

SE DÉGAGER DE L’IDENTIFICATION

Mais si l’homme parvient à se dégager de l’identification à son égo et s’il se libère de l’emprise des mémoires accumulées, l’accueil du cerveau aux ondes de probabilités sera adéquat, la structure cérébrale étant disponible au présent. Cette disponibilité permettra un choix adéquat se manifestant par un acte créateur. Dès lors l’être humain s’intègre à l’Acte constant de création universelle. Le sens de cette mutation est évoqué par Krishnamurti lorsqu’il nous suggère de nous libérer du « connu » afin de nous rendre disponibles à l’Intemporel ou « Inconnu ».

De tout temps, les formes les plus dépouillées des mystiques religieuses ont évoqué la possibilité qu’a l’être humain, d’être le réceptacle d’un principe de conscience cosmique. Ce dernier était évoqué par le principe de « Sat – Chit – Ananda » et le Brahman dans le brahmanisme et l’Advaita védanta. Le bouddhisme utilisait l’expression de « Corps de Bouddha ». Parmi les néo-platoniciens, Plotin évoquait le « Mouvement Pur ».

Cette Réalité essentielle est à la fois proche et lointaine. Elle est proche parce qu’elle constitue l’essence et l’intériorité la plus intime de la matière en général et par conséquent du cerveau. Mais elle est lointaine, parce qu’une chaîne très complexe, formée d’une foule de maillons subtils relie la matière et le cerveau tels que nous les connaissons aux ultimes profondeurs d’où émanent constamment les paquets d’onde de probabilité avant qu’ils ne s’effondrent en se fixant par un acte de choix.

PLUSIEURS MAILLONS DÉCOUVERTS

Pour la première fois dans l’histoire humaine, plusieurs maillons de cette chaîne subtile et complexe viennent d’être découverts.

D’abord, la mise en évidence de la toile de fond unique sur laquelle se profilent tous les phénomènes. Cette toile de fond possède un caractère de priorité fondamentale par rapport au monde extérieur. C’est d’elle que résulte l’évidence de l’unité et de la non-séparabilité des phénomènes qui nous imposent une vision globale et holistique de l’univers.

Ensuite, les paquets d’ondes de probabilité, la réduction de ces paquets d’onde en interférence avec le cerveau, la pluralité des possibilités perceptiblement différentes qui découlent de la mécanique quantique.

Parmi les conclusions les plus saisissantes des travaux récents, il est révélé que l’univers se recrée constamment en dehors de tout plan prédéterminé. Ses processus fondamentaux, comme le démontre le Prix Nobel Ilya Prigogine sont irréversibles et se matérialisent par des innovations imprévisibles situées en dehors des catégories traditionnelles de hasard et d’anti-hasard. Nous retrouvons ici une similitude avec les conclusions d’Hubert Reeves et d’Edgar Morin.

Enfin, ainsi que l’exprime Henry P. Stapp, « l’homme n’est plus un observateur passif des répercutions d’un acte créateur initial cataclysmique, mais il devient un participant actif dans le processus de création. »

En d’autres termes, l’être humain, dégagé de l’emprise des mémoires et du’ du « mirage de l’égo » peut s’intégrer à l’Acte constamment créateur de l’Univers.

Ceci confère un caractère prioritaire d’importance aux actes et donne une signification nouvelle au rôle de chacun de nous et de notre responsabilité dans le destin du monde.