(Revue 3e Millénaire. Ancienne série. No 12. Janvier-Février 1984)
Nous vous proposons de parler ici de quatre symboles qui, apparemment, n’ont pas grand rapport entre eux il s’agit du Feu, du Miroir, du Serpent et de l’Épée. Mais au lieu de les traiter de manière récapitulative —ce qui a déjà été fait a maintes reprises —, nous voulons essayer de les envisager de manière opérative, en nous inspirant constamment des principes essentiels de l’énergétique universelle, objet de nos études et clef de l’ésotérisme. Tout s’ordonne alors en un ensemble parfaitement logique : le Feu correspond à l’unicité de l’Énergie et au nombre un ; le Miroir, au dédoublement de l’Énergie et au nombre deux ; le Serpent, à la circulation de l’Énergie et au nombre trois ; l’Épée, à la cohérence opérative de l’Énergie et au nombre quatre. On pourrait naturellement poursuivre la série avec d’autres symboles. Nous espérons que ceux-ci suffiront à montrer le bien-fondé de la méthode, et l’importance de cette vision globale du monde qui doit être celle du troisième millénaire.
Le Feu ou l’unicité de l’énergie
Élément particulièrement fascinant, le Feu n’a cessé d’inspirer les poètes, les psychologues, les théologiens, les mystiques, les gnostiques, les philosophes, comme symbole de l’Énergie une et multiple, de la vie et de l’action divines, de l’essence de l’homme, et des processus de transmutation. Ne pouvant tout dire sur un sujet aussi vaste, nous avons organisé notre réflexion sur les rapports entre Feu cosmique, Feu divin et Feu humain, pour une prise de conscience de l’unité du dynamisme universel.
I. Le Feu cosmique, énergie essentielle de l’être
Des plans inférieurs de la physique aux plans supérieurs de la métaphysique, du monde visible aux mondes invisibles, sous des aspects divers, mais toujours lié à la lumière, à la vie, à la verticalité, à la victoire, et au passage d’un mode d’être à l’autre, le Feu joue le rôle de principe omniprésent, commun à la Création et au Créateur, à l’existence et à l’essence 1. On pense tout d’abord à Héraclite, le philosophe inspiré du Feu, et de l’Unité, pour qui le monde est « feu toujours vivant » (D. 30), et la vie universelle un incessant « échange de feu » (Simplicius) 2. Force éternellement agissante, suprême régent des créations et des transformations, immanent et transcendant, subtil et rigoureux (cf. « La foudre gouverne tout », D. 64), maître des formes, de l’informel, et des tensions dialectiques, il n’est autre que le Logos. Héraclite appelle le Feu « sage » (D. 64) : sagesse du devenir cosmique, de la totalité qui se renouvelle constamment. L’univers, la Divinité, l’homme : modalités coreliées de ce même Feu. « Dieu est le Feu périodique éternel » (Aétius), et « Héraclite dit que l’âme est ignée » (idem) : « Âme sèche : la plus sage et la meilleure » (D. 138). L’intuition fondamentale est : l’identité dans le devenir et le multiple, l’union de la connaissance (lumière) et de la puissance (foudre) 3. Par ailleurs, nombreuses sont les théories antiques fondées sur le concept du Feu artiste (cf. l’Éther), depuis les enseignements secrets des mystères cabiriques de Samothrace jusqu’aux spéculations stoïciennes sur le pur technicon, ignis artifex ; et c’est naturellement Virgile qui nous en fournit la somme théologique et théurgique dans son Enéide, poème à la gloire de l’igneus vigor de l’Âme du Monde et de l’ardens virtus du héros qui se transforme en soleil (héliomorphose) 4. Cette conception du Feu cosmique se retrouve largement dans les temps modernes. Citons, à ce sujet, un magnifique texte de Novalis, qui fait partie des Fragments : « L’arbre ne peut, pour devenir, que se changer en flamme qui fleurit, l’homme en flamme qui parle, l’animal en flamme qui marche 5 ». C’est le même feu essentiel qui circule d’un « règne » à l’autre, constituant partout le noyau vital de l’être. Les Dialogues avec l’Ange — extraordinaire récit d’un « baptême de feu » — offrent une interprétation gnostique du fameux chandelier à 7 branches, c’est-à-dire 7 flammes, pour illustrer les « états » principaux du Feu universel 6 : de droite à gauche brûlent Dieu (= Lui), le Séraphin, l’Ange, l’Homme, l’Animal, la Plante et le Minéral (remarquer la place médiane de l’être humain). Et voici le commentaire (p. 281) : « Chaque degré de vie est flamme, feu. / Son essence fait le lien. / Toujours autre est le nom du feu, / toujours autre sa lumière, toujours autre sa chaleur. / A l’Homme est donnée la flamme qui unit les Sept. / Le Cœur-Lumière, en qui sont unis toute Lumière et tout Feu… Sept Flammes-Esprit vous guident. »
Mais quels sont précisément les rapports entre feu, lumière et chaleur ? Raymond Abellio, qui appartient sans contredit à la famille des esprits fulgurants, s’est penché à sa manière sur ce problème : « Dialectique du feu et de la lumière. Le feu en tant que matière de la lumière, ou plutôt dernier état de la matière dans son assomption. Mais réfléchir à ce fait capital : comme la lumière, le feu est indivisible. Tout entier dans ses parties, il est la seule matière qui le soit. Cela signifie qu’il est l’essence même de là communication. C’est le feu qui transmet les pouvoirs de la parole. Cependant, autre fait capital : comme la matière, le feu s’épuise. Il brûle tout, et tout est dit. Au contraire, la lumière ne s’éteint jamais. Une fois produite, elle occupe à jamais l’infinité de l’espace, elle traverse l’éternité 7. » De justes aperçus, mais il est nécessaire de distinguer entre le feu-élément, le feu-énergie, le feu-onde ou vibration, et le Feu incréé… On peut dire, d’une façon générale, que lumière, chaleur et feu constituent un tout : la lumière figurant l’intensité, la vérité, l’esprit du feu, la chaleur correspondant à l’ampleur, à la vie, à l’âme, et le feu étant à la fois leur principe et leur force opératoire.
Dans le détail, on pourra répertorier nombre de modalités différentes du Feu, liées à la gamme des niveaux ontologiques : feu tellurique, assombri, des volcans, des Géants, des zones basses de la psyché (cf. le panneau du « Jardin des Délices », de J. Bosch, qui évoque la terre infernale) ; feu tumultueux, dévorant du désir et des passions ; feu éblouissant, « éthérique », du corps vital ; feu fulgurant et créateur de la kundalini ; feu pur, limpide, radiant du Cœur et de l’Âme ; feu gnostique, mystique, surréel de l’Esprit, de la Shekhinah, du Xvarnah ; feu formateur universel de la Sagesse ; feu de la gloire divine, splendeur-majesté, rayonnement-beauté, chevelures et nimbes enflammés des « parfaits » ; feu céleste des entités angéliques ; feu incréé de l’Alliance et du Buisson ardent ; abîme flamboyant de la Déité. Comme nous vivons dans le domaine des antagonismes, le feu est souvent opposé à l’eau qui représente alors l’entropie, l’inertie, la pesanteur, l’horizontalité, le temps répétitif, l’abîme d’en bas. « L’eau tue. — Le feu vivifie », affirme l’Ange des Dialogues (p. 278) ; « Le feu est joyeux… L’eau est pesante » (ib., p. 32) ; ou encore : « Méchanceté, épouvante, ténèbres, votre nom est : manque. / Non manque d’eau, mais manque de feu » (p. 161). Abellio développe cette opposition avec sa rigueur habituelle : « L’eau est féminine, elle agit en mode d’ampleur. Au contraire, le feu est masculin et agit en mode d’intensité » (La Structure absolue, p. 73) ; « La vie banale est sédimentation dans le temps, la connaissance cristallisation hors du temps. L’une est de la nature de l’eau, l’autre du feu » (Dans une âme et un corps, p. 189). Mais c’est Carlo Suarès qui nous apparaît le plus sensible à ce contraste, car il termine son Mémoire sur le retour du Rabbi qu’on appelle Jésus 8 par une exaltation inconditionnelle du feu qu’accompagne une violente diatribe contre l’eau : « Je vois que le grand combat que mène le Rabbi a pour enjeu la naissance du Feu dans l’Eau. L’Eau des collectivités, l’Eau des groupes constitués, l’Eau des traditions, des choses apprises, des choses répétées, des obéissances, des façonnements, l’Eau de toutes les mémoires accumulées, stratifiées, où tombe, siècle après siècle, l’Étincelle divine de mon Âme une et multiple, cette Eau primordiale ne la reçoit que dans le monstrueux dessein de la noyer. »
Et pourtant… Abellio lui-même déclare : « Comment se passer de ce qui fait le miracle de l’homme : le mariage en lui, à tout instant, de l’eau et du feu ? » (Dans une âme…, p. 189). L’eau comporte en effet des valeurs positives et, à un niveau supérieur, les deux « éléments » complémentaires se concilient pour constituer ces « ondes de feu » ou ce « feu fluide » par quoi se manifeste l’Énergie créatrice. L’association de la pluie et du soleil pour caractériser l’action divine en Mt. 5, 45, la représentation traditionnelle du soleil avec des rayons alternativement rectilignes et ondulés pour exprimer lumière et vie, flèches et ondes ignées 9, la combinaison des triangles symboliques du feu et de l’eau pour former l’Étoile de David, celle des deux éléments pour signifier la révélation christique (Lc. 12, 49 et Jn. 4, 14), la relation de la lumière et de la pluie avec la personnalité de Metatron (Cabbale) ou avec le Nom de Jésus` (Philocalie) 10, les notions alchimiques de « feu liquide » et d’« eau ignée » : autant de témoignages de cette complémentarité fondamentale mais, notons-le, dominée par le feu : pénétration directe du feu-lumière, ou du feu-foudre, et champ radiant du feu fluide. Cependant, c’est la Genèse qui va nous fournir le mot clef susceptible d’éclairer correctement ce concept : il s’agit du 5e mot de la Torah, ha-Shamaïm (en transcription : H Sh M Y M), qu’on traduit habituellement par « les cieux », et qui constitue la première « manifestation » d’Elohim (avant la lumière). Mis à part l’article (ha), le vocable se décompose en Sh (la lettre Shin), qui est la forme condensée de hA Sh (esh), le Feu, et M Y M (maim), les eaux, les ondes 11. Qu’est-ce à dire ? Il faut traduire « Source du Feu » et « Ondes de Feu ». Il est ici question d’une émanation de l’Énergie primordiale, d’irradiations de la « Vibration incréée », d’un ensemble dynamique tout-puissant ordonné à la création. C’est donc le Feu qui préside à la cosmogénèse, et sous cette forme à la fois pénétrante et radiante, dense et fluide — en fait indescriptible — dont nous parlons. Les 7 cieux de la Cabbale, les cieux où se trouve le Père (Mt. 6, 9), sont en quelque sorte des expressions de ce « Feu originel », de cette puissance vibratoire infinie. Que symbolise bien, à son niveau, l’Étoile de David. Remarquons qu’à notre époque, qui se veut sous le signe du Verseau (lié à l’eau ainsi qu’à 1’« éther », feu et air à la fois), beaucoup s’intéressent à ces ondes de feu divines, émanant d’une Source secrète transcendante, et appelées dans le Cœur, le lieu adéquat, en nous, de leur réception (cf. la thématique du Graal). Pour terminer ce développement, nous citerons trois vers de Lucrèce (De la Nature, V, 281-3) qui, certes, parlent de notre soleil, mais qui évoquent en même temps le Soleil suressentiel et ses mystérieuses irradiations : « Inépuisable source des ondes lumineuses, le Soleil, âme de l’Éther, baigne les cieux d’un éclat sans cesse renaissant, et nourrit sans relâche la lumière d’une lumière toujours nouvelle. »
II. Le Feu comme expression de la Vie et de l’Action divines
Le Feu est donc l’essence une et polymorphe de tout ce qui existe, l’agent du dynamisme universel, mais surtout la manifestation privilégiée de Dieu (Lui) et de l’Homme (« l’autre Lui »). Pour ce qui est de Dieu, nous renvoyons à la très belle étude d’A.-D. Grad, intitulée La Kabbale du Feu (v. bibliogr.), et qui montre l’omniprésence, dans les textes sacrés, de cet « élément » pour caractériser la nature et l’activité du Créateur. En exergue, cette formule fameuse du Deutéronome (IV, 24) : « Car Y H W H, ton Elohim, est un Feu dévorant. » Que signifie-t-elle ? Il s’agit exactement d’un Feu « mangeant », c’est-à-dire, selon les cas, goûtant ou consumant : et voici introduit un thème essentiel, celui du double effet de cette puissance en fonction de ses rapports avec les êtres, qu’elle assimile ou détruit conformément à leur qualité vibratoire. Le Feu divin (que ce soit celui de Y H W H, d’Élie, de Jésus) est un révélateur de la vérité des êtres, et il provoque en eux une accélération des processus en cours : soit purification, salut, transfiguration, soit brûlure, perte, carbonisation (cf. le double pouvoir du « Puits de saint Patrick », ou du Siège dangereux », etc.). Saint Isaac le Syrien dit fort bien : « L’Amour agit de deux manières : il devient souffrance pour les réprouvés, et joie pour les bienheureux. L’Amour brûle ou réchauffe. La flamme produit la vie ou la destruction, la louange ou la douleur. » Précisons : c’est le même Feu qui constitue ces états d’être qu’on appelle paradis et enfer ; Feu divin reçu et bénéfique d’une part, Feu divin rejeté, incompris, et devenu ainsi torturant d’autre part. Maître Eckhart déclare : « On m’interroge sur ce qui brûle dans l’enfer. » Les docteurs répondent : « C’est la volonté propre. » Mais moi je réponds : « C’est le non qui brûle dans l’enfer » (aussi Jean Prieur peut-il affirmer 12 : « Le feu est éternel, mais ce qu’il brûle n’est pas pour autant éternel. »). Prenons garde à ce double effet du Feu de Dieu qui nous enveloppe de son ambivalence périlleuse. Louis Cattiaux remarque : « Certains Noms de Dieu consument et d’autres arrosent ; certains Noms de Dieu tuent et certains autres donnent la vie… ». (Message retrouvé, XXIX, 41) — mais en fait ce sont les mêmes, avec un envers et un endroit ; ou encore : « La parole inspirée de Dieu (qui est ignée, v. infra) aimante ou repousse selon ce qui est caché de nous » (ib., XXXIX, 41b).
Les modalités de la Vie et de l’Action divines sont excellemment suggérées par une miniature du XIIe siècle, due à l’art alsacien, reproduite dans le Dictionnaire des Symboles 13. Elle nous montre que le Feu divin est triple : il y a d’abord, expansion infinie dans les hauteurs, le Feu en soi, correspondant à « Dieu au-dessus de tout » ou Ain Soph ; puis le Feu émané, descendant, qui représente « Dieu agissant à travers tout », les Sephiroth ou Énergies créatrices ; enfin, le Feu caché dans les montagnes et s’élevant depuis leurs cimes : c’est « Dieu vivant au-dedans de tout », la Shekhinah, et, lorsque la « montagne » est sainte, lorsque le Cœur est pur, remontant vers Lui-même (Sephiroth ascendantes ; cf. le culte iranien du feu sur les monts). Cette dernière modalité du Feu divin nous concerne tout particulièrement, nous qualifiant nous-mêmes et le milieu dans lequel nous vivons. Voici, à ce propos, une vision lumineuse d’Isaac le Syrien : « Le Feu ineffable et prodigieux caché dans l’essence des choses comme dans le Buisson ardent, est le Feu de l’Amour divin, et l’éclat fulgurant de sa beauté au-dedans des choses 14. » A nous de le reconnaître, de nous en nourrir, de l’intensifier.
La Sagesse de Dieu est toujours liée au Feu, à la Lumière, et à l’Œil. D’où cette belle expression pour la caractériser : Ignis oculatus, un Feu plein d’yeux ; ce qui, d’une certaine manière est évoqué par les six ailes flamboyantes et constellées d’yeux du Tétramorphe (cf. celui d Vatopédi, emblème d’Epignôsis). Autre attribut igné de Dieu : le Verbe, la Parole (voir le texte d’Abellio, Dans une âme, p. 222, cité plu haut). Le feu est en effet communication et pénétration ; il porte et il marque. « Ma Parole n’est-elle pas comme le Feu ? », lit-on dan Jérémie (XXIII, 24) ; et la Torah, cette Parole fixée, a été écrite avec du Feu noir sur du Feu blanc — volonté créatrice sur fond de Lumière incréée. Or, « l’homme est une flamme qui parle » (Novalis), et il devient le maître du monde si son verbe flambe en accord avec les vibrations divines (vocation que l’on trouve à l’état dégénéré dans la magie). « Le Mot peut être feu éternel, / si les Sept Forces s’efforcer vers le haut, / brûlent et flambent en lui (Dialogues avec l’Ange, p. 250). La parole est donc feu créateur selon son orientation, si cohérence, et son adéquation au Logos. Quant à l’efficience créatrice proprement dite du Divin, elle s’exprime par un symbole double : le Trône-Char de feu, la Merkabah de la Cabbale 15 (cf. le char d’Élie ou les roues du Tétramorphe), qui signifie d’une part la simultanéité dialectique du repos-concentration (Trône) et du mouvement-irradiation (Char), et d’autre part les allées et venues de la Parole, la circulation des Énergies séphirothiques, du Feu artiste. Cela fait penser qu’un ordre angélique porte le nom de Trônes, ordre qui fait partie de la première hiérarchie des Anges, de feu pur, les plus proches de Dieu : les Seraphim (de sârâph, le brûlant), les Kheroubim, les Trônes (ou théophores) 16. Ils véhiculent les hautes énergies divines (Kether, Hokhmah et Binah, soit l’Amour, la Sagesse et l’Art créateur) et sont tous de formidables puissances ignées, à la fois vivifiantes et dévorantes, purificatrices et exterminatrices, unitives et séparatives.
Arrêtons-nous un instant à ces Seraphim dont parle Isaïe (VI, 2 sq.), et qui ont six ailes. Voici ce qu’en dit le Pseudo-Denys l’Aéropagite : « La sainte appellation de Séraphins signifie pour qui sait l’hébreu « ceux qui brûlent », c’est-à-dire ceux qui échauffent (cf. le tapas védique)… Le mouvement perpétuel tout autour des secrets divins, la chaleur, la profondeur, l’ardeur bouillonnante d’une constante révolution qui ne connait ni relâche ni déclinaison, le pouvoir d’élever efficacement à leur ressemblance leurs inférieurs en les animant de la même ardeur, de la même flamme et de la même chaleur, le pouvoir de purifier par la foudre et par le feu, l’évidente et indestructible aptitude à conserver identiques et leur propre lumière et leur pouvoir d’illumination, la faculté de rejeter et d’abolir toute ténèbre obscurcissante, telles sont les propriétés des Séraphins telles qu’elles ressortent de leur nom même 17. » Ainsi, feu de l’Amour en perpétuelle révolution — comme celle de la structure fondamentale à six pôles définie par R. Abellio, ces entités sont-elles source d’éveil, de purification, de vie, de victoire et d’illumination, représentant en somme l’activité divine ordonnée à l’embrasement de l’homme. Et l’ordre donné à Moïse par Y H W H : « Fais-toi un Séraphin (un sârâph)… » (Nombres, XXI, 8), pris dans son sens le plus profond 18, désigne exactement la nature de ce travail du Cœur sur lequel nous reviendrons : développer en nous le Feu-Principe pour naître à la dimension du Séraphin, dans la libre circulation des Énergies créatrices (cf. la vision de saint François d’Assise dans la grotte de l’Alverne : le Christ-Séraphin en croix) . Tel le Sârâph, on trouve de Dieu à l’homme, le Phénix et la Sîmorgh. Le premier a symbolisé dans l’Antiquité classique la perpétuité de la Vie et de la Lumière pour l’être véritablement relié au Divin ; la nourriture de la seconde, dit Sohravardî, est le feu, c’est-à-dire la pure Énergie qu’elle a pour tâche de répandre dans les Cœurs : modalité irano-islamique du symbole 19.
On en arrive de la sorte au Feu de l’Alliance, à cette communication, à cette coopération nécessaires entre « Les Cieux » et l’ardeur créatrice humaine. Toutes les civilisations traditionnelles ont été conscientes de cette nécessité. Ainsi Jean Mallinger, après avoir rappelé le rôle cathartique, la vertu immortalisante du Feu vital dans la tradition égypto-hellénique, ajoute que ce Feu était « l’agent même de la Grâce dans tous les cultes antiques », qui veillaient avec soin sur sa présence perpétuelle, « de peur que ne fût coupé le pont magique qui reliait le Ciel à la Terre, la Divinité à l’État » 20. On pense, par exemple, à la permanence du feu de Vesta, expression de l’Âme du Monde dont Rome se voulait le relais sur terre. Plus nettement encore, c’est par l’« Alliance du Feu » que débute la Genèse 21 : son premier mot en effet, B R hA Sh Y Th, Bereshîth « dans le Principe », ou, selon Zohar, « Il créa par le Six », peut se lire aussi B R Y Th – hA Sh, c’est-à-dire Berîth-Esh, Alliance du Feu, entre l’Artiste (Lui) et le co-artiste (l’Homme archétype) déjà présent dans le Verbe, Fils éternel de Dieu. Car dans ce même vocable, il y a encore Bar-Aish, B R – hA Y Sh, « Fils-Homme de Feu » ! Des diverses lectures de ce mot primordial, il ressort que la clef de la Création, c’est l’alliance entre le Dieu de Feu et l’Homme de Feu, de même nature, et dont la coopération, reposant sur cette identité de nature, se développe non seulement selon le circuit énergétique de type séphirothique, mais aussi selon la structure dialectique à six pôles (cf. le Séraphin). Cette Alliance a été concrétisée de façon décisive et spectaculaire lors de l’épisode du Buisson ardent (Exode, III, 2 sq.), manifestation bénéfique, opérative du Feu divin. Ce Buisson qui flamboie sans se consumer, qui porte la Parole et qui révèle le Nom de la Déité, n’est autre que le Verbe artiste qui se tient au cœur du monde et dans le Cœur de tout homme véritable. Pour contempler et écouter ce Feu, Moïse ôte ses sandales, c’est-à-dire se libère de sa condition humaine ordinaire et de son ego : il peut alors soutenir cet éclat, comprendre ce dynamisme, transformer la théophanie en théurgie. L’Alliance est scellée entre Je-Suis et son miroir, dans le tourbillonnement fascinant du Feu. Comme on peut le voir, tout ce qui touche à la Vie et à l’Action divines, aux rapports entre le Créateur et l’Homme, à l’irradiation et à l’intensification du circuit universel, s’exprime le mieux en termes de feu et de flamboiement, étant donné leur pouvoir de suggestion et leur adéquation à la réalité.
III. Le Feu comme essence de l’homme
Ce même Feu qui émane de l’Abîme de la Déité brille dans le Cœur humain comme un principe-germe de déification. Pierre Emmanuel déclare, dans Sophia (Seuil, 1973) « Il est faux de dire : Je suis né. Faux de dire Je mourrai un jour. Seul convient de dire : Je brûle. Ou mieux encore : De cela qui brûle, je suis le FEU. » Il s’agit du Feu éternel et divin, constitutif du Je essentiel, perpétuellement actif dans tous les processus de création et de transmutation, du Feu même du Buisson ardent. Angelus Silesius résume toute sa doctrine en un seul distique : « L’Âme vient de Dieu. Sortant de Dieu-l’Éclair, ne faut-il pas que l’Âme / Fasse retour en Lui d’où provient cette flamme 22 ? » Identité d’essence et circuit entre l’alpha (émanation) et l’oméga (rappel). À propos du feu dans l’homme, ou de l’homme de feu, la Cabbale a tout une théorie, fort intéressante, dont voici quelques éléments. Deux mots, dans l’Ancien Testament, sont utilisés en opposition pour désigner l’être humain : Adam et Aïsh (hA Y Sh), ou îsh. Le premier terme correspondant à l’homme de terre, d’argile ; le second, à l’homme de feu 23. Ish se trouve en Genèse, II, 23 et 24 Psaume 49, 3 (opposition entre « fils d’Adam » et « fils d’Homme ») = Ps. 62, 10. Moïse est nommé îsh ha-Elohim en Deutéronome 33, 1 (pour la bénédiction des fils d’Israël) et Psaume 90, 1 (« Prière de Moïse, l’Homme de l’Elohim »). Mieux encore, l’« homme » qui lutta avec Jacob jusqu’au lever de l’aube est dit lui aussi hA Y Sh : c’est un être divin, un messager d’Elohim (Gen., 32, 25). hA Y Sh correspond à ha Sh (esh), au feu, en lequel est inséré le Yod (Y), « le germe et l’esprit créateur » : îsh est donc l’image du « Feu dévorant » ; c’est l’Homme primordial, dieu en Dieu, reflet de l’Amour actif absolu, dépositaire de la puissance royale divine, ordonné à la création, à la connaissance et à l’impérialité c’est l’homme spirituel en qui passent les Forces d’Elohim, et doué d’une personnalité flamboyante (îshîouth). « Sans l’Homme de Feu », dit A.-D. Grad, « Elohim ne serait pas vraiment ce qu’Il est. Il est également certain que sans Elohim, l’homme serait tout au plus un golem d’argile, sans îshîouth, sans personnalité, sans un regard levé vers les étoiles, et sans voix pour sanctifier le Nom » (Les clefs, p. 172). Adam, c’est l’être physique et psychique, disposé pour recevoir l’esprit, mais ne le possédant pas encore ; ish, c’est l’être essentiel, éveillé, habité par la Lumière divine, en possession du Dâbâr (le mouvement créateur de la Parole), coopérateur permanent du Dieu artiste, au cœur des processus évolutifs et du travail de transfiguration du cosmos 24. Cette coopération, c’est bien l’Alliance du Feu. À l’être d’argile (Adam) est imposé un mode de connaissance qui est une « herméneutique des symboles », tandis qu’à l’être de feu appartient la connaissance directe des vérités de la Gnose 25. Celui-ci peut accéder à l’état de Résurrection (cf. la voie fulgurante ou sèche) ; celui-là meurt et renaît (cf. la voie humide).
Penchons-nous un instant sur l’exégèse du Psaume 82, qui révèle le grand combat, non plus entre feu et eau, mais entre feu et terre. L’élite royale des « dieux » (ou Elohim, mot appliqué, versets 1 et 6, aux « hommes divins » ; v.6 : « J’avais dit : Vous êtes des dieux, et vous êtes tous des fils du Très-Haut »), des vrais responsables de l’humanité, est composée d’Hommes de feu, coopérateurs de Dieu pour le bien universel (cf. Moïse). Ces êtres sont différents des hommes ordinaires ou « fils d’Adam » ; Psaume 58, 2 : « Est-ce que réellement vous rendez la justice, dieux (‘êlim, pour Elohim) ? Est-ce à bon droit que vous jugez les fils d’Adam ? » Mais cette élite peut dégénérer, le feu artiste ou sacré, en elle, peut se dégrader ; elle peut se laisser dominer par les ténèbres de l’ignorance et de l’injustice (Ps. 82, V. 2-5). La nature de ish s’efface alors devant celle, de Adam, la terre l’emporte sur le feu : cette élite pervertie est promise à la mort en milieu du chaos qu’elle a provoqué (v. 7) : « Comme des hommes (c’est-à-dire âdâm) vous mourrez, et comme des êtres de chair vous tomberez » (trad. E. Dhorme). Scénario analogue chez Platon, Critias 120 e à 120 c, concernant la dégénérescence des rois Atlantes : diminution du « principe divin » par l’influence croissante des éléments mortels. Mais il faut reconstituer l’élite — thème majeur de la Bible tout entière ; Ps. 82, v. 8 : « Lève-toi, Elohim… » C’est ce que viendra faire le Christ, l’Homme de Feu archétype 26, en voulant rallumer au Cœur des meilleurs le Feu divin (Lc. 12, 49 et infra). D’ailleurs, en un épisode célèbre relaté par Jean (10,22-39), Jésus, reprenant le 6e verset du Psaume 82, se déclare Fils de Dieu par excellence, incarnant la toute-puissance bénéfique du Feu artiste (l’Évangile de Jean commence comme la Genèse par un Beréshîth = nouvelle Alliance du Feu), pour servir de modèle à tous ceux qui sont capables de réveiller en eux ce même Feu créateur.
C’est, dans l’homme, le Cœur qui est principalement lié au feu, en tant que « siège » de la Volonté, de l’Intellect, de l’Amour et de la Créativité 27. Ceci est tout à fait clair dans le VIe livre de l’Enéide, aussi bien que dans La Vive Flamme d’amour de saint Jean de la Croix. Le feu est en particulier associé aux idées et aux visions. Nicolas Berdiaev écrit à propos de Dostoïevski : « Il porte en lui un souffle de l’esprit d’Héraclite : tout en feu et mouvement… Les idées sont des ondes de flamme » (L’esprit de Dostoïevski, p. 12), et à propos de lui-même : « Les plus hautes ascensions de ma vie sont liées à une flamme sèche. Le feu est l’élément qui m’est le plus familier » (Essais d’autobiographie spirituelle, p. 43) 28. Dans l’hindouisme, on parle de la Kundalinî-Shakti, et dans le bouddhisme tantrique tibétain des Vajra-Dakinis 29. Il s’agit de la circulation en l’homme de l’Énergie cosmique flamboyante, représentée, dans le premier cas, par le déroulement d’un serpent de feu (cf. le sârâph) qui transforme les différents « corps » de l’être humain, et, dans le second cas, par le développement des « sagesses » constituant chez l’Adepte la puissance du Diamant-Foudre. Il va de soi que, dans l’un et l’autre processus, le Cœur joue le rôle de centre et de pivot, grâce aux diverses modalités du Feu artiste qui le caractérisent. On ne saurait mieux indiquer à la fois l’unité-universalité des Énergies divines, leur mouvement perpétuel, et l’importance du Cœur comme organe de réception et de transmission du Feu créateur qu’en transcrivant ces quelques mots des Dialogues avec l’Ange (p. 165) : « Tu n’as pas de feu propre. Il n’y a qu’UN feu. / Ce que tu en mérites — est tien. / Ce que tu peux transmettre — est tien. / Plus le cercle est grand, plus il y peut descendre de feu. / Et pour toi naît un nouveau Moi. »
IV. Rencontre du Feu divin et du Feu humain
Comment doit fonctionner, normalement, l’Alliance du Feu ? Par la conjonction du Feu du Ciel et du Feu du Cœur. Flamme d’en haut, démiurgique, descendante, Énergie du Verbe ou du Christ, ou de l’Esprit ; flamme « cruciale » d’en bas, théurgique, ascendante, Énergie de l’Homme essentiel. Le Feu, en tant que Force divine sous forme de Grâce et de Puissance, pénètre dans le Cœur — par affinité et ouverture — en ondes flamboyantes, quand celui-ci s’est allumé et embrasé d’ardens virtus. Il y intensifie alors l’élan de la Conscience-Volonté libératrice et de l’Intellect-Amour opératif : Feu sur Feu, Lumière sur Lumière, Foudre sur Foudre, pour la totale transfiguration de l’homme en pilier de flamme (Philocalie), en archiséraphin (thème de la « surangélicité »), ou en sphère incandescente et tournoyante (cf. le Nom divin comme tourbillon de feu, l’épée des Chérubins, etc.). Retenons l’excellente formule de saint Jean de la Croix (dans Avis et sentences spirituelles, 132) « Ce que Dieu prétend, c’est nous transformer en dieux, et nous donner par participation ce qu’Il est lui-même en soi. Il est comme le feu qui convertit toutes choses en ce même feu. » C’est ce processus qu’est venu accélérer, en tant qu’Avatar, Jésus le Nazaréen, ainsi qu’il le déclare précisément (Lc. 12, 49) : « Je suis venu apporter le Feu (divin) sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé (dans les Cœurs) ! » La Flamme descendante s’efforce de susciter en l’homme la flamme montante, pour la réactivation de l’Alliance. Version de l’Évangile selon Thomas, qui insiste sur cette « théurgie du Feu » (log. 10) : « Je suis venu jeter un feu sur le monde ; et voici, je veille sur lui jusqu’à ce qu’il (i.e. le feu, ou le monde) brûle. » Selon l’enseignement du Maître, ce Feu est l’équivalent du Royaume (ou de Malkhuth, la 10e Sephirah, ou de la « puissance royale divine » qui est « en nous »), et exprime l’essence même du Fils de Dieu qu’il est (cf. Aish) et que nous sommes appelés à imiter (pluri-unité dans le Buisson ardent) : « Celui qui est près de moi est près du Feu, et celui qui est loin de moi est loin du Royaume » (Thomas, 82) 30.
Un autre maître, le soufi Najmoddîn Kobrâ, a vécu intensément lui-même la conjonction du « Feu d’en haut » et du « Feu du Cœur ». Il écrit qu’il fut passionnément épris d’une jeune fille (figure de la Sophia aeterna) et que son amour devint d’une force extraordinaire. « Mon souffle exhalait des flammes de feu. Et chaque fois que j’exhalais un tel feu, voici que du haut du ciel également on exhalait du feu à la rencontre de mon propre souffle. Les deux flamboiements se conjoignaient entre le Ciel et moi. Longtemps je ne sus qui était là où les deux flamboiements se conjoignaient. Finalement, je compris que c’était mon témoin dans le Ciel (autrement dit : mon Je essentiel) 31. » Expérience fondamentale d’un Feu double et pourtant unique, résumée ainsi par son auteur : « Chaque fois que monte de toi une flamme, voici qu’une flamme descend du Ciel vers toi. » Par ailleurs, la dernière lettre adressée Rulman Merswin par l’« Ami de Dieu de l’Oberland » (XIVe siècle) contient cette remarque significative : « Le Feu d’en haut prit notre feu et le dévora. » C’est la conjonction complète et réussie, le « Feu dévorant » n’ayant pas rencontré d’obstacle à son travail de transmutation 32. Dans la mystique chrétienne traditionnelle, c’est sans doute Jean de la Croix qui a le mieux su rendre cette compénétration vivante des deux modalités du Feu, qui est pour l’homme la source de son accomplissement. « Les mouvements de cette Flamme divine », écrit-il, « qui sont les vibrations et des flambées (cf. ha-Shamaïm), ne proviennent pas de l’âme seule, transformée en flamme du Saint-Esprit, ni non plus ne proviennent-ils du Saint-Esprit seul, mais de l’Un et l’autre assemblés… Lui faisait mouvoir l’âme comme le feu fait mouvoir l’air enflammé » (extrait de La Vive Flamme d’amour). Voilà donc comment doit opérer cette précieuse et nécessaire Alliance du Feu, sans laquelle nous ne serions rien, par laquelle nous pouvons devenir tout. La réception ardente de ces Forces, qui sont toujours disposées à nous pénétrer pour nous transformer, est la condition majeure de notre réussite ; c’est dans ce sens que nous devons être, selon la juste intuition de Novalis, des « adorateurs du Feu » (Les Fragments, p. 119).
V. La discipline du Feu et la voie fulgurante
Mais que faut-il faire exactement ? C’est la question qui fut adressée à l’Ange des Dialogues : « Que faut-il faire pour devenir « Celui qui forme » ? » Réponse : « BRULE ! » (pp. 27-28). Alors comment brûler ? C’est le secret de la voie fulgurante de la transmutation en une seule existence (ou « voie sèche »), celle d’Hénoch et d’Élie, celle des Pères du désert, de saint Jean de la Croix, de Séraphin de Sarov, des Dialogues avec l’Ange (durée : 17 mois) ; c’est ce que Schwaller de Lubicz appelle la « voie christique ou horienne », par opposition à la « voie karmique ou osirienne » ; c’est le « yoga du Feu intérieur » (hindouisme, bouddhisme), le Vajrayâna tantrique, le « Sentier direct » des ascètes tibétains (Milarepa), l’alchimie chrétienne ou taoïste ; en somme, le parcours de l’« âme sèche » selon Héraclite. Passons en revue quelques modalités de cette « théurgie du Feu » : conversion, baptême, transmutation, transfiguration, résurrection.
— CONVERSION. C’est la prise de conscience décisive de l’importance en nous du Feu divin, constitutif de notre être essentiel. Ce Feu doit être reconnu, éveillé, intensifié, et relié à sa Source, passer du germe à la plénitude, de manière que l’homme tout entier prenne feu et s’identifie à l’axe des Énergies créatrices. Il faut lutter contre la terre et contre l’eau, éléments rajaso-tamasiques qui cherchent à étouffer le sattva 33. « Le feu terrestre ne vient que de la terre, / n’est nourri que par la terre. / Porter le feu du Ciel — apporter le feu du Ciel — / est grand ministère » (Dialogues, p. 182) : psychique opposé à spirituel. « Le grand combat que mène le Rabbi », dit Carlo Suarès, « a pour enjeu la naissance du Feu dans l’Eau » : collectif opposé à personnel. Ce même penseur différencie également voie humide (dévotion) et voie sèche (déification) : « De nombreuses personnes, des masses énormes reçoivent cet appel qui a nom Dévotion, mais le Rabbi ne vient pas pour ceux dont la vocation consiste à ne pas entendre cet autre appel de l’Énergie, qui a nom Feu, Incandescence, Explosion » (op. cit., p. 222). Il faut donc partir en quête du Feu pur, aventure difficile et périlleuse. Étant donné, par ailleurs, le double effet du Feu divin, il est indispensable de se régler sur lui de façon à n’en éprouver que les ondes bénéfiques. « L’homme peut raviver la flamme d’amour ou le feu de la géhenne ; il peut convertir son « oui » en infini d’union ; il peut aussi par son « non » briser son être en infernales séparations 34. » Mais la clef de la conversion consiste à concentrer le feu intérieur pour le faire jaillir vers Dieu ; c’est Angelus Silesius qui nous le dit (II, 162) : « Tourne en toi tes rayons. Ah ! que seulement mon âme retourne et inverse ses rayons ! Elle sera bientôt, avec l’Éclair (sephirotique), éclair et un seul être. »
— BAPTÊME. C’est exactement la rencontre efficace du « Feu du Ciel » et de notre propre, feu dont nous avons déjà parlé, le véritable point de départ de la transformation. La tradition chrétienne envisage un triple baptême, ou mieux trois phases de cette opération : par le « sang », c’est-à-dire par le feu sacrificiel du désir, par l’« eau », qui n’est plus l’élément tamasique précité, mais l’« eau ignée » de l’alchimie, et par le feu proprement dit, qui est communication directe de l’Esprit. Jean le Baptiste ne déclare-t-il (Mt. 3, 11) : « Lui vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le Feu ? » C’est alors que le baptême est vraiment complet et transmutateur 35. « Le feu », dit l’Ange des Dialogues, « ne vous faites aucun mal que là où vous devez changer. / Dans le vase (la coupe du Cœur, ou de Malkhuth, ou le Graal), pas d’eau, mais feu flamboyant. / Car LUI — qui est au-dessus de tout — baptise avec le feu. / Lâchez l’eau ! » (p. 182). Un fort beau passage du Visage du Silence rapporte comment Râmakrishna, sous la direction de son guru Totapuri, « passe par » le feu purificateur et illuminateur du baptême : « Je me proclame sans patrie dans l’espace. Je me proclame sans patrie dans le Ciel. Je me proclame sans patrie sauf en LUI, le Dieu éternel, infini, silencieux. Consume-moi, ô Feu, jusqu’à ce qu’il ne demeure rien de moi 36 ! »
— TRANSMUTATION. Si le baptême a son plein effet, il provoque, plus ou moins rapidement selon les cas, la transformation radicale de l’entité qui devient un être de feu. Comme le dit saint Jean Climaque, un spirituel « ne cesse d’ajouter jusqu’à la fin de sa vie un feu au feu »,ce qui montre que la transmutation est un processus qui se parfait durant tout le temps de l’existence terrestre. Et il y a — cas suprême de la réalisation — ce qu’on nomme la voie d’Hénoch et d’Élie : le succès de leur transformation atteignit un point tel que, sans subir la mort, ils passèrent vivants dans l’au-delà (Genèse, V, 22-24 et II Rois, II, 11). Le destin d’Hénoch est particulièrement intéressant, car selon une tradition, après son « enlèvement » par Elohim, il devint semblable du Roi flamboyant du Monde (Metatron) : « Dieu m’a pris du milieu du cours du fleuve (la vie terrestre), et m’a transporté sur les ailes mouvantes de la Shekinah vers le Ciel le plus élevé », au milieu des Seraphim, des Kheroubim, des Ophanim (Roues de feu) et des Galgalim (Tourbillons)… (Hekhaloth Rabbati). Sa chair s’était transformée en flammes, ses veines en feu, ses cils en rayons de lumière, ses pupilles en torches enflammées, et son trône irradiait la lumière même du trône de la Gloire 37. On retrouve les Ophanim et les Galgalim dans le char et le tourbillon de feu d’Élie, qui indiquent non seulement le véhicule mais la substance même de sa transmutation (cf. le Tétramorphe de Vatopédi, ou le Christ solaire sur son quadrige). Donc, ni Hénoch ni Élie n’ont connu la mort : le Feu divin qui était à l’œuvre en eux les a directement transmués en Immortels fulgurants, en entités du 7e Ciel. Autre tonalité, Rûmî chante dans ses Rubâ’îyât (no 142) : « Nous sommes le trésor caché de l’univers. / Nous possédons le Royaume éternel. / Nous avons franchi les ténèbres de l’eau et de la terre. / Et nous avons trouvé Élie et la fontaine de Jouvence : c’était nous-mêmes. » Élie est le Feu artiste ; la fontaine de Jouvence est la perpétuelle régénération. Ce sont donc les ondes de feu, ha-Shamaïm, dont la source est en Dieu et dans le Cœur : transmutation réussie.
— TRANSFIGURATION. Il s’agit de l’épiphanie du Feu divin, se manifestant au regard depuis l’intérieur de l’entité transformée. Outre le cas du Christ, il y a celui du « moine flamboyant », selon l’expression de Mircea Eliade à propos des Pères du désert. Il arrivait souvent, en effet, que le solitaire, transmué par la puissance ignée de sa prière et de l’Esprit, devenait l’irradiation visible de ce Feu-Lumière. Ainsi, « Abba Joseph étendit une fois ses mains vers le Ciel, et ses doigts brillèrent comme dix flambeaux de feu (cf. les 10 Sephiroth). Il s’adressa à un des moines et lui dit : « Si tu le veux, deviens entièrement comme du feu !… 38 », Auras solaires, rayonnements giratoires ou en forme de pilier, visages éblouissants, nimbes enflammés sont courants dans l’hagiographie chrétienne, de même que dans les autres traditions ; et l’art a tenté de les exprimer. Spécialement l’art iranien, comme en témoigne, par exemple, une très belle représentation d’Abraham entouré d’un cercle de flammes, les mains et le visage lumineux, et la chevelure s’envolant en un tourbillon de feu (détail du manuscrit du Recueil d’Iskandar, Shirâz, 1410) : perfection circulaire, dynamisme ascensionnel, et manifestation des « flammes conjointes » 39. Parmi les « transfigurés », il faut absolument citer Séraphin de Sarov (mort en 1833), que son disciple Motovilov vit dans toute sa gloire : « Je ne peux pas vous regarder, mon Père ; des foudres jaillissent de vos yeux, votre face est devenue plus lumineuse que le soleil 40… » C’est là l’expérience incontestable de la vraie nature de l’homme, qui se révèle nécessairement lorsqu’il laisse passer en lui, sans leur faire obstacle, les Énergies de l’Ignis divinus, du Feu vivant.
— RÉSURRECTION. Ce Feu, par sa force victorieuse, par la puissance régénératrice des hautes fréquences vibratoires qui le constituent, est capable de rendre vie à un corps défunt, ou plutôt de recréer un corps radiant infiniment plus vif et lumineux que l’ordinaire corps « éthérique » ou « bioplasmatique ». Il y a donc des degrés dans la résurrection comme il y a des degrés dans l’assimilation du Feu essentiel durant cette existence. Celle de Jésus commence à être un peu mieux comprise aujourd’hui, grâce aux recherches sur le Suaire de Turin 41 : on y entrevoit l’œuvre fulgurante du Feu intérieur, qui a fait disparaître le cadavre en le récupérant au plan supérieur du corps radiant. D’une manière toute traditionnelle et générale, la Petite Philocalie affirme : « Le feu céleste de la Déité que les chrétiens reçoivent au-dedans de leur Cœur en cette vie ce feu qui fait son office en leur Cœur sort à la dissolution du corps, et il rajustera les membres décomposés au jour de la Résurrection 42. » Des conceptions analogues se retrouvent dans d’ésotérisme islamique, et en particulier dans la doctrine shaykhie. C’est ainsi que le Feu divin à l’intérieur de l’homme, s’il peut remplir correctement son office, le transmue, le transfigure, le ressuscite, dans la lumineuse efficacité de l’Alliance.
Donnons à présent, pour terminer cet exposé, quelques indications sur certains points déterminés de cette voie fulgurante. Au départ, rappelons-le, il faut une activation méthodique du « Feu sacré » ou du « Feu sage » dans le Cœur. Ceci correspond précisément au tapas védique — organisé en « yoga du feu intérieur » dans l’hindouisme comme dans le bouddhisme — (racine TAP : devenir brûlant/brûler) : ce terme désigne en effet l’effort sur soi, la concentration de la volonté, l’« échauffement » créateur, l’art de développer le foyer du Cœur à la mesure des niveaux supérieurs de l’être 43. « Les dieux eux-mêmes ont gagné leur rang divin par le tapas », affirme le Taittirîya Brâhmana (III, 12, 3). Voilà bien l’ardens virtus si abondamment magnifiée dans l’Enéide, ou l’enflammement du Moi si cher à Carlo Suarès ; l’enthousiasme défini par les platoniciens, ou l’intensification de la scintilla animae (étincelle de l’âme) réclamée par Maître Eckhart. « Du tapas flamboyant sont toujours nés l’ordre et la vérité » (Rig-Veda, X, 190, 1), la puissance spirituelle et l’art bénéfique. Purification, déploiement des facultés du Cœur, consolidation et expansion de l’être véritable, inspiration, reliement aux Énergies divines (cf. la devéqûth judaïque), suractivité créatrice, illumination et rayonnement de lumière-gloire (skrt tejas ; cf. Xvarnah, Kabod) : tout cela s’obtient par le yoga du feu intérieur, par le tapas (cf. le tibétain toumo = échauffement créateur). « L’exemple le plus lumineux », selon le lama Govinda, « d’une vie remplie du feu de toumo est celui du grand poète et saint tibétain Milarepa (10521135) » (op. cit., p. 232). Mais que dire de Râmakrishna, de Rûmî, d’Angelus Silesius, de Séraphin de Sarov, d’Isaac Louria, etc. ? Et Louis Cattiaux ? Citons ici deux aphorismes du Message retrouvé d’une importance capitale pour comprendre ce travail théurgique. « Celui qui fixe le feu au-dedans de la terre épurée devient maître de soi et du monde total » (V, 62 b). La terre épurée, c’est la personne humaine incarnée, devenue capable de nourrir en elle, sans discontinuité, le Feu divin (cf. Jn. 14, 23 : inhabitation du Feu trine dans le Cœur pur). « Celui qui franchira la barrière de feu liquide atteindra la vraie connaissance de l’Amour (XI, 12 b). » Il s’agit des ondes de feu qui, selon les dispositions intérieures, brûlent ou transfigurent (cf. l’épreuve du « fleuve de-feu » mentionnée par A.-D. Grad) 44 ; pour réussir, il faut s’être constitué un noyau igné entièrement positif et libéré des scories, qui pourra rejoindre sans la moindre discordance la sphère flamboyante de l’Amour suressentiel. À compléter par la juste interprétation de l’ordre donné par Y H W H à Moïse (Nombres, 21, 8) : « Fais-toi un sârâph et place-le sur une hampe. » C’est-à-dire maîtrise ces énergies brûlantes qui investissent, pénètrent, ébranlent l’homme, écartes-en les dangers en les réorganisant de ta propre main, oriente-les vers le haut ; ainsi pourra circuler sans dommage le Feu artiste, vivificateur et transfigurateur (analogie avec la technique du Vajrayânâ).
Dans le monde chrétien, on attribuait en outre un pouvoir souverain à la « prière de feu », oratio ignita, qui avait pour fonction de concentrer et d’accroître l’ardeur tant par force de l’appel que par la répétition continue (cf., chez les soufis, le dhikr du Cœur) 45. Le symbole qui revient souvent dans l’évocation des « exercices » propres au yoga du feu intérieur est celui du feu tournoyant : l’épée chérubinique de Genèse, III, 24, les roues et tourbillons enflammés, la giration des chakras, prononciation « tournoyante » du Nom de Jésus (Hésychios de Batos), les circuits de la « structure absolue », etc. Il s’agit d’indiquer la plein manifestation d’énergies en mouvement autour d’un centre : donc intensité axée, ordonné visant à susciter des fréquences vibratoire particulières, des sphères énergétiques différentes du monde ambiant, et expression de la dynamique inhérente au Feu artiste (cf. les Ophanim, les Galgalim de la Cabbale) dans tous les domaines qu’il anime. On peut relier ce symbole celui du char de feu (Rekeb-Esh en II Rois, II, 11) : quadrige solaire, vision du premier chapitre d’Ézéchiel, et toute la mystique du « Trône-Char », de la Merkabah. C’est alors de la dynamique théandrique qu’il est question, de l’assimilation au Verbe créateur du processus de constitution de l’Homme de Feu (Aith) ou de l’Homme-Dieu : le feu véhicule fait voyager le feu d’en bas à la rencontre du Feu d’en haut. Cependant, lorsque l’homme s’est réalisé, les symboles statiques, ou de « repos », viennent s’ajouter au autres sans pour autant les faire disparaître (dialectique nécessaire) : ainsi le pilier flamboyant au-dessus de l’Adepte, ou le Soleil zénithal fixe, Sol Invictus, relié au chakra coronal en un tracé victorieux de Feu-Lumière « Pour le Connaissant, il est toujours midi » affirme la Chândogya Upanishad (III, 11, 3)
Ces brèves considérations sur le feu nous on fait prendre conscience de l’unité fondamentale du Réel tout entier : qu’il s’agisse du cosmos et de ses lois, du Dieu vivant et de son activité, de l’homme et de sa vocation, le feu s’offre toujours à notre pensée pour nous aider à comprendre les Essences et les Énergies, le degrés et les trajets, les similitudes et les assimilations. Pas de théologie ni d’anthropologie authentiques sans feu ; pas de gnose, pas d’ascèse, pas d’art sans feu. Certes, il existe bien des feux différents, mais ce sont de modalités de l’Unique ; et c’est le flamboiement — de la Rose éternelle de Dante, ou de l’oiseau Sîmorgh chez ‘Attâr — qui donne la meilleure vision de la Pluri-unité divine. C’est enfin le feu qui explicite le plus clairement cette théurgie que nous devons tous réaliser pour être digne: de notre nature véritable, théurgie que 1e Christ, parmi tant d’autres, est venu réinstaurer : le sigle I.N.R.I. ne peut-il se lire : Igne Natura Renovatur Integra ? « Par le Feu, Créature et Création, renouvelées, atteignent leur plénitude. »
BIBLIOGRAPHIE SUR LE FEU
Alice A. Bailey, Traité sur le Feu cosmique, Genève, Éditions Lucis, 1974.
Jean-Pierre Bayard, Le Feu, Flammarion, 1958. La Symbolique du Feu, Payot, 1973. Bonne bibliographie.
Bibliographie zur antiken Bildersprache, sous la dir,. de V. Pdschl, Heidelberg, Winter, 1964, s.v. Feuer.
Yves-Albert Dauge, Virgile, maître de sagesse, Milan, Archè, 1984, pp. 94-109 et Index s.v. Feu. Carl-Martin Edsman, Le baptême de feu, Uppsala-Leipzig, 1940.
Ignis divinus. Le feu comme moyen de rajeunissement et d’immortalité, Lund, Gleerup, 1949.
Mircea Eliade, Méphistophélès et l’Androgyne, Gallimard, 1962, pp. 17-94. Forgerons et Alchimistes, Flammarion, 1977, nouv. éd.)
A.-D. Grad, La Kabbale du Feu, Dervy-Livres, 1972.
La Voix Solaire, n° 20, 1967, numéro entièrement consacré au feu.
Voir aussi Le thème de la Lumière dans le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam, ouvrage collectif, Berg International, 1976.
_________________________________________________________________________________
1 Voir l’étude d’Alice A. Bailey, bibliogr., et Paul Naudon, Les Loges de saint Jean et la philosophie ésotérique de la Connaissance, Dervy-Livres, 1957, p. 63 sq., sur le Feu-Principe.
2 Cf. Kostas Axelos, Héraclite et la philosophie, Editions de Minuit, 1962, 96, 104 sq., 123 sq., 178 sq.
3 Cf. l’interprétation de la nature et de la fonction d’Agni par Shrî Aurobindo, qui s’est d’ailleurs intéresséà Héraclite.
4 Voir notre Virgile, maître de sagesse, ainsi que notre article « L’Âme du Monde dans l’Enéide », Cahiers de l’Université Saint-Jean-de-Jérusalem, 6, 1980, pp. 203-204.
5 Novalis, Œuvres complètes, II, Gallimard, 1975, p. 191.
6 Dialogues avec l’Ange, Aubier-Montaigne, 1976, p. 195.
7 Dans une âme et un corps, Gallimard, 1973, pp. 222-3.
8 Robert Laffont, 1975, pp. 220-1.
9 Voir R. Guénon, Symboles fondamentaux de la Science sacrée, Gallimard, 1962, pp. 361 sq., « La lumière et la pluie ».
10 Hésychios de Batos, cité par J. Biès dans Athos, Dervy-Livres, 1980, p. 236.
11 Voir A.-D. Grad, Les clefs secrètes d’Israël, Robert Laffont, 1973, p. 142. La Kabbale du Feu, bibliogr., p. 31 sq., cf. Epignosis, II, 1, 1983, p. 58.
12 Dans Les témoins de l’invisible, « Le Livre de Poche », 1978, p. 273.
13 Robert Laffont, 1969, s.v. Feu, p. 351.
14 P. G. 91, 1148. Cité dans L’étreinte de feu. L’icône de la Trinité de Roublov, par frère Daniel-Ange, Desclée De Brouwer, 1980, p. 89.
15 Cf. Léo Schaya, L’Homme et l’Absolu selon la Kabbale, Dervy-Livres, 1977, p. 87 sq.
16 Voir René Roques, L’univers dionysien, Aubier-Montaigne, 1954; p. 136 sq.
17 Pseudo-Denys, Œuvres complètes, trad. par Maurice de Gandillac, Paris, 1943, pp. 206-7.
18 Cf. Annick de Souzenelle, Le Lettre, chemin de vie, Le Courrier du Livre, 1978, p. 161.
19 Sohravardî, L’Archange empourpré, Quinze traités et récits mystiques présentés par H. Corbin, Fayard, 1976, Traité XIV, « L’incantation de la Sîmorgh », p. 450. H. Corbin, « De l’épopée héroïque à l’épopée mystique », Eranos-Jahrbuch 35, 1966, 177-239, p. 226 : « Sîmorgh ne se nourrit que de feu quiconque noue à son bras une plume de son plumage, passe à travers le feu sans être consumé, car il est alors lui-même devenu de feu. »
20 J. Mallinger, Les secrets ésotériques dans Plutarque, Paris, 1946, pp. 21-41, « Les secrets du Feu vivant », p. 37.
22 A.-D. Grad, Les clefs secrètes, pp. 167-172 et 44 sq.
23 Dr Chauvet, Ésotérisme de la Genèse, Limoges-Paris, 1946, tome II, pp. 381-2.
24 Cf. A.-D. Grad, Le Golem et la connaissance, Éditions Dangles, 1978, pp. 63 sq. et 179-180 (le Golem : masse vitale, le pré-homme ; Adam : corps, psyché, et Âme embryonnaire ; Ish : L’Homme spirituel créateur).
25 H. Corbin, Temple et contemplation, Flammarion, 1980, p. 163.
26 Sur la médaille du Campo dei Fiori, trouvée en 1897 à Rome, trois lettres hébraïques se lisent de part et d’autre de la tête du Christ : Aleph, Yod, Shin, c’est-à-dire hA Y Sh, Aïsh.
27 Cf. Epignôsis, I, 1, 1983, p. 27.
28 M.-M. Davy, Nicolas Berdiaev, l’Homme du huitième jour, Flammarion, 1964, p. 64.
29 Voir lama A. Govinda, Les fondements de la mystique tibétaine, tr. fr., Albin-Michel, 1960, p. 266 sq.
30 Voir Joachim Jeremias, Paroles inconnues de Jésus, tr. fr., Éditions du Cerf, 1970, pp. 66-73. Jean Doresse, Les livres secrets des gnostiques d’Égypte, II, Plon, 1959, p. 191. H.-Ch. Puech, En quête de la Gnose, II, Gallimard, 1978, p. 263.
31 H. Corbin, L’Homme de lumière dans le soufisme iranien, Édition Présence, 1971, p. 132.
32 H. Corbin, En Islam iranien, IV, Gallimard, 1972, p. 402.
33 Termes clefs de l’indouisme. Sattva (principe de lumière), rajas (principe d’instabilité, de violence) et tamas (principe de résistance, d’obstruction) sont les trois modalités primordiales de la Nature, ou guna.
34 Paul Evdokimov, L’Orthodoxie, Neuchâtel (Suisse), Delachaux et Niestlé, 1965, p. 77.
35 Voir C.-M. Edsman, Le baptême de Feu, bibliogr.
36 Dhan-Gopal Mukerji, Le Visage du Silence, tr. fr., Éditions Victor Attinger, 1932, p. 53. Cf. aussi, dans la liturgie mithriaque, ce qui concerne l’« initiation du Lion », sous le signe du Feu. Martin Vermaseren, Mithra, ce dieux mystérieux, Paris-Bruxelles, Éditions Sequoia, 1960, pp. 121 sq. et 144.
37 Robert Ambelain, La notion gnostique du Démiurge, Éditions Adyar, 1959, pp. 38 et 41-42.
38 Mircea Eliade, Méphistophélès, bibliogr., p. 72.
39 Voir Laleh Bakhtiar, Le Soufisme, Seuil, 1977, p. 77.
40 Mircea Eliade, Méphistophélès, p. 77. A. de Souzenelle, La Lettre, chemin de vie, p. 143 ; Encyclopédie des Mystiques, sous la dir. de M.-M. Davy, Robert Laffont, 1972, p. 243.
41 Se reporter àLa vérité sur le Suaire de Turin, par K.E. Stevenson et G.R. Habermas, tr. fr., Fayard, 1981.
42 Petite Philocalie de la prière du Cœur, trad. et prés. par Jean Gouillard, Seuil, 1968, Macariana, p. 48.
43 Voir Tara Michaël, Clefs pour le Yoga, Seghers, 1975, p. 16 sq. Lama A. Govinda, Les fondements de la mystique tibétaine, p. 222 sq.
44 Les clefs secrètes, p. 67.
45 Voir l’Encyclopédie des Mystiques, pp. 186 et 193, Cassien.