L'Anti-Enseignement de U.G. Krishnamurti

U.G. Krishnamurti (1918-2007) a vécu une transformation totale en 1967. Selon un de ses biographes (Mukunda Rao) avec qui nous sommes en accord, son anti-enseignement est passé par trois phases : « Nous pouvons discerner approximativement trois phases dans la vie d’U.G. et son anti-enseignement. La première a duré de 1967 jusqu’à la fin des […]

U.G. Krishnamurti (1918-2007) a vécu une transformation totale en 1967. Selon un de ses biographes (Mukunda Rao) avec qui nous sommes en accord, son anti-enseignement est passé par trois phases : « Nous pouvons discerner approximativement trois phases dans la vie d’U.G. et son anti-enseignement. La première a duré de 1967 jusqu’à la fin des années 70, où son approche peut être qualifiée de cru, douce, tendre et obligeante. À cette époque, U.G. parlait avec approbation, bien que prudemment, d’autres sages et de leurs enseignements, ainsi que de certains textes religieux. C’était, en un sens, un U.G. différent, ouvert et persuasif, qui emmenait ou conduisait ses auditeurs, avec tant de sympathie et de sollicitude, dans un voyage d’exploration du fonctionnement de l’esprit et du corps. Il leur faisait remarquer la non-pertinence des méthodes et des techniques de réalisation de soi, l’état non naturel et ses problèmes, l’état naturel en tant qu’état physiologique de l’être et comment il pouvait avoir un impact ou changer la conscience du monde, etc. (Lire le livre édité par Mukunda Rao The biology of enlightenment)

Pendant la deuxième phase, dans les années 1980 et 1990, il a eu l’air d’un sage enragé. Ses paroles étaient profondes, explosives et cathartiques. Il était comme un feu qui réduisait tout en cendres pour qu’un nouveau départ puisse être pris, sans la moindre trace de tristesse. C’est aussi à cette époque qu’il est devenu un personnage public en donnant des interviews à la télévision et des conférences à la radio afin de toucher les gens du monde entier. Tous les grands récits et symboles des diverses religions et cultures, idéologies et philosophies étaient subvertis ou rejetés comme autant de déchets. Il n’y avait rien de sacré ou de sacro-saint, rien d’indiscutable et d’incontestable : la subversion était la voie, puis la subversion aussi était subvertie et démolie. Il était l’être primordial, le membre non converti de la race humaine, faisant sauter tous les cadres de pensée, remettant en question le fondement même de la culture humaine. Pendant cette phase, les gens l’appelaient, en particulier dans les médias, le sage enragé, un naxalite cosmique, un anti-gourou, etc., et cette image de lui comme sage enragé a été en quelque sorte surestimée et fixée même dans l’esprit des admirateurs d’U.G., sans parler des médias et de ceux qui n’avaient qu’une vague idée de qui il était et de son enseignement. Cela a seulement montré combien il était difficile de comprendre la vérité non duelle qu’il essayait de transmettre, pris dans un mode de pensée et d’être dualiste et marié à un idéal ou à un autre. Comme le Bouddha – qui a fait tomber tous les récits comme de simples constructions mentales et une entrave à l’entrée dans l’état de nirvana – en faisant exploser toutes nos idées et idéaux, il n’a pas seulement arraché le tapis de sous nos pieds, mais il a aussi détruit le sol illusoire sur lequel nous nous tenions. Il ne nous a pas permis de nous accrocher à un quelconque mensonge, car un mensonge est une erreur qui a falsifié nos vies. La vérité, aussi dure, bouleversante et choquante soit-elle, devait nous être apportée. (Presque tous les livres publiés des entretiens d’U.G. viennent de cette période).

Les dix dernières années avant la mort d’U.G. peuvent être qualifiées de phase d’enjouement et de rire. Puisque toutes les expressions étaient fausses, même dire que quelque chose était faux était faux, il n’y avait que le rejet total et complet, et il y avait le rire. Il y avait les doux et délicieux rires de Krishna, le buveur de lait, et l’attahasa ou rire apocalyptique de Shiva, le buveur de poison. Cependant, l’essentiel de son approche était toujours le même. Il décrit la façon dont nous fonctionnons à l’état non naturel, pris dans un monde d’opposés, luttant constamment pour devenir autre chose que ce que nous sommes, et à la recherche de dieux et de buts inexistants. Comment nous pensons et fonctionnons tous dans une sphère de pensée, tout comme nous partageons tous la même atmosphère pour respirer. Comment et pourquoi le soi, qui est de nature autoprotectrice et fasciste, n’est pas l’instrument qui nous aide à vivre en harmonie avec la vie qui nous entoure. Préférant le terme état naturel à celui d’illumination, il a insisté sur le fait que toute transformation qu’il avait subie était à l’intérieur de la structure du corps humain et pas du tout dans l’esprit. Et il a décrit l’état naturel comme un état d’être physique et physiologique pur et simple. C’est l’état de conscience primordiale sans primitivisme, ou l’état de conscience indivise, où tous les désirs et la peur, et la recherche du bonheur et du plaisir, de Dieu et de la vérité, ont pris fin. C’est un état acausal de non-connaissance. Si il a marqué la continuité créative des traditions d’éveil du Bouddha, des Upanishads et des sages indiens ultérieurs, U.G. a aussi marqué une rupture radicale avec les traditions d’éveil dans la manière dont il a dépsychologisé et démystifié la notion d’éveil, et l’a redéfinie comme l’état naturel en termes physiques et physiologiques. Plus important encore, en supprimant tous les grands récits et épistémologies, il nous a offert non seulement une libération de la tyrannie des symboles et des idées sacrées, des dieux et des buts, mais aussi un avant-goût de ce vaste vide. »

U.G. n’était pas parent de l’autre Krishnamurti, bien plus connu. Nombreux admirateurs des deux Krishnamurti croient que les deux enseignements sont très différents. Mais à notre avis leurs critiques de la société et essentiellement du fonctionnement du moi et de ses fuites sont exactement les mêmes. Avec quelques expressions différentes et l’insistance d’U.G. sur la transformation physiologique corporelle (mais ce n’est plus le corps que nous imaginons connaître) et ses critiques répétés envers l’autre Krishnamurti, cette similitude est brouillée. Enfin du fait que nombreuses citations d’U.G. sont produites abruptement sans explications, laisse croire qu’elles sont plus révolutionnaires que les dire de Krishnamurti qui lui prenait soin d’expliquer les mécanismes du moi.

Une remarque finale sur la communauté des admirateurs d’U.G. : À part quelques personnes qui ont travaillé sur eux-mêmes les conséquences des dire d’U.G., comme Mukunda Rao par exemple, beaucoup tombent dans un cynisme des plus égoïstes. Ces admirateurs, par manque de maturité intérieure, ne savent plus écouter qui que ce soit : Que quelqu’un ose vivre ou dire quelque chose, c’est assurément son égo. Cette situation est regrettable.

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Extraits de Rao, Mukunda. Belief and Beyond : Adventures in Consciousness from the Upanishads to Modern Times . HarperCollins Publishers India.

Traduction libre

Je n’ai pas d’enseignement, et il n’y en aura jamais. « Enseigner » n’est pas le mot qui convient. Un enseignement implique une méthode ou un système, une technique ou un nouveau mode de pensée à appliquer pour provoquer une transformation dans votre mode de vie. Ce que je dis est en dehors du domaine de l’enseignabilité ; c’est simplement une description de la façon dont je fonctionne. C’est juste une description de l’état naturel de l’homme – c’est la façon dont vous, dépouillés des machinations de la pensée, fonctionnez aussi.

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L’état naturel n’est pas l’état d’un homme qui s’est réalisé, ou qui a réalisé Dieu ; ce n’est pas une chose à réaliser ou à atteindre, ce n’est pas une chose à vouloir dans l’existence ; c’est là – c’est l’état vivant. Cet état n’est que l’activité fonctionnelle de la vie. Par « vie », je ne veux pas dire quelque chose d’abstrait ; c’est la vie des sens, fonctionnant naturellement sans l’interférence de la pensée. La pensée est un intrus, qui s’immisce dans les affaires des sens. Elle a un motif de profit : la pensée dirige l’activité des sens pour en tirer quelque chose, et les utilise pour se donner une continuité.

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Votre état naturel n’a aucun rapport avec les états religieux de bonheur, de béatitude et d’extase ; ces états se situent dans le champ de l’expérience. Ceux qui ont conduit l’homme dans sa recherche de la religiosité au cours des siècles ont peut-être fait l’expérience de ces états religieux. Vous le pouvez aussi. Ce sont des états d’être induits par la pensée, et comme ils viennent, ils s’en vont. La Conscience de Krishna, la Conscience de Bouddha, la Conscience du Christ, ou de tout ce que vous voulez, induisent tous des voyages dans la mauvaise direction : ils sont tous dans le champ du temps. L’intemporel ne peut jamais être expérimenté, ne peut jamais être saisi, contenu et encore moins exprimé par un homme. Ce sentier battu ne vous mènera nulle part.

Y a-t-il un au-delà ou une intemporalité ?

Y a-t-il un au-delà ? Parce que vous n’êtes pas intéressé par les choses du quotidien et les événements qui vous entourent, vous avez inventé une chose appelée « l’au-delà », ou « l’intemporalité », ou « Dieu », « la Vérité », « la Réalité », « Brahman », « l’illumination », ou quoi que ce soit, et vous cherchez cela. Il n’y a peut-être pas d’au-delà. Vous ne savez rien de cet au-delà ; tout ce que vous savez, c’est ce qu’on vous a raconté, la connaissance que vous avez à ce sujet. Donc vous projetez cette connaissance.

Ce que vous appelez « l’au-delà » est créé par la connaissance que vous avez de cet au-delà ; et n’importe quelle connaissance que vous avez d’un au-delà est exactement ce que vous allez expérimenter. La connaissance crée l’expérience, et l’expérience renforce ensuite la connaissance. Ce que vous savez ne peut jamais être l’au-delà. Quoi que vous expérimentez n’est pas l’au-delà. S’il y a un au-delà, ce mouvement de « vous » est absent. L’absence de ce mouvement est probablement l’au-delà, mais l’au-delà ne peut jamais être expérimenté par vous ; c’est quand le « vous » n’est pas là. Pourquoi essayez-vous d’avoir l’expérience d’une chose qui ne peut être expérimentée ?

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Dans l’état naturel, le mouvement du moi est absent. L’absence de ce mouvement est probablement l’au-delà mais cela ne peut jamais être expérimenté par vous. C’est quand le « vous » est absent. Dès que vous traduisez, le « vous » est là. Vous regardez quelque chose et vous le reconnaissez. La pensée interfère avec la sensation en traduisant. Soit vous pensez à quelque chose qui n’a rien à voir avec le fonctionnement des sens en ce moment, soit vous étiquetez. C’est tout ce qu’il y a. Le mot vous sépare de ce que vous regardez, créant ainsi le vous. Autrement, il n’y a pas d’espace entre les deux.

L’esprit est un mythe

La séparation entre le corps et l’esprit doit prendre fin. En fait, il n’y a pas de séparation. Je n’ai pas d’objection au mot esprit, mais il ne se trouve pas dans un endroit ou une région en particulier. Chaque cellule de votre système a son propre esprit et son fonctionnement est très différent de celui des autres cellules.

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L’esprit ou la pensée n’est ni le vôtre ni le mien. C’est notre héritage commun. Il n’y a pas de chose telle que votre esprit et mon esprit (c’est dans ce sens que l’esprit est un mythe). Il n’y a que l’esprit, la totalité de tout ce qui a été connu, ressenti et vécu par l’homme, transmis de génération en génération. Nous pensons et fonctionnons tous dans cette sphère de pensée tout comme nous partageons tous la même atmosphère pour respirer.

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La pensée dans sa naissance, dans son origine, dans son contenu, dans son expression, et dans son action est très fasciste. Quand j’utilise le mot « fasciste », je ne l’emploie pas dans le sens politique, mais pour signifier que la pensée contrôle et façonne nos sentiments et nos actions. C’est donc un mécanisme très protecteur. Cela nous a sans doute aidé à être ce que nous sommes aujourd’hui. Cela nous a aidé à créer notre haute technologie et a rendu notre vie très confortable. Elle nous a également permis de découvrir les lois de la nature. Mais la pensée est un mécanisme très protecteur et s’intéresse à sa propre survie. En même temps, la pensée est fondamentalement opposée au fonctionnement de cet organisme vivant.

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C’est la pensée qui a inventé les idées de cause et effet. Il se peut qu’il n’y ait pas du tout une telle chose comme la cause. Chaque événement est un événement individuel et indépendant. Nous relions tous ces événements et essayons de créer l’histoire de nos vies. Mais en fait, chaque événement est un événement indépendant. Si nous acceptons le fait que chaque événement est un événement indépendant dans nos vies, cela crée un énorme problème de maintien de ce que nous appelons l’identité. Et l’identité est le facteur le plus important dans nos vies. Nous sommes capables de maintenir cette identité par l’utilisation constante de la mémoire, qui est aussi pensée. Cette utilisation constante de la mémoire ou de l’identité, ou peu importe comment vous l’appelez, consomme une énorme quantité d’énergie, et elle ne nous laisse aucune énergie pour faire face aux problèmes de notre vie. Y a-t-il un moyen de se libérer de l’identité ? Comme je l’ai dit, la pensée ne peut que créer des problèmes ; elle ne peut pas nous aider à les résoudre. Par la pensée, réflexive sur elle-même, nous ne faisons qu’aiguiser cet instrument. Toutes les philosophies ne nous aident qu’à aiguiser cet instrument.

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La pensée est essentielle à la survie dans ce monde. Mais elle ne peut nous aider à atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés. Les objectifs sont inatteignables par la pensée. La quête du bonheur, comme vous l’avez mentionné, est impossible parce qu’il n’y a pas de bonheur permanent. Il y a des moments de bonheur, et il y a des moments de tristesse. Mais l’exigence d’être dans un état permanent de bonheur est l’ennemi de ce corps. Ce corps est intéressé à maintenir la sensibilité des perceptions sensorielles et aussi la sensibilité du système nerveux. C’est très essentiel pour la survie de ce corps. Lorsque nous utilisons l’instrument de la pensée pour essayer d’atteindre l’objectif impossible du bonheur permanent, la sensibilité de ce corps est détruite. Par conséquent, le corps rejette tout ce qui nous intéresse – le bonheur permanent et le plaisir permanent. Ainsi, nous ne pouvons pas réussir dans cette tentative d’être dans un état de bonheur permanent.

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La pensée ne peut jamais saisir le mouvement de la vie, elle est beaucoup trop lente. C’est comme l’éclair et le tonnerre. Ils se produisent simultanément, mais le son, qui voyage plus lentement que la lumière, vous atteint plus tard, créant l’illusion de deux événements distincts. Seules les sensations et perceptions physiologiques naturelles peuvent suivre le cours de la vie.

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Vous avez, par l’idéation et la mentation, créé vos propres pensées que vous considérez comme les vôtres, tout comme lorsque différentes couleurs sont mélangées en diverses teintes, mais toutes peuvent être réduites aux sept couleurs de base que l’on trouve dans la nature. Ce que vous pensez être vos pensées ne sont en fait que des combinaisons et des permutations des pensées des autres.

Connaissances et expérience

Tout ce que vous expérimentez – paix, bonheur, silence, béatitude, extase, joie, et Dieu sait quoi – sera dépassé et de seconde main. Vous avez déjà des connaissances sur toutes ces choses. Le fait que vous soyez dans un état de béatitude ou dans un état de grand silence signifie que vous en avez connaissance. Il faut connaître une chose pour en avoir l’expérience. Cette connaissance n’a rien de merveilleux ou de métaphysique ; « banc », « sac », « sac rouge », c’est de la connaissance. La connaissance est quelque chose qui est mis en vous par quelqu’un d’autre, qui l’a obtenu de quelqu’un d’autre ; ce n’est pas la vôtre. Pouvez-vous faire l’expérience d’une chose simple comme ce banc qui se trouve en face de vous ? Non, vous ne faites l’expérience que des connaissances que vous avez sur lui. Et la connaissance est venue d’une agence extérieure, toujours. Vous pensez les pensées de votre société, vous ressentez les sentiments de votre société et vous faites l’expérience des expériences de votre société ; il n’y a pas de nouvelle expérience.

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La connaissance n’est pas quelque chose de mystérieux ou de mystique. Vous savez que vous êtes heureux, et vous avez des théories sur le fonctionnement du ventilateur, de la lumière – c’est la connaissance dont nous parlons. Vous introduisez une autre connaissance, la « connaissance spirituelle », mais – connaissance spirituelle, connaissance sensuelle – quelle est la différence ? Nous leur donnons des noms. Les fantasmes sur Dieu sont acceptables, mais les fantasmes sur le sexe sont appelés « sensuels », « physiques ». Il n’y a pas de différence entre les deux ; l’un est socialement acceptable, l’autre non. Vous limitez la connaissance à un domaine particulier de l’expérience, alors elle devient « sensuelle », et l’autre devient « spirituelle » ? En fait, tout est sensuel.

Désir et égoïsme

L’homme est toujours égoïste, et il le restera tant qu’il pratiquera l’altruisme en tant que vertu. Je n’ai rien contre les égoïstes. Je ne veux pas parler de l’altruisme – il n’a aucun fondement à tout cela. Vous dites : « Je serai un homme désintéressé demain. Demain, je serai un homme merveilleux » – mais jusqu’à ce que demain arrive (ou après-demain, ou la vie suivante), vous resterez égoïste. Qu’entendez-vous par « désintéressement » ? Vous répétez à tout le monde d’être désintéressé. Quel en est le but ? Je n’ai jamais dit à personne « Ne soyez pas égoïste ». Soyez égoïste, restez égoïste ! – c’est mon message. Vouloir l’illumination est de l’égoïsme. La charité distribuée par le riche est aussi de l’égoïsme : on se souviendra de lui comme d’un homme généreux ; et vous élèverez une statue à son effigie.

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On vous a dit que vous devriez pratiquer l’absence de désir. Vous avez pratiqué l’absence de désir pendant trente ou quarante ans, mais les désirs sont toujours là. Donc quelque chose doit clocher quelque part. Il n’y a rien de faux avec le désir ; quelque chose doit être faux avec celui qui vous a dit de pratiquer l’absence de désir. Ceci (le désir) est une réalité ; cela (l’absence de désir) est faux – cela vous falsifie. Le désir est là. Le désir en tant que tel ne peut pas être faux, ne peut pas être faux, parce qu’il est là.

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Vous espérez que vous pourrez résoudre le problème du désir par la pensée, à cause de ce modèle de saint qui, croyez-vous, a contrôlé ou éliminé le désir. Si cet homme n’a aucun désir comme vous l’imaginez, c’est un cadavre. Ne croyez pas du tout cet homme ! Un tel homme construit une certaine organisation, et vit dans le luxe, que vous lui payez. Vous l’entretenez. Il le fait pour gagner sa vie. Il y a toujours un fou dans le monde qui se fait avoir. De temps en temps, il vous permet de vous prosterner devant lui. Vous seriez surpris si vous viviez avec lui. Vous auriez le choc de votre vie si vous le voyiez là. C’est pourquoi ces gens restent distants – parce qu’ils ont peur que vous les attrapiez un jour ou l’autre. L’homme riche a toujours peur que vous le touchiez pour de l’argent. De même que l’homme religieux – il n’entre jamais, jamais en contact avec vous. Le voir est beaucoup plus difficile que de voir le président de votre pays – c’est beaucoup plus facile que de voir un saint homme. Il est ni ce qu’il dit, ni ce qu’il prétend être.

Le corps est immortel

C’est le corps qui est immortel. Il ne change de forme qu’après la mort clinique, restant dans le flux de la vie sous de nouvelles formes. Le corps n’est pas concerné par « l’après-vie » ou toute autre forme de permanence. Il lutte pour survivre et se multiplier MAINTENANT. L’au-delà fictif, créé par la pensée par peur, est en réalité l’espoir de la même chose, sous une forme modifiée. Cette exigence de répétition de la même chose encore et encore est l’exigence de la permanence. Une telle permanence est étrangère au corps. Cette exigence de permanence par la pensée étouffe le corps et déforme la perception. La pensée se voit comme le protecteur non seulement de sa propre continuité, mais aussi de la continuité du corps. Les deux sont complètement fausses.

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Au moment où vous mourrez, le corps commence à se décomposer, retournant à d’autres formes de vie, différemment organisées, ne mettant fin à rien. La vie n’a ni début ni fin. Un corps mort et mourant nourrit les fourmis affamées qui se trouvent dans la tombe, et les cadavres en décomposition dégagent des produits chimiques qui enrichissent le sol et qui, à leur tour, nourrissent d’autres formes de vie. Vous ne pouvez pas mettre fin à votre vie, c’est impossible. Le corps est immortel et ne pose jamais de questions stupides comme « Y a-t-il une immortalité ? » Il sait qu’il prendra fin sous cette forme particulière, pour continuer dans d’autres. Les questions sur la vie après la mort sont toujours posées par peur.

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Le corps humain, lorsqu’il est décomposé en ses éléments constitutifs, n’est pas différent de l’arbre là dehors ou du moustique qui suce votre sang. En gros, c’est exactement la même chose. Les proportions des éléments peuvent être plus élevées dans un cas et plus faibles dans d’autres. Vous avez quatre-vingt pour cent d’eau dans le corps, et il y a quatre-vingt pour cent d’eau dans les arbres et quatre-vingt pour cent d’eau sur cette planète. C’est donc la raison pour laquelle je maintiens que nous ne sommes rien d’autre qu’un concours fortuit d’atomes. Si et quand la mort a lieu, le corps est réorganisé, ces atomes sont alors utilisés pour maintenir les niveaux d’énergie dans l’univers. À part ça, il n’y a pas de mort à ce corps.

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La pensée n’est qu’une réponse à des stimuli. Le cerveau n’est pas vraiment un créateur, c’est juste un contenant. La fonction du cerveau dans ce corps est seulement de prendre soin des besoins de l’organisme physique et de maintenir sa sensibilité, alors que la pensée, par son interférence constante avec l’activité sensorielle, détruit la sensibilité du corps. C’est là que se situe le conflit. Le conflit est entre le besoin du corps de maintenir sa sensibilité et l’exigence de la pensée de traduire chaque sensation dans le cadre de l’activité sensuelle. Je ne condamne pas l’activité sensuelle. L’esprit, ou quel que soit le nom qu’on lui donne, naît de cette sensualité. Ainsi, toutes les activités de l’esprit sont de nature sensuelle, alors que l’activité du corps consiste à répondre aux stimuli de l’environnement. C’est vraiment le conflit fondamental entre ce que vous appelez l’esprit et le corps.

Vous êtes indépendants

Vous êtes perdu dans la jungle et vous n’avez aucun moyen de trouver la sortie. La nuit approche à grands pas. Les animaux sauvages sont là, y compris les cobras, et vous êtes toujours perdu. Que faites-vous dans une telle situation ? Vous vous arrêtez. Vous ne bougez plus. Tant qu’il y a cet espoir que vous pouvez d’une manière ou d’une autre sortir de la jungle, vous continuerez ce que vous faites, à chercher, et à vous sentir perdu. Vous êtes perdu seulement parce que vous cherchez. Vous n’avez aucun moyen de trouver votre chemin pour sortir de la jungle.

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Vous pouvez l’arrêter en vous. Libérez-vous de cette structure sociale qui opère en vous sans devenir antisocial, sans devenir réformateur, sans devenir anti ceci, anti cela. Vous pouvez jeter le tout hors de votre système et vous libérer du fardeau de cette culture, pour vous-même et par vous-même. Que cela soit utile ou non à la société ne vous concerne pas. S’il y a un individu qui marche librement, vous n’avez plus le sentiment étouffant de ce que cette horrible culture vous a fait. Ce n’est ni l’Est ni l’Ouest, c’est pareil. La nature humaine est exactement la même – il n’y a pas de différence.

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Je vous dis de voler de vos propres ailes. Vous pouvez marcher. Vous pouvez nager. Vous n’allez pas couler. C’est tout ce que je peux dire. Tant qu’il y a de la peur, le danger de votre naufrage est presque certain. Autrement, il y a un dynamisme dans l’eau qui vous maintient à flot. La peur de couler est ce qui vous empêche de laisser le mouvement se produire à sa manière. Vous voyez, il n’a pas de direction. C’est juste un mouvement sans direction. Vous essayez de manipuler et de canaliser ce mouvement dans une direction particulière afin d’en tirer certains avantages. Vous n’êtes qu’un mouvement sans direction.

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Le courage consiste à écarter tout ce que l’homme a vécu et ressenti avant vous. Vous êtes le seul, plus grand que toutes ces choses. Tout est terminé, toute la tradition est terminée, aussi sacrée et sainte soit-elle – alors seulement vous pouvez être vous-même – c’est ça l’individualité. Pour la première fois, vous devenez un individu.

En bref, le dire comme c’est

Un messie est celui qui laisse un désordre (mess en anglais) derrière lui dans ce monde.

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Les religions ont promis des roses, mais on finit par n’avoir que des épines.

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Tout ce dont vous voulez être libre pour quelque raison que ce soit est la chose même qui peut vous libérer.

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Dieu et le sexe vont ensemble. Si Dieu s’en va, le sexe s’en va aussi.

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Quand on ne sait rien, on dit beaucoup de choses. Quand vous savez quelque chose, il n’y a rien à dire.

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Toutes les expériences, aussi extraordinaires soient-elles, sont dans le domaine de la sensualité.

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L’homme ne peut être autre chose que ce qu’il est. Quoi qu’il soit, il va créer une société qui lui ressemble.

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L’inspiration est une chose insignifiante. Les gens perdus et désespérés créent un marché pour l’inspiration. Toute action inspirée finira par vous détruire, vous et les vôtres.

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L’amour et la haine ne sont pas des extrémités opposées du même spectre ; ils sont une seule et même chose. Ils sont beaucoup plus proches que des jumeaux.

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En utilisant les modèles de Jésus, de Bouddha ou de Krishna, nous avons détruit la possibilité que la nature produise des individus uniques.

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Tant que vous ferez quelque chose pour être désintéressé, vous serez un individu égocentrique.

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La vie doit être décrite en termes physiques et physiologiques purs et simples. Elle doit être démystifiée et dé-psychologisée.

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La société est construite sur une base conflictuelle, et vous êtes la société. C’est pourquoi vous devez toujours être en conflit avec la société.

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L’apogée de l’expérience sexuelle est la seule chose dans la vie que vous avez qui se rapproche d’une expérience de première main ; tout le reste de vos expériences est de seconde main, celle de quelqu’un d’autre.

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Nourriture, vêtements et logement – ce sont les besoins de base. Si vous voulez quelque chose au-delà de ça, c’est le début de l’auto-illusion.

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Le jour où l’homme a fait l’expérience de la conscience qui le faisait se sentir séparé et supérieur aux autres formes de vie, à ce moment il a commencé à semer les graines de sa propre destruction.

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Vous ne mangez pas de la nourriture mais des idées. Ce que vous portez n’est pas des vêtements, mais des étiquettes et des noms.

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Si vous ne savez pas ce qu’est le bonheur, vous ne serez jamais malheureux.

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Les pensées viennent par vagues, c’est partout, vous ne choisissez que les pensées que vous voulez.

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La cause et l’effet ne sont pas deux choses différentes, ils ne font qu’une. C’est l’esprit qui les sépare.

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Vous formulez les questions à partir des réponses que vous avez déjà.

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Vous n’êtes pas en paix avec vous-même, alors comment pouvez-vous créer la paix dans le monde ?

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Il n’y a aucune relation entre ce que vous pensez et la façon dont vous vivez et c’est cela qui vous isole du mouvement de la vie et qui cause la douleur et la souffrance.

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Vous n’écoutez jamais personne, vous vous écoutez toujours. Vous traduisez tout en fonction de vos propres savoirs et expériences.

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Tous les absolus moraux, toutes les abstractions morales vous falsifient.

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C’est la recherche qui crée la perturbation, la division dans votre état de conscience. C’est de la violence. Vos pensées sacrées sont les mêmes que celles d’un dictateur fasciste.

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Pour devenir quelqu’un d’autre, il faut du temps, pour être soi-même, il n’y a pas besoin de temps.

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Jetez toutes les béquilles, vous n’avez pas besoin d’aide, vous pouvez marcher tout seul.