Annik de Souzenelle
L’arbre de vie 8 : Le dernier étage

Mais pour arriver à cette vision ultime, il va falloir passer par des expériences qu’expriment les mains qui sont la connaissance, non pas intellectuelle, mais celle du vécu, de celui qui va nous obliger à descendre dans les ténèbres de nos profondeurs. Bien des mythes vont reprendre le thème de la cécité, dont celui d’Œdipe dont nous avons déjà parlé et qui, sous la plume de Sophocle est devenu moralisant, perdant sa signification profonde.

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(Revue Panharmonie. No 174. Novembre 1978)

Le titre est de 3e Millénaire

Compte rendu de la rencontre du 8.6.1978

La dernière réunion avant les vacances termine l’étude de l’Arbre des Séphiroth entreprise par Annik de Souzenelle depuis deux ans. Quoique, dit-elle, cette étude ne se termine jamais.

Des auditeurs tardifs s’étaient joints aux anciens, obligeant notre oratrice à revenir rapidement sur l’étude du corps tel que nous le révèle l’Arbre des Séphiroth et tout au long  de ce « corps divin les étages et les symboles de notre élévation spirituelle. Arrivés à la dernière étape et ayant franchi « la Porte des Dieux », nous commencerons aujourd’hui à analyser le visage qui se situe à ce niveau, et notamment le nez, après avoir parlé la dernière fois de la bouche, de l’oreille et des dents.

C’est dans ce troisième étage que nous allons trouver l’unité reconquise. Dans les étages inférieurs nous étions dans la dualité, dans le conflit des structures, résolus par le mariage des deux pôles au sommet du deuxième étage.

Au niveau du nez nous pouvons voir l’image d’une sexualité bipolarisée du féminin et du masculin et une reconduction directe de l’organe mâle, reconduction que nous trouvons aussi dans la colonne vertébrale, elle aussi symbole phallique. Nous avons construit cette colonne vertébrale, vertèbre par vertèbre, en prenant soin de n’en sauter aucune, pour petit à petit réaliser un détachement des deux pôles de la dualité, ce qui fait dire à toutes les traditions que deux énergies se contractent, s’opposent et s’épousent.

Ce n’est pas par hasard que nous avons deux narines, ce qui fonctionnellement ne serait pas nécessaire. Le pranayama témoigne de leur utilité par des techniques respiratoires qui vont faire état de chaque narine séparément, chacune ayant son rôle particulier.

Un passage du Cantique des Cantiques souligne notre propos :

« Ton nez est comme la Tour du Liban

« qui regarde du côté de Damas.

« Ta tête est levée comme le Carmel

« et les cheveux de la tête sont comme la pourpre. »

La racine Cren du mot Carmel veut dire vigne, cet important symbole, et aussi jardin, ce qui nous ramène dans l’Eden reconquis, faisant contrepoint avec la sortie d’Adam de l’Eden. La Sulamite du Cantique des Cantiques retrouvant son Bien-Aimé, n’est personne d’autre que l’humanité retrouvant son âme perdue, tandis que la pourpre rejoint celle dont nous avons parlé, notamment au sujet du rouge de la gueule.

Tour, en hébreu, se dit Miguedal, mot magnifique dont découle le nom « Madeleine », Marie de Magdala, Magdala étant la tour. Le mot « grandeur » est également tiré de Miguedal, la grandeur, une des énergies reconquises, ainsi que Megued, le meilleur. A l’intérieur de Miguedal, il y a gad, qui correspond aux nombre 3 et 4, auxquels le Saint, béni soit-il, dit : « Vous ne présiderez pas à la création du monde, mais vous avez une vocation plus haute encore, celle de ne jamais vous séparer, parce que, ensemble, vous êtes plus forts que tout. » Et, en effet, le 3 et le 4 sont la réunion symbolique de la loi et des structures. Or le 4, les structures n’est rien sans le 3, la loi et le 3 n’est rien sans les structures. C’est dans leur juste rapport que se trouve la justesse qui va présider à notre accomplissement.

Beaucoup d’autres choses pourraient encore être dites de ce mot « Gad ». « Damas » en hébreu Damascheq, contient le mot « Qadosh » , le Saint, et qui, en même temps veut dire « prostituée ». Ces symboles, si intéressants, des mots hébraïques, montrent qu’avec les mêmes énergies (puisque chaque lettre est une énergie) on peut être soit le saint, soit la prostituée. Dans les profondeurs c’est la même réalité. Car, qu’est-ce que le saint ? C’est celui qui rencontre le véritable époux. Et qu’est-ce que la prostituée ? C’est nous tous en tant que nous nous donnons à un faux-époux, quand nous donnons un absolu à une réalité immédiate qui nous arrange ou qui nous comble. Ce sont les veaux d’or que chacun de nous a caché quelque part en soi.

Alors ce nez, cette tour qui regarde du côté de Damas, c’est l’érection de l’être qui regarde du côté de la sainteté, c’est-à-dire du côté du véritable époux. Un autre aspect de ce mot, en retournant les trois lettres, est « Queshed », qui rend compte de l’amande, symbole de la réalisation totale. Nous avions déjà trouvé à la base de la colonne vertébrale ce petit os symbolique, imputrescible qui correspond à la terre sur laquelle repose l’échelle de Jacob, qui s’appelle Luz et qui signifie aussi amande. Lorsque Jacob a vu cette échelle, il a lui aussi commencé à construire sa colonne vertébrale qui, symboliquement représente le peuple d’Israël par rapport au monde. Débaptisant cette terre le lendemain en partant, il l’appelle Bethel. Théoriquement il emporte avec lui le potentiel de lumière et d’immortalité.

Nous retrouvons l’amande avec les amygdales, ces deux petites amandes situées au niveau de notre verbe, et nous retrouvons tout ce potentiel divin de notre qualité de verbe au niveau du nez avec la floraison de l’amandier, de la floraison de l’être achevé, quoique rien ne soit vraiment achevé et que d’autres étapes nouvelles, que nous ne connaissons pas, vont toujours plus loin. L’amandier est aussi présent dans le mot Damas et ce n’est pas par hasard que Saint Paul va être saisi par la sainteté sur le chemin de Damas. C’est la ville qui conduit à la sainteté et c’est la ville qui va connaître aussi la plus grande prostitution, puisque c’est la même essence et que tout dépend de la façon dont nous allons le vivre.

Nous continuons à citer le Cantique des Cantiques dans la description des jours :

« Les jours sont comme un parfum d’aromates,

« comme une couche de plantes odorantes… »

Nous sommes là dans ce qui correspond à notre odorat immédiat, mais aussi à l’étage des senteurs. « L’odeur de sainteté » si ridiculisée en Occident, est pourtant une réalité. Nous émanons tous une certaine odeur liée à notre qualité intérieure. Et plus nous nous purifions (au sens ontologique et non au sens moral du terme), plus notre odeur se transforme, de même que nos vibrations gagnent en luminosité. Les hommes très évolués dans leur devenir, savent parfaitement le reconnaître, parce qu’ils captent des plans beaucoup plus subtils. Les animaux aussi le sentent et les petits enfants y sont sensibles.

Cette qualité d’odeur nous allons la retrouver, la reconquérir au fur et à mesure de la croissance de notre Arbre. Les Chrétiens parlent de l’odeur de l’homme avant le péché, Saint Isaac le Syrien mentionne l’odeur d’Adam avant la chute. C’est cette odeur que certainement reconnaissaient les animaux sauvages qui venaient lécher les pieds des Chrétiens qui leur étaient livrés dans les arènes. Et certainement, si l’animal percevait cette « odeur de sainteté » il n’aurait plus peur et le plus féroce vivrait à côté de l’animal qu’habituellement il dévore. Parce que nous transfigurons la création en nous transfigurant nous-mêmes.

Le monde est très différent de celui que nous croyons voir. Nous n’en apercevons que la carcasse. Nous vivons dans une toute petite mesure de notre réalité et nous nous défendons par la force, par l’agression.

Les joues sont donc des parterres d’aromates, ce sont les fleurs de notre être.

Passons rapidement au symbolisme des yeux. Ils sont en particulier la répétition des mains. C’est à l’Aigle, au regard perçant qu’ils sont aussi liés, c’est cette vision perçante que nous avons à atteindre pour découvrir les cieux. Le mot hébreu Avin rend admirablement compte de l’œil, il veut aussi dire « la source ». Ce n’est; donc pas la vision immédiate qui intéresse les Hébreux, mais celle des origines, de ce noyau divin que nous sommes. « Si tu ne te refais pas germe, tu n’entreras pas dans le Royaume des Cieux », dit Jésus. Mais pour arriver à cette vision ultime, il va falloir passer par des expériences qu’expriment les mains qui sont la connaissance, non pas intellectuelle, mais celle du vécu, de celui qui va nous obliger à descendre dans les ténèbres de nos profondeurs. Bien des mythes vont reprendre le thème de la cécité, dont celui d’Œdipe dont nous avons déjà parlé et qui, sous la plume de Sophocle est devenu moralisant, perdant sa signification profonde.

Nous allons étudier aujourd’hui le mythe de Tobie qui est exactement la même démarche. Tobie en hébreu, c’est Tobihou, c’est le nom de Yod-Hé-Vov-Hé, du Tétragramme, sauf qu’un des Hé est remplacé par Tob. Tov, c’est le bien dans l’arbre de la connaissance de la dualité, faussement appelé le bien et le mal. C’est le parfait qu’il va falloir vivre dans la dualité, et la rupture du parfait pour passer à un plus que parfait. Toujours ces cycles qui vont se détruire les uns les autres, pour aller toujours plus loin dans notre réalité foncière.

Et Annik de Souzenelle nous conte l’histoire de Tobie qui, dans son nom inscrit l’expérience déjà conquise, mais qui maintenant doit faire la démarche de la ténèbre. Comme Job il est un homme parfait et comme Job il va vivre un retournement de ce parfait pour aller plus loin. La ténèbre est symbolisée par sa cécité. Son histoire est liée à celle de Sarah, jeune fille qui vit bien sagement dans sa famille et qui a été fiancée sept fois. Mais chaque fois qu’un de ses fiancés successifs entre dans la chambre nuptiale, il meurt. Sans se connaître, Tobie et Sarah prient Dieu afin d’être délivrés de ces fléaux de la cécité et de ces démons qui tuent les époux et qui ne sont rien d’autre, que les énergies non encore épousées et que l’être va affronter par des épousailles dans la descente des profondeurs de la forge et par la purification par le feu que nous trouvons au niveau de Tiphereth.

Tobie a conscience qu’il va mourir, mais il croit que ce sera la mort physique. Et c’est pourquoi il envoie son fils qui s’appelle aussi Tobie, recouvrer une dette contractée envers lui par un certain Gabelus. Tobie, sans qu’il ne le reconnaisse, est guidé dans son voyage par l’Archange Raphaël, accompagné d’un chien. Tobie et l’Archange, c’est Œdipe guidé par Antigone, le Dante accompagné par Virgile, Saint Bernard et Béatrice.

La première nuit ils dorment au bord de la mer. Tobie allant se laver les pieds voit surgir ce « Dag Hagadol », ce gros poisson, déjà rencontré avec Job, duquel, sur l’ordre de l’Archange Raphaël (Raphaël en hébreu veut dire : je guéris), il va tirer le foie, le fiel et le cœur, car ces trois organes vont être des remèdes remarquables, en particulier pour guérir la cécité. La deuxième nuit, où vont-ils dormir ? Ils frappent à la porte de Sarah. « C’est une de tes cousines, dit le guide à Tobie, tu vas avoir à l’épouser ». L’Archange lui ayant raconté le sort des sept époux, dit à Tobie de ne pas craindre, car Sarah est sa femme dans les profondeurs, c’est sa féminité en lui, c’est sa ténèbre qui devient lumière. Et pour cela il lui faut affronter les démons. Tobie passe trois nuits dans la chambre de l’épousée, le mariage est consommé car, sur le conseil de l’Archange Raphaël, Tobie avait brûlé le cœur du poisson. Il en était sorti une fumée qui avait emporté les démons de Sarah « que l’Archange avait enchaînés dans le désert d’Egypte. » Ce texte est très mystérieux ! Sont-ils des énergies retournées par le mariage de Sarah et de Tobie ? Ces sept maris symbolisent les sept purifications qui étaient celles de Sarah et de Tobie, dépôts d’une seule réalité, Tobie, le huitième époux porte le nombre huit, celui de la résurrection, et aussi de la barrière, de l’épreuve.

Pendant qu’a lieu le mariage, l’Archange Raphaël va recouvrer la dette à la place de Tobie. Ce sont symboliquement les dettes de l’humanité envers le Père et qui sont soldées à ce moment-là. Gabelus, d’ailleurs veut dire en hébreu ce qui est limité et ce qui est limité devient illimité par le mariage du Créateur avec sa Création, par le mariage de l’Aimé avec l’Aimée, la rencontre de chacun de nous avec son centre.

Gabelus est invité à partager le repas de noce. Nous retrouvons là le même symbole que celui du repas de noces des Evangiles. Toute la petite équipe retourne alors chez Tobie, le père, et là l’Archange Raphaël invite le jeune Tobie à déposer sur les yeux de son père le fiel du poisson. C’est toute la symbolique du recouvrement de la lumière qui ne peut se faire que quand on a vécu le plus amer. Mais la vue de Tobie recouvrée n’est plus la même que celle d’avant, car il s’agit à présent de la vision du Ciel ouvert et, à ce moment-là, il reconnaît l’Archange Raphaël dont il ne peut supporter l’éclat et devant lequel il se prosterne. L’archange lui dit : « Paix à vous », il les bénit et il part.

Dans l’oreille qui résume le corps tout entier puisqu’elle a la forme d’un germe, il y a un point très précis qui correspond à cette vision du « troisième œil » qui se trouve dans toutes les traditions. Nous pouvons aussi faire le rapprochement avec la Licorne dont la corne unique a sa racine au niveau de cet œil frontal. La Licorne rend compte de la force contenue dans la corne, force que nous allons maintenant retrouver dans les cheveux. C’est cette force qui transperce le ciel, tous les cieux et qui nous y fait pénétrer.

Zeus va épouser Métis en l’avalant. Métis c’est la sagesse. Dans l’Arbre des Séphiroth la Sagesse, Hochmah, est la dernière énergie avant la couronne. Ayant ressenti des douleurs au niveau de la tête, le dieu fait appel à Héphaïstos qui va forger la hache d’or avec laquelle il va fendre le crâne de Zeus. Pallas Athénée va naître et sort du front de son père toute casquée de lumière et d’or. Elle symbolise l’androgyne reconquise.

Il est intéressant de noter que le Dr Chauchard a fait des coupes du cervelet et que ces coupes donnent l’image frappante de feuilles de chênes. De nos jours encore, le cervelet est appelé par la médecine : « l’Arbre de Vie ». Il semblerait que le cervelet joue par rapport au cerveau tout entier, le rôle que joue la tête par rapport au corps.

Il se fait à ce niveau-là un travail que nous ignorons totalement, mais qui, petit à petit, allant vers des temps où nous découvrirons en nous nourrissant de l’Arbre de Vie, toutes nos possibilités, nous allons pouvoir devenir des hommes, des hommes que nous ne sommes pas encore, puis des dieux. Adam, lorsqu’il fut digne de retourner en Eden, reconquit en même temps le chemin de l’Arbre de Vie.

Ce que je peux vous dire, c’est que nous avons au niveau du cerveau deux glandes, l’épiphyse et l’hypophyse. On sait que cette dernière préside à la sexualité. L’épiphyse est beaucoup moins connue, mais on est en train de découvrir qu’elle joue un très grand rôle dans les expériences de conquête des plans supérieurs. Nous retrouvons donc là les deux pôles de la sexualité, celui de la sexualité d’origine primaire et la sexualité des hauteurs.

Pour terminer nous allons encore parler du couronnement. Nous retrouvons la corne et la couronne, non celle de la Licorne, mais celle double des animaux qui figure aussi les cornes de la Lune et qui s’identifie à la corne d’abondance. La corbeille de l’épousée dans laquelle on venait mettre des cadeaux, n’en est qu’un reflet.

Nos cheveux sont le sommet de la sexualité, ils sont nos forces. Souvenez-vous de Samson et Dalila, Dalila représente la ténèbre, il faut que les forces physiques soient coupées, pour que naissent les forces essentielles. Alors les Chinois vont dire : « Les reins fleurissent dans les cheveux », ou encore, « les cheveux prennent leurs racines dans les reins.» Cette force a grandi au fur et à mesure de la construction de nos vertèbres, elle a fleuri dans nos cheveux. Notre système pileux est un pôle d’information au même titre que les cornes chez l’animal sont des antennes.

Vous voyez que le corps est beaucoup plus qu’un objet chargé de nous véhiculer de notre naissance jusqu’à notre mort ? En prendre conscience, c’est nous aider d’un outil, dans le sens noble du mot, pour accomplir notre destin.

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