(Revue CoÉvolution. No14. Automne 1983)
La santé a toujours su capter l’intérêt des hommes parce qu’elle est la source de leur bien-être. Un corps sain et robuste, régulièrement entretenu pour certains, la stabilité affective et mentale pour d’autres, ou bien encore la culture de qualités telles que la joie, la paix intérieure, constituent, à n’en point douter, quelques-unes des multiples manières dont nous abordons quotidiennement le facteur santé.
Aux premiers l’on propose les salles d’entraînement intensif et une alimentation diététique, aux seconds l’on ouvre le large éventail des psychologies et psychiatries…, quant aux troisièmes, ceux qui savent qu’en cultivant leur jardin intérieur ils découvrent tôt ou tard leur propre source d’équilibre, leur potager de valeurs, le chemin d’une réalité profonde se dévoile à leurs yeux.
Mais qui peut se vanter d’avoir trouvé le remède adapté à son déséquilibre particulier ? Aucun homme n’étant identique à un autre, pourquoi devrait-il en être autrement des maladies qu’il véhicule et par conséquent des remèdes ?…
Non ; à chaque état de déséquilibre correspond un remède unique et adapté au moment même où le problème est évoqué. Là se situe toute la différence entre notre désir de voir la maladie disparaître et le besoin spécifique qu’a notre nature de résoudre son déséquilibre par la création, l’émergence d’un remède qui non seulement peut revêtir de multiples formes, mais qui avant tout possède la valeur d’une création : l’originalité.
Sommes-nous disposés à accueillir cette nouvelle et jeune pousse, pleine de vie, conçue, élaborée par notre nature interne en réponse à un problème particulier, ou préférons-nous chercher à l’extérieur ce qui pré-existe au problème et qui déjà porte en lui-même une sclérose due au non-renouvellement, à la non-adaptation nécessaire aux éléments et aux êtres soumis au facteur temps ?
La différence existant entre les deux attitudes prises face à la maladie est identique à celle existant entre :
— l’ignorance, qui n’est pas forcément un manque de connaissance, mais qui est un état qui se suffit à lui-même, qui ne cherche pas à se dépasser, qui n’a pas de vision future, si ce n’est celle de sa suffisance et qui de ce fait apporte la sclérose, donc la maladie et
— la connaissance qui, tout en revêtant une forme plus mentale pour certains ou plus sentie pour d’autres, n’est au fond qu’une simple attitude intérieure, un mode d’être prédisposant à percevoir la beauté de la vie qui se renouvelle sans cesse et qui reste toujours à découvrir. Accepter le rire lorsqu’il y a joie, accepter les larmes lorsqu’il y a peine, car alors le rire et les larmes sont des remèdes originaux face aux éventuelles possibilités de déséquilibres émotionnel et mental causés par une joie ou une peine refoulée.
Qui peut trouver la pleine expression de lui-même ne peut être malade, même s’il a des problèmes de santé, car il porte non pas « sur lui », mais en lui-même, sa « trousse d’urgence », Il a su en remplir progressivement les petites fioles de valeurs immortelles, en cultivant son caractère, en cultivant son intérêt pour la vie, en tournant son attention vers autrui, il s’est offert la possibilité d’être moins occupé de sa personne et de laisser les forces de sa nature s’épanouir librement vers d’autres horizons, vers d’autres visions.
Il s’est finalement offert l’opportunité de communier avec l’espace au-delà de lui, qu’il se refusait jusqu’ici de connaître. Ses bras peuvent enfin s’ouvrir vers ce qui est au-dessus, en-dessous, autour de lui, il peut investiguer l’espace qui l’entoure, embrasser le monde, l’étreindre, l’air pénètre alors dans ses poumons enfin déployés, c’est un nouveau monde qui vient de naître, un nouveau ciel, une nouvelle terre amie qui le porte. Il n’est plus le persécuté, celui qui subit le monde, mais le porteur de lumière, celui qui co-crée le monde en s’offrant au monde…
Tous les règnes vivants coévoluent dans le même univers, l’un ne peut être sans l’autre, l’un est pour l’autre un facteur d’équilibre dynamique. L’être humain a non seulement le droit, mais surtout le devoir, de découvrir sa place au sein de cet équilibre et d’y participer en toute conscience, quittant son statut de créature pour revêtir progressivement celui de créateur. C’est dans ce cadre que se place notre vision de la santé intégrale.
Catherine Gana est l’un des animateurs du Centre Navoti