L’observation spirituelle par Martin Ratte

La clé de l’immobilité est donc de prendre conscience de notre incapacité à être immobile. Il faut savoir se dire : « Je ne sais pas comment faire ! ». Ensuite, à partir de cette immobilité, peut-être saurons-nous nous observer. Cela dit, quand bien même cette observation ne surgit pas après l’atteinte de cette immobilité, sachez que cette dernière est déjà quelque chose d’extraordinaire. Être immobile face à soi-même, face à ses vécus, signifie qu’on les accepte.

S’observer est une action. Peut-être, me direz-vous, mais dans le même souffle vous serez tenté de me demander : De quel type d’action parlons-nous lorsqu’il est question d’observation ? Beaucoup diront que s’observer est une action de type mental, du même genre que l’action de réfléchir, d’imaginer, de douter, etc. Dans cet article, je remettrai en question l’idée que l’observation soit un acte mental. En fait, non, permettez-moi déjà de me corriger : une observation d’ordre mental est certainement possible — c’est même la seule que la plupart des gens connaissent —, mais ce n’est pas ce genre d’observation qui m’intéressera dans cet article. S’observer en un sens vraiment significatif, en un sens vraiment radical, n’a rien de mental ! Cette observation non mentale est aussi une action, mais d’un type particulier : je la qualifierais de spirituelle. En quoi consiste cette observation spirituelle et en quel sens se distingue-t-elle d’une observation d’ordre mental ? C’est à ces deux questions que j’essaie de répondre dans la première partie de cet article. Dans la deuxième partie, je discute de l’une des caractéristiques de cette observation spirituelle, à savoir que la personne qui observe de cette manière est grandement intéressée, pour ne pas dire passionnée, par ce qu’elle observe. À l’occasion de cette discussion, j’en profite pour dénouer ce qui m’a toujours semblé être une contradiction dans le discours des très rares personnes qui ont connu un véritable Éveil spirituel. Très souvent, ces personnes nous disent qu’il faut s’intéresser à ce que l’on fait et aussi qu’il ne faut rien rechercher du tout, être immobile. Ces deux « injonctions » m’ont toujours semblé contradictoires, jusqu’à tout récemment, car je crois enfin avoir compris ce qu’elles signifient vraiment. Ensuite, dans la troisième partie de cet article, je m’applique à montrer qu’il est absurde d’entreprendre de se contrôler afin de parvenir à cet état d’observation spirituelle. Cette observation nous touche d’elle-même, sans que nous ayons fait quoi que ce soit pour y arriver. Enfin, dans la quatrième et dernière partie de cet article, je m’interroge sur l’une des conditions de possibilité de l’observation spirituelle : l’immobilité intérieure.

1. Qu’est-ce qu’une observation spirituelle (ou non mentale) ?

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une observation de type mental ? Toute activité mentale repose sur la mémoire ou sur ce que l’on connaît. Par exemple, lorsque je réfléchis, je me base sur mes connaissances, ou lorsque je m’imagine des choses, mes actes d’imagination se basent sur des souvenirs, des images ou des fragments d’images stockées dans ma mémoire. Ainsi, une observation, si elle est d’ordre mental, reposera, elle aussi, sur la mémoire. De quelle manière cette observation aura-t-elle recours à la mémoire ? Supposons que je me rends au Louvre et qu’un tableau en particulier se présente dans mon champ de vision. Quelle réaction aurai-je devant ce tableau ? Je réagirai en lui appliquant très rapidement un concept ou une idée. Je me dirai « Oh, mon Dieu, la Joconde ! ». J’aurai alors reconnu cette toile de De Vinci. Ensuite, si je veux l’observer, je me laisserai guider par le concept que je lui ai appliqué ou par des idées que j’ai à son sujet. C’est ainsi que si mon concept de la Joconde me dit qu’elle a un très beau sourire et un très beau regard, j’observerai son sourire et son regard1. Mon observation sera donc guidée par mes concepts et mes idées. Mais ces concepts et idées sont tirés de ma mémoire et de mes connaissances. Donc, une observation d’ordre mental se laisse guider par ce qui est connu, par des idées issues de notre mémoire. C’est précisément ce recours à la mémoire qui fait d’elle un processus mental.

L’observation spirituelle, en revanche, ne se rapporte pas à la mémoire. Lorsque j’observe de cette façon, je ne me fais aucune idée de ce qui est devant moi. J’ouvre simplement les « yeux », sans avoir d’idée sur ce que je verrai, et je m’ouvre à ce qui est là, sous le regard. Autrement dit, je m’ouvre à l’inconnu, en ce sens que mon acte d’observation ne sera pas dirigé par quelque chose de connu, tiré de ma mémoire, mais qu’il constituera au contraire un grand saut sans repères pour le guider, ce qui en fait effectivement une ouverture à l’inconnu. Ensuite, n’allez pas croire qu’après ce saut dans l’inconnu, je vais m’empresser d’appliquer du connu — des idées — sur ce que je perçois. Non, si l’on observe spirituellement, on se maintient dans cet inconnu, en ce sens qu’on ne fait pas intervenir nos connaissances. Vous me direz sûrement qu’à défaut de concepts et d’idées, ce que j’observerai n’aura pas grand sens — n’est-ce pas nos concepts qui donnent du sens à ce que l’on voit ? Eh bien, non, en se maintenant dans l’inconnu, l’essence des choses se révèle, et l’essence des choses détient un sens infiniment plus riche (et plus beau) que celui de nos concepts et idées. L’observation spirituelle nous ouvre donc à ce royaume des essences.

Comment une telle observation, une observation spirituelle, est-elle possible ? Je dois vous l’avouer, je ne me sens pas vraiment apte à répondre à cette question. Je me demande même s’il est justifié de vouloir chercher un « comment » à l’observation spirituelle. Une chose est sûre, cependant : cet acte ne vient pas de moi. Pourquoi cela ? Parce que le moi est au centre du mental, en quelque sorte son chef d’orchestre. Si le temps me le permettait, je serais même prêt à soutenir qu’il est lui-même une simple connaissance, mais bon, dans cet article, je n’engagerai pas mes réflexions dans cette direction. Pour les discussions à venir, toutefois, retenez surtout ceci sur le moi : Il ne peut pas faire fi de sa mémoire et de ses connaissances ; toute son activité est basée sur celles-ci. Par conséquent, il doit être exclu d’une observation spirituelle, puisque cette dernière, avons-nous vu, se fonde sur un retrait de la mémoire. Donc, dans une observation spirituelle, puisqu’il n’y a pas de moi ou d’observateur, il n’y a pas de séparation entre un observateur et ce qui est observé : Il n’y a que l’observation de l’observé, et non pas un moi qui observe ceci ou cela (l’observé). Dit très succinctement, l’observation spirituelle est non duelle.

Mais si ce n’est pas moi qui pose cet acte d’observation, qu’est-ce qui en est responsable ? Est-ce mon âme qui est à l’origine de ce geste d’observation ? Peut-être, mais je dois vous avouer que je n’ai jamais été amené à rencontrer mon âme, si tant est qu’une telle « chose » que l’âme existe vraiment. En tout cas, on peut au moins être certain de ceci : une énergie unique nous visite pour être capable de nous observer de cette manière. Qu’est-ce qui invite en nos esprits cette énergie ? Comme on l’a dit plus tôt, la mémoire et le mental bloquent la possibilité de cette observation. Ainsi, par ce retrait du mental et de la mémoire, la porte est un peu plus ouverte pour l’entrée en scène de cette énergie et de cette observation.

Je viens de parler d’un mental qui se retire pour faire de la place à l’observation spirituelle. Que faut-il comprendre par « un mental qui se retire » ? Un esprit dont le mental est en retrait est un esprit immobile. C’est que le mental existe à travers ses activités. Par exemple, réfléchir, imaginer, douter, tout cela sont des formes d’activité. Il n’y a rien qui soit immobile dans le mental. En fait, même lorsque le mental décide d’être immobile, il pose une action : il se représente cette immobilité et il agit afin de la réaliser. Et une fois que cette soi-disant immobilité est atteinte conformément à ses plans, il pose encore des actions, celles de se surveiller et de maintenir cette pseudo-immobilité. Tout cela pour vous dire que si l’esprit est vraiment immobile, le mental se sera retiré. Ainsi, comme nous avons dit que le retrait du mental était nécessaire à l’observation spirituelle, il s’ensuit que l’immobilité est une condition nécessaire à l’action de s’observer spirituellement. Cette immobilité est-elle difficile à réaliser dans nos esprits ? Absolument, elle peut être très difficile à réaliser, mais je n’en dirai pas plus sur le sujet pour l’instant ; nous y reviendrons un peu plus tard. En attendant, j’aimerais prendre le temps de faire une précision sur cette immobilité intérieure. 

Être immobile intérieurement ne signifie pas que l’on est sans émotion et sans aucune activité intérieure. Certaines de nos activités intérieures, dont celles qui correspondent à notre activité émotionnelle, sont inévitables. Ces activités inévitables dans nos esprits sont celles qui surgissent en nous de manière automatique. Par exemple, une émotion surgit sans que je le veuille ou le décide, ce qui revient effectivement à dire qu’elle surgit automatiquement. Être immobile intérieurement, c’est ne pas réagir à cette activité automatique et émotionnelle. Plus précisément, dans cette immobilité, je ne réagis pas â mon émotion en essayant de la fuir, s’il s’agit d’une émotion négative, ou en essayant de la maintenir ou de la retenir, s’il s’agit d’une émotion positive, comme de la joie. Nous pourrions également dire ceci : en étant immobiles, nous ne cherchons rien, ni à fuir ce qui est difficile à vivre ni à maintenir ce qui est plaisant à vivre. Pour en savoir plus sur cette immobilité ou non-réactivité par rapport à soi, j’invite le lecteur à lire mon article publié dans le blog du 3e millénaire et intitulé La liberté intérieure. Cette immobilité intérieure continuera de nous occuper un peu plus loin. Pour l’instant, revenons à l’observation spirituelle.

2. Une observation très intéressée

Sur cette observation, on peut ajouter ceci : elle se caractérise par un réel désir de voir ce qui se présente, contrairement à l’observation de type mental, qui n’est pas habité par un tel désir. En effet, dans une observation mentale, ce que je veux voir, c’est non pas ce que j’observe, mais quelque chose qui correspond à l’idée guidant mon acte d’observation. Ainsi, dans cette observation, je m’intéresse davantage à mon idée qu’à ce qui se présente là sous le « regard ». Et à l’inverse, l’observation spirituelle est vraiment intéressée par ce qui est observé. À preuve, dans cette observation, je ne guide pas mon « regard » en direction de ce que j’imagine ou me représente, mais je me jette plutôt dans l’inconnu à la rencontre de ce qui est là en face. Un tel élan vers les choses ou vers soi témoigne d’un véritable intérêt à leur égard.

Avec ce que je viens de dire, je crois avoir dénoué ce que je voyais, il n’y a pas si longtemps, comme une contradiction dans les paroles de personnes que je considère comme ayant atteint l’Éveil spirituel. L’un de ces très rares « sages », Virgil Hervatin, me disait souvent : « Martin, tu ne t’intéresses pas à toi et au monde, voilà pourquoi tu ne vois rien ! », et une minute plus tard, il ajoutait qu’il ne faut rien rechercher. Si je ne me trompe pas, Krishnamurti tenait des propos similaires lors de ses entretiens et de ses rassemblements. Pour ma part, en entendant ce genre de paroles, je ne pouvais que me sentir perdu : s’il faut ne rien rechercher, c’est que rien non plus ne devrait susciter mon intérêt ; et si je m’intéresse à quelque chose, je vais aussi rechercher cette chose. Donc, les paroles susmentionnées de Virgil et de Krishnamurti m’ont toujours semblé incohérentes, jusqu’à tout récemment… Je m’explique. Tout d’abord, nous avons vu que l’observation spirituelle se caractérise par un réel intérêt pour soi et le monde. Donc, lorsque Virgil me disait que je ne m’intéresse pas à moi et au monde, il se référait sûrement à cette observation. Il me disait que si je m’étais intéressé à moi, vraiment à moi, je me serais observé en ce sens spirituel. Mais alors, comment comprendre son autre parole, lorsqu’il m’encourageait à ne rien rechercher — en quelque sorte, à me désintéresser de tout ! Je crois que Virgil m’encourageait par ses paroles à ne rien rechercher mentalement, à ne pas avoir d’intérêt d’ordre mental. Un intérêt de ce type, je le rappelle, n’est pas un intérêt réel porté aux choses ou à soi. Dans ce genre de recherche ou d’intérêt, on s’intéresse plus à l’idée que l’on se fait du monde (ou de soi) qu’au monde lui-même (ou qu’à soi-même). C’est de cette recherche-là que Virgil m’invitait à me défaire. Autrement dit, il m’invitait à l’immobilité, puisque cette absence de recherche mentale correspond précisément à l’immobilité. Ainsi, ses deux « injonctions » en apparence contradictoires étaient en fait complémentaires, car nous avons vu plus tôt que c’est en restant immobile, ou en ne cherchant plus rien, que l’on peut ensuite poser un acte d’observation spirituelle tout empreint d’intérêt.

3. Une observation incontrôlable

Après avoir esquissé dans ce qui précède les grands traits d’une observation spirituelle, il serait intéressant de montrer que celle-ci ne peut en aucune façon se produire si nous essayons de contrôler son apparition.

Tout d’abord, que se passe-t-il dans mon esprit si je me contrôle pour faire quelque chose ? De toute évidence, je me représente ce « quelque chose » comme mon but, et je pose des gestes qui, je l’espère, me permettront de l’atteindre. Notez aussi ceci : mon but me guidera pour que je pose les bons gestes. Cela étant dit, quel sera mon but si je me contrôle pour m’observer ? Évidemment, ce sera celui de m’observer. Je me représenterai donc ou me ferai une idée de l’observation, et cette idée va guider les « gestes » que je vais poser pour atteindre mon objectif — de m’observer ! Mais n’avons-nous pas dit que l’observation spirituelle n’était pas fonction d’une idée, qu’aucune idée ne guidait cette observation ? Oui, nous l’avons dit très souvent. Donc, tel qu’affirmé plus haut, aucun contrôle de l’observation spirituelle n’est possible. Ainsi, comme aucun contrôle n’a sa place ici, l’observation spirituelle s’empare de nous sans crier gare et dans n’importe quelles circonstances : au boulot, en marchant en nature ou en ville, dans un souper entre amis, en travaillant, en se relaxant, etc. Et si, dans vos vies, il s’avère qu’un endroit ou une période de la journée se prête plus souvent que d’autres à l’observation spirituelle, ce ne sera pas parce que vous l’aurez voulu, mais parce que cette énergie d’observation vous touche plus souvent dans ce genre de circonstances. Pourquoi se donne-t-elle plus souvent dans ces circonstances que dans d’autres ? Je n’en ai aucune idée.

4. Sur l’immobilité intérieure

Nous avons discuté dans la première partie de cet article de l’importance de l’immobilité intérieure eu égard à l’observation spirituelle. Rappelons très rapidement pourquoi cette immobilité est cruciale pour s’observer spirituellement : cette observation spirituelle est non mentale ; or, le retrait du mental se produit précisément à travers un état d’immobilité. Cette immobilité est donc nécessaire pour cette observation. Cela est hors de tout doute. Certes, mais suffit-il d’être immobile pour s’observer spirituellement ? Autrement dit, du simple fait que je suis immobile, découle-t-il nécessairement que je m’observe spirituellement ? Peut-être que non ; peut-être que d’autres facteurs doivent s’ajouter à cette immobilité. Donc, l’immobilité pourrait bien ne pas être une condition suffisante pour l’observation spirituelle, mais nous savons au moins qu’elle en est une condition nécessaire. Mettons donc toutes les chances de notre côté et tâchons d’être immobiles. Hélas, cette immobilité est très difficile à réaliser. Pourquoi cela ? Parce que si je décide d’être immobile, je tire de ma mémoire une idée de l’immobilité et je mets tout en œuvre pour réaliser cette idée. Or, cette idée, comme toutes les idées, est en décalage avec la réalité. Autrement dit, ce que je pense de l’immobilité a très peu à voir avec l’immobilité réelle. Ainsi, lorsque, mentalement, je vais m’appliquer à réaliser en mon esprit mon idée de l’immobilité, cela n’aura rien à voir avec une immobilité réelle. Dans ces conditions, comment être immobile — réellement immobile ?

Je crois que l’on peut être immobile si l’on se rend compte qu’il n’est pas possible de l’être. Et que nous ne puissions pas être immobiles, cela est évident : ayant une nature mentale, nous ne savons qu’agir, le mental étant toujours en activité, en train de rechercher ceci ou cela. Certes, mais si je comprends qu’il m’est impossible d’être immobile, que vais-je faire ? Mais… je ne ferai plus rien en vue d’être immobile. Je serai donc immobile — oui, immobile !!! Le mental se sera tu, non pas parce que je me serai fait une idée de l’immobilité et que j’aurai essayé de réaliser cette idée, mais tout simplement parce que devant la prise de conscience de mon incapacité et de mon impuissance, j’aurai été mis hors-jeu ou hors circuit.

La clé de l’immobilité est donc de prendre conscience de notre incapacité à être immobile. Il faut savoir se dire : « Je ne sais pas comment faire ! ». Ensuite, à partir de cette immobilité, peut-être saurons-nous nous observer. Cela dit, quand bien même cette observation ne surgit pas après l’atteinte de cette immobilité, sachez que cette dernière est déjà quelque chose d’extraordinaire. Être immobile face à soi-même, face à ses vécus, signifie qu’on les accepte. En effet, si j’accepte quelque chose, je ne suis pas porté à agir sur cette chose, et à l’inverse, si je ne me sens pas porté à agir sur quelque chose, je l’accepte. Or, cette acceptation est porteuse d’une grande paix et d’une grande joie. Donc, même si le vent de l’observation ne nous emporte pas après qu’on lui a ouvert la porte, nous aurons gagné une grande paix et une grande joie, celles de l’acceptation.

Conclusion

Dans cet article, j’ai défendu l’idée d’une observation spirituelle. Cette observation n’est pas guidée par une idée de ce qu’il faut observer, mais elle est un véritable saut sans repères : un saut dans l’inconnu. Un tel saut dans l’inconnu témoigne d’un intérêt réel pour ce qui est observé. Cette observation peut me toucher n’importe quand. Ce n’est pas moi qui fais quelque chose pour la faire surgir dans mon esprit. Autrement dit, je ne peux me contrôler pour m’observer. Cela supposerait que je me fais une idée de l’observation, et que mon acte d’observation tente de correspondre à cette idée. Cette observation, dirigée ou guidée par cette idée, ne serait pas un saut dans le vide et l’inconnu. Alors, « comment » l’observation spirituelle, ce saut dans l’inconnu, vient-elle ? Elle vient seulement si l’on est immobile, si le mental s’est tu. Comment cette immobilité est-elle possible ? En réalisant que nous ne pouvons absolument pas être immobiles ! Mais nous avons aussi vu que cette immobilité n’était peut-être pas suffisante pour faire naître cette observation. Que faut-il, au-delà de cette immobilité, pour s’observer spirituellement. ? Je n’en sais rien. En réalité, à mes yeux, cette observation relève de la grâce, et la grâce ne s’explique pas. Maintenant, vous me direz, à quoi bon s’observer ? S’observer n’est-il pas un peu inutile ? À cela, je réponds que les fruits de l’observation sont multiples. Nous en avons vu trop peu dans cet article, mais le suivant ne peut pas être passé sous silence : la compassion. D’abord, en observant et en écoutant notre vie plutôt que d’y réagir, nous apprenons à la connaitre de très près, intimement. Or, notre vie est celle de l’humanité. L’observation de soi nous permet donc de rencontrer l’humanité. De cette rencontre naît la compassion.

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1 Il est évidemment possible que je ne connaisse rien de la Joconde. Lorsque je verrai ce tableau, j’aurai alors peut-être à l’esprit le concept de tableau, voire tout simplement celui d’objet. Ce sera alors à l’aulne de ces concepts ou de ces idées que je guiderai mon observation.