Robert Powell
Où est le Soi ? Où est l’« essence du Je (I-ness) » ?

Traduction libre Ce que tous les êtres vivants ont en commun, c’est l’expérience, et c’est elle, évidemment, qu’il faut étudier en premier lieu. Par expérience, nous entendons une certaine forme de réactivité à l’environnement, de la simple réaction d’un organisme unicellulaire comme l’amibe aux cinq organes des sens et au cortex hautement développé de l’Homo […]

Traduction libre

Ce que tous les êtres vivants ont en commun, c’est l’expérience, et c’est elle, évidemment, qu’il faut étudier en premier lieu. Par expérience, nous entendons une certaine forme de réactivité à l’environnement, de la simple réaction d’un organisme unicellulaire comme l’amibe aux cinq organes des sens et au cortex hautement développé de l’Homo sapiens.

Considérons par exemple le mécanisme de la vision. Les yeux voient une forme qui est reconnue (c’est-à-dire ressemblant à des impressions antérieures, associées à l’engramme sémantique du terme « maison »), cette information sensorielle est traitée par le nerf optique et transmise au cerveau, ce qui entraîne l’observation de celui qui regarde : « Je vois une maison », ou « là il y a une maison ».

La question à laquelle il faut maintenant faire face est la suivante : existe-t-il vraiment une réalité objective d’une « maison », d’une « vraie maison » ? L’esprit dit qu’il voit une « maison », mais c’est une « maison de la conscience ». La lumière réfléchie est collectée et focalisée par le cristallin de l’œil, ce qui donne une image inversée sur la rétine. Des cellules spécialisées situées derrière la rétine convertissent cette image en impulsions nerveuses qui descendent le long du nerf optique jusqu’au centre de vision du cerveau. À ce stade, l’image de la maison n’existe plus ; il n’y a plus que des impulsions électriques, des informations codées qui se déplacent le long des neurones. L’image de la maison doit être recréée dans le centre visuel.

Maintenant, je maintiens qu’à tout moment il n’y a pas de maison réelle — existant indépendamment de mon cerveau, ou du cerveau de quiconque, d’ailleurs. Naturellement, il en va de même pour toute observation faite par le système cerveau-organe des sens. Les implications de ce mécanisme perçu sont profondes et bouleversent radicalement le mode de pensée établi. Tout d’abord, il remet en question le point de vue traditionnel selon lequel notre existence est essentiellement de nature physique, et que notre destin repose sur le corps et est entièrement lié à celui-ci.

En suivant le chemin de la perception, nous verrons qu’un processus purement physique — une chaîne linéaire d’événements — progresse, dans lequel il n’y a ni quelqu’un qui perçoit ni de perçu. C’est un peu comme une série de boules de billard qui se passent l’impact initial de la toute première boule. Ainsi, la stimulation initiale des organes des sens — qui peut être la lumière, la chaleur, le son, la pression, le goût — est transmise au cerveau. C’est à ce stade que se produit le grand mystère : on se rend compte qu’une perception a eu lieu : « Je vois une maison », « J’entends un son », « Je sens le froid, la pression », etc. Et à cette station finale du cerveau, le mouvement physique se transforme en une expérience mentale ou ce que nous appelons « perception ». À ce stade, la conscience s’exprime, il est question d’un objet perçu, mais à aucun moment il n’y a de sujet, d’expérimentateur ou d’observateur. Seule la limitation du langage nous oblige à le croire : J’ai vu une maison, au lieu de « une maison est apparue dans la conscience », etc. Pour la même raison, il n’est pas permis de dire qu’elle est apparue dans ma conscience, car il n’y a aucune preuve que cette conscience ait des limites ou des divisions. Pour la même raison, on ne peut pas dire que c’est apparu dans ma conscience, car rien ne prouve que cette conscience ait des limites ou des divisions. Ainsi, on ne peut pas dire ma conscience ou votre conscience, car cette démarcation est basée sur le corps, et le corps lui-même est observé dans la conscience et lui est donc secondaire. Il ressort de cette enquête que le seul véritable Sujet est la Conscience ou le « JE-JE », comme l’appelait le Maharshi. Comme le dixième homme de la célèbre histoire, il est toujours négligé, mais toujours là.

Quelques autres observations pertinentes peuvent être faites ici. Premièrement, le processus linéaire décrit semble se dérouler dans le temps. L’impulsion doit parcourir une distance finie, ce qui implique évidemment un passage du temps, aussi minime soit-il. À la fin de ce processus, un événement qualitativement différent a lieu : la perception d’un objet particulier ou d’une impression sensorielle de la manière décrite, et ce dernier événement semble survenir spontanément et immédiatement, sans traitement dans le temps. Il y a d’abord un processus silencieux, pour ainsi dire ; puis, tout à coup, la perception se fait sentir de manière ostensible — c’est-à-dire de manière consciente et intemporelle. Où est le Soi ? Où est le « I-ness » ? Il n’y a rien d’identifiable en tant que tel. Ainsi, l’affirmation « Je vois une maison, j’entends un son », etc. est incorrecte et doit être rectifiée. Elle devrait être modifiée en « il y a une maison », « il y a un son », ou selon le cas. Comme Ramana Maharshi et Nisargadatta nous l’ont recommandé : Après avoir exploré la question : Qui suis-je ? On s’aperçoit qu’il n’y a pas du tout de soi ou de « je » ! Il n’y a que la Conscience, et ce que nous appelons « objets » ne sont que des constructions mentales assemblées à partir d’impressions sensorielles. Ces constructions mentales n’ont pas de réalité propre, c’est-à-dire en dehors de la conscience. Le monde est en vous, les sensations sont en vous, l’espace et le temps sont en vous. Vous êtes la source infinie de tout.