Bert Olivier
Les leviers de contrôle : Accepter ou fuir ?

Traduction libre 26 février 2024 Les niveaux extrêmes de contrôle qui ont été mis en évidence dans le monde entier pendant la « pandémie » n’ont rien apporté de nouveau, en principe, mais ont simplement été exacerbés. Certes, toutes sortes de justifications ont été apportées à cette intensification du contrôle, au nom de ce que Giorgio Agamben appelle […]

Traduction libre

26 février 2024

Les niveaux extrêmes de contrôle qui ont été mis en évidence dans le monde entier pendant la « pandémie » n’ont rien apporté de nouveau, en principe, mais ont simplement été exacerbés. Certes, toutes sortes de justifications ont été apportées à cette intensification du contrôle, au nom de ce que Giorgio Agamben appelle une « terreur sanitaire » dans Where Are We Now? Pourtant, le « contrôle », en tant que motif central des sociétés modernes, a été connu et identifié comme tel par plusieurs penseurs dans le passé, tels que Gilles Deleuze et le duo de théoriciens critiques Michael Hardt et Antonio Negri.

Dans un essai relativement court — « Post-scriptum sur les sociétés de contrôle » (October, Vol. 59, Hiver 1992, pp. 3-7) — Deleuze expose brillamment comment, depuis l’étude généalogique de Michel Foucault sur les modes de punition dans les sociétés occidentales (Surveiller et punir, 1995), ces dernières ont imperceptiblement fait la transition vers des « sociétés de contrôle ». Foucault a révélé la nature « disciplinaire » de ces sociétés, en identifiant des exemples architecturaux spécifiques dans lesquels elle s’est incarnée.

La prison « panoptique », où l’idéal est la surveillance constante et ininterrompue des détenus, en est la forme la plus évidente, mais comme il l’a souligné, les usines, les écoles et les hôpitaux partagent tous ce caractère « carcéral ». La « société carcérale » se caractérise par la réduction des corps humains à la docilité, selon laquelle ils sont économiquement productifs et politiquement passifs.

L’époque que nous vivons présente toutes les caractéristiques des sociétés de contrôle, qui ont succédé aux sociétés disciplinaires, mais à un niveau d’intensité qui étonnerait probablement même Deleuze, s’il vivait aujourd’hui. Selon Deleuze, les « sociétés de contrôle » représentent une étape supplémentaire dans la réduction de l’homme à une condition d’impuissance face aux modalités de son contrôle, mais cette fois de manière beaucoup plus subtile que dans la société carcérale décrite par Foucault. Dans le « Post-scriptum », il écrit, avec un degré étonnant de prescience, que les « nouvelles forces qui frappent à la porte » sont sur le point d’évincer les institutions identifiées par Foucault (p. 4),

sont les sociétés de contrôle, qui sont en train de remplacer les sociétés disciplinaires. Le contrôle est le nom que Burroughs propose pour désigner le nouveau monstre, un monstre que Foucault reconnaît comme notre avenir immédiat… Il n’est pas nécessaire d’invoquer ici les extraordinaires productions pharmaceutiques, l’ingénierie moléculaire, les manipulations génétiques, bien qu’elles soient appelées à entrer dans le nouveau processus. Il n’est pas nécessaire de se demander quel est le régime le plus dur ou le plus tolérable, car c’est à l’intérieur de chacun d’eux que s’affrontent les forces libératrices et asservissantes. Par exemple, dans la crise de l’hôpital comme milieu d’enfermement, les cliniques de quartier, les hospices et les garderies pourraient d’abord exprimer une nouvelle liberté, mais ils pourraient aussi participer à des mécanismes de contrôle qui égalent les plus durs des enfermements. Il n’y a ni à craindre ni à espérer, mais seulement à chercher de nouvelles armes.

One Flew Over the Cuckoo’s Nest de Ken Kesey, filmé et réalisé par Milos Forman, avec Jack Nicholson dans le rôle mémorable de R.P. McMurphy, peut servir de dramatisation convaincante du « confinement le plus dur » auquel Deleuze a fait allusion plus haut. Parler de confinement nous rappelle, bien sûr, le confinement à la maison lors des fermetures pour cause de pandémie.

Mais il y a aussi la perspective des modes de confinement spatial que le FEM a prévu pour le reste de l’humanité, à savoir les « villes de 15 minutes », promues par l’idée apparemment inoffensive de réduire l’utilisation des voitures énergivores pour (« lutter contre le changement climatique », bien sûr…) et de marcher partout à l’intérieur d’un espace circulaire ou carré délimité par des frontières, où il faudrait 15 minutes pour marcher d’un côté à l’autre. Très séduisant. Sauf que, ce qu’on ne vous dit pas, c’est qu’une fois tout cela mit en place, ces barrières deviendraient des limites contrôlées électroniquement, au-delà desquelles on ne pourrait pas aller sans une sorte de laissez-passer électronique. En d’autres termes, il s’agirait d’un camp de concentration à ciel ouvert.

Dans son essai sur les sociétés de contrôle, Deleuze mentionne une anticipation étonnamment précise de ces villes de 15 minutes de la part de son ami et collègue Félix Guattari. En quoi cette projection anticipée de Guattari est-elle troublante (p. 7) ?

Félix Guattari a imaginé une ville où l’on pourrait quitter son appartement, sa rue, son quartier, grâce à sa carte électronique (dividuelle) [de « diviser » B.O.] qui ouvre une barrière donnée ; mais la carte pourrait tout aussi bien être rejetée un certain jour ou entre certaines heures ; ce qui compte, n’est pas la barrière, mais l’ordinateur qui suit la position — licite ou illicite — de chaque personne et effectue une modulation universelle.

Si l’on considère que ce texte a été publié au début des années 1990, il témoigne d’un remarquable degré de prescience. La prescience permet de se préparer à ce qui arrive, mais il est tout aussi important de tirer des leçons rétrospectives de ce qui a été imposé à la société. Naomi Wolf, par exemple, fait preuve d’une grande perspicacité quant à la nature et à l’efficacité des mesures de contrôle introduites au cours de la « pandémie » de Covid, qui ont fait appel à des « avancées » technologiques auxquelles d’autres totalitaristes n’avaient pas eu accès plus tôt. Dans The Bodies of Others (p. 200), elle écrit :

En fait, dans le sillage de Covid, le monde entier est devenu une plateforme numérisée appartenant à six entités qui peuvent être activées et désactivées à volonté.

Alors que le passeport vaccinal permet aux gouvernements d’exercer un contrôle beaucoup plus important sur les individus, résolvant ainsi le problème de la liberté d’action des citoyens dans une société libre, il résout pour les entreprises technologiques le problème de la protection de la vie privée des utilisateurs en ligne.

Quant aux dirigeants qui trahissent actuellement leur pays en pensant qu’ils auront toujours une place à la table de ces élites technologiques, ils se trompent lourdement. Tout comme les dissidents qui osent défier cette situation, ils peuvent eux aussi être déconnectés d’une simple pression du doigt. L’apprentissage automatique peut scanner les médias sociaux et déconnecter les commentateurs, les journalistes, les médecins et même les technologues dissidents.

Les réseaux peuvent être déconnectés. Disparus.

Les chaînes d’approvisionnement peuvent être désactivées. Disparues.

Les personnalités peuvent être déconnectées. Le 4 septembre 2021, Candace Owens a été informée par le directeur d’un site de test Covid à Aspen, dans le Colorado, qu’elle ne pouvait pas subir un test Covid en raison de « qui elle est ».

Des populations entières peuvent être déconnectées.

En 2021-22, la liberté a été perdue par le biais de passeports vaccinaux en Europe, au Canada, en Australie, en Israël et dans de nombreux États des États-Unis, sans qu’aucun coup de feu n’ait été tiré.

Dans son livre plus récent, Facing the Beast, elle va plus loin en rappelant à ses lecteurs le plus grand obstacle, aux États-Unis, au contrôle total auquel aspirent les technocrates néo-fascistes d’aujourd’hui (p. 121) :

En 2021 et 2022, alors que les lumières s’éteignaient partout en Europe — et en Australie, et au Canada — par le biais des confinements, de passeports vaccinaux et du contrôle forcé des mouvements, du commerce et de l’éducation de personnes autrefois libres, la dernière chose qui nous permettait de rester libres en Amérique était, oui, le deuxième amendement.

Wolf reconnaît que le chapitre, dans lequel elle se rappelle avec regret avoir été « une enfant du mouvement pacifiste » et avoir donc toujours considéré les armes à feu avec méfiance et aversion, revient à « repenser le deuxième amendement » (titre du chapitre), étant donné les circonstances historiques modifiées dans lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui, non seulement en Amérique, mais partout où nous chérissons la liberté sous toutes ses formes variées.

Et il n’est pas difficile de convenir avec elle que la large possession d’armes à feu en Amérique est un obstacle indéniable pour ceux qui aimeraient les retirer à leurs propriétaires, simplement parce que ceux qui, parmi ce dernier groupe, sont devenus conscients des motifs méprisables des néo-fascistes s’opposeraient probablement aux agents de ces dictateurs en puissance.

Plus loin dans le même chapitre (p. 127), Wolf reconnaît que, même s’il est facile de choisir son amendement « préféré », dans son cas le premier, il incombe d’accepter la Constitution américaine dans son intégralité, ce qui inclut le deuxième amendement. Cette conviction est renforcée par le fait qu’elle connaît aujourd’hui des gens qui ont des armes et qui ne correspondent pas aux stéréotypes qu’elle connaissait plus jeune. Manifestement, Mme Wolf a compris que les temps ont changé et qu’à des exigences historiques différentes correspondent des responsabilités et des devoirs différents.

Je dirais que le premier et le deuxième amendement doivent être lus ensemble, dans la mesure où leur fonction combinée est ce qui a empêché l’Amérique d’être un autre champ ouvert pour qu’un dictateur comme Justin Trudeau puisse se déchaîner (à l’exception de l’Alberta, au Canada, bien sûr, où la Première ministre, Danielle Smith, a pris une position déterminée contre les excès fascistes de Trudeau).

Toutes ces réflexions me rappellent un essai écrit, il y a des années, par un étudiant inscrit à un cours de philosophie politique, sur la manière soutenue dont les Juifs allemands ont été désarmés par les nazis avant d’être expédiés dans les camps de la mort. Cela me rappelle constamment que, même si l’on est opposé à la violence armée — et je le suis certainement —, la possession responsable d’une arme à feu est une condition préalable à la capacité de se défendre, en particulier dans les moments difficiles, comme le dit l’adage.

En Afrique du Sud, où je vis, le gouvernement de l’ANC (qui est de mèche avec le FEM) a rendu aussi difficile que possible la possession d’armes à feu, mais nombreux sont ceux qui en possèdent encore. Je m’attends à ce que les soi-disant « autorités » intensifient leurs efforts pour désarmer les citoyens à l’avenir. Un ami australien m’a dit que le désarmement des citoyens avait été largement couronné de succès dans son pays, à son grand désavantage. Après tout, dans les sociétés de contrôle, la possession d’une arme à feu est un anachronisme, quelque chose qui date d’une époque où le genre de choses identifiées et anticipées par Deleuze n’avait pas encore atteint le niveau d’un étranglement de la liberté des citoyens.

Pour en revenir à l’essai visionnaire de Deleuze, il convient de noter que, deux décennies avant que Hardt et Negri (dans Declaration) ne désignent le « sujet endetté » comme l’une des figures de la subjectivité créées par le néolibéralisme — les trois autres étant le sujet « médiatisé », « sécurisé » et « représenté » (nous y reviendrons dans un prochain article) —, le penseur français avait déjà anticipé le rôle que joue la dette dans le contrôle de la vie des gens. Il écrit (Postscript, p. 6) :

Le marketing est devenu le centre ou l’« âme » de l’entreprise. On nous enseigne que les entreprises ont une âme, ce qui est la nouvelle la plus terrifiante au monde. Le fonctionnement des marchés est désormais l’instrument du contrôle social et forme la race impudente de nos maîtres. Le contrôle est à court terme et à rotation rapide, mais aussi continu et sans limite, alors que la discipline était de longue durée, infinie et discontinue. L’homme n’est plus un homme enfermé, mais un homme endetté. Certes, le capitalisme a conservé comme constante l’extrême pauvreté des trois quarts de l’humanité, trop pauvres pour la dette, trop nombreux pour l’enfermement…

Deleuze était loin d’anticiper le génie maléfique des Central Bank Digital Currencies (CBDC ; Les devises numériques des banques centrales) — l’extension du contrôle par la dette, incarnée par ces CBDC — dont Naomi Wolf, se référant au « passeport vaccinal » dans lequel les CBDC seraient incorporées, a écrit (dans The Bodies of Others, p. 194) : « En bref, il s’agissait de quelque chose d’inéluctable. S’il y avait une colline où mourir, c’était bien celle-là ».

Il est difficile d’imaginer pourquoi les gens seraient prêts à accepter les CBDC ou les « passeports-vaccinaux », et pourtant j’ai parlé à plusieurs personnes qui se sont moquées de ma suggestion d’accumuler autant d’argent que possible dans un endroit sûr pour le moment où les CBDC seront introduites, de peur qu’elles ne soient forcées d’accepter leur propre asservissement.

Comme ils sont généralement déconcertés par cette suggestion, je leur explique qu’en étant liés à une entité abstraite entièrement contrôlée par l’IA selon un algorithme qui ne leur laisse aucune liberté dans la manière dont ils dépensent ces entités numériques — qui, après tout, ne seraient pas de l’« argent », qui est privé —, ils seraient en fait esclaves du « système ». Le système « saura » toujours comment ils ont dépensé, ou veulent dépenser, ces « dollars » numériques, et sanctionnera certains achats tout en en bloquant d’autres.

Ils peuvent toujours, bien sûr, décider de se retirer du « système », s’ils sont prêts à être « exclus de la société », comme l’a tristement dit Bill Gates à propos de ceux qui refusent la prison numérique que les néo-fascistes ont construite pour le reste de l’humanité. Je le ferais certainement, mais je pense que la plupart des gens sont trop immergés dans les médias sociaux et les moyens techniques pour y séjourner — généralement un smartphone et, bien sûr, l’internet — pour prendre cette mesure radicale.

Pour moi et ma compagne, ce ne serait pas si difficile, car nous vivons dans une petite ville au milieu de montagnes majestueuses (où nous passons une bonne partie de notre temps), et nous pouvons être autonomes dans cette ville, avec l’aide et la bonne volonté de nos amis. Bien sûr, écrire pour Brownstone me manquerait, mais si le prix à payer pour être à nouveau « autorisé » à accéder à l’internet est de prendre une dose-caillot (clot-shot), je sais quel choix nous ferions.

Ce choix est guidé par la différence entre le célèbre « choix de l’agresseur » de Jacques Lacan et le « choix du révolutionnaire » (pardonnez-moi si vous l’avez déjà lu). Le premier se lit comme suit : « Votre argent ou votre vie », et représente une situation perdante/perdante, car, dans les deux cas, vous perdrez quelque chose. Le choix du révolutionnaire, en revanche, se lit comme suit : « La liberté ou la mort », et instaure une situation gagnant/gagnant, car si l’on meurt au cours d’une lutte juste contre un oppresseur génocidaire, on meurt en tant que personne libre. Et ni ma partenaire ni moi ne vivrons jamais dans la dystopie que l’on nous prépare. Mais ils doivent d’abord réussir, bien sûr, et je doute qu’ils y parviennent.

Texte original : https://brownstone.org/articles/levers-of-control-accept-or-flee/