René Fouéré
Liberté et amitié : caricatures et réalités

Quand on sait qu’un acte est malsain, dangereux pour son auteur, et pas seulement pour lui, on ne saurait aider cet auteur, même sous prétexte de lui être agréable — et avec l’insidieuse arrière-pensée de se concilier ses bonnes grâces — à y persévérer, à s’y asservir, s’y enliser. Ce n’est pas manifester, se donner une vraie liberté ; c’est contribuer, socialement, à donner un mauvais exemple, c’est se faire le complice d’un esclavage, d’un désordre générateur de morts et de graves souffrances.

(Extrait de La révolution du Réel, Krishnamurti, Édition Le Courrier Du Livre 1985)

Quand on sait qu’un acte est malsain, dangereux pour son auteur, et pas seulement pour lui, on ne saurait aider cet auteur, même sous prétexte de lui être agréable — et avec l’insidieuse arrière-pensée de se concilier ses bonnes grâces — à y persévérer, à s’y asservir, s’y enliser.

Ce n’est pas manifester, se donner une vraie liberté ; c’est contribuer, socialement, à donner un mauvais exemple, c’est se faire le complice d’un esclavage, d’un désordre générateur de morts et de graves souffrances.

La liberté, ce n’est pas l’irresponsabilité, ce n’est pas le mépris, fût-il inconscient, de la santé ou de la vie d’autrui.

C’est pourquoi j’ai écrit que « l’amitié véritable, l’amitié digne de ce nom, ne saurait être une entreprise d’applaudissement mutuel et inconditionnel ». Une amitié sincère, qui veut la grandeur morale et la santé de son objet, ne saurait, fût-ce par son silence, l’encourager à persévérer dans des attitudes, des actes, qui l’abaissent et qui, avec le temps, lui seront nuisibles. Sinon, ce seraient ses ennemis qui, en lui faisant prendre conscience de ses limitations, de ses asservissements, deviendraient, en fait, ses vrais amis !

Si quelqu’un s’est adonné, en imitant de mauvais exemples, à une manie stupide et dangereuse, nous n’avons pas à l’encourager à persévérer dans sa manie, son esclavage.

Se borner à faire plaisir, ce n’est pas profondément aimer. Il n’y a de liberté que dans cette intelligence qui n’est pas l’habileté intellectuelle.

La liberté d’imiter l’esclavage d’autrui, en risquant d’y tomber soi-même, ne peut pas être une véritable liberté, mais sa caricature. L’imitation est ou devient un exemple social dont nous prenons, à notre insu, la lourde, l’inhumaine responsabilité.

C’est une étrange liberté que celle qui aide ceux que l’on dit aimer à persévérer dans le coûteux esclavage auquel ils se sont laissés aller.

C’est aussi, au nom d’une imitation qui se veut accueillante, faire ce dont on n’a vraiment ni besoin ni envie. C’est s’imposer une contrainte subtile.

Ce n’est ni intelligent ni naturel.

La liberté, c’est accomplir quelque chose de tout son être, avec tout son cœur, sans hésitation ni contrainte. C’est faire ce qui, venant du plus profond de nous-même et nous exprimant totalement, emplit la totalité de notre présent. L’action véritable n’est pas une indulgente imitation : elle jaillit de nous spontanément et irrésistiblement. Elle n’est qu’un autre nom de notre intelligence de nous-même et du monde. Elle n’a pas d’opposé. Elle est accomplie pour l’amour d’elle-même.

27 juin 1982