Christophe Morin
Les psychédéliques, le soi et l’effondrement des hypothèses matérialistes

Les hypothèses matérialistes ignorent ou rejettent souvent le rôle de la conscience dans le développement de l’activité cérébrale, affirme le Dr Christophe Morin de l’université Johns Hopkins. La neuroplasticité nous oblige à reconsidérer cette omission. Le cerveau ne se contente pas de réagir ; il se réorganise en fonction de l’intention, de l’attention et du comportement. Des études sur la pleine conscience et la guérison des traumatismes démontrent que de nouvelles voies neuronales peuvent se former lorsque les individus modifient leurs schémas de pensée et leurs croyances. Ces changements ne sont pas anodins : ils suggèrent que l’esprit, et la conscience qui le sous-tend, est une force causale, affirme le Dr Morin.

Une brève introduction

Christophe Morin, PhD, est maître de conférences à l’université Johns Hopkins. Il est également un neuroscientifique pionnier, conférencier et auteur connu pour intégrer les neurosciences à la sagesse spirituelle afin de libérer le potentiel de changement de l’esprit humain. Il est le créateur du cadre OPEN, un modèle neurospirituel révolutionnaire conçu pour aider les individus à surmonter le stress, l’anxiété, la dépression, l’addiction et les traumatismes (SADAT) et à atteindre des états de conscience, de fluidité et d’épanouissement durables. Le Dr Morin est titulaire d’un doctorat en psychologie des médias avec une spécialisation en neurosciences et a passé plus de 30 ans à étudier la manière dont les gens prennent des décisions, guérissent et se transforment. Il est coauteur du livre acclamé « The Persuasion Code », basé sur des travaux novateurs en neuromarketing, et s’est ensuite intéressé à la guérison et au potentiel humain à travers ses livres « OPEN » (2024), « OPEN UP » (2025) et « The Serenity Code » (2021).

Les hypothèses matérialistes ignorent ou rejettent souvent le rôle de la conscience dans le développement de l’activité cérébrale, affirme le Dr Christophe Morin de l’université Johns Hopkins. La neuroplasticité nous oblige à reconsidérer cette omission. Le cerveau ne se contente pas de réagir ; il se réorganise en fonction de l’intention, de l’attention et du comportement. Des études sur la pleine conscience et la guérison des traumatismes démontrent que de nouvelles voies neuronales peuvent se former lorsque les individus modifient leurs schémas de pensée et leurs croyances. Ces changements ne sont pas anodins : ils suggèrent que l’esprit, et la conscience qui le sous-tend, est une force causale, affirme le Dr Morin.

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Pendant une grande partie de ma carrière scientifique, j’ai travaillé au sein du cadre matérialiste dominant. Selon cette vision, la conscience n’est rien de plus qu’un sous-produit de la complexité neuronale, une propriété émergente de l’activité biochimique du cerveau. Dans ce paradigme, l’esprit est simplement ce que fait le cerveau. En tant que psychologue des médias et neuroscientifique de formation, c’est le paradigme que j’ai hérité et enseigné pendant des décennies. Ce n’est que lorsque mon expérience directe est entrée en collision avec la théorie que j’ai commencé à voir les failles.

Des années de recherche sur la neuroplasticité, de travail immersif avec des psychédéliques et de quête spirituelle m’ont obligé à reconsidérer ces fondements. Aujourd’hui, je considère la conscience non pas comme quelque chose que le cerveau produit, mais comme quelque chose à quoi le cerveau participe. Ce changement a non seulement façonné mes derniers livres et mes travaux académiques, mais a également inspiré le développement d’une pratique transformatrice appelée le modèle OPEN, qui combine la neuroscience avec la réflexion rituelle et spirituelle.

Dans cet essai, je soutiens que les psychédéliques, la neuroplasticité et la pratique intentionnelle offrent des preuves convaincantes d’un nouveau paradigme, qui réclame la conscience comme champ fondamental et organisateur de la réalité. Il ne s’agit pas d’un rejet de la science, mais d’une intégration plus large de son champ d’application.

L’édifice chancelant du matérialisme

Le matérialisme a bien servi la science. Il a permis des progrès médicaux qui sauvent des vies et une meilleure compréhension des systèmes physiques. Mais il a atteint ses limites, en particulier dans l’explication de l’expérience subjective. Le « problème difficile de la conscience », célèbre formulation du philosophe David Chalmers, reste entier : comment l’activité cérébrale donne-t-elle naissance à l’expérience vécue, notre monde intérieur fait de pensées, d’émotions et de sens ?

Plus important encore, les hypothèses matérialistes ignorent ou rejettent souvent le rôle de la conscience dans la formation de l’activité cérébrale elle-même. La neuroplasticité remet en question cette omission. Le cerveau ne se contente pas de réagir ; il se réorganise en réponse à l’intention, à l’attention et au comportement. Des études sur la pleine conscience et la guérison des traumatismes démontrent que de nouvelles voies neuronales peuvent se former lorsque les individus modifient leurs schémas de pensée et leurs croyances [1]. Ces changements ne sont pas anodins. Ils suggèrent que l’esprit, et la conscience qui le sous-tend, est une force causale.

Si le cerveau peut être reconfiguré par une conscience concentrée, alors nous n’avons plus affaire à un système en boucle fermée. Nous avons affaire à un modèle relationnel dans lequel l’esprit et la matière interagissent, mais ne sont pas réductibles l’un à l’autre.

Les psychédéliques et le domaine de l’esprit

Les substances psychédéliques, telles que la psilocybine, le LSD et l’ayahuasca, compliquent encore davantage le modèle matérialiste. Sous leur influence, les individus rapportent régulièrement des changements profonds dans leur identité, leur perception et leur perception du sens. Parmi les thèmes récurrents, on retrouve la dissolution de l’ego, un sentiment d’unité avec toute forme de vie et des rencontres avec ce qui est décrit comme des « intelligences supérieures » ou des énergies archétypales [2].

Ces expériences sont souvent rejetées comme des hallucinations. Mais cette position ignore à la fois leur cohérence à travers les cultures et les bienfaits psychologiques durables qu’elles produisent. Des études menées par des institutions telles que l’université Johns Hopkins et l’Imperial College London ont montré qu’une seule séance psychédélique peut entraîner une réduction durable de la dépression, de l’anxiété et des comportements addictifs [3].

Si les psychédéliques perturbaient simplement le fonctionnement normal du cerveau, pourquoi entraîneraient-ils ensuite une plus grande cohérence et un plus grand bien-être ? Une explication plus plausible est qu’ils permettent d’accéder à des aspects plus larges de la conscience, des couches de l’esprit qui sont généralement filtrées par notre ego éveillé. Le réseau par défaut du cerveau (DMN) a été décrit comme une sorte de « gardien neuronal » [4]. Les psychédéliques calment temporairement le DMN, suspendant ainsi l’ego, un processus qui permet une prise de conscience élargie et une intégration plus profonde des contenus émotionnels non résolus.

Ce que nous appelons « états modifiés » pourrait en fait être plus proche de la conscience de base, avant qu’elle ne soit restreinte par le conditionnement culturel et les systèmes de filtrage du cerveau.

La conscience comme principe premier : un modèle non matérialiste

Ces découvertes soutiennent l’idée que la conscience n’est pas générée par le cerveau, mais qu’elle est accessible à travers celui-ci, voire incarnée en chacun de nous. Ce point de vue s’aligne sur l’idéalisme philosophique, qui postule que l’esprit est le substrat fondamental de la réalité. Il fait également écho aux interprétations quantiques qui suggèrent que l’observation (ou la conscience) joue un rôle dans la formation de la réalité [5].

Le neuroscientifique Mario Beauregard soutient depuis longtemps que l’esprit ne peut être réduit à la seule activité cérébrale et que les expériences spirituelles ont des corrélats neuronaux réels sans pour autant être réductibles à ceux-ci [6]. De même, le physicien James Glattfelder affirme que la conscience peut être mieux comprise à travers le prisme de la théorie de l’information, où l’expérience subjective émerge de schémas profonds de significations relationnelles encodées, bien au-delà des capacités des modèles purement mécanistes [7].

Comme l’ont fait valoir Bernardo Kastrup et d’autres, considérer la conscience comme le fondement — plutôt que comme une propriété apparue tardivement — résout bon nombre des incohérences logiques des modèles actuels [8]. Si le cerveau s’apparente davantage à un récepteur ou à une interface pour la conscience, alors les connaissances accessibles grâce aux psychédéliques et aux états modifiés ne sont pas des anomalies ; elles sont des aperçus du champ plus vaste dont nous sommes issus.

Ce changement a des conséquences pratiques. Il nous encourage à considérer la souffrance psychologique non seulement comme un dysfonctionnement cérébral, mais aussi comme une déconnexion d’un champ de cohérence plus profond. La guérison n’implique donc pas seulement la réduction des symptômes, mais aussi la reconnexion à soi-même, au sens, à ce que certaines traditions pourraient appeler l’âme.

OPEN : un cadre pour la transformation neurospirituelle

Afin de traduire ces connaissances dans la vie quotidienne, j’ai développé le modèle OPEN, un système pratique qui aide les individus à élever leur conscience et à reconnecter leur cerveau grâce à des rituels intentionnels [9]. Ce modèle s’articule autour de trois aspects du soi : le primal (le corps et l’instinct), le rationnel (la pensée et la logique) et le spirituel (le sens et la transcendance).

Chacun de ces aspects peut être équilibré grâce à des rituels ciblés. Les rituels primaux comprennent le mouvement, la respiration et les pratiques d’ancrage. Les rituels rationnels impliquent l’écoute de musique, la lecture d’histoires, l’apprentissage et l’expression créative. Les rituels spirituels peuvent inclure la prière, la méditation et les substances enthéogènes. Ces pratiques ne sont pas symboliques. Ce sont des outils neurospirituels qui modifient la structure du cerveau en agissant sur les champs émotionnels et énergétiques du pratiquant.

En tant que scientifique et praticien, je ne prétends pas que ces rituels « prouvent » des vérités métaphysiques. Ce qu’ils démontrent, de manière répétée, c’est qu’une action cohérente et intentionnelle peut remodeler l’architecture neuronale et narrative du soi. J’ai personnellement observé plus de 1 000 participants à de tels rituels qui ont fait état d’une résilience accrue, d’une plus grande stabilité émotionnelle et d’un sentiment de cohérence dans leur vie. Il ne fait aucun doute que ces changements sont mesurables et reproductibles.

Mais ils indiquent également quelque chose de plus profond : le soi n’est pas une identité fixe, mais une interface fluide entre la conscience et la forme. À travers le rituel, nous participons au déploiement de cette interface. Nous devenons à la fois auteurs et observateurs de notre propre émergence.

Vers un champ unifié de la conscience

Je crois que nous nous approchons d’un nouveau paradigme, qui intègre la rigueur empirique de la science et la profondeur introspective de la pratique contemplative. Il ne s’agit pas d’un retour au mysticisme, mais d’une reconquête de ce que la science visait à l’origine : décrire la réalité telle qu’elle est, et non telle qu’elle apparaît à travers un prisme limité.

Un modèle unifié de la conscience ne nécessite pas d’abandonner la rationalité. Il nécessite de l’élargir. Il implique de laisser place à l’expérience, au mystère, à la possibilité que la conscience elle-même précède la forme. Il nous invite à considérer la guérison non seulement comme un rétablissement, mais aussi comme un souvenir, celui de qui nous sommes vraiment au-delà du conditionnement.

C’est l’invitation des psychédéliques. C’est le message de la neuroplasticité. Et c’est la pratique d’OPEN : non pas échapper à soi-même, mais s’ouvrir couche après couche, rituel après rituel, jusqu’à ce qu’il ne reste plus un objet, mais un champ. Pas un nom, mais une connaissance.

Texte original publié le 25/07/2025 : https://www.essentiafoundation.org/psychedelics-the-self-and-the-collapse-of-materialist-assumptions/reading/

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1. Davidson, R. J., & McEwen, B. S. (2012). Social influences on neuroplasticity: Stress and interventions to promote well-being. Nature Neuroscience, 15(5), 689–695.

2 Griffiths, R. R., Richards, W. A., McCann, U., & Jesse, R. (2006). Psilocybin can occasion mystical-type experiences having substantial and sustained personal meaning and spiritual significance. Psychopharmacology, 187(3), 268–283.

3 Carhart-Harris, R. L., & Goodwin, G. M. (2017). The therapeutic potential of psychedelic drugs: Past, present, and future. Neuropsychopharmacology, 42(11), 2105–2113.

4 Carhart-Harris, R. L., et al. (2012). Neural correlates of the psychedelic state as determined by fMRI studies with psilocybin. Proceedings of the National Academy of Sciences, 109(6), 2138–2143.

5 Rosenblum, B., & Kuttner, F. (2011). Quantum Enigma: Physics Encounters Consciousness (2nd ed.). Oxford University Press.

6 Beauregard, M., & O’Leary, D. (2007). The Spiritual Brain: A Neuroscientist’s Case for the Existence of the Soul. HarperOne.

7 Glattfelder, J. B. (2019). Information—Consciousness—Reality: How a New Understanding of the Universe Can Help Answer Age-Old Questions of Existence. Springer.

8 Kastrup, B. (2019). The Idea of the World: A multi-disciplinary argument for the mental nature of reality. Iff Books.

9 Morin, C. (2025). OPEN: A Neurospiritual Guide to the Life You Want. Honolulu, Hawaii: Depth Insights Press.