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Le titre est de 3e Millénaire
(Revue Panharmonie. No 178. Septembre 1979)
Compte rendu de la rencontre du 10.5.1979
Après nous avoir parlé de la lettre Lamed « qui est cette information qui nous montre le chemin », nous abordons l’étude de la lettre MEM avec laquelle nous entrons dans la nécessité de franchir un autre plan de conscience, ce qui implique l’obligation de passer par une matrice.
La lettre MEM a pour valeur 40, elle est l’initiale du mot MAIM qui signifie « les eaux » et lorsqu’elle est en position finale, elle se dessine comme un carré.
L’hiéroglyphe primitif était tout simplement les vagues de la mer qui vont, par la suite, prendre des angles un peu plus aigus qui seront à l’origine du Mu grec, notre lettre M. Et, après être passée par différentes formes, environ deux siècles avant Jésus-Christ, elle finira par devenir carrée.
Qu’est-ce que Maim, les eaux ? Dans la Genèse il est dit qu’avant le premier jour Dieu planait sur les eaux. Planer est une mauvaise traduction qui ne fait que réduire à une image un mot qui a une profondeur inimaginable. En fait, il y a dans ce mot une activité de mère et de père. C’est un peu le mot qui fait penser à une poule qui couve ses œufs, qui recouvre tout un monde, un chaos primordial qui est l’œuf au départ et qui, couver, va former vraiment le poussin. Ce chaos primordial est en effet gros et lourd de toute la Création et l’Esprit de Dieu est là qui le réchauffe, qui lui apporte vie. En même temps, il y a nettement dans ce mot, le sens de pénétration qui aussi constitue l’œuvre paternelle, l’œuvre mâle. C’est pourquoi l’Esprit ne peut être réduit ni à un rôle féminin, ni à un rôle masculin, il est en deçà.
Ces eaux sont essentiellement une matrice. Lorsqu’une mère porte un enfant dans son ventre, elle reconstitue ses eaux primordiales, car le liquide amniotique dans lequel baigne l’enfant, a la même teneur que l’eau de mer. Et celui qui doit être le maître de ces eaux matricielles c’est Yod, les eaux sont grosses de Yod.
Dans le deuxième jour (jour symbolique) de la Création, Dieu sépare les eaux d’en haut qui sont appelées le MI, le monde archétypique, principiel, incréé, des eaux d’en bas qui sont appelées le MA, le monde créé, le monde de la manifestation, celui auquel nous appartenons. Et tout aussitôt que Dieu eut séparé ces eaux, Il les relie comme en témoigne le mot « SHAMAIN », l’étendue, c’est-à-dire qu’elles sont séparées et pas séparées, ce qui est encore une de ces contradictions fondamentales.
Le mot Shamaïn est fait de ce même Maïm avec en plus la lettre SHIN que nous étudierons plus tard et qui contient, qui symbolise, la réserve énergétique qui se trouve dans les profondeurs de la Création et dans les profondeurs de chacun de nous, réunissant le monde des archétypes et le monde de la manifestation en nous. La lettre SHIN est la charnière du monde d’en haut et du monde d’en bas.
Nous avons donc en nous aussi bien le MI que le MA, le Maïm tout entier. Nous sommes constitués d’un germe du monde divin et de cette réalité manifestée, l’un étant gros de l’autre. Voyez le mot Elohim, il contient le Mi et le mot Adam qui contient le Ma. Or IM c’est le MI retourné, c’est Elohim, l’Homme d’en haut, et le MA retourné, AM, c’est ce que les Hébreux appellent l’Homme d’en bas, Adam. C’est cet Adam qui est en nous tous, c’est l’humanité toute entière, cet Adam gros du Divin, du Yod, qu’il doit mettre au monde.
Le tracé du Yin et du Yang du Tao en est une illustration parfaite. Et c’est dans ce sens que chacun des éléments de la manifestation n’a d’être, de couleur, de sens, de forme, d’énergie, qu’en tant qu’il est relié par ce cordon ombilical qu’il porte en lui à partir du germe qu’il est, à son archétype, lequel va lui permettre de le rejoindre. Tout le sens de notre histoire, à partir de notre naissance jusqu’à notre mort, c’est le retour du MA que nous sommes, au MI que nous sommes aussi dans la profondeur de notre être.
Pour réaliser cela il va falloir passer par des portes successives, par le Daleth qui est à la fois la porte et la lettre qui correspond au nombre 4, en harmonie avec le 40. Il n’y a de porte que s’il y a matrice, on ne pourra passer de porte que si on a acquis les énergies nécessaires pour la franchir, sans quoi le courant énergétique que nous allons rencontrer de l’autre côté de la porte, si nous ne le sommes pas devenus, si nous n’avons pas les structures nécessaires pour l’appréhender, nous tuera. C’est le rôle qu’assument tous ces Gardiens du Seuil.
Dans le mot Adam le Daleth est au milieu entre Aleph et Mem final. Aleph donne l’énergie à la matrice pour que l’homme soit en mesure de passer la porte, et si on enlève le Daleth d’Adam, il reste le mot EM qui veut dire « la mère ». Non pas que l’Adam que nous sommes soit essentiellement féminin, nous sommes tous masculin et féminin, mais sa fonction principale, celle qui est inscrite dans son être et qui constitue et son être et son devenir, c’est sa fonction d’engendrement de lui-même en lui-même, pour passer par les portes successives et pour atteindre à cette croissance à laquelle il est appelé au départ quand Dieu lui dit : « Croissez et multipliez ». Ce sont ces portes par lesquelles il doit passer.
Toute notre vie va consister à entrer dans des matrices, en commençant par la première porte que passera l’enfant dans le ventre de sa mère. Puis ce sera celle du foyer de ses parents duquel l’enfant va sortir pour constituer sa propre matrice familière à l’intérieur de laquelle il aura à faire tous ses engendrements intérieurs. L’homme doit prendre conscience de la nécessité de ces enfantements intérieurs et ce ne sera que lorsqu’il acceptera les paliers successifs par lesquels il a à passer, qu’il deviendra vraiment homme.
Entrer dans ces matrices successives, c’est entrer dans des matrices d’épreuves, douloureuses ou non, selon que nous ayons pénétré dans des plans de conscience qui nous feront comprendre ce qui se passe. Et même si l’expérience devait être difficile et douloureuse, petit à petit nous accéderons à de nouvelles terres symboliquement, nous entrerons dans une intelligence plus vécue, plus profonde des événements. Nous ne donnerons plus le même poids à nos épreuves, parce que quelque part, en nous, quelqu’un sait ce qui se passe. Ces matrices vont donc être liées à la qualité de notre espace-temps intérieur.
Lorsque la lettre MEM est venue se présenter devant le Saint-Béni-Soit-Il, Celui-ci l’avait renvoyée parce qu’elle préside au mot Melek, le Roi, et qu’il ne fallait surtout pas qu’elle quitte sa place, car elle assumait là une des plus hautes fonctions. En effet, qu’est-ce que le Roi ? C’est atteindre cette royauté que nous sommes, car nous sommes tous des rois dans la profondeur de notre être, la seule royauté juste étant la royauté intérieure. Nous avons actuellement à de rares exceptions près, abattu les rois extérieurs, sans pour autant avoir été capables de chercher le roi intérieur. Nous n’avons plus de structures extérieures et pas encore de structures intérieures. Il est plus que temps que nous mettions au monde ce roi intérieur pour atteindre notre royauté. A ce moment alors nous toucherons la vraie Réalité (Réel = Roi), nous l’expérimenterons et nous la vivrons totalement. En ce moment nous vivons une petite réalité qui n’a rien à voir avec la vraie.
Si nous mettons à l’intérieur du mot Maïm la lettre Reich, nous obtenons le nom de Myriam, Marie pour nous, nom d’une très grande beauté parce que formé par le mot Maïm. Myriam est celle qui fait en son nom la jonction du MI et des épousailles du Roi. C’est dans ce sens là que la Vierge est essentiellement mère, ce qui nous aide à comprendre l’apparente opposition de la virginité et de la maternité, notion qui n’a rien d’intellectuel et qu’on ne peut approcher qu’à travers cette réalité là. C’est la Vierge d’Israël, celle qui attend l’époux, le Roi, et qui va pouvoir mettre au monde le Yod.
Les épousailles archétypales sont des épousailles du père et de la fille. Epouser le père, c’est épouser la source. Ce n’est que lorsque l’humanité, chacun de nous, hommes ou femmes, aura mis au monde le Yod, qu’elle pourra épouser le père. A ce niveau archétypal l’enfantement précède le mariage.
Le nom Adam contient tout une alchimie, puisque ED que nous avons vu avec le Aleph et le Daleth au début de la Genèse, représente la vapeur, l’eau. C’est l’énergie. Et avec le mot DEM, nous avons le sang qui, lui, avec des maternités successives se transforme en esprit, en porteur d’esprit, l’homme doit devenir cet esprit, ce porteur de lumière. C’est l’A profilé dans le nom d’Adam.
Prenons à présent le mot DAMAH, la ressemblance. L’homme est créé à la ressemblance et à l’image de Dieu. Le MEM est au milieu de ce mot, il en est le cœur. Or par ces engendrements successifs l’enfant à sa naissance ressemble à son père et à sa mère par la loi même du sang. Mais ce qui nous intéresse, ce n’est pas cette ressemblance, mais celle avec son père et sa mère archétypales. L’homme créé à l’image et à la ressemblance a toutes les énergies nécessaires pour y atteindre, c’est-à-dire pour entrer dans les épousailles intérieures. Et c’est cette loi du sang qui préside au départ, qui est porteur de l’esprit. Ce sang va permettre à l’homme de passer de la famille à la famille de l’esprit, chacune de ces familles ayant un temps différent. Et quand la famille par la chair n’est plus très synchronique, l’être cherche sa famille par l’esprit. Et il va passer par des matrices successives jusqu’à atteindre la ressemblance parfaite.
Au moment où Elie monte sur la montagne — Elie est un des hommes les plus proches de son devenir Yod-Hé-Vov-Hé — il cherche à écouter la voix divine. C’est très important, car celui qui entend, qui écoute, parle. Celui qui entend le Divin devient parole divine, devient Verbe. Et quand Elie monte sur le Mont Horeb il y a d’abord un tremblement de terre. La voix de Dieu n’était pas dans le tremblement de terre. Il y eut alors un grand vent. La voix de Dieu n’était pas dans le grand vent. Puis il y eut des éclairs, l’orage. La voix de Dieu n’était pas dans l’orage. Et enfin, il y eut un « silence parlant » et c’est dans ce silence que Elie entendit la voix de Dieu. Et là il atteignit la ressemblance. Cette immense évolution du prophète Elie se retrouve d’ailleurs très mystérieusement dans la personne de St Jean le Baptiste. Le Christ dit de lui : « Il es cet Elie qui devait venir ». Il est le précurseur, comme l’est Elihu dans le Livre de Job, comme encore dans d’autres passages de la Bible qui sont d’une beauté extraordinaire. Et quand on ne décèle pas cela avec les lettres hébraïques et les nombres, on passe à côté. Ce « silence parlant » est encore la contradiction, car nous sommes là dans une autre dimension, celle du dépassement de la contradiction.
Revenons au mot Guimel qui s’écrit Guimel-Mem-Lamed. Le Mem est au milieu. Le chameau (Guimel) va passer par des portes successives dont la dernière est le trou de l’aiguille de l’Evangile, quand le Christ dit : « Il est plus difficile à un riche d’entrer dans le Royaume des Cieux qu’à un chameau de passer par le trou d’une aiguille ». Ce « trou de l’aiguille », est la lettre Tav, la dernière porte avant d’entrer dans le Royaume des Cieux.
Le chameau, celui qui traverse le désert, va nous faire passer de matrice en matrice et Lamed signifiant libérateur, le chameau sera celui qui nous libère en nous faisant passer ces portes successives. En même temps Guimel, avec ses deux lettres Mem et Lamed, forme le mot MOUL qui signifie circoncision. Il n’y a pas de plénitude sans circoncision, car entrer dans la matrice, c’est se circoncire, c’est accepter ses limites. Nous reverrons cela avec le nom de Joseph, Youseph. Le verbe Yaphet veut dire augmenter, alors que Soph signifie limite. On ne peut augmenter qu’en entrant dans ses limites. Le Divin se fait limite, Il entre dans la prison du temps et de l’espace pour nous libérer et plus tard Joseph d’Arimathie veillera sur les limites du tombeau.
Ne pas vouloir se limiter, c’est ne pas accepter l’engagement qui, par l’ascèse qu’il préconise, produit une maturation un enrichissement, une nourriture. Il y a naissance.
Avec le mot DAG nous sommes devant les deux lettres Mem et Lamed, 40 et 30, qui sont les homologues de Daleth, 4, et de Guimel, 3. Dag veut dire le poisson, le germe qui est la toute possibilité. En retourné, c’est le mot Gad, le toit de la maison, le fini, le contrepoint du germe. Le germe peut être comparé à la pierre de fondation qui contient la maison toute entière et qui veut aussi dire « bonheur ». C’est probablement la racine du mot latin « gobis » je me réjouis. Il n’y a de joie que s’il y a aussi finition de la maison et il n’y a finition de la maison que s’il y a, a priori la circoncision. De même que le 3, la vie, et le 4, les structures, ne doivent jamais se séparer, le 30 et le 40 ont toujours besoin l’un de l’autre. D’ailleurs ils ne se séparent pas puisqu’ils forment le mot Malek.
Malo, avec le Aleph final, veut dire « remplir ». Les deux premières lettres rendent compte de la circoncision, la dernière, le Aleph final, du couronnement, du mariage. Si on veut remplir, il faut passer par la circoncision. C’est le mot qui est employé dans la Genèse lorsque Dieu dit à l’homme non pas « Croissez et multipliez », la traduction est mauvaise, mais « croissez, multipliez-vous et remplissez la terre ». C’est le mot Malo, c’est croître, se multiplier dans tous les dons divins dont nous sommes faits, ce craquement de la grenade rouge d’où jaillit l’eau. C’est la plénitude de la connaissance.
Il est aussi intéressant de rappeler le mot « Maboul » qui veut dire « déluge », toutes ces énergies qui ne sont plus en rapport avec leurs archétypes et qui n’obéissent pas aux lois principielles. C’est la loi de la jungle. Nous sommes actuellement dans un déluge. C’est à nous de choisir si nous voulons nous laisser engloutir par les eaux ou si nous voulons construire notre arche. Et pour ce faire il faut passer par des tailles, Mem, Lamed, pour donner des fruits. Le mot BOUL, c’est la taille de l’arbre. Dieu dit : « Je ne laisserai pas mon esprit à ne rien faire indéfiniment dans ce monde, je vais commencer à travailler ce monde ». C’est le commencement du grand barattage. Les traducteurs disent : « C’est la fin de toute chair », alors qu’au contraire, c’est « l’accomplissement de toute chair approche ». Cela n’a rien à voir ni avec une fin, ni avec des malédictions. Alors choisissez, ayez confiance. Ou vous faites toutes ces épousailles avec vous-même pour entrer dans cette dimension du Divin que vous êtes appelés à devenir, ou bien vous vous laissez engloutir.
En réponse à une question : Il n’y a pas contradiction entre la nécessité d’entrer dans des matrices dans lesquelles il faut rester et le danger que représente l’installation. La notion du temps s’introduit là. Il n’y a pas d’espace sans temps, c’est la même réalité. A chaque niveau de conscience correspond un temps et à chaque niveau de conscience correspond aussi un arrêt qui va permettre d’acquérir les structures du plan de conscience suivant que nous allons avoir à atteindre en passant une porte. Mais la durée de ce temps qui va présider à cette gestation est limitée et tributaire de la qualité du plan de conscience que nous sommes en train de vivre. Il y a un moment où la naissance doit se faire. Le danger de ne pas vivre sa naissance est celui de s’installer. Sur le plan biologique l’enfant, si nous admettons qu’il ait une conscience et qu’il refuse de naître, trouvera la mort. Il est très important qu’il naisse au bout de neuf mois. S’il naît trop tôt il ne sera pas viable. C’est la même chose pour la période d’installation dans le foyer des parents. Il est nécessaire d’y séjourner un certain temps pour que les parents soient là pour aider leur enfant à passer son adolescence si difficile, et pour l’accompagner pendant cette gestation. Après quoi il devra en sortir pour passer aux gestations intérieures auxquelles va présider cette même loi. On va faire des expériences d’une qualité extraordinaire et on n’aura nullement envie d’en sortir. C’est une tentation terrible. Le temps est la loi la plus fondamentale qui soit.
François : La limite elle-même forme un espace.
A. de Souzenelle : Donc un temps. On retrouve cela dans beaucoup de mythes. Il faut dix années avant que Thésée aille affronter le Minotaure. Cela représente également une porte à passer. Il en est de même pour le séjour de Noé dans l’Arche. Lorsque la colombe qui indique le temps ne revient pas, Noé sait qu’il doit quitter l’Arche. S’il n’en sort pas, il meurt. Ce n’est que lorsqu’on a obéi à tous ces espace-temps, qu’on dépasse le temps. Et le psalmiste chante alors : « Il n’y aura plus ni jours, ni nuits (symboles de l’espace-temps), car Yod-Hé-Vov-Hé, aura rejoint la lumière à toujours ». L’homme, devenu Yod-Hé-Vov-Hé, aura rejoint les archétypes, il aura complètement dépassé la dualité espace-temps.
Il faut entrer dans la matrice pour naître. La connaissance, c’est « naître avec ». Le véritable enseignement n’est pas celui qui nous est donné de l’extérieur, c’est ce que Socrate découvrait avec la maïeutique. Nous portons la connaissance en nous, nous sommes des êtres parfaitement connaissants dans les profondeurs de notre être.
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