Natalia Vorontsova
Le mystère de la mort

2024-11-03 Natalia Vorontsova explore le mystère de la mort et sa relation avec les états de conscience non ordinaires, tels que le tukdam et les expériences de mort imminente (NDE/EMI), y compris ceux rapportés par de jeunes enfants. ______________________ Des scientifiques et des médecins entrèrent dans la chambre d’un moine en méditation dans un temple […]

2024-11-03

Natalia Vorontsova explore le mystère de la mort et sa relation avec les états de conscience non ordinaires, tels que le tukdam et les expériences de mort imminente (NDE/EMI), y compris ceux rapportés par de jeunes enfants.

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Des scientifiques et des médecins entrèrent dans la chambre d’un moine en méditation dans un temple bouddhiste. Alors qu’ils effectuaient des tests et enregistraient les données physiologiques du moine, ils remarquèrent une odeur agréable et un fort sentiment de bien-être qui les enveloppait. La situation en elle-même n’avait rien d’extraordinaire, il s’agissait simplement d’une personne allongée en position de repos, sauf que le moine n’avait pas ni circulation sanguine, ni battements de cœur et ni activité cérébrale (EEG plat) depuis plusieurs jours. Cet état de conservation dura 30 jours, sans changement dans la condition physique du corps, contrairement aux attentes après la mort. La fin de cet état fut marquée par l’apparition rapide de signes de décomposition physique. Souvent, ce processus est tellement accéléré que les moines n’ont pas le temps d’organiser une cérémonie après la mort [1].

Dans la tradition bouddhiste tibétaine, ce phénomène est connu sous le nom de « tukdam » — un état méditatif atteint au moment de la mort, dans lequel le pratiquant atteint la réalisation ultime de la nature fondamentale de l’esprit et présente un retard dans la chronologie normale des processus d’après-mort [2]. Dans les cas documentés, le tukdam a duré entre 2 et 30 jours [1]. Selon la tradition bouddhiste, il s’agit d’une méditation sur la « claire lumière » qui permet à l’esprit de se déployer progressivement et de se dissoudre finalement dans un état de conscience universelle qui n’est plus lié au corps. Ce n’est qu’à ce moment-là que le corps est libre de mourir [3]. On dit qu’il s’agit d’un processus que chaque être humain expérimente au moins une fois dans sa vie, au moment de la mort [5].

Sommes-nous toujours dans une conscience infinie ou un esprit au sens large, ayant une expérience humaine localisée, cherchant à se connaître lui-même [4] ? Ou ne sommes-nous que de simples bio-robots finis dont les processus biochimiques et bioélectriques du cerveau produisent un épiphénomène local appelé conscience ? Si nous savions ce qui nous arrive après notre mort, la réponse à cette question fondamentale serait évidente. Il est évident que les moines en état de tukdam ne reviennent pas à la vie pour raconter leur expérience, et il faut dire que la méditation de la « claire lumière » n’aboutit pas souvent au tukdam. Cependant, les moines tibétains qui pratiquent la médiation tantrique en 8 étapes et qui atteignent le 8stade final de « claire lumière » décrivent chaque étape aux chercheurs de manière très détaillée, y compris le processus de dissolution dans le champ plus large de la conscience lui-même [5]. La science dominante peut-elle rejeter ces expériences de conscience comme des hallucinations, définies médicalement comme un délire ? Sans aucun doute, d’autant plus que l’activité cérébrale est enregistrée dans les états méditatifs. Cependant, les expériences de mort imminente (EMI) montrent que de nombreuses personnes sont effectivement mortes puis revenues pour partager leurs expériences les plus riches, les plus profondes et les plus transformatrices lorsqu’elles n’avaient aucune activité cérébrale. Ces expériences peuvent-elles être considérées comme des hallucinations ? Des professionnels de santé, comme le Dr Pim Van Lommel, cardiologue, qui ont étudié en profondeur de nombreux cas de NDE (ou EMI), soulignent que les hallucinations ne peuvent pas se produire dans un cerveau qui ne présente aucune activité mesurable [6].

Les cas d’expériences extracorporelles pendant les NDE, où des personnes cliniquement mortes peuvent voir et entendre des choses qui se passent autour d’elles, ne confirment pas non plus l’hypothèse de l’hallucination. L’idée d’un mauvais fonctionnement des neurones et d’une libération étrange de substances neurochimiques due à une privation extrême d’oxygène ne tient pas la route non plus. Examinons l’un des cas de la pratique du Dr Van Lommel. Un homme fut amené aux urgences en état de mort clinique et une infirmière dut l’intuber. Pour ce faire, il a fallu retirer la prothèse dentaire et la placer sur le chariot de réanimation le plus proche. L’homme fut réanimé avec succès et lorsqu’il reprit conscience une semaine plus tard, il reconnut l’infirmière, lui a demandé sa prothèse dentaire et décrivit exactement l’endroit où l’infirmière l’avait placée dans la salle d’urgence. Ce patient avait été amené aux urgences dans le coma, puis admis dans l’unité de soins intensifs cardiologiques alors qu’il était encore dans le coma. Il n’aurait pas pu voir l’infirmière ni l’endroit où sa prothèse avait été placée, encore moins halluciner le tout avec autant de précision. Il existe également des cas remarquables de personnes aveugles qui, durant des NDE, ont pu « voir » ou plutôt percevoir leur environnement, y compris des couleurs qu’elles n’avaient jamais vues auparavant, et décrire tout en détail après avoir repris conscience [6] [Note de la rédaction : notre directeur, le philosophe Bernardo Kastrup, a déjà émis des hypothèses sur la manière dont cela pouvait être possible]. Cela peut difficilement s’expliquer par une activité neuroélectrique parasite et la libération de substances neurochimiques dans le cerveau mourant.

La Dr Donna Thomas, chercheuse sur les NDE chez les jeunes enfants, souligne l’étrange ressemblance avec les NDE chez les adultes. Cette recherche est particulièrement précieuse, car, bien que les enfants décrivent les mêmes expériences que les adultes, ils n’ont aucune connaissance préalable de ces phénomènes ; cela ne fait pas encore partie de leur paysage mental. Leur esprit n’est pas conditionné par des connaissances ou des concepts, et ils ont souvent du mal à trouver le vocabulaire adéquat pour nommer ces expériences ou les mettre en mots. Dans de tels cas, l’art est nécessaire pour permettre aux enfants de dessiner ce qu’ils ont vu et vécu pendant les NDE. Même les changements physiologiques et psychologiques observés chez les enfants après une NDE — tels qu’une créativité accrue, une sensibilité inhabituelle, une sensibilité électrique et une synesthésie — sont également rapportés par les adultes ayant vécu une NDE [7].

La science peut-elle trouver une explication plausible à ces phénomènes dans le cadre du paradigme matérialiste ? Les chercheurs qui adhèrent à la vision métaphysique matérialiste de la réalité et qui ont étudié ces phénomènes ont conclu que nous devons accepter que la science ne puisse pas tout expliquer. C’est décevant, mais guère surprenant. En effet, si l’hypothèse sous-jacente est que la matière est primaire, fondamentale, et qu’elle produit la conscience, alors les NDE (ou EMI) véridiques et autres états de conscience non ordinaires ne peuvent effectivement pas être expliqués. Il convient toutefois de noter que, du point de vue de la physique, ce que nous appelons « matière » est en fait beaucoup plus proche d’une structure d’information que des « choses » telles que nous — qui sommes une autre structure d’information — les percevons [9]. Et si la conscience, y compris toutes nos expériences subjectives ou qualia, est générée par notre activité cérébrale et est donc secondaire, alors pour le tukdam et les NDE, la matière semble obéir à d’autres lois de la nature, encore inconnues. Ainsi, dans l’état de tukdam, le corps ne présente pas les étapes bien étudiées et établies de la décomposition après la mort. Dans le cas des NDE, malgré l’état de mort clinique et l’absence totale d’activité cérébrale, les personnes fournissent des récits réels, cohérents et vérifiables de perceptions qui se produisent en contournant leurs sens physiques normaux.

Et si, d’un point de vue métaphysique, les rôles étaient inversés ? Et si la conscience ou l’esprit au sens large était la base primaire et fondamentale de la réalité, que la plupart des enfants expérimentent pendant leur NDE comme un « néant aimant ou des ténèbres vivantes » [7] ? Et si la matière, en tant que forme de dissociation, est secondaire, un peu comme les vagues qui sont séparées de l’océan, avec leurs formes, leurs tailles et leurs dynamiques d’existence distinctes, tout en faisant partie de l’océan [8] ? Nous pourrions alors appliquer la nouvelle théorie de l’idéalisme quantique basé sur l’information de Dr Federico Faggin, selon laquelle la conscience est la capacité d’un système quantique qui se trouve dans un état quantique pur à faire l’expérience de son propre état sous la forme de qualia, la matière vivante étant en partie un système quantique et en partie un système classique, et la matière inanimée consistant uniquement d’états classiques [4, 9]. Il semble donc que des pratiques de méditation rigoureuses permettent aux pratiquants de puiser directement dans le champ de la conscience ou de l’esprit au sens large, une réalité quantique dotée de toutes ces propriétés étranges. De même, lorsque l’activité cérébrale cesse temporairement pendant les NDE, une partie beaucoup plus importante de ce qui existe dans la conscience devient accessible.

Peut-être qu’à l’avenir, la science post-matérialiste sera en mesure d’étudier et d’expliquer des phénomènes tels que les états de tukdam et les NDE. À l’heure actuelle, les scientifiques ne peuvent pas mesurer ce qui se passe dans les 4 dernières étapes de la méditation tantrique en 8 étapes. Ils doivent se fier aux récits détaillés des moines [10]. Ainsi, pour l’instant du moins, la mort reste le plus grand mystère inexploré.

 

Références

1. Svyatoslav Medvedev: Neurophysiology of meditation, consciousness, postmortem experience | Noosphere Podcast. https://www.youtube.com/watch?v=YYf9Ze8Uc3U

2. https://centerhealthyminds.org/science/studies/the-field-study-of-long-term-meditation-practitioners

3. https://bigthink.com/health/thukdam-study/

4. Faggin, Federico. Irreducible: Consciousness, Life, Computers, and Human Nature. Essentia books, John Hunt Publishing 2024.

5. Alexander Kaplan: Psychophysiology of meditation, brain, tukdam state | Noosphere Podcast. https://www.youtube.com/watch?v=aQU1ylh1qOY

6. Consciousness Beyond Death, interview with Dr. Pim van Lommel. https://www.youtube.com/watch?v=NVsBFOB7H44

7. Thomas, Donna Maria. Children’s Unexplained Experiences in a Post Materialist World: What children can teach us about the mystery of being human. Essentia books, John Hunt Publishing 2023.

8. Kastrup, Bernardo. Analytic Idealism in a Nutshell: A straightforward summary of the 21st century’s only plausible metaphysics. iff Books 2024.

9. Interview with idealist physicist and inventor of the microprocessor, Federico Faggin. https://www.youtube.com/watch?v=SVS3-NDUC0M&t=80s

10. Scientific debate: the brain and meditation. Alexander Kaplan. https://www.youtube.com/watch?v=-nRfFepS8yo&t=443s

11. Groundbreaking Consciousness Theory By CPU Inventor Federico Faggin & Bernardo Kastrup. https://www.youtube.com/watch?v=ssE4h70qKWk&t=45s

Texte original : https://www.essentiafoundation.org/the-mystery-of-death/reading/